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Critiques de Claude Arnaud (59)
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Picasso tout contre Cocteau

Claude Arnaud s'était penché il y a dix ans sur les destinées en amitié croisée de Proust et Cocteau aux trajectoires opposées, l'un extrait de l'ombre et irrésistiblement aimanté vers la postérité littéraire, l'autre en « étoile montante des lettres » passé un peu à côté de ses fulgurantes promesses, peut-être de manière injuste.

Ici il réitère dans la relation starifiée aux côtés de l'artiste protéiforme et touche-à-tout, à la fois peintre dessinateur dramaturge poète ou romancier, mais cette fois avec le peintre le plus iconique du 20ème siècle (et de plus en plus controversé). Pas de suspense côté issue, il suffit de prononcer le titre pour savoir qui en sortira vainqueur, de ce duel entre grands de l'art du 20ème siècle. Mais ici le duo s'inscrit davantage dans la nature profonde des deux et dans la relation qui en découle, l'un maso l'autre taureau, et ça n'est plus l'un contre l'autre comme avec Proust, mais l'un tout contre l'autre, le peintre ne lésinant pas envers ses proches d'un même « traitement décapant ». Il faut dire qu'il a commencé par tuer le père Pablo, un « repoussoir idéal » avant de continuer à engloutir ses modèles peintres après imitation, quand Jean Cocteau et sa « porosité à autrui » se sentira responsable du suicide paternel, et partira sur le terrain de l'imitation en s'inspirant lui-aussi des autres, mais à sa manière caméléon et invertie, en se fondant dans leur univers.

Leur première rencontre date de 1915, dans l'atelier de Montmartre du peintre où « rien n'évoque la rigueur cubiste dans ce bric-à-brac de mégots et de déchets, de palettes maculées et de tubes de gouache, de papiers découpés et de tickets de métro poinçonnés ». Elle se concrétisera par la parade romaine et une création commune sur un ballet de Diaghilev. Cocteau obtient ainsi « son titre de poète-lauréat à la cour d'El Rey », sans avoir conscience encore qu'il ne sera pas le dernier – Breton ou Eluard lui succèderont, avant de retrouver son trône après 27 ans d'éclipse. « Mon parti c'est mon oeuvre », voilà le crédo du peintre et pour assurer sa notoriété il ne lésine pas sur les talents littéraires, et surtout son renouvellement. De son côté, Cocteau le virtuose est aussi « doué pour souffrir », et alimentera son besoin en relation duelle avec Radiguet, ou Jean Marais.

Un demi-siècle de je t'aime moi non plus d'une relation amicale et surtout tumultueuse, pour le plus grand plaisir des deux, où l'un bouffe l'autre, l'un « surmâle se nourrit du désir des hommes », quand l'autre homo assumé y assouvit son masochisme. Mais le récit ne manquera pas aussi de nous plonger dans l'ambiance artistique d'époques, à la rencontre d'autres monstres sacrés (Gertrude Stein, Erik Satie, Daguiliev, Max Jacob, Radiguet, Braque, Dora Maar...), un monde où les rivalités s'empoisonnent souvent de cruauté.



Voilà un récit qui ravira les passionnés de l'époque, intéressera ou surprendra les simples curieux de passage. Le spécialiste de Cocteau y documente avec concision et rythme la traversée condensée de ce demi-siècle artistique par le biais de la relation tourmentée, sur le flux d'une narration chronologique, au gré d'une écriture intense souvent frappée de formules éloquentes.

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Picasso tout contre Cocteau

Passionnés de Picasso et/ou de Cocteau, accrochez vous. Ce livre, d’apparence accessible, est en réalité une véritable bible de chemins croisés. Quel challenge de recouper deux vies entières en trois cent pages.



Le livre est dense et l’auteur semble aimer à outrance les citations et mots en italique. Il a néanmoins l’étrange pouvoir de transformer un novice comme moi (quelques cours d’histoire de l’art ne pouvant suffire face à cette montagne d’informations) en un expert de ces deux artistes, encore faut-il pouvoir se souvenir dès moi des détails.



