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Critiques de Clara Arnaud (197)
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Et vous passerez comme des vents fous

En lisant ce roman, j'ai eu l'impression de décrire un tableau proche de une œuvre d'art, je me suis fondue directement et sans difficulté dans ce paysage, nous sommes en plein centre de la nature, la montagne et ces senteurs, nous sommes loin du monde urbain, et cela fait un bien fou

Chose exceptionnelle le rôle numéro un est un animal , et oui une ourse,

Dans un premier temps nous faisons la connaissance de Jules en 1885, ce denier kidnappe un ourson, il veut l'apprivoiser , devenir un animal obéissant , proche d'un animal de cirque, mais sommes loin de la réalité au fur et à mesure de la lecture, nous découvrons que Jules dégage une verticale empathie il part à travers le mode avec son âme sœur, Peut on vraiment domestiquer un tel animal dans ses conditions, aucun moyens de protection je reste dans un questionnement, Nous faisons la connaisseuse de Gaspard et Alma. Gaspard veut prouver qu'il peut sermonner sa tristesse, en reprenant son rôle berge, Il a vécu le décès d'une amie, une période difficile à panser

Alma est une chercheuse, elle traque l'ours, mais pour mieux les connaître, les comprendre. Alma et Gaspard sont dans leur territoire . Il faut protéger les brebis, les chiens sont une grande aide, berger n'est pas un métier de tout repos, loin de là, ils dorment très peu et sont a l’affût de moindre bruit.

Un respect vis avis de la faune et la flore, garder ce milieu sain,

A travers son roman , l'autrice fait passer de le message des changements climatiques, le réchauffement de la terre, Gaspard doit monter toujours plus haut pour pouvoir nourrir ses brebis,

Alma, toujours à trouver l'ours ou l'ours elle met des cameras dans la nature avec un espoir de les trouver. Les hommes d pays sont pour la mise à mort et non de la protection de l'animal,

Gaspard et Alma arriveront -ils à assouvir leurs rêves,

Un roman très intéressante et extrêmement documentés, je suis encore dans les montagnes et aucune envie dans descendre,

La plume de l'auteure est fluide, sensible, subtile, extrêmement poétique , Un roman touchant et passionnant, un hymne à la vie,

Une pepite que je vous conseille à découvrir de toute urgence,
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Et vous passerez comme des vents fous

°°° Rentrée littéraire 2023 # 28 °°°



Direction le Couserans ariégeois, dans les Pyrénées centrales, territoire où la relation à l'ours est inscrite depuis des siècles, et qui concentre aujourd'hui la plus grande population française d'ursidés depuis leur réintroduction dans les années 1990.



J'ai été immédiatement charmée par le voyage immersif proposé par la prose claire et enveloppante de Clara Arnaud. Les paysages ariégeois nourrissent organiquement le texte. La montagne est LE personnage de ce très beau roman, la matière travaillée par l'autrice dans toute ses dimensions : les pentes, la roche, air, la faune, la flore, sa mysticité, son intimité, un organisme complet, ensorcelant et âpre, dans lequel le destin des hommes est enchâssé dans celui de la nature, ici plus particulièrement celui d'une ourse surnommé la Negra du fait de la teinte de son pelage.



" Tout ici n'était qu'engendrement  et dévoration, putréfaction et floraison, joie et douleur. Parfois, il se sentait si intégré à ce magma organique qu'il lui semblait participer de ces transformations en cascade, par lesquelles les plantes, les corps, les minéraux, étaient également décomposés , rendus à la terre, dans un même mouvement dont seules les échelles de temps variaient."



Trois chapitres, trois saisons, du printemps à l'hiver. Deux personnages humains sont nos guides, le temps d'une estive. Gaspard, le néo-berger, vit avec la menace de l'ourse, ses chiens, ses brebis à protéger, ses peurs et angoisses depuis un terrible incident qui le hante depuis sa survenue l'année précédente.



« Il songea au mot de Maëlle ( sa fille ) . N'aie pas peur. La montagne rêve. Mais à quoi rêvait-elle, effacée dans la nuit ? Elle appartenait à d'autres échelles que les vies qui s'y jouaient, les surfaces lisses et celles abrasées résultaient du temps qui passe et érode ; elle était le temps même, matérialisé dans la roche, divaguait Gaspard. Il regarda Jean, dont le torse nu, noueux et bruni par le soleil se soulevait au rythme lent de sa respiration. Le vieux n'avait jamais froid, il pouvait endurer des vents glacials et des trombes d'eau et, dans la fraîcheur des nuits d'altitude, persévérait à dormir torse nu, sa peau-cuir exhibée, dont les tries, la patine disaient le grand âge. (...) Les nuages avaient de nouveau formé une nasse, le ciel était outrenoir, comme dans les toiles de Soulages, d'un noir plein de relief, qui révélait les contours, la matière même des choses. N'aie pas peur, la, montagne rêve, se répéta-t-il encore comme une formule magique venue de cette civilisation perdue qu'est l'enfance. »



Alma, éthologue, travaille au Centre national de la Biodiversité, prône une « science qui tache », un engagement physique constant et une confiance en ses intuitions plutôt que de réfuter toute part de subjectivité à l'observation protocolaire. Persuadée qu'une meilleure connaissance du comportement de l'ours et de l'usage de son territoire est nécessaire à une cohabitation sereine avec les hommes.



Clara Arnaud aura pu faire le choix d'une confrontation brutale entre Alma et Gaspard. Elle se fait au contraire apaisée, malgré les enjeux et les brebis tuées par l'ourse. Leurs regards différents sur le vivant se croisent en une belle complexité qui nourrit une réflexion riche et une interrogation profonde sur notre rapport au sauvage, à ce qui échappe au contrôle des hommes. Sans angélisme, sans pour autant transformer son roman en tribune politique ( bien qu'on sente aisément de quel côté penche le coeur de l'autrice ), sans jamais que le texte ne sonne comme « donneur de leçons ».



Je ne suis pas totalement convaincue que l'arc narratif parallèle racontant l'histoire d'un montreur d'ours ariégeois parti chercher la gloire à New-York avec son ourse capturée toute petite sans sa tanière, apporte réellement au roman, l'histoire d'Alma, Gaspard et de la Negra se suffisamment en elle-même. Mais j'ai aimé lire ces pages-là qui soulignent l'intrication ancestrale entre les ours et les hommes.



Un roman subtil et authentique, parfaitement incarné, rempli d'émotions, de souffle, de poésie, de vie.
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Et vous passerez comme des vents fous

Ce sont le passage de Clara Arnaud à La Grande Librairie et cette magnifique couverture qui m'ont convaincu d'ouvrir ce roman qui nous plonge dans les Pyrénées ariégeoises en compagnie de trois personnages qui y côtoient les ours.



Le récit s'ouvre à la fin du 19ème siècle en compagnie de Jules, qui se glisse dans la tanière d'une ourse afin d'y dérober une oursonne de quelques semaines. Rêvant de gloire aux Etats-Unis en tant que montreur d'ours, il domestique son ourson et lui apprend des numéros de cirque.



Puis, de nos jours, nous suivons alternativement Gaspard et Alma. Lui est un jeune berger qui garde les troupeaux de brebis durant l'estive, mais qui s'avère hanté par un terrible drame survenu l'année précédente. Elle est une éthologue, spécialiste des ours, travaillant pour le Centre national de la Biodiversité, qui étudie le comportement des ursidés afin de faciliter leur réintroduction et leur cohabitation avec les hommes.



Ces trois protagonistes permettent à l'autrice d'offrir des regards différents sur ce milieu montagnard et son habitant le plus impressionnant : l'ours ! La présence de ce dernier insuffle une tension constante à ce roman particulièrement immersif, qui ravira sans aucun doute tous les amoureux de la montagne. Le drame qui a frappé le troupeau de Gaspard l'été dernier n'a d'ailleurs fait qu'accentuer l'opposition entre ceux qui cherchent à réintroduire l'ours dans son habitat naturel et les locaux qui en ont ras-le-bol de retrouver leurs brebis déchiquetées. De plus, Clara Arnaud profite de ce séjour en montagne pour nous confronter aux conséquences du réchauffement climatique, tout en nous invitant à réfléchir sur la préservation des espèces.



