Citations de Claude Raucy (33)
Papa déteste cette conjonction. "Mais", pour lui, c'est un obstacle idiot sur le parcours qu'il s'est tracé. Un parcours où tout est facile, programmé, presque désinfecté.
Si vous ne vous intéressez pas aux siècles qui nous ont précédés, vous ne comprendrez rien au nôtre
Les autres parlaient parfois de leur grand-mère. Tu te souviens que çà te faisait chaque fois un peu mal. Parce qu'ils en parlaient comme d'un beau rêve. Comme d'un conte de fées. Des grand-mères de comtesse de Ségur. Elles avaient toutes des gestes tendres et des indulgences sans limite. Elles ouvraient les bras à toutes les bêtises, à toutes les erreurs. Mentaient-ils tous ? Pourquoi te disaient-ils que les grand-mères n'avaient jamais que des mots d'amour pour leurs petits-enfants ?
Tu n'es jamais parti Nicolas
Tu ne pourras jamais quitter nos rives
Les paquebots bleus des rêves ne font jamais naufrage
Ils font relâche sur des îles tranquilles
Voici pour toi les abricots rouges de l'amitié
Les oliviers timides de la tendresse
Voici pour toi Nicolas les collines mauves
Les soirs éblouis d'étoiles
Les escalades éternelles
Les goélands
La terre est si belle
Les yeux des filles sont tant de sources
Les mains des gars sont des barques
Reste avec nous
Fous pas le camp Nicolas
Il éprouva un sentiment inconnu de liberté. Avant de grimper sur la bicyclette, il cueillit une graminée, qu'il glissa entre ses dents. La vie n'était pas si laide après tout. Et il ne pleuvait pas. C'était déjà ça.
Dans le bureau de la secrétaire, tu ne connaissais pas encore Nicolas. D'ailleurs tu ne connaissais personne qui s'appelle Nicolas, sauf le saint naturellement, ce saint auquel on ne t'avait jamais fait croire, au nom d'une laïcité qui méprisait les dogmes et les supercheries de la foi. Saint Nicolas, c'est papa et maman ensemble. Ou papa et maman séparés. Ou papa tout seul, quand maman était partie à un congrès. Ou maman toute seule, quand papa oubliait. Ou personne, quand les deux oubliaient.
On te confie une mission difficile : remplacer les fausses notes de jadis par des accords mélodieux. Couvrir les cris de haine par des chants de fraternité.
Six avril 1943.
J'étais assis sur un banc. Je regardais les pigeons. Je voulais que le soleil vienne en moi, me chauffe.
Elle venait de la rue Mayran. Elle avançait vite, un panier sous le bras gauche. Elle était belle. Sérieusement belle.
Elle avançait trop vite. Encore quelques minutes, quelques secondes même , et je ne la reverrais plus. Il fallait crier, un nom, son nom. Son nom ? Mon Dieu, faites qu'elle s'arrête, qu'elle vienne s'asseoir sur le banc. , près de moi. Elle ne s'est pas arrêtée. Les trottoirs parisiens ont des saillies imprévues que ne prévoit pas le pied mignon d'une jeune fille de quinze ans. Ce pied nu mignon heurte la bordure. La jeune fille se précipite violement en avant. Son panier va plus vite qu'elle, jette en l'air son contenu, les légumes s'éparpillent sur le trottoir.
(...) difficile de vivre en Belgique quand on vient d'ailleurs avec l'espoir pour seul bagage et le sourire pour unique passeport.
La beauté, on ne l'aime guère que figée dans le marbre ou sur une toile.
Je ne suis pas partie pour longtemps. Je suis au bout de la rue. Je suis partie acheter un kilo de rutabagas. Je t'aime. je vais revenir. Pense à moi si fort que je sente ta pensée se cogner contre mon front. Je t'aime. Je vais revenir. Attends-moi. Je t'aime. Ne regarde pas les nuages.
Pourtant, je savais que mon aventure devrait se terminer quelque part, un jour ou l'autre. Elle s'est terminée dans ta ville, Fabienne. Pourquoi ? Un signe du destin ? Une journée moins grise que les autres ? Des gens plus souriants ?
Toi peut-être. Mais non, pas toi. Je ne te connaissais pas. Je n'avais jamais vu ta veste avec des fraises. Tu vois...
Azad ne termine pas sa phrase. Fabienne a une main sur la table, à côté de sa tasse. Azad pose sa main sur la main de Fabienne, qui n'ose pas la retirer.
A Venise, les sourires sont toujours partagés mais tous ne viennent pas du cœur.
Quand un événement inattendu se produit, il arrive rarement seul.
Il sait, lui, que la vie est déraisonnable, de toute façon, et qu'il faut oser si l'on veut échapper au malheur.
Pas une seconde, il n'a pensé aux difficultés qui l'attendent. Il sait depuis longtemps que les projets les plus simples se révèlent parfois terriblement difficiles et que les entreprises les plus hasardeuses profitent souvent de la complicité inattendue des événements.
Ce " viens ", c'est une réponse à l'absurde, une porte qui ne se referme pas, un passeport, un billet pour l'espoir. C'est cela, la vie ? Un homme, un seul peut décider un matin que vous devez être malheureux ? Un autre homme, un seul, peut décider le soir que vous devez être heureux ?
Le chauffeur insiste :
- Si tu veux téléphoner à tes parents...
-Non, merci, dit Parwais, ils sont en vacances au Canada. Je leur enverrai un mail quand je serai chez mes cousins.
Ses cousins ? Il doit faire attention à ce qu'il dit. A-t-il vraiment parlé de cousins, tout à l'heure ? Il ne sait plus. A force de mentir, on ne sait plus où est la réalité.
Tout de suite, Gabriel est frappé par les yeux. Deux petits yeux rose-orange de porcelet qui clignotent sous d’épais sourcils.