L’auteur pose un regard extérieur et apaisé sur cette relation en dent de scie, qui pourtant nourrit sans pareille ces deux immenses artistes. On découvre leurs facettes, leurs travaux d’une toute autre manière, où chacun est à la fois bourreau, sauveur et victime… Une belle découverte qui demande néanmoins une certaine énergie pour être lue avec attention.
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Picasso tout contre Cocteau

Saviez-vous que Picasso et Cocteau étaient des amis proches ? Enfin ! Une amitié faite de haut et de bas, d'admiration et de petites phrases blessantes. Cet essai sur leurs années communes est très enrichissant. Du très beau français tant par la plume de l'auteur que celle de ceux qui y sont cités. On revient à cette période encore riche de créativité culturelle, de tous ces noms entrés dans l'histoire. Vous l'aurez compris les échanges et autres critiques sont d'une grande qualité. Les réparties sont cinglantes, les bons mots d'une vraie intelligence de situation. Comme on en voit que trop rarement désormais. Ça pouvait blesser mais ça avait du style. Et ils ne se sont pas épargnés ces deux-là - enfin Picasso surtout qui était un ami, un homme, très particulier quand même. Enfin vous verrez !
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Picasso tout contre Cocteau

Tout est presque dit dans le titre : deux monstres sacrés de la culture française et leur rencontre, leur amitié, leur brouille, leurs oeuvres, leur travail commun.

"Qu'il triomphe et il se sent l'élu des Dieux. Qu'il déplaise et la terre se dérobe sous ses pieds" (p14), voila ce que Cocteau disait de son ami Picasso.

Ce texte est foisonnant comme l'époque où ces deux hommes se sont croisés, ont sympathisé, travaillé ensemble, se sont brouillés, se sont retrouvés.

On est en 1913 (1912+1), on croise l'histoire des ballets russes à Paris, Kandinsky, Cendrars Duchamp, Apollinaire, Satie, Diagleski, Jean Marais, Radiguet, Panama All Brown (dont un texte sur sa vie vient de sortir, "Panama Al Brown" d'Eduardo Arroyo)

On traverse des époques, de leur premier rendez-vous en 1915 à la publication de "Picasso" par Cocteau en 1961, l'un des tous derniers livres de l'écrivain. On voyage dans le Paris de Montmartre, de Montparnasse, en tournée romaine des Ballets russes, en passant par Naples, le Paris Occupé.

L'auteur nous parle d'art, peinture, chorégraphie , écriture mais aussi d'amitié, d'amour, de rivalité entre artistes (de belles pages sur le travail lors de la création "Parade " pour les ballets russes, du livret au décor, de la musique à la chorégraphie).

Ce texte est foisonnant et donne très envie de (re)voir les oeuvres du peintre, de (re)lire les textes de Cocteau mais aussi de découvrir cette époque si riche, des personnages qui ont croisé ses deux êtres, certains sont encore connus (que ce soit Apollinaire, avec l'épisode du vol de la Joconde et son retour de la première guerre mondiale), le monde des ballets russes, que ce soient les compositeurs, les décorateurs, les danseurs et danseuses (la belle Olga, qui sera l'une des femmes de Picasso et leur "marievaudages"), Radiguet et sa trop courte vie, Jean Marais....

Des époques riches en événements politiques, sociaux, artistiques.

Je vais donc continuer mes lectures et aussi surtout lire "le Proust contre Cocteau".

#PicassotoutcontreCocteau #NetGalleyFrance
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Picasso tout contre Cocteau

C'est très à la mode de taper sur Picasso ("C'était aussi une grosse ordure" Julie Beauzac) et ce livre va dans ce sens. Le poison se distille lentement au début pout terminer en un fleuve de fiel. J'ai lu une vingtaine d'ouvrages sur Picasso écris par ses amis, ses photographes, ses critiques, ses enfants et petits enfants, et ses compagnes. Fernande Olivier, Marie-Thérèse Walter et Jacqueline Roque le décrivent comme courtois et prévenant. Le livre de Françoise Gilot ne dépeint qu'une vie banale de couple si ce n'est que c'est avec un artiste acharné au travail. Aucune ne parle d'agression ou de violence. Pour revenir au livre, Cocteau, Braque et le biographe John Richardson (qui a passé sa vie à écrire sur Picasso et a lui organiser des expositions) n'auraient de cesse de le critiquer (Nullité agressive de cette peinture, Picasso est trop bête pour comprendre le génie des autres, un vieux Grock dont l'heure de gloire était révolue...). L'auteur prenant ses désires pour réalité le summum étant "Ce vieux marcheur misogyne, envisageant les problèmes sexuels sans la moindre nuance (?) et courant après les jupons par conformisme (?) se déguise en femme pour (comme dans ses toiles) ridiculiser le sexe féminin qui l'encombre et se venger de n'avoir jamais osé s'avouer la pente qui le porte vers le sexe masculin". Après en avoir fait un monstre violent on en fait un consommateur de femmes parce qu'homo refoulé. Ne faites pas comme moi, n'achetez pas ce livre il est malveillant et pervers et ne parle ni d'art ni de peinture et encore moins de l'amitié entre les deux artistes.
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Picasso tout contre Cocteau