N'ayant pas trop aimé « Les huit montagnes » de Paolo Cognetti (oui, c'est moi), je ne suis probablement pas le public cible de ce roman. Cependant, malgré quelques descriptions parfois un peu longues pour le citadin que je suis et certains passages un peu redondants, j'ai beaucoup apprécié ce petit séjour particulièrement instructif en montagne. Ce qui m'a finalement le plus « dérangé », c'est que les fils des différentes intrigues ne se rejoignent finalement pas. Du coup, je m'interroge un peu sur l'utilité de cette double temporalité car l'arc narratif parallèle consacré à Jules n'apporte pas grand-chose aux récits de Gaspard et d'Alma…qui ne se croisent pas non plus énormément. Je lis probablement trop de polars !
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Et vous passerez comme des vents fous

Une première de couverture éblouissante, un titre magnifique, deux accroches irrésistibles pour pénétrer dans ce beau roman et se laisser envahir par la poésie, la mélancolie, la nostalgie, l'amour de la terre et des bêtes qui en émanent. Et tout cet ensemble au coeur des montagnes ariégeoises, sans doute pas les plus prestigieuses des Pyrénées mais qui portent, comme tant d'autres, toute cette féerie de la montagne et de ceux qui la parcourent, ici bergers et brebis, ours et loups, randonneurs, ailleurs alpinistes conquérants de l'inutile.



Trois personnages bien différents structurent parfaitement cette histoire.



D'abord, le berger, Gaspard, en proie aux doutes permanents devant son avenir, qu'il s'agisse du court terme de l'estive annuelle, ou du plus long terme incertain. Gaspard est très bien dépeint par Clara Arnaud, elle extrait de sa personnalité tout ce qui en fait un véritable homme de la nature, aimant passionnément ses bêtes, prévenant leurs souffrances, les abrégeant si nécessaire en une douleur partagée, aimant aussi sa famille et l'humain en général même lorsque ceui-ci peut l'irriter, l'assaillir, lui faire entrevoir le mal qu'il veut nier à tout prix.



Ensuite, Alma, fille beaucoup plus complexe que Gaspard, elle étudie le mode de vie de l'ours, veut concilier sa présence avec l'activité des bergers et la protection des brebis. Elle est une résistante, peut-être le plus beau trait de sa personnalité, capable de dire non, de n'en faire qu'à sa tête, au prix des souffrances de son corps et de son âme.



Enfin, Jules, moins présent dans le roman, son histoire qui se déroule à la fin du XIXe siècle, alternant avec celles de Gaspard et Alma. Il a soif de conquête, Jules, de célébrité, d'une autre vie au-delà de l'océan et pour cela, à cette époque, pourquoi ne pas devenir un montreur d'ours?



Tout l'ensemble donne un roman prenant malgré quelques longueurs supportables, avec surtout des descriptions élaborées de la montagne, des ours, peut-être un peu trop vus sous l'aspect scientifique. Clara Arnaud traduit également très bien les méfiances diverses des humains, de ces lieux reculés d'Ariège qui ne connaissent pas la fibre, elle dresse des tableaux très réalistes des différents protagonistes imaginés dans son roman.



Un bémol pour moi : le fait qu'elle ait choisi de modifier le nom des lieux, le pic Montcalm devenant le mont Calme, Les Trois Rois transformés en Trois Reines et le lac de Bethmale affublé d'un autre nom proche dans sa sonorité.



Enfin, l'approche de l'ours reste très romancée bien que correctement documentée. Pour lire de la belle littérature sur les ours, il faut aller vers Doug Peacock et les grizzlies des Rocheuses et on va bien sûr parvenir bien au-delà de ces vents fous qui ont quand même forgé un très beau roman de montagne et d'humanité.
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Et vous passerez comme des vents fous

Transhumez vers ce roman !

Gaspard, pas le roi mage, est un berger Pyrénéen qui accompagne les brebis en estive dans le Couserans et rencontre des problèmes de voisinage avec un plantigrade lassé des légumes, ce que je peux tout à fait comprendre. Mort aux brocolis ! Tapage nocturne, tartare sauvage, déchets dans les parties communes, autant vous dire que le règlement de copropriété à haute altitude a du plomb dans l’aile.

Alma fréquente aussi ce territoire enclavé. Elle est éthologue, métier qui consiste à être payé pour observer le comportement d’animaux sauvages dans leurs milieux naturels. Il y a pire comme besogne. Certains comptent les oiseaux migrateurs ou enregistrent le brame du cerf sans s’endormir avec des tenues de camouflage dignes des forces spéciales. Elle a choisi l’option ours car c’est quand même plus sympa que de s’intéresser à la sexualité des punaises de lit et qu’elle adore les grosses bestioles sauvages qui concurrencent l’homme dans son statut de prédateur.

Le troisième personnage du roman est un montreur d’ours, Jules, qui quitta l’Ariège au début du siècle dernier pour aller chercher gloire et fortune en Amérique. Les chapitres consacrés à cette remontée dans le temps ressemblent à ces cartes postales anciennes et jaunies qui montraient ces dresseurs en sabot exposer fièrement leurs ours muselés devant des populations fascinées.

Clara Arnaud aime les territoires âpres, sauvages où la nature fixe les règles et ce roman restitue à merveille cette soumission des hommes aux caprices de la montagne. Elle ne décrit ni les dévoreurs de sommets à piolet qui veulent dominer le monde ni les sentiers de randonnées bien balisés pour citadins venus sniffer un peu d’air frais. Elle décrit la montagne de ceux qui y vivent et travaillent dans des conditions difficiles mais qui sont incapables d’en partir, comme ensauvagés par ces territoires qui résistent au haut-débit. Des femmes et des hommes à l’opposé des animaux nés en captivité et qu’il est impossible de relâcher dans la nature.

Même si le cœur de l’auteure balance du côté de nounours, le récit n’est pas manichéen et ne se limite pas à une confrontation binaire entre les pro et les anti Winnie. On sent que Clara Arnaud a dormi dans des refuges qui puent les pieds, qu’elle a partagé du saucisson tranché avec un coutelas rouillé et tartiné du fromage de chèvre sur du pain de la veille. On l’imagine remplir des carnets au bord d’un torrent. Ses pages sont patinées de rosée. La vie en estive, l’isolement, l’attachement aux bêtes et la crainte des attaques nocturnes sont parfaitement restitués. Patou-che au troupeau !

Le récit n’a pourtant rien de contemplatif. L’isolement des personnages est une invitation aux introspections mais le lecteur ne passe pas des heures à jumeler des animaux invisibles et à admirer des rochers en répétant « que c’est beau, qu’on est bien » pour se convaincre que le spectacle méritait de se lever en pleine nuit et de revenir avec des ampoules aux pieds, le dos meurtri par un sac à dos chargé comme un cartable de collégien.

L’été précédent, un drame a endeuillé le Couserans et une partie du troupeau de Gaspard avait fait le grand saut sans parapente ce qui a porté à ébullition les opposants et les partisans de l’ours. C’est cette tension, associée à la présence de l’ours, qui anime le roman, éveille les consciences, bonnes ou mauvaises et provoque des outrances.

Ce roman, outre son sujet, présente quelques ressemblances avec « La Grande Ourse » de Maylis Adhémar, mais je trouve le livre de Clara Arnaud plus immersif car il ne quitte pas la Montagne et s’intéresse peu aux opinions citadines.

Comme cette lecture m’a donné envie de partir aux champignons avant l’hibernation, je ne vais pas faire plus long.

Le lecteur qui a vu l'ours.





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Et vous passerez comme des vents fous

Ce passionnant récit d'estivage pyrénéenne suscite finalement plus de questions qu'il n'apporte de réponses.

- Est-il « politiquement correct » de nommer « Negra » le protagoniste d'un roman en se référant à sa couleur ?

- Qu'est devenu le descendant disparu de Negra ?

- Qui a tué Negra ?

- Pourquoi Thomas Edison s'intéresse-t-il au dressage d'ours ?

- Pourquoi un « Docteur en biologie comportementale » adopte-t-il une posture infantile vis-à-vis de son responsable ?



Clara Arnaud met en scène de multiples acteurs, dans deux tragédies distantes de plus d'un siècle, où les ours jouent le premier rôle.



Au XIX siècle, Jules Piquemal dresse un ours pyrénéen puis l'exibe dans les deux Amériques, d'abord dans de misérables cirques puis dans les salons huppés de New York où le génial Thomas Edison en fait une célébrité ; la fin est brutale.



