L'impact culturel du chef-d'oeuvre Les Trois Mousquetaires d'Alexandre Dumas est énorme. Publiée initialement sous la forme d'un roman-feuilleton en 1844, la puissance évocatrice de l'oeuvre a contribué à la mythification de la figure du Mousquetaire. Qu'on l'ait lu ou non, les noms de D'Artagnan, Athos, Porthos et Aramis évoquent à tous les romans de cape et d'épée, l'héroïsme, l'aventure épique, la loyauté et l'amitié.
Pour évoquer ce chef-d'oeuvre, Nicolas Herveaux reçoit Claude Schopp, docteur es lettres, biographe d'