Nouvelle immersion au coeurs des années folles que j’affectionne tant et cette fois aux côtés de Picasso et de Cocteau. Plus de 40 ans d’une amitié passionnelle entre ces deux hommes qui furent tour à tour muse et mentor l’un de l’autre. Un essai qui est aussi celui des influences artistiques et qui n’épargne rien à la personnalité complexe voire retors du peintre espagnol. Comme attendu, j’ai beaucoup aimé cette biographie factuelle qui ne se prive pas des forts sentiments qui unissent ces incroyables artistes et qui se trouvent subtilement abordés dès le titre “tout contre Cocteau” (en opposition à un essai précédent de l’auteur “Proust contre Cocteau”).
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Picasso tout contre Cocteau

L’essayiste et romancier Claude Arnaud explore les liens entre le peintre et l’écrivain-cinéaste dans un Paris bousculé par l’avant-garde puis par la guerre.
Lien : https://www.lesinrocks.com/l..
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Picasso tout contre Cocteau

Après avoir écrit Proust contre Cocteau, publié en 2013, Claude Arnaud a eu envie de raconter l’amitié particulière entre Picasso et Cocteau qui a duré de 1915 à 1963.



Comme à son habitude, Picasso incarne, dans cette relation, le rôle du sadique, du bourreau avec un Cocteau masochiste non dissimulé, et peut-être légèrement assumé.



Chacun a envié les créations de l’autre n’hésitant pas à les piquer pour se les approprier. Cocteau, le fragile, aime les brutaux, les puissants. À la mort de Raymond Radiguet, son amant intermittent, son surnom devient Le veuf sur le toit. Ses tentatives pour protéger l’écrivain contre ses addictions n’ont pas suffi.



De douze ans le cadet de Picasso, Cocteau rencontre le “Maître” pour le ballet “Parade” de 1917 auquel Satie et Stravinski ont travaillé. Au fil des pages, Claude Arnaud fait découvrir aussi une galerie de personnages dont un Albert Breton, non seulement antipathique mais aussi homophobe.



On croyait que Picasso n’était pervers qu’envers les femmes. Toutes ses amantes en ont fait les frais et seule Françoise Gillot l’a dénoncé. Avec Claude Arnaud, le lecteur découvre ses relations diaboliques avec des hommes. Car, Cocteau a subi toute sa vie l’amour haine cruelle du Malaguène.



Depuis l’attitude de son père devant son talent (pour rappel, il a arrêté de peindre lorsqu’il a compris le talent de son fils), Picasso sait que Le Monde s’effacera, tôt ou tard, devant son talent ! Alors, il ne cessera toute sa vie d’en tirer profit pour vampiriser ses compagnons et ses maîtresses au nom de son œuvre.



Selon Claude Arnaud, Picasso a, semble-t-il, besoin d’un poète douloureux à ses côtés pour vanter son talent. Il ne faut pas oublier que lui-même a écrit des poèmes ! La période Max Jacob s’arrête par l’abandon de son ami lors de la seconde guerre mondiale et sa mort au camp de concentration.



La période d’Apollinaire ne s’arrête pas, même lorsqu’il est accusé à tort du vol des statuettes du Louvre dont une qu’il a donnée à l’espagnol. Cocteau passe sa vie à demander à Picasso de l’accueillir au long cours dans sa tribu. Ce dernier n’aura de cesse de jouer de façon persécutrice de son envie. Seul Paul Eluard semble avoir eu plus de chance. Peut-être que Picasso l’admirait vraiment !



Comme un roi soleil, Picasso impose son cérémonial concernant les visites, au fil du temps. De cette amitié qui débuta lors du voyage à Rome, Cocteau se verra, de nombreuses fois, refuser l’entrée de l’antre du peintre. Alors, le poète ne cessera de se lamenter auprès des différentes femmes, amantes, enfants avec qui, il trouvera secours face à l’incompréhension de cet arbitraire. Ce n’est que lorsque Cocteau, 66 ans, et Picasso, 74 ans, se retrouveront à La Californie que leur amitié sera apaisée.