En notre siècle, Gaspard (probable référence au montagnard de Henri Pourrat), mène un troupeau de huit cents têtes prendre ses quartiers d'été en altitude. Il est encore marqué par la chute d'Ilia, l'été précédent. Il a renoncé à faire carrière, contrairement à son frère fonctionnaire européen à Bruxelles, et décidé de revenir dans sa région natale. Marié à Lucie, ils ont deux filles Alice et Maëlle.



Alma, éthologue au CNB (Comité National de la Biodiversité), observe les ours afin de limiter la menace qu'ils représentent pour les troupeaux. Dotée de brillants diplômes elle a mené des missions sur divers continents dont elle a rapporté de multiples observations, développé une culture multiculturelle et nourri sa vive curiosité. Elle semble avoir tout pour réussir mais, très vite, elle développe un rapport enfant-parent avec son responsable hiérarchique et refuse de rendre compte de l'avancement de ses observations.



C'est alors que le troupeau de Gaspard est décimé nuitamment et que les soupçons se tournent vers Negra, une femelle accompagnée de ses oursons, qui rode dans les parages. Tragédie qui se dénoue dans un bain de sang.



Allant jusqu'à couper son téléphone pour rester sourde aux consignes de son chef, Alma est suspendue et demande à être mise en disponibilité pour fuir chez sa mère. Rien dans le récit ne met en évidence un éventuel harcèlement de sa hiérarchie. Alors ce burn out, sa vulnérabilité trouve-t-elle ses racines dans l'histoire paternelle ?



La romancière conclut par cette phrase sibylline « on ne saura jamais ce qui lui est arrivé. Mais on peut l'imaginer ». A chacun, en toute liberté, d'imaginer les réponses aux questions soulevées par Clara Arnaud.



PS : Alma étant traduit par Âme, relisons « Des âmes simples » qui nous hissent vers les mêmes sommets


Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Et vous passerez comme des vents fous

« Nous étions en paix comme nos montagnes

Vous êtes venus comme des vents fous

Nous avons fait front comme nos montagnes

Vous avez hurlé comme des vents fous

Éternels nous sommes comme nos montagnes

Et vous passerez comme des vents fous »



Hovhannès Chiraz « Impromptu »



Ce texte d'un poète arménien qui clôt ce livre, lui a donné son titre, magnifique. Magnifique aussi, cette couverture. Magnifique, enfin et surtout, ce texte à la fois poétique et ancré dans la nature, ces personnages forts, qui font comme ils peuvent, échappant à la caricature, grâce aux nuances que sait leur donner l'autrice.



Une plongée au coeur de la nature, au coeur de la montagne, entre cimes et combes, entre brumes et torrents, entre ourse et brebis, entre bergers et éthologues, le temps d'un été, le temps d'une estive là-haut dans la montagne.



Gaspard est berger. Il garde les troupeaux de brebis le temps de l'estive. Celle de l'an dernier a connu un accident et l'a fragilisé. Était-ce l'ourse ? On ne le sait pas. Mais il a choisi de remonter quand même cette année. Jean le vieux berger l'y a encouragé.

Alma est éthologue, spécialiste des ours. Elle étudie leur comportement, pour mieux les comprendre, pour essayer de faciliter la cohabitation avec les hommes, ce qui n'est pas facile dans cette vallée des Pyrénées où les prélèvements des ours sur les troupeaux attisent la colère.

Jules vivait à une autre époque, celle des montreurs d'ours. Il partit aux Amériques devenir célèbre.



Ces trois personnages interviennent tout à tour dans ce roman choral. Les deux premiers s'y croisent, s'apprécient. Cependant le personnage principal y reste la nature, cette montagne si bien racontée par l'autrice, et les animaux qui la peuplent, et en particulier cette ourse et son petit.



J'ai découvert le métier de berger, les soins à apporter aux bêtes, leur entente importante avec les chiens. J'ai mieux appréhendé le métier de ces éthologues, comment détecter les traces du passage des bêtes, passer des jours à l'affut pour voir de visu les animaux, mais aussi plus terre à terre scruter les images enregistrées par les caméras.



J'ai vécu quelques jours avec eux tous, partageant leur quotidien, la tête pleine d'images, le souffle souvent coupé pas seulement par la raideur des pentes, mais par la beauté de cette écriture, ces mots choisis si justement, traduisant à la fois la beauté des paysages, la dureté du métier de berger, l'émerveillement devant la faune, la fraicheur de l'eau qui court, même si elle a tendance à se raréfier depuis quelques années.

Une lecture en apesanteur, loin dans les montagnes, où le drame survient parfois, mais où les hommes, la plupart tout au moins, essaient malgré tout de vivre en équilibre avec la nature.

Un immense merci à Babelio et aux éditions Acte Sud pour ce roman reçu grâce à une masse critique privilégiée.

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Et vous passerez comme des vents fous

Tout d'abord , un grand merci aux éditions " Actes Sud " et à l'équipe de Babelio qui m'ont permis de découvrir un ouvrage qui devrait toucher un nombreux public , tant par son thème que par la puissance qu'il dégage .

L'ouverture est somptueuse ,, vraiment . Terres de traditions les Pyrénées ariégeoises sont un territoire naturel pour les ours et la capture d'un ourson par le jeune Jules , lui permettra de parcourir le monde en compagnie de cet animal sauvage considéré comme guérisseur de nombreux maux et de s'enrichir jusqu'au moment où...Nous sommes en 1902 ,puis bientôt projetés dans les années 2000 avec Gaspard , berger de retour vers la nature et Alma , jeune éthologue venue étudier l'adaptation des ours dans ce somptueux décor de montagne . Entre Gaspard et Alma , l'entente reste cordiale jusqu'à ce qu'un évènement tragique vienne perturber un peu plus des caractères déjà fragiles et compliqués .

Le décor est somptueux , les mots , ,les phrases , les descriptions semblent couler , entrainés par les eaux fraîches des torrents .Tout est sublimé par une plume d'une incroyable beauté .On vit la transhumance , on vit l'organisation , on vit les interventions des chiens , on vit une merveilleuse odyssée dans le monde pastoral , ce monde végétal et minéral dans lequel se " vautrent " les ovins . Bref , on y est , on y vit , il suffit de laisser se promener notre regard .Mais ce tableau idyllique ne saurait masquer les peurs des hommes , dont Gaspard , leurs inquiétudes face au changement , ou plutôt dérèglement climatique , et la peur viscérale de ce fauteur de troubles , adulé par les uns , haï et détesté par les autres ...

Au delà du décor somptueux surgissent les réflexions concernant le devenir de l'homme dans ce milieu et , surtout , le devenir de traditions ancrées dans un passé devenu bien lointain .Gaspard est tourmenté , tout comme Alma , du reste , spectateurs impuissants face à la cohabitation avec la bête . Le combat serait -il perdu d'avance pour les uns ou les autres ?

Ce roman est dense . Il se savoure , n'autorise pas le survol , pose question du début à la fin . L'auteure ne prend pas partie mais donne à voir. Il convient de s'imprégner de solitude , de lenteur , accepter de se fondre " chez les taiseux ", comprendre les moments où l'alcool devient remède au mal être .

Trois personnages inoubliables , un décor fabuleux et une majesté toujours présente et objet de tous les regards , l'ourse .

Un roman qui pourrait bien nous inciter à revoir un film éponyme de Jean-Jacques Annaud . Un trés beau roman et ...un trés beau film .

Bonne soirée , amis et amies et au moment du coucher , pensez bien à prendre votre nounours dans vos bras avant de dormir .Avec lui , vous ne risquez rien ... enfin , en principe .

A bientôt .
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Et vous passerez comme des vents fous

Et vous passerez comme des vents fous, ce titre étrange est un vers extrait d'un quatrain du poète arménien Hovhannès Chiraz, venant clore ce merveilleux roman de Clara Arnaud.

