Christiane Collange "Sacrées grands-mères!" aux éditions Laffont.
Le sexisme comme le racisme commence par la généralisation. C'est-à-dire la bêtise.
Cette idée qu'on puisse avoir peur à cinquante à l'heure fait la joie de mes petits-fils, eux qui t'ont encore connue au volant d'une voiture. Ils n'étaient heureusement pas à l'arrière quand tu t'es fait arrêter à quatre-vingt ans passés pour excès de vitesse !
Nous sommes sans doute en train d'assister aux toutes premières relations entre de très petits enfants et leurs aïeux – ne faudrait-il pas dire leurs ancêtres ? Les arrière-grands-parents étaient jadis une denrée rarissime dont on inscrivait les noms et prénoms sur les branches de son arbre généalogique. Parfois, des photos jaunies dans un ovale en carton permettaient de deviner une ressemblance, de trouver quelque vague air de famille avec une mariée un peu grassouillette ou un bidasse en bandes molletières, jamais revenu des tranchées de Verdun. Les ancêtres gardaient toujours l'air jeune puisqu'ils devenaient rarement vieux.
Désormais, c'est dans la proportion d'un sur quatre que les enfants connaissent, au moins pendant quelques années, un ou plusieurs grands-parents de leurs parents. Ils garderont des souvenirs étonnés de leurs rencontres avec eux. Grâce à ce contact avec leurs arrière-grands-parents, ils descendent profond dans l'intimité de leur passé, apprennent très jeunes la relativité du temps humain, vérifient et ressentent la rapidité avec laquelle le monde change.
La malédiction de Freud est venue relayer celle de la Genèse : ils n'enfantent plus dans la douleur, mais éduquent dans la culpabilité !
Surtout, ne me parlez pas du "bon vieux temps" ! La vie n'était pas bonne dans les temps anciens. Elle était terriblement dure et courte.
On ne supporte plus d'être mal mariés comme on n'accepte plus d'être en mauvaise condition physique.
Freud a dit que si l'argent ne fait pas le bonheur, c'est parce que le bonheur n'est jamais qu'un rêve d'enfant réalisé, et que les enfants ne rêvent pas d'argent.
Les femmes se racontent avec une grande spontanéité - si ce n'est toujours avec une parfaite objectivité -, les hommes fuient, feintent, divergent, digressent, esquivent. Pour les faire accoucher d'eux-mêmes, quelle douleur !
Le mythe du mariage "jusqu'à ce que la mort nous sépare" a la vie plus dure que le mariage lui-même.
Il est certes grisant, dans un premier temps de liberté, de prendre son petit-déjeuner sur le zinc et de se faire inviter à dîner chez les copains de bonne volonté, mais il vient toujours un moment où l'on voudrait rentrer chez soi. Les femmes savent mieux que les hommes garder ou refaire leur chez elle.
Certains hommes qui vous sortent ne seraient pas forcément ceux avec lesquels il fait bon rentrer.
Ca va les hommes ?, 1981