À sa mort, à 91 ans (nous fêtons ces jours-ci son centenaire), Picasso laissera une cinquantaine de milliers d’œuvres. Encensé par tous les historiens de l’Art, Picasso, l’homme, ne finit pas de nous étonner.



L’essai de Claude Arnaud en révèle encore une facette. L’ami n’était pas plus aimable que l’amant. L’ogre, le matador ou le taureau se révélait dès que l’affection apparaissait ! Cocteau en a fait les frais pendant à peine moins que cinquante ans.



Cocteau est un génie fragile qui doute de son talent, de sa création, pourtant énorme, qui a besoin de l’autre pour croire en son talent. Même s’il est reconnu dans les salons, dans son milieu, adulé par le milieu intellectuel, Cocteau hésite et tâtonne.



Picasso tout contre Cocteau se découvre aussi aisément qu’un roman. Facile à lire, cette biographie très agréable de Claude Arnaud détaille chronologiquement cette relation bancale. Passionnant et édifiant !


Lien : https://vagabondageautourdes..
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Le mal des ruines

Comment dire du mal d'un écrivain plusieurs fois primé et ayant résidé dans la prestigieuse Villa Médicis ? Pourtant, ayant achevé la lecture du "Mal des ruines", j'ai l'impression de me sortir à grand peine d'un empilement nauséabond de linge sale. La corsitude de l'auteur, côté maternel, qui est le sujet principal de ce roman autobiographique, lui pose problème. Claude Arnaud est partagé entre les souvenirs d'une enfance heureuse, à gambader dans la splendeur d'un maquis encore largement préservé, et une actualité faite d'attentats, notamment vis-à-vis des possessions ancestrales de sa famille, considérée comme traître à la "patrie" corse, de trahisons entre militants, de compromissions avec des autorités jouant sur l'appât du gain. Mais loin de chercher à intéresser ses lecteurs et lectrices à son point de vue sur le pays de ses origines, l'auteur ratiocine, dans un style manquant de fluidité, fait d'incessants va-et-vient, nécessitant parfois de s'y reprendre à plusieurs fois pour comprendre le sens de ses phrases. le résultat est que l'on se désintéresse vite de ce vague schéma policier, dans la seconde partie de l'ouvrage, associant vengeance personnelle et attentat politique. La Corse n'en sort pas grandie, et c'est bien dommage…

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Brèves saisons au paradis

J’ai lu Brèves saisons au Paradis avec un mélange de fascination et d’agacement. Fascination pour une écriture légère, joliment imagée, truffée de références qui m’ont parfois fait sourire. Agacement pour la bourgeoisie post 68 que le roman décrit, son faste, son insouciance, son apolitisme. C’est une excursion un peu étrange, un peu hallucinée parfois, dont l’écriture accélère et ralentit au gré des souvenirs de l’auteur. J’ai aimé progresser au rythme des souvenirs ressuscités de Claude Arnaud, un rythme très psychologique qui fait la part belle aux introspections anxieuses. Par ailleurs, il y a un vrai talent pour capturer l’essence d’une personnalité, ses contradictions, ses désirs, qui permet de soutenir le défilé rapide des personnages.
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Juste un corps

Claude Arnaud , essayiste et romancier publie " Juste un corps " dans la collection "Traits et Portraits" dans laquelle divers auteurs se sont prêtés au jeu de l'écriture soutenue par l'illustration. Une couverture qui évoque le corps , un papier glacé , des lignes qui esquissent notre propre maison ,celle de notre enveloppe , des photos ou coups de crayons pour renforcer cette substance littéraire. Un bien joli objet que ce livre ; son contenu n'en est pas moins élégant.

Nous observons souvent nos compères , l'esthétique de chacun , les traits et attraits et pourtant , notre propre corps nous est étranger. Cette formidable machine capable de régir notre existence nous gouverne chaque jour , elle crie sa souffrance , sa jouissance , demande à ce qu'on l'alimente ou l'hydrate , nous force au repos ou nous signifie son attirance. Mais connaissons-nous le fonctionnement de tous nos viscères , nos kilomètres d'artères et nos neurones qui me permettent d'écrire cette chronique et vous de la lire ? Suffit-il de regarder notre reflet dans un miroir pour s'imprégner de soi ?

Claude Arnaud dissèque ce corps non pas au scalpel mais par l' écriture .



Aussi , quelle est la place du corps dans la littérature ?