Le récit s'ouvre en 1883, dans une vallée des Pyrénées centrales. Un jeune garçon, Jules, vient enlever subrepticement à sa mère, une oursonne de quelques semaines dans sa tanière. Cette scène sidérante de capture est l'entame du livre. L'animal ainsi capturé va ainsi très vite être asservi, Jules redescend dans la vallée, chez le forgeron, pour que celui-ci perce la cloison nasale de l'ourson, lui glisse un anneau de fer auquel sera fixé une chaîne qui ne quittera plus jamais l'animal. Cette scène fait écho à une photographie ancienne figurant au tout début du livre. On y voit un homme debout faisant face à un ours muselé, enchaîné qui se dresse à hauteur de l'homme, fier, narguant la bête, avec dans les yeux un regard mêlant l'admiration et la domination. Il était fréquent entre la fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle de voir des jeunes hommes devenir ainsi des dresseurs d'ours, des saltimbanques, qui capturaient des oursons dans leurs tanières, puis qui les dressaient, les éduquant pour en faire des ours dansants, des bêtes de foires, partaient avec eux sur les routes de France, d'Europe, parfois traverser l'océan Atlantique, tentant de faire fortune aux États-Unis, voire en Amérique latine…

Je regarde longuement cette photographie qui porte, de manière symbolique, dans ces deux regards qui s'affrontent, - celui de l'homme et de la bête, toute la force du roman, une sorte d'amour-haine à jamais posée comme un défi.

La relation à l'ours fait partie de la montagne depuis toujours… Cette relation entre l'amour et la haine est entretenue aujourd'hui plus que jamais dans les Pyrénées mais aussi dans les autres paysages montagnards, par la réintroduction massive de l'ours.

Et c'est ainsi que Clara Arnaud nous invite à un récit contemporain où l'histoire de Jules devenu montreur d'ours et de son ourse captive va venir s'entrelacer à la réalité montagnarde d'aujourd'hui, résonnant tragiquement avec le présent.

C'est un roman à la dimension chorale qui nous fait entendre la voix de plusieurs personnages que la montagne unit. Parmi ces voix se détachent celle d'Alma et celle de Gaspard.

Alma est une jeune femme éthologue, travaillant au service du Centre national pour la biodiversité, elle est venue ici dans le cadre d'une mission d'observation pour mieux comprendre le comportement des ours : une meilleure connaissance de ces plantigrades permettrait en effet d'avoir des réponses mieux adaptées aux phénomènes de prédation dont sont victimes parfois les troupeaux au cours des saisons d'estive.

Justement, l'autre personnage est un berger solitaire, amoureux de la nature, Gaspard, confronté à l'ours qu'il voit comme un prédateur, venant attaquer ses troupeaux, manger parfois une brebis, suscitant l'angoisse de perdre de nouvelles bêtes.

Tous deux savent communier avec la montagne, chacun à sa manière. Forcément, tous deux n'ont pas le même regard sur l'animal.

Le récit offre un chassé-croisé de leurs itinéraires durant trois saisons, printemps, été automne, entre la vallée et l'estive, avec comme toile de fond tout ce que la présence de l'ours qui rode dans les parages suscite comme émois, passions, tensions, jusqu'aux conflits…

Le ressort narratif tient dans cette incompréhension des relations, vite dépassée par quelque chose de plus grand, l'autrice réussissant subtilement à hisser le récit dans une autre dimension, à la hauteur des massifs montagneux qui surplombent le texte.

J'ai été séduit par l'écriture poétique de Clara Arnaud. Tissant un roman généreux dans un grand respect des uns et des autres, elle sait développer une puissance évocatrice qui mêle la réalité sociologique des vallées qui se dépeuplent à la dimension intemporelle, presque mythique d'un territoire de montagne.

Le récit devient brusquement cet espace où des gens vivent, où tout commence, où tout finit, un territoire d'errance, un territoire indomptable ou presque...

Clara Arnaud dit la solitude d'un territoire de montagne, sa grandeur, son âpreté, la lumière qui pénètre dans ces forêts anciennes, la lumière qui s'en éloigne aussi. C'est un monde dont la verticalité étouffe par endroit, dans l'isolement des transhumances, une montagne qui enferme autant qu'elle protège.

Clara Arnaud nous invite dans les vertiges du paysage, ses béances, ses combes, ses surplombs, ses fractures et ses déchirures aussi douloureuses que celles des personnages.

C'est une montagne avec ses propres règles, ses propres codes de vie, où hommes et bêtes ont mêlé leurs pas, leurs traces de manière indistincte. C'est une montagne qui ensorcèle, fait rêver, nourrit, broie, avale, digère, à laquelle beaucoup appartiennent viscéralement, qu'ils ne quitteraient pour rien au monde. D'autres viennent, novices dans le paysage, rêveurs ou inconscients, tentent de l'apprivoiser. Clara Arnaud dit tout cela aussi dans son roman.

La figure mythologique forte de l'ours et de son rapport à l'homme ne cesse de venir enchanter les pages.

Je me suis demandé pourquoi l'évocation de l'ours suscite immédiatement des réactions épidermiques du côté de notre versant des Pyrénées, alors qu'à Somedio de l'autre côté en Espagne ils font la fierté des vallées et ont leur musée. Alors qu'en Alaska les ours sont rois...

Ici Alma doit mener son travail presque en catimini, car sa mission pourrait lui valoir des menaces. Pourtant elle ne veut pas prendre part à la guerre de l'ours qui agite les estives et la vallée.

Alors, je l'ai suivie dans ces affuts, observant de loin une ourse et son petit, notant scrupuleusement le moindre détail dans son carnet. J'aimais son regard émerveillé devant la beauté d'une reine dans son royaume. J'étais si près d'elle dans cette scène rendue si belle par cette simple communion avec le vivant que j'aurais presque entendre sa respiration, capter les battements de son coeur. J'ai aimé être littéralement plongé en immersion, bivouaquant, vivant dans la montagne, avançant en embuscade, épris de cette quête.

Pourtant, Clara Arnaud n'a pas écrit un roman pastoral aux accents régionalistes, à la manière d'une carte postale bucolique et gentillette en provenance des Pyrénées. Enfin, dirais-je, un roman de montagne qui ne glorifie pas l'exploit individuel des cimes mais l'humilité des gens invisibles dans la vallée en-bas, c'est fort appréciable ! Dans un style pourtant totalement différent, ce livre par moments m'a fait penser à l'univers dépeint par Charles-Ferdinand Ramuz.

A travers ce récit, Clara Arnaud interroge notre rapport au sauvage, notre rapport à ce qui échappe au contrôle, notre rapport à la montagne aussi, à ce qui est plus grand que nous.

Clara Arnaud raconte la montagne avec la complexité d'un espace dans lequel les hommes et les bêtes, sauvages, domestiques, voient leurs destins enchâssés, entremêlés, parfois entrer en conflit.

Elle nous délivre au final un territoire réensauvagé, reconquis par la forêt, à la faveur de l'abandon des populations, où l'homme est une petite chose, revient à cette chose qui le rend humble, le remet à sa place, à sa juste place qu'il n'aurait peut-être jamais dû quitter, c'est-à-dire une place parmi les autres vivants, parmi les animaux, parmi le végétal, parmi le minéral. Une place où il ne serait plus le prédateur qu'il est devenu aujourd'hui.

Je remercie l'équipe de Babelio et les Éditions Actes Sud pour l'envoi de ce très beau roman grâce à une masse critique privilégiée.

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Et vous passerez comme des vents fous

Des images plein la tête. Des rêves plein mes nuits.

Voilà déjà ce que je retiendrai de ce magnifique roman.

J’ai marché, grimpé, j’ai arpenté les Pyrénées.

Je me suis assise au bord d’une roche, me suis trempée dans un torrent glacé.

J’ai admiré les paysages grandioses, écouté le silence.

Et j’ai vu l’ours.



Mais j’ai appris aussi. J’ai appris à mener les brebis à l’estive. A observer leur comportement et deviner leur bien ou mal être, à soigner leurs maladies. J’ai été bien aidée par les chiens, un vrai savoir-faire ces bêtes !

J’ai appris à reconnaitre les traces laissées par l’animal, à poser des appareils de détection, à déployer une longue-vue sans faire de bruit, à noter scrupuleusement l’interaction entre l’ourse et ses petits.

Un vrai roman didactique ! Mais pas que. Ho non !

Un roman qui parle d’écologie aussi, de réchauffement climatique, de la place de l’homme et de l’animal, en cohabitation voulue ou tolérée, de la vie sauvage, du monde minéral pyrénéen et de verticalité.

Mais aussi et surtout un roman qui parle de ces personnes, véritables marins des cimes, qui recherchent inlassablement leur appartenance au monde, celui de la nature dure implacable, cruelle parfois, mais belle aussi, majestueuse et si riche d’enseignements. Un monde bien loin des mondanités, des faux-semblants. Un monde respectueux de tous, hommes comme animaux.

