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Citations de Claire Ubac (44)


Oskar mettait fin à la conversation avec une icône de doigt levé, l'autre une icône de tête de mort. Qui a dit qu'Internet favorisait les échanges ?
(p. 56)
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"C'est un des premiers jours de ma vie; je n'ai pas encore de nom. Ma mère me donne le sein dans la cour, à l'ombre du manguier. Ses bras se crispent autour de moi. Ma tante vient de sortir de la maison; elle fouille la cour des yeux, les paupières plissées sous le soleil cru du printemps.
Ma mère implore en pensée la déesse du Foyer: "Durga, ne la laisse pas s'approcher !"
Mais la grande femme sèche se dirige déjà vers nous. Sans se donner la peine de s'accroupir, elle crie à sa belle-sœur :
- Femme de Meyyan !
Ces mots sonnent avec dédain. Ma tante, exprès, n'appelle jamais ma mère "petite sœur", comme c'est l'usage.
- Femme de Meyyan, qu'est-ce que tu es en train de faire ?
Elle siffle entre ses dents :
- Tu sais pourtant qu'il faut la laisser mourir de faim, cette merde que tu as pondue !" (Médium/L'école des loisirs - p.11)
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- Elle voulait pas que je vienne au terrain parce qu'elle a peur des voitures, c'est pour ça ! [...]
- Ouais, c'est normal, là-bas en France ils ont des bolides, alors ils rentrent leurs enfants vite fait après l'école, sinon ils finissent tous zigouillés sous les roues !
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-Par ma verrue caca d’oie, hier, prince, tu t’es moqué de moi. Beau tu étais, corbeau tu deviendras. Pendant deux cent ans, à mon service tu seras, et tu m’enseigneras l’inélégance. Et crois-moi, tu as encore de la chance !
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Farid se tait et Sélim parle, envoûté à son tour par un souvenir :
- Moi, confie-t-il, c'est ma voisine du troisième. La mère Kahina, tu la verras quand tu viendras. Sa djellaba, elle l'a sortie direct de la poubelle et sa tête, on dirait une sorcière. Elle passe son temps dans l'escalier, à marmotter entre ses dents. Il lui en reste six dans la bouche... et encore, sur les six, il y en a au moins quatre noires. Elle était devenue mon cauchemar, je croyais qu'elle jetait des sorts, avec ces mots en kabyle que je ne comprenais pas...
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Avant de connaître Saïd, Kamel et Sélim, Farid pensait que la solitude, c'est quand on n'a pas d'amis. Depuis qu'il est assailli par le Bouc, il s'aperçoit qu'il ne savait pas ce qu'est la solitude. La solitude, c'est avoir des amis tout en étant séparé d'eux. Leur parler avec l'impression que ta voix sonne faux ; bouger, jouer, rire tout en ayant l'impression de faire semblant. Te sentir honteux de les trahir parce que tu leur caches une chose importante. La solitude, c'est être malheureux sans être consolé [...]. La solitude, c'est n'avoir que des pensées menaçantes pour te tenir compagnie.
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Grâce à leur maîtresse dragonne, les monstrelets deviennent bientôt des bêtes à concours .... de sagesse !
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Ce soir le bal allait commencer. Yark était plus que jamais sûre de gagner. Surtout avec l'ignoble décoiffure que Coco était en train de finir.
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En fait, il n'est pas loin de lui en vouloir de ses cheveux blond-blanc, de ses yeux bleus et de son accent françaouïa. Si seulement son physique ne se détachait pas des autres mères d'ici. Cela lui éviterait, à lui, d'être humilié au son de l'horrible "Ouled Roumia"...
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L'attitude de Nouredine ressemble parfois à celle de ces chevreaux de quelques semaines, mi-curieux,mi-farouches.Ils viennent vers toi qui leur tends la main, puis au dernier moment font plusieurs cabrioles de côté en s'effrayant tout seuls. Deux minutes après, tu tournes le dos et ils sont de nouveau là.
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"Et soudain, chaque matin, je me retrouve dans le noir, plongée dans l'émerveillement! Certains films sont en tamoul, d'autres en hindi. Pour la première fois, j'entends d'autres femmes parler la langue de ma mère. Et quelles femmes! Toutes des beautés, en sari de soie aux couleurs exquises, subtilement maquillées, couvertes de bijoux étincelants. Elles chantent et dansent à ravir - de façon souvent provocante, il faut l'avouer - et séduisent des hommes taillés dans la même étoffe de lumière. J'en ai le souffle coupé! (Médium/L'école des loisirs - p.91)
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quant à Mybel, elle est verte. Les élèves ont boudé son travail, tout comme le prof. Je n'ai pas eu besoin de me venger. La vie s'en est chargée pour moi !
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Allongés côte à côte, Farid dans son lit et Sélim sur le matelas disposé par terre, ils examinent ensemble les fameuses questions dont ils sont les seuls au monde à se préoccuper. Parfois, ils s'aventurent sur des terrains brûlants :
- Il paraît que si tu tiens à ta femme, il faut la lécher là où tu sais.
- N'importe quoi !
- Ne ris pas, espèce d'âne. C'est mon cousin qui me l'a dit. Elles en sont folles.
- C'est dégueulasse. Jamais je ne me marierai.
- Moi non plus !
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Dresse l'oreille de ton papier, écoute l'encre silencieuse, et referme la page par-dessus.
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Le corps se traîne en limace, rêvant qu'on le déleste de ses vêtements et de sa chevelure lourde comme un serpent. Des odeurs violentes prennent le nez, parfums d'épices, senteur familière de poulailler, puanteur de fruits surs, d'urine ou de camphre. Les bruits sont vivants aux oreilles. Je commence à repérer la mélodie de la langue vietnamienne.
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Tout cela, bien sûr, je l’ai imaginé à partir de ce que maman m’a raconté. Comment une fille de dix ans pourrait-elle se souvenir de ce qu’elle était à quelques semaines ? Pourtant, il me suffit de fermer les yeux pour redevenir un tout petit bébé. Alors je sens autour de moi le rempart protecteur de mon père. Une odeur d’épices monte de sa poitrine broussailleuse. Des bras forts et tendres entourent mon corps. Une voix grave résonne, un souffle réchauffe mon oreille. Cette sensation est si forte que rien ni personne ne pourra jamais me l’enlever.
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Grand-père veille sur mon sommeil. Ma mère se rend au puits du village, ses deux jarres empilées sur la tête. À son retour, elle prend le temps de tracer à la poudre de riz, sur le sol de la cour, un dessin géométrique. Ainsi, les démons se tiendront loin du seuil.