L'auteur évoque les écrivains qui ne respiraient pas la santé , le sacrifice de soi face à la priorité du corps , le cerveau comme seul organe , les esprits féconds malgré la solitude pesante de Pessoa , la souffrance de Proust , les addictions de Sartre , l'état de clochardisation de Celine , la maladie pour Thomas Mann... Puis les autres , ceux qui ont insufflé la vie , celle du corps au travers des œuvres comme Morand ou Colette qui déclara" Moi c'est mon corps qui pense , il ressent plus finement , plus complètement que mon cerveau. Toute ma peau a une âme ". Dès lors , telles les tribus ou les clans japonais qui par le tatouage amènent le corps à l'art de parler en silence , l'écrivain laisse des traces profondes , extraie la substance de l'humain en creusant plus que ne l'exige l'ordinaire. Il saigne, agonise , , s'étripe , souffre, se bousille , se noie , s'épuise , endure et vidé , doute toujours et encore , s'estime incomplet , sacrifié , délaissé , en marge." Heureux lecteurs , vous détenez la clef du paradis .Ne cherchez pas écrire , vous iriez tout gâcher [...]Nous sommes le scribe , vous êtes le pharaon."



Puis Claude Arnaud écorche son corps de jeunesse , évoque sa propre constitution , la fuite de l' apparence par la construction d' une multitude d'affinités aussi contraires les unes des autres ; grossi par mal être , se perd par intransigeance , se fait du mal et se complait dans l'anorexie qui rend fort à l'instar qu'elle détruit. Le mimétisme rassure , l'image renvoie à la perdition et flirte avec la dissonance jusqu'au jour ou le corps parle , il devient un compagnon , notre propre habitat. Il mérite de la reconnaissance , qu'on en prenne soin , ce corps qui n'a pas été conçu , mais fait.

Le christianisme n'avait-il alors pas réduit notre corps au silence et à la souffrance ? Freud ne voyait-il pas dans les maux dont notre corps souffre les effets directs de nos conflits inconscients ? Les grecs n'ont ils pas fait de nos têtes des organes dominants en valorisant l'harmonie du corps ?



Le temps est venu de se centraliser.



"Le corps est l'espace privilégié de la mise en scène de l'indicible" [Serge Tisseron]



Un livre/récit étonnant et captivant.







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Juste un corps

Dans un récit autobiographique, l’essayiste et critique Claude Arnaud explore les tréfonds de la création littéraire qui est aussi « une manière de vivre ».








Lien : https://www.sudouest.fr/cult..
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Le mal des ruines

A tous les Corses éloignés de l'ïle de Beauté, ce livre apportera une bouffée d'air pleine des parfums du maquis. A ceux qui y vivent, un doux hommage et l'explication aussi de cette dualité complexe d'être corse à Paris et parisien en Corse... Pour les enfants aussi qui ne viennent que durant les vacances, la question de l'identité relève souvent d'une souffrance mêlée de douceur. Et tout le monde a dans le coeur un endroit qu'il reconnait instantanément comme celui de ses racines, de ses plus beaux souvenirs d'enfance.

Petit bémol concernant les détails, trop longs à mon goût, dans l'exposé des "vengeances", actes violents et "attentats" des dernières décennies. Le risque est de perdre le lecteur peu averti de ces sujets...
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Juste un corps

On tolère son corps plus qu’on ne l’habite. On le toise, même. L’analogie est pertinente (« Notre corps est la maison de notre être, la demeure où le destin a voulu qu’on passe sa vie »). Le corps, c’est un peu comme un bien immobilier dont on est juste locataire - détaché. Qu’il nous abrite, qu’il ne se fasse pas remarquer, qu’il n’importune pas ! Pourtant, dès qu’un dysfonctionnement apparaît, que la machine se détraque, il manifeste sa présence. Fuites, incendies, fissures, pépins variés, des maux survient la prise de conscience (« Je tends à le voir comme mon instrument, je ne suis que son effet »).

Alors Claude Arnaud l’observe d’un peu plus près, des humeurs aux viscères, captivé par son essence, aux aguets : « Mon corps ne consiste vraiment que durant le bref moment de la jouissance et le temps long, si long, de la souffrance ».

Quelquefois, le corps s’écarte de l’âme qui l’enveloppe. Claude (et son prénom hermaphrodite) ne se reconnaît plus dans le miroir. La peau, les muscles, jusqu’à la pomme d’Adam, tout s’oppose à sa nouvelle Ève.