Ce roman est un bain de vigueur. Un livre puissant qui vous souffle force, poésie, émotion. Un livre qui remet la nature à sa place, à sa juste place, avec autant de brutalité que de délicatesse.



Ce très beau roman met en scène trois personnages. D’abord Jules, à la fin du 19e siècle parti des Pyrénées jusqu’en Amérique avec son ours domestiqué. Puis de nos jours, Gaspard, berger depuis cinq ans qui assure l’estive pour les éleveurs de la vallée. Et enfin Alma, jeune scientifique éthologue, spécialiste de l’ours.

Trois choix de vie et pour chacun un rapport différent à l’animal.



Merci à Babelio et aux éditions Actes Sud pour cette très belle lecture du vivant et du minéral.

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Et vous passerez comme des vents fous

Hhhooouu hhhhoouuu (non je n'imite pas le fantôme de Canterville égaré dans une sapinière à quelques jours d'Halloween mais le vent qui souffle entre les pitons rocheux) …

Comme un vent fou, j'ai dévalé la pente de la montagne, sauté sur les roches, joué à saute-mouton sur le dos des brebis, humé l'odeur d'humus et attiré l'orage.

J'ai continué à courir à perdre haleine, mes chaussures butant sur les racines et les cailloux. Après une pause, je me suis dirigée vers la crête pour contempler à la faveur d'une éclaircie la vallée, l'estive avec son herbe jaunie rayonnait à mes pieds.

C'est alors que j'ai aperçu Gaspard le berger, il donnait des ordres à ses patous chargés de rassembler les agnelles toujours prêtes à jouer les casse-cous sur les pentes les plus escarpées, ravies de se damner pour la saveur sucrée d'une fleur chatoyante.

En allant vers la combe, j'ai survolé Alma en affût, les joues en feu, jambes et bras ankylosés dès potron-minet dans l'espoir d'enfin apercevoir la superbe Negra, une ourse imposante au pelage noir avec ses deux petits à ses trousses, en repérage pour prélever sa part de chair fraîche dans le troupeau du berger.

J'ai aimé la voix chaude et réconfortante de Clara Arnaud qui m'a murmuré cette histoire le soir, devant la cabane de l'estive en partageant une tisane et un verre de rhum. Elle m'a raconté Alma, l'éthologue un peu sauvage, débarquée récemment d'Alaska, en charge de réaliser une étude sur l'ours afin de mieux comprendre son comportement et ses attaques des troupeaux.

Elle m'a parlé de Gaspard, le berger en proie aux doutes, revenu en pays ariégeois pour élever ses filles loin des villes et fuir leur grisaille.

J'ai aimé que Clara Arnaud ne nous joue pas la partition trop attendue entre les pro et les anti-ours à travers ses deux personnages d'Alma et Gaspard. Car s'ils se croisent en montagne, c'est sans jamais rentrer en collision frontale. Avec subtilité, chacun nous livre ses doutes, ses peurs et ses angoisses. À chacun sa quête, son amour pour la montagne, son respect du monde animal et du vivant, mais aussi ses interrogations sur une place pas si facile à trouver dans la société et le monde montagnard.

Il est sûr qu'après cette lecture je verrai d'un autre oeil les bergers et leurs patous. Ce qui pouvait sembler un travail empli de sérénité à l'abri de la montagne s'avère bien plus éprouvant psychologiquement que ce à quoi une citadine pur jus comme moi pouvait imaginer (sur la difficulté physique je n'avais pas trop de doutes).

A l'histoire d'Alma et Gaspard, Clara Arnaud ajoute un troisième arc narratif, avec la vie de Jules, un jeune garçon né à la fin du XIXème siècle qui se rêve montreur d'ours pour enfin changer de vie et s'arracher à ses montagnes ariégeoises natales. Jules ne pense plus qu'Amérique, gloire et luxe tapageur, il a décidé de réussir et veut connaître la gloire à l'autre bout du monde avec son ourse. Si je devais n'avoir qu'une seule réserve sur ce livre, c'est le regret de n'avoir pas pu mieux connaitre Jules, j'aurais souhaité qu'il prenne plus de place, son histoire étant simplement juxtaposée et non intriquée comme celles de Gaspard et Alma.

Venez dans la montagne, hurlons en choeur, planons dans les airs, laissons-nous emporter au gré des courants, goûtons à ces vents fébriles et contraires, glacés ou rafraichissants pour finir en piqué dans la surface argentée et tranchante du lac.

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Et vous passerez comme des vents fous

Sur les hauteurs pyrénéennes Gaspard le berger et Alma l'éthologue se croisent sans animosité. Mais si l'un ne vit que pour son troupeau qu'il tente de préserver des prédateurs, notamment de l'ourse la Negra, l'autre est une scientifique dont le travail est justement l'étude des ursidés et leur cohabitation avec les hommes. Et ces deux activités au fil du temps, avec les attaques répétées de la Negra, vont mettre en évidence les conceptions irréconciliables des deux amoureux de la nature que sont Gaspard et Alma.



Un roman tout en nuance qui évite l'écueil des prises de position catégoriques et manichéennes. Les enjeux du pastoralisme moderne, confronté au réchauffement climatique, ainsi qu'à la réintroduction de prédateurs des troupeaux pour des motifs écologiques et de préservation des espèces, sont mis en scène avec discernement par une auteure qui ne peut que nous faire aimer une montagne qu'elle nous donne à voir aussi somptueuse, sauvage et sensuelle qu'âpre et dangereuse.



Merci à Babelio et aux Éditions Actes Sud.
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Et vous passerez comme des vents fous

C'est une nouvelle fois les jolis retours des Babelpotes qui m'ont fortement influencée. Mais il faut dire que quand la nature (sauvage) est prépondérante, je suis justement très influençable, je craque facilement et n'ai pas envie de résister. Alors après un peu d'attente, le temps que mon nom atteigne la première place sur la liste des réservations, voici déjà mon tour venir (je pensais devoir l'attendre plus longtemps). Et pour ce qui est côté "nature-writing", j'ai été servie, je m'en délecte encore.



Pourtant, ce n'était pas très bien parti. L'histoire se partage les points de vue de trois personnages. Il y a Jules d'abord, montreur d'ours de la fin du XIXe siècle. Il y a Gaspard, berger traumatisé par le drame survenu pendant l'estive de l'an passé mais qui, accro à la montagne, ne peut s'empêcher d'y retourner. Et enfin, il y a Alma, éthologue missionnée pour comprendre justement ce qui s'est passé l'année dernière, observer les comportements de La Negra, cette imposante ourse qui serait en grande partie responsable du drame en question.



Pas très bien parti, que je vous disais, parce que le premier chapitre démarre l'histoire avec Jules. Il nous est raconté comment ce dernier a arraché un ourson à sa mère, pour pouvoir le dresser, le réduire en esclavage et lui permettre de réaliser son rêve : connaître la gloire en Amérique en tant que montreur d'ours. Alors les coups de bâton, l'anneau dans le nez, les chaînes, les sucreries en guise de récompenses, les entraînements, tout ça m'a très vite grandement déplu. J'ai eu Jules en horreur dès le départ, tout en espérant qu'il finisse seul dans d'atroces souffrances tout du long. Heureusement, l'autrice ne lui accorde qu'un chapitre de temps en temps seulement, l'action se déroulant essentiellement de nos jours avec Gaspard et Alma.



Gaspard et Alma qui, eux, sont des personnages qui valent la peine qu'on s'y attache, tant par leur vécu que par leur rôle dans l'histoire qui se déroule sous nos yeux. Amour de la montagne pour l'un, amour des ours pour l'autre. Tous deux des personnages solitaires que les habitants ont du mal à cerner, à comprendre. Pourquoi Gaspard y retourne après ce qui s'est passé l'an dernier ? Pourquoi Alma tient-elle absolument à étudier les comportements de l'ourse qui pose problème, alors qu'un simple coup de fusil pourrait tout régler ? Alors tour à tour, nous suivons l'un et l'autre, parfois amenés à se côtoyer, déterminés à mener à bien leurs missions, toujours trop impliqués dans ce qu'ils font, toujours trop dans l'affect.