Elle me dépose, nourrie et lavée, sur les genoux de grand-père, qui a droit à l’un de mes tout premiers sourires. Il embrasse mes menottes :

– J’avais toujours rêvé d’une petite déesse comme toi, moi qui n’ai eu que des fils !

Ma mère emporte la vaisselle dehors, la nettoie avec la cendre mêlée de sable de la rivière, pour ne pas gaspiller son eau. Elle jette des regards furtifs vers l’entrée de la cour.
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– La galette de riz n’est pas encore prête ? À quoi est-ce que tu sers, femme de Meyyan ?

– J’y vais, sœur aînée.

Mais l’autre continue :

– Femme de Meyyan et qui sait, femme de personne. S’il n’a pas de travail, il n’ose pas revenir ici. Et s’il en a un, il s’est sûrement trouvé une petite femme en ville.

Ma mère s’accroupit et mesure la farine dans l’écuelle d’argile. Sa main tremble, oui, mais de fatigue. Les calomnies à propos de mon père ne l’atteignent pas. Un sourire involontaire se dessine même sur ses lèvres. Que sa belle-sœur est stupide de penser la convaincre ainsi de supprimer son bébé !
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La « chose sans nom » que je suis survit ainsi pendant cinq semaines. C’est le père qui doit murmurer son nom à l’oreille de son enfant. Et Meyyan ne revient toujours pas de la ville, où il cherche du travail.

Ce matin-là, comme chaque matin, les jérémiades de mon cousin Selvin sortent ma mère du doux rêve où elle et mon père étaient réunis. Le fils de la maison a beau avoir cinq ans passés, il pleurniche toujours en se réveillant, au lieu de gazouiller. Il attend qu’on le nourrisse, comme ces oisillons devenus gros et gras qui ne se décident pas à voler de leurs propres ailes. Tante cobra l’élève ainsi. Elle ne le laisse pas faire un pas tout seul. Elle le bourre de gâteaux dès qu’il pousse un grognement.

Ma mère se lève malgré sa fatigue. Une fois debout, elle est prise de vertige. Elle doit rester immobile le temps que le sol cesse de tanguer sous ses pieds. Ses nuits sont courtes. Elle ne dort que d’un œil ; dès que je remue, elle me donne le sein. Ainsi je n’ai pas le temps de pleurer et d’attirer sur nous la colère de tante cobra.

Ma mère roule la natte qui lui sert de lit. Après une rapide toilette, elle prend une bouse pétrie et séchée sur la pile de celles que nous récupérons de nos buffles. Elle allume le feu, pose sur le fourneau la bouilloire de fer-blanc.

Elle tend un biberon rempli de lait à Selvin, qui l’attrape avidement. Assurée de quelques minutes de répit, Dayita se dirige vers le coin de la puja.

Là, dans une niche creusée dans le mur de terre, se tiennent les dieux de l’autel familial. Durga, la déesse du Foyer, Shiva, que ma tante invoque le plus volontiers, Ganapati, l’enfant dieu à tête d’éléphant…

La préférée de ma mère est Sarasvati, la déesse des Arts. Ma mère dépose à ses pieds la plus jolie des fleurs cueillies au jardin.

À l’école de chant, autrefois, elle la priait avec ses amies. Ces dernières lui ont offert sa statuette quand ma mère est partie vivre dans la famille de Meyyan.

– Ainsi, chaque fois que tu feras la puja, tu penseras à nous !

« Oh oui, je pense à vous, mes chères amies, songe ma mère en s’inclinant devant la déesse, les mains jointes sur le front. Mais aujourd’hui, vous me paraissez si loin ! Est-ce que je vous reverrai un jour ?… »

Les larmes lui montent aux yeux. Quelle mine feraient ses amies en la voyant, elle autrefois si gracieuse et coquette, le corps décharné dans ce sari défraîchi, la peau terne, les cheveux rêches!
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Grand-père n’a pas soufflé mot ; mais il prélève à chaque repas la moitié de son propre riz, façonné en boulettes. Il cache celles-ci dans un pli de son lunghi, son pagne de coton, et il les glisse en douce à ma mère.
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