Ce corps, trop souvent condamné par les religions qui en ont interdit la beauté et l’expression alors que chez les peuplades dites « primitives », il primait sur le tout, et le tout puissant (« Le christianisme a voulu réduire notre corps au silence et à la souffrance »). Freud n’a rien arrangé, faisant de l’inconscient la cause de tout.

Le corps est putrescible. Les Égyptiens en abhorrait la destruction, inconsolables à l’idée de se présenter décomposés devant Nemty. Comment y survivre ? Peut-être en se réincarnant par le livre. C’est le réconfort de l’écrivain, au matin des adieux.

« Juste un corps » est un bel objet littéraire. Il prolonge, avec plus de poésie, le « Journal d’un corps » de Daniel Pennac.

Bilan : 🌹🌹

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Juste un corps

"Juste un corps" est un petit livre couleur chair, comme un organe qu’on tiendrait entre les mains. Il n’est pas épais, juste une centaine de pages, un livre qui semble bien maigre, rapide à ingérer et s’avère en fin de compte extrêmement nourrissant. Publié dans l’originale et belle collection « Traits et portraits », une collection regroupant des auteurs se livrant avec bonheur au jeu de l’autoportrait accompagné d’une iconographie et d’archives personnelles, Claude Arnaud nous rappelle dans "Juste un corps" une réalité souvent délaissée : c’est à partir de son corps que l’écrivain s’exprime.

Il y aborde de façon intime le mystère de son anatomie et la singularité de son corps pensant d’écrivain. Son corps matériel est une énigme et il ne s’en cache pas. « J’oublie mon corps, le plus souvent. Tout comme je respire sans penser à mes poumons, je vis sans me soucier de lui. (...) Ma toute première maison m’est étrangère, faute d’yeux capables de me la figurer. » Claude Arnaud en s’interrogeant sur l’opacité de son corps, en s’étonnant de son incarnation m’a renvoyé à l’étrangeté du mien, cet amas de muscles, viscères et artères. Aucun de nous n’en a une vision globale et faute d’une culture médicale, ses mécanismes et son fonctionnement nous échappent presque totalement. Ne dit-on pas qu’être en bonne santé est un état d’inconscience du corps ? Un monde mystérieux et qui pourtant nous porte et que nous habitons. Claude Arnaud évoque avec une touchante sincérité son enfance où il ressemblait à une fille, son adolescence où il a maltraité son corps en lui infligeant des épisodes de boulimie et d’anorexie, son attrait pour les hommes, ses problèmes digestifs persistants, le mal de dos à la quarantaine. L’écriture de cette mise à nu plus existentielle que charnelle est sobre, crue, parfois cruelle, sans mièvrerie ni obscénité gratuite. Le ton peut sembler par moment froid et clinique, mais la franchise et la profondeur qui se dégagent du texte ainsi que quelques traits d’humour réchauffent le tout.

La relation ambivalente que l’auteur entretient avec son corps m’a surpris et fait réfléchir à la mienne, car j’ai, un peu comme tout le monde, une image négative de mon anatomie. On hérite tous d’un corps qu’on n’a pas choisi et sur lequel on n’a aucun pouvoir. Il nous faut l’apprivoiser, ce corps qui refuse de se plier à la volonté dictatoriale de son locataire et qui nous rappelle régulièrement qu’il n’est pas ce qu’on croit être. Comme j’ai appris avec le temps à mieux comprendre le mien, Claude Arnaud a apprivoisé le sien grâce à une attention soutenue, à une écoute permanente, à un dialogue pour non seulement l’entendre, mais aussi lui donner un rôle, le faire participer à cette gouvernance solitaire qu’est l’écriture.