Mais Gaspard et Alma ne sont pas les personnages principaux, et encore moins Jules. La Negra non plus, bien qu'elle soit au centre de l'histoire. Non, le personnage principal, c'est la montagne, bien vivante, envahissante, qui vous enserre, vous piège dans ses filets et sur laquelle on s'accroche, on s'agrippe, sans qui l'on n'est plus rien. Imposante, inévitable, hypnotique, c'est elle qui mène la danse, c'est avant tout avec elle que les personnages doivent composer (humains comme animaux). Dangereuse, indomptable, pleine d'ardeur, les personnages se façonnent sur sa rugosité, sa sauvagerie, son insoumission, alors que prête à fondre sur eux. L'autrice en parle merveilleusement bien. Elle implante des décors à couper le souffle, dans les deux sens du terme. Elle instaure une atmosphère à la fois vivifiante et écrasante. De sa plume toute de poésie, elle dépeint tout de manière époustouflante. On s'y croit, dans ces montagnes. On y est, avec les personnages. J'ai vu tous les paysages et les animaux (sauvages comme élevés/domestiqués), j'ai ressenti les angoisses de Gaspard, la pression sur Alma, la chaleur écrasante, l'herbe sèche sous mes pieds, le froid glacial des lacs. Je me suis délectée de la vue imprenable, des vols des gypaètes. J'ai pris plaisir à aider Gaspard dans le soin et le déplacement de ses brebis, à observer l'ourse et son ourson avec Alma (quand elle a bien voulu se montrer). C'est comme si j'y étais, pour de vrai, totalement envoûtée.



Pour moi, Jules n'avait pas sa place dans ce roman. Il était de trop et gâche un peu le tableau. De celui-là et de son histoire, j'aurais voulu m'en passer. C'est à cause de lui que je ne peux qualifier ce livre de coup de cœur. Mais bon, il n'est pas énormément présent, j'ai donc fait avec...



Mais je ressors de ce livre revigorée, éblouie par tous les verts et blancs des paysages, fortifiée par l'air montagnard, attachée à deux personnages qui m'ont plu à l'instant, toujours aussi amoureuse de la nature indomptable, et de sa faune et sa flore. Peut-être un poil déçue par le tournant que prend l'histoire dans la troisième partie, en ce qui concerne l'ourse notamment, mais j'ai dans l'ensemble passé un très bon moment de lecture (si je fais abstraction de Jules).

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Et vous passerez comme des vents fous

Le véritable héros de ce roman choral, c’est l’ours. Ou plutôt l’ourse puisque c’est d’une femelle qu’il s’agit.

Nous suivons Jules, jeune montagnard qui, après avoir capturé une oursonne dans sa tanière, va la dresser et l’exhiber jusqu’en Amérique, eldorado des saltimbanques au début du XXe siècle.

L’autre ourse, c’est la Negra, qui, suivie de ses deux oursons, terrorise les bergers et leurs troupeaux. Gaspard, qui est remonté à l’estive avec ses brebis, s’interroge sur ses motivations et son devenir.



« Et Gaspard songe qu’il remontera encore, il n’y a pas d’autre vie possible que celle-là, la vie grande et brute là-haut, et mener de nouveau les brebis à travers les estives, et de nouveau les en descendre. »



La protection des ursidés est aussi à l’ordre du jour et le Centre National pour la biodiversité envoie sur le terrain une jeune éthologue, Alma, dont la passion pour la sauvegarde du plantigrade va exacerber les tensions entre natifs et scientifiques. Elle aussi se pose des questions quant à son rôle réel pour la protection et la sauvegarde d’une faune de plus en plus menacée.



« Un ours qui devenait le porte-étendard de militants, d’associations, de touristes et de politiques, qui n’avait plus grand-chose à voir avec la montagne. Et elle, qui se battait jour et nuit pour un individu, alors que les plaines, les montagnes, les forêts avaient cramé tout le mois de juillet, qu’on déversait encore du glyphosate dans les champs en toute légalité, que la France investissait massivement dans les énergies fossiles. N’était-ce pas un peu grotesque ? »



Vous l’aurez compris, la préservation de l’environnement, le dérèglement climatique et la place de l’écologie forment la trame de ce roman vivifiant comme l’air des montagnes ; On respire le grand air mais on retient aussi son souffle tant les tensions sont exacerbées.

Un roman qui se lit avec passion.

Clara Arnaud, écrivaine voyageuse, a su observer avec finesse la vie pastorale, elle a pris le temps de se documenter avec sérieux et c’est ce qui donne son authenticité à ce roman qui semble relater des vies réelles dans une montagne ariégeoise dont elle nous fait découvrir les paysages époustouflants.

Derrière ce titre « Et vous passerez comme des vents fous », emprunté à un poème du poète arménien Hovhannès Chirazc, se trouve un roman ancré dans la montagne et une immersion dans un monde violent.

Une lecture captivante.





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Et vous passerez comme des vents fous

Quand on parle du métier de berger, on voit l'image d’Épinal, des vertes prairies, des bêtes paissant paisiblement et un berger jouant de la flûte.

Même si elle garde encore certaines de ces caractéristiques, la vie pastorale actuelle est, comme l'agriculture, soumise à davantage de pressions.

Est-ce encore rentable de monter les bêtes à l'estive, quel sens donner à cette tradition, et comment faire cohabiter ce métier avec la défense de la biodiversité et la réintroduction des ours ?

Deux mondes s'opposent, les éleveurs et les « bobos écolos », et pourtant les deux aiment la montagne et la nature, chacun à leur manière.



Ces différences s'incarnent dans les personnages de Gaspard, berger, et d'Alma, éthologue.

Gaspard, revenu au pays, loue ses services et mène l'été huit cents bêtes en altitude pendant plusieurs mois.

Alma, éthologue au Comité National de la Biodiversité, est en mission pour observer les ours et leur comportement afin de prévenir les attaques contre les troupeaux.

Un accident survenu l'année passée et les nombreuses attaques d'ours crispent et inquiètent les uns et les autres..

Un troisième personnage, le montreur d'ours du siècle passé, apporte un éclairage plus historique aux relations homme/ours dans les Pyrénées.



Clara Arnaud prend son temps pour brosser ses deux personnages principaux et leur donner toutes les nuances et toutes les contradictions qu'il y a dans chacun d'eux..

Elle prend aussi son temps pour les personnages secondaires et pour les descriptions lyriques de la montagne l'été.

L'ensemble fonctionne très bien et on est embarqué dans cette histoire au milieu de la nature, prenant fait et cause pour les uns et les autres, comprenant leurs arguments, s'émerveillant des merveilles que la nature offre.

On sent que l'auteur a beaucoup travaillé son sujet, les remerciements à la fin de l'ouvrage l'attestent, et le risque était de faire un documentaire davantage qu'un roman, mais elle a réussi à donner chair à ses personnages et ce roman est une vraie réussite !

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Et vous passerez comme des vents fous

Trois personnages, une ourse et la montagne.



Gaspard, né dans la montagne, parti et revenu, est berger pour le compte des éleveurs de la région. Il monte à l'estive avec les troupeaux en début d'été. Il est considéré comme un étranger même s'il est né dans cette région. Son épouse et ses filles se sont adaptées à la vie locale, lui, a trouvé sa place, heureux avec les troupeaux dont il doit prendre soin avec l'aide des chiens. Il supporte difficilement le prélèvement des brebis par la Negra, jusqu'au jour où son ami éleveur lui rappelle qu'il prend soin des animaux dans le seul but de les mener à l'abattoir. Les anciens sont des sages. Il y a eu un accident, l'année précédente, en estive, et Gaspard doit faire face à ses terreurs et ses cauchemars.



Alma, la scientifique utopiste, engagée pour observer le comportement des ours et la cohabitation avec les humains. La montagne ne lui fait pas peur, elle est capable de bivouaquer dans des conditions extrêmes, il lui faut de l'air, du large. Elle n'est pas d'ici, la salope aux ours comme certains l'insultent, taguant au passage sa voiture. Elle cumule, étrangère et femme, défendant la cause de l'ours. Elle rencontre souvent Gaspard dans les hauteurs, moins souvent l'ourse et ses petits. Alma n'appartient pas à un lieu, elle s'adapte, la marginalité n'est pas loin.



Jules, un siècle auparavant qui rêve de devenir montreur d'ours. Il va enlever un petit dans sa tanière, une femelle, la dressera et partira avec elle aux Etats Unis. Jules qui, sans le savoir, remet les choses à leur place et démontre que l'humain peut vivre avec l'ours.



L'ourse, surnommée La Negra, majestueuse, arpente la montagne avec ses petits. L'été avance, un petit a disparu et elle doit manger avant l'hibernation. Elle prélève des brebis.