Car bien vite, le lecteur comprend qu’il va s’agir dans ce livre, avant tout, du corps de l’écrivain et de son rapport à l’écriture. Claude Arnaud se livre ainsi à une profonde exploration de la littérature, à une évocation d’autres écrivains qui l’ont traversé et le traversent encore. Le texte commence par une citation de Gide qui donne la tonalité du livre : « Il ne me suffit pas de lire que les sables des plages sont doux, je veux que mes pieds nus le sentent. » J’ai senti Claude Arnaud fortement marqué et influencé par André Gide, dans son écriture extrêmement sensible et sensuelle, dans sa finesse d’analyse, dans sa liberté à être ce qu’il est sans restriction, dans son exploration de lui-même. Fidèle à ces principes, il se remémore et nous dévoile avec simplicité et sincérité les tourments qui le rongent lors de la conception de ses livres, les angoisses qui l’habitent lors de leur parution en empruntant le vocabulaire de la procréation et de l’autofécondation. Des œuvres autofécondées par un écrivain qui se déplie et se multiplie, qui engendre des corps littéraires dans la douleur et la durée. Car cet engendrement littéraire prend du temps, mobilise énormément d’énergie, sépare du monde, éreinte le corps charnel, puise dans ses réserves, dans ses souvenirs, dans ses sensations. Je trouve cependant que les propos de l’auteur sont excessifs lorsqu’il parle de la « solitude toxique » de l’écrivain au travail qui regarde « les autres vivre avec la mélancolie des infirmes surprenant les passants marcher à l’air libre. » Mais peut-être est-ce ironique ? Quoi qu’il en soit, si le processus de création littéraire parait exténuant et avilissant, il n’en est pas moins nécessaire et même vital pour Claude Arnaud. J’ai senti qu’il répondait à un besoin de transcendance de l’auteur même si, moniste et païen en diable, il s’en défendrait peut-être. Mais les textes qu’il a écrits pour exorciser la mort de ses proches, celle de sa mère emportée par la leucémie, et celle de ses frères morts suicidés ressemblent fort à un cérémonial funéraire. « Mon corps a longtemps été leur tombeau, avant que je ne les ensevelisse dans un livre. » Mieux encore, les livres autofécondés qu’il a engendrés deviennent eux-mêmes un corps et dans une comparaison certes un peu rebattue, il les identifie aux enfants qu’il n’a pas eus, comme une descendance qui le prolongerait, comme un corps littéraire qui lui survivrait éternellement.

"Juste un corps" est un livre d’une grande profondeur et d’une tendresse confondante, un petit livre que l’on peut juger bien maigre en raison d’une écriture à l’os faite de phrases musclées et nerveuses, en raison d’un style direct, rapide et sans vernis qui va à l’essentiel. Un livre que l’on peut qualifier d’anorexique, mais qui par la densité de ses analyses et la richesse des sensations qu’il procure rassasiera les plus friands d’entre nous.

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Qu'as-tu fait de tes frères ?

Quelle vie mes amis, quelle vie ! Je ne sais si tous les éléments racontés sont vrais, ou s'ils ont été légèrement enjolivés. En tout cas, on ne peut être qu'admiratif devant l'intensité de la recherche d'identité de son auteur, au milieu d'une époque qui avait l'air en perpétuelle ébullition. Le récit tourne quelquefois au catalogue des relations de Claude Arnaud, ce qui ne facilite pas forcément la lecture. Mais les réflexions développées tout au long du livre valent le coup de s'accrocher. Il s'agit d'un livre à la fois assez fou, descriptif et cérébral, qui m'a permis de me plonger avec furie dans une époque et une fratrie fascinante.
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Juste un corps

Entre souffrance et jouissance, l’écrivain s’intéresse au corps de l’écrivain en lien avec l’acte d’écrire : avoir ou être (juste) un corps.
Lien : https://www.lepoint.fr/cultu..
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Juste un corps

Claude Arnaud se dit dominé par un corps qui le mène et malmène jusqu’à ce que l’esclave se rebelle contre son maître en dégainant le glaive de la littérature. Grave, drôle, affranchie.
Lien : https://www.lesinrocks.com/l..
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Le mal des ruines

Comment vivre avec la Corse dans le coeur et rester libre ? C’est la question redoutable que pose Claude Arnaud. Loin d’un plaidoyer pour l’esprit corse ou d’une sorte de guide littéraire de l’île, ce livre est une quête d’identité.



Il raille le réflexe corse qui consiste à magnifie son île pour mieux ancrer sa singularité face au reste du monte. Mais cette allégeance symbolique a son prix.



« L’identité est un feuilleté. »



L’auteur est Corse parce qu’il y a vécu ses étés d’enfance, parce que sa famille est celle des Zuccarelli et que cette famille est ancrée ici à double titre : maudite par un prêtre assassiné et engagée politiquement dans la vie de l’île. L’île lui a aussi pris l’un de ses frères en l’embarquant mystérieusement dans les flots.



On le voit : l’ombre des morts planent sur Claude Arnaud. Le granit des montagnes porte les vivants et la mémoire de ceux qui sont passés. Quand il est continental, il habite le chic et ennuyeux 16ème arrondissement, et quand il foule les sentiers du maquis et retrouve la casa Zuccarelli, il est le dernier représentant d’une lignée qui sera sans descendance. Il ne reste alors que les mots de ce livre dont le lecteur sera l’héritier pour porter cette mémoire.