Et la montagne, grandiose, magnifique attirant les voyageurs épris de liberté qui, souvent, jettent l'ancre. Mais la montagne éprouve, emprisonne même, angoisse, peut terrifier, rend mélancolique et surtout ne pardonne pas. Les natifs le savent, laissent les nouveaux s'installer mais attendent au moins un hiver avant de les tolérer.



C'est également un roman qui prend en compte le changement climatique et la difficulté des bergers qui doivent monter plus avec les troupeaux, pendant l'été, rendant l'estive dangereuse.



Sublime ! L'écriture précise de l'auteure rend bien cette sensation de passion et de vertige.



Lu dans le cadre d'une masse critique privilégiée. Merci aux Éditions Acte Sud (j'ai apprécié le marque-page personnalisé) et à Babelio.
Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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Et vous passerez comme des vents fous

La petite ville d'Arpiet dort encore lorsque Gaspard quitte sa maison, laissant sa femme et ses deux filles. En ce mois d'avril, il n'a pas renoncé, malgré le drame de l'année précédente, à remonter en estive avec les brebis. Des semaines, des mois de solitude l'attendent là-haut. Des mois d'incertitude, de peur parfois...

Alma est éthologue, chercheuse au Centre National de la Biodiversité. Dans le cadre d'un projet expérimental, elle a pour objectif d'observer les ours, d'en comprendre le comportement afin d'avoir des réponses plus adaptées notamment face à la prédation et à la cohabitation, qu'elle soit humaine ou animale...

Des dizaines d'années auparavant, Jules a fait bien mieux que de les observer. En effet, ayant volé un ourson, il ne rêve désormais que d'une chose : l'éduquer afin de devenir montreur d'ours...



Assurément, Clara Arnaud réussit parfaitement à nous immerger au cœur de ces montagnes, parfois enneigées, parfois ensoleillées. D'une grande générosité, elle transmet, avec précision, toutes les émotions, les sentiments parfois contradictoires. Fait corps avec cette région, cette façon de vivre. Elle donne à voir, à sentir, à ressentir, à effleurer, à entendre à travers ses cinq personnages. Jules, ce montreur d'ours dans les années 1880. Gaspard, un berger soumis à la dureté de son travail qui ne pense qu'au bien-être de ses brebis. Alma, éthologue passionnée par les ursidés qui rêve d'une cohabitation harmonieuse. L'ourse, à la fois espérée, attendue, redoutée ou crainte. Et enfin, la montagne, personnage à part entière, majestueuse, imprévisible et tempétueuse. Si ce roman, à la plume élégante, poétique et immersive, est aussi tragique que beau, sans nul doute authentique, écologique et didactique mais aussi sociétal, il y manque toutefois un peu de vie, de chaleur, de tendresse, un je-ne-sais-quoi de plus accrocheur, plus empoignant.

Une légère déception...

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Et vous passerez comme des vents fous

Je ne connaissais pas les romans de Clara Arnaud, mais lorsque l'on m'a proposé de lire son dernier roman, j'ai immédiatement été séduite par la thématique autour de la montagne, de notre rapport à la nature, aux animaux domestiques comme sauvages.

Ce roman se passe dans les Pyrénées, un lieu où j'ai mes racines, un endroit que j'ai eu envie de retrouver pendant quelques soirées à travers cette lecture.



L'ours est le personnage principal de ce récit. Au centre des débats, sa réintroduction dans les Pyrénées centrales suscite de vives émotions entre d'un côté, les défenseurs de la cause animale et de l'autre, les éleveurs et bergers qui doivent cohabiter avec l'animal.

Avec une question qui demeure : est-il possible de vivre en harmonie et en sécurité à proximité des ours ?



J'ai aimé l'impartialité de l'autrice. Pour mieux nous faire comprendre les enjeux et les positions de chacun, elle assemble et croise trois points de vue en une longue tresse narrative : celui de Jules, orsalher à la fin du XIXème siècle ; Gaspard, berger pyrénéen ; Alma, docteure en biologie comportementale, qui étudie les ours de la région pour le centre national de la biodiversité.



*

“Nous étions en paix comme nos montagnes

Vous êtes venus comme des vents fous. »



Le récit commence en 1883 par la voix de Jules. Il habite le petit village d'Arpiet dans les Pyrénées.

Depuis tout petit, Jules rêve de devenir montreur d'Ours et de partir faire fortune en Amérique. Alors, après avoir localisé l'emplacement de la tanière d'une ourse ayant mise-bas, il attend qu'elle s'absente pour lui subtiliser un de ses petits.



« L'ourse est sa muse, sa soeur, sa fille. Elle est née une première fois dans la tanière, créature glabre tout juste sortie du ventre de sa mère, et, la capturant, il lui a offert une seconde naissance, à son monde, celui des hommes. »



Ces pages m'ont emportée dans le passé au temps où les hommes faisaient des ours des bêtes de foire, des animaux dont la fourrure avait, disait-on, le pouvoir de guérir. J'ai trouvé cette partie cruelle, très violente, mais aussi fascinante et sublime par l'écriture.

Tout comme l'ourse, j'ai tressailli sous les coups de bâton qu'elle recevait, j'ai eu de la peine pour cette vie de captivité et de mauvais traitements, j'ai haï Jules.



*

Puis nous revenons au temps présent. L'histoire de Jules et de son ourse continue à planer, permettant d'éclairer l'origine des problématiques actuelles.



« Nous avons fait front comme nos montagnes

Vous avez hurlé comme les vents fous. »



Gaspard est berger, il se prépare au rituel de la transhumance, en montant en estive les troupeaux de brebis de plusieurs éleveurs de la région. Malgré un accident traumatisant survenu l'été précédent, il ne peut envisager de vivre sans ces mois de vie intense et solitaire dans les pâturages de haute-montagne. Sa vie est rude, âpre, mais c'est celle qui lui permet d'être heureux, de vivre pleinement, sans regrets ni manques.



J'ai aimé son regard sur la montagne, son envie de vivre dans les hauteurs, sa vocation pour le métier de berger, son amour de la nature, son goût de la liberté et des grands espaces, sa passion des animaux, son lien avec ses chiens et son troupeau. Même si les ours mettent en péril son activité, il n'est pas haineux et agressif envers eux comme tant d'autres. Il comprend que la montagne doit se partager et que l'ours y a toute sa place.



« Parce qu'ici vie et mort, joie et peine, intensité et lenteur, hommes et bêtes, lumière et néant, ciel et terre, douceur et violence se côtoient ; parce qu'il s'y fond et s'y efface, s'y sent si vivant, il s'accroche à ce bout de montagne. »



Mon esprit a voyagé et a imagé Gaspard sous les traits d'un berger que j'ai connu près de Barèges, il s'appelait Laurent Crampe. Avec ma classe, on venait le voir chaque année, cette visite était devenue incontournable. C'était un moment plein de beauté et de joie. Je me rappelle son visage jovial, épanoui, passionné, attentif à ses bêtes. C'était merveilleux de l'écouter nous parler de son métier, le voir guider son troupeau avec ses chiens, dans une sorte de langage secret uniquement compréhensible d'eux. C'est avec un pincement au coeur que je lui disais au revoir et à l'année prochaine.



*

Éternels nous sommes comme nos montagnes

Et vous passerez comme des vents fous.”



Alma est éthologue, spécialiste des ursidés. Elle a été recrutée pour étudier les ours, participer à leur suivi, comprendre leurs déplacements afin de faciliter la cohabitation des éleveurs avec les ours, prévenir les attaques possibles avec les troupeaux.

L'accident de l'an passé a fortement marqué les esprits, les tensions sont exacerbées par la présence de cette ourse et de son petit qui se jouent des bergers et de leurs chiens pour venir régulièrement prélever un animal dans le troupeau. Alma doit rapidement trouver le moyen d'empêcher de nouvelles attaques.



J'ai aimé me glisser dans ses pas passionnés, arpenter les chemins tracés par le passage répété des animaux sauvages, me couler dans les traces de l'ourse Negra, attentive aux moindres indices de sa présence : poils, empreintes, excréments, pierres retournées, … L'approche d'Alma est respectueuse, c'est comme un pas de côté qui permet de partir à la rencontre de l'ours, de son environnement, de la montagne, et bien sûr de soi.