Le livre emprunte de nombreuses pistes. L’enfance d’abord, où la chaleur et la beauté du village Sainte Lucie font facilement renoncer aux étés du pays de Bresse. Ces vieux qui semblent déjà appartenir à l’éternité, loin d’un monde qui se modernise, leurs silhouettes aussi antiques que les ponts de pierre et les châtaigniers. Ces taureaux qui ont défié les Étrusques. Ces hameaux abandonnés comme une préférence du passé au présent, que les défunts pourraient retrouver sans difficulté. La nature est ce livre ouvert qui parle si bien du passé, mieux que n’importe quel art.



L’île n’est pas anodine. Elle n’est pas d’une parcelle coupée du monde et du temps, condamnée à l’immobilisme. Elle est une jeteuse de sorts.



Mais un malaise plus grand s’installe chez Claude Arnaud lorsque face au décrochage trop violent par rapport à un monde qui se modernise, naissent des mouvements activistes qui font couler le sang, divisent, sèment la graine de la guerre civile et, en référence au FLN algérien, basculent dans le terrorisme.



Longtemps pétrifiée dans un passé trop lourd, la Corse sort de sa gangue trop brutalement. La spirale de violence attire immanquablement ces gangsters qui prospèrent sur les ruines de l’ordre pour leurs petits trafics, causant 15.000 attentats en trente ans ! La famille Zuccarelli ne restera pas indemne et l’attentat contre la maison de Sainte Lucie provoquera une décision sans retour.



L’âme corse finit par trop ressembler à un mythe moderne où la violence serait inscrite dans l’ADN de ses natifs. Claude Arnaud qui la nomme « l’île des morts » finit par tourner les talons et rejette par dégoût son lien avec elle.



« Une origine ne peut tenir lieu d’identité, même si elle y contribue. »



Claude Arnaud s’affranchit son origine, son appartenance corse. Après tant d’années de ce « tango existentiel« , le futur devient un chemin qu’il décide de se choisir. L’amour pour cette terre ne prend son sens à ce moment.



Car l’homme ne peut rien pour cette terre insulaire ; il est de passage, son souvenir passera sous l’oeil hautain des lézards.

T. Sandorf



Merci à #netgalley et #grasset pour cette lecture #lemaldesruines.
Lien : https://thomassandorf.wordpr..
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Le mal des ruines

Le mal des ruines est un livre personnel, très personnel, voir trop. Et quelle place accorde t il au lecteur ?



Claude Arnaud, puisque c'est de lui dont il s'agit atterri à Bastia puis s'en va de part les routes retrouver les lieux de son enfance.



C'est une énième recherche d'identité, comment devient on ce que l'on est, ce que l'on sera, l'influence ilienne est elle déterminante au même titre que cette emprise familiale qui vous enferme dans un carcan chaleureux d'us et coutumes d'un autre temps ? En contre partie, quelle est sa part d'autonomie et de liberté ?



Tout au long de son périple routier, Arnaud nous décrit des paysages idylliques, de cartes postales pour le touriste lambda, ou avec le plaisir du déjà vu pour les habitués de l'itinéraire. Des digressions multiples agrémentent et étoffent le récit. Histoires familiales, celles des Zuccarrelli, sensibles lorsqu'elles touchent à la fratrie, d'un intérêt limité lorsqu'elles concernent le cousin du mari de la petite fille d'une arrière grand tante.

Histoire de clans, histoires de crimes, de vendettas, de jeux politiques, d'indépendantistes et autres oublis de ma part.

On se laissera prendre ou pas.



Comme son nom l'indique, Claude Arnaud n'est qu'à demi corse. Le père dont je ne sais plus s'il est normand ou jurassien n'a droit qu'à une dizaine de lignes. S'il y a une vérité à rechercher elle en est déjà tronquée par cette réduction. Bref



Et la fin du périple prend allure de pirouette littéraire. Chacun ses choix.



Le mal des ruines est un livre personnel, trop peut être, où l'on recherche le partage



A contrario, lors d'un voyage en Corse, dans un bus à Ajaccio, une vieille dame corse réprimanda durement une bande de jeunes auxquels ne venait pas l'idée de nous céder une place assise dont nous avions à l'évidence besoin.

Le souci de l'autre, cela fait du bien.



PS. dans la semaine qui suivit, un notable local, football je crois, fut abattu.
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