« La plupart d'entre eux ne rencontreraient jamais l'ours. Les face-à-face étaient rares, des siècles de chasse acharnée avaient inscrit dans la mémoire des plantigrades le genre humain comme un danger. Ils s'étaient adaptés, vivant la nuit, se repliant le jour dans des vallons escarpés, des couloirs à avalanche, partout où les êtres humains étaient encombrés par leurs corps malhabiles, pris de vertige. L'ours, lui, dansait sur les crêtes, sinuait dans les forêts épaisses, au mépris des épineux qui s'accrochaient à son cuir épais. »



*

La plume de Clara Arnaud se fait délicate, lumineuse et profonde pour parler des liens puissants, inextricables et complexes qui nous relient à la nature et à sa faune. Elle s'harmonise parfaitement entre le regard du poète et celui du scientifique, jouant ainsi sur la sobriété et l'efficacité comme sur l'élégance et la douceur.



L'autrice a su me captiver en tissant des liens entre deux époques, en entremêlant les rencontres et les points de vue, en alternant narration et réalité, en proposant une réflexion intéressante sur la réintroduction de cet animal tout en exprimant les sentiments des bergers moralement affectés par la prédation.

L'autrice entretient une tension constante par la présence de l'ourse autour des troupeaux et par l'évocation tout au long de l'histoire, par flash-back, du drame qui a laissé des cicatrices invisibles mais considérables sur les lieux et les hommes.



*

Les descriptions de la montagne sont superbes, magnifiées par les levers ou les couchers de soleil, la présence des troupeaux sur l'estive. Théâtre de drames, lieu de refuge, les mots de l'autrice disent toute la beauté de ce monde, sa fragilité aussi, dans un carrousel d'émotions, de sensations, de couleurs, de lumières, de senteurs et de bruits.



Si la figure de l'ours est centrale, elle n'hésite pas à y mêler l'intime, le destin des hommes, racontant les méandres de leur vie avec leurs tempêtes et leurs revers, avec leurs peurs et leurs questionnements, mais offrant également des moments d'émerveillement, de plénitude, de réconfort et de paix.



*

A travers les personnes, les lieux et les époques, Clara Arnaud explore l'équilibre fragile entre la nature, l'animal et l'homme. Elle évoque les polémiques autour de la présence de l'ours, les bienfaits du pastoralisme sur la biodiversité des montagnes, l'intérêt de réintégrer l'ours dans la chaine alimentaire, le décalage entre le monde lent de la transhumance face au monde moderne qui demande rapidité, productivité, efficacité. Il est aussi question du réchauffement climatique.



« Elle savait combien les lâchers d'ours précédents avaient été polémiques, créant des remous dans tout le pays. L'ours charriait avec lui des siècles de mythologie, convoquait des terreurs archaïques. le débat dépassait l'enjeu de sa présence, il s'agissait du rapport de la société au monde sauvage, à ce qui échappait au champ du prévisible. »



*

Pour conclure, Clara Arnaud signe un très beau roman, richement documenté, superbement écrit avec toute l'émotion que l'on peut mettre dans les mots.

Je l'ai savouré page après page et c'est avec une pointe de nostalgie et de regret que je quitte ces magnifiques paysages et cet animal si fascinant.



Je ne peux que vous le recommander très sincèrement.



***

Je remercie très chaleureusement l'équipe de Babelio et les Editions Actes Sud pour l'envoi de ce roman accompagné d'un très joli marque-page d'une couverture de roman d'Aki Shimazaki et d'un petit mot personnalisé auquel j'ai été très sensible.

***
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Et vous passerez comme des vents fous

C'est sur un rêve d'Amérique que s'ouvre ce roman, non pas une Amérique de tourisme ou de voyage, plutôt celle glorieuse du saltimbanque avec un fauve en laisse. Le printemps 1883 est enfin là et Jules s'impatiente, lui qui sait depuis le début de l'hiver dernier où se terre l'ourse qu'il pistait. Il s'engouffre dans les tuyaux de la tanière en son absence, prie pour une longue sortie de la propriétaire, évite comme il peut les griffures des racines, atteint le cocon des petits, enlève l'un d'eux et finit par dévaler les pentes qui le ramènent au village. Ça y est, Jules est « devenu quelqu'un, il attire les regards, les rues bruissent de jacasseries derrière lui. » Il sera « orsalher » pour les pyrénéens du cru, montreur d'ours pour l'histoire. Mais si l'on suivra l'évolution de Jules avec son oursonne dans des chapitres intercalés, c'est à notre époque et sur ses terres d'origine – celles pour lesquelles il avait eu le pressentiment qu'il ne les reverrait pas – que s'enracinera ce roman.

À Arpiet aujourd'hui l'ours ne fait pas rêver tout le monde. Il y a bien Alma dont c'est le métier de pister les fauves, elle est éthologue et traque « cette part sauvage qui a résisté au monde », avec l'ambition de favoriser la cohabitation du pastoralisme avec ses « êtres de lisière ». Même si les doutes et les questions l’assailliront : « Était-ce ça le sauvage dont elle avait rêvé ? Des ours affublés de petits noms, suivis, filmés, contrôlés, sommés de se plier aux comportements jugés non problématiques par les humains ? »

Il y aurait aussi les locaux, dont peu s'aventurent sur la crête publique d'un militantisme anti-ours. Ils seraient même plutôt pour à vrai dire, si ce n'était le mais qui suivait, « Car il y avait toujours un mais, dans lequel se nichait toute l'ambivalence des réactions que soulevait le fauve, ce mélange de fascination et de peur archaïque, que l'épuisement pouvait faire basculer du côté de la haine. »

Et puis il y a Gaspard. Lui a ses raisons de se méfier du plantigrade. L'été dernier a eu lieu un drame sur les estives dont il avait la garde, la présence de l'ours n'y semble pas étrangère. Alors les montagnes ne font plus vraiment rêver Gaspard quand il doit y retourner en ce début d'été, elles sont même anxiogènes pour ce berger désormais pris de vertige.

Le roman suivra Gaspard et Alma en dévoilant aussi leur passé, mettra en relief la vie trépassée de Jules le montreur d'ours comme un lointain écho pour tenter d'appréhender l'évolution du rapport des hommes au monde sauvage. L'époque semble finie où l'on s'en accaparait pour ses propres intérêts, aujourd'hui la société souhaite le réhabiliter et le préserver, malgré le pastoralisme. Et c'est ainsi qu'entre deux mondes l'ours semble écartelé tel un bouc émissaire, dans « une guerre dont personne ne sortirait gagnant, qui poussait tout le monde à devenir une caricature de lui-même ».



Les histoires d'ours finissent mal, en général. Si l'on n'en est pas persuadé, ce roman « nature writing » ne manquera pas de nous le faire pressentir en dévoilant une tension grimpant crescendo aux abords des parois rocheuses. Un page-turner pyrénéen qu'il serait dommage de laisser s'envoler au gré des vents fous. Très documenté, il nous plonge avec force détails dans le réalisme de la vie pastorale aussi bien qu'éthologique, nous subjugue par la majesté poétique du décor montagnard, nous questionne sur le monde du vivant, le rapport et la cohabitation entre monde sauvage et monde.... Civilisé ?

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Et vous passerez comme des vents fous

« Tout ici n'était qu'engendrement  et dévoration, putréfaction et floraison, joie et douleur. Parfois, il se sentait si intégré à ce magma organique qu'il lui semblait participer de ces transformations en cascade, par lesquelles les plantes, les corps, les minéraux, étaient également décomposés , rendus à la terre, dans un même mouvement dont seules les échelles de temps variaient. »



Les héros de ce roman choral ne sont pas, comme on pourrait le croire, Gaspard le berger, Alma l’ethologue ou Jules le montreur d’ours. Non ce sont les ursidés et la nature, somptueuse et implacable ; La montagne, ses vallées et torrents, ses précipices et son herbe tendre, rude mais tellement belle. Désolée, menacée par le dérèglement climatique. Et par les hommes bien sûr.

Un roman comme un hymne à la préservation des espèces et de l'environnement, foisonnant, questionnant, à l’écriture captivante.



« Nous étions en paix comme nos montagnes

Vous êtes venus comme des vents fous

Nous avons fait front comme nos montagnes

Vous avez hurlé comme des vents fous

Eternels nous sommes comme nos montagnes

Et vous passerez comme des vents fous »



Hovhannès Chiraz « Impromptu »



Une très belle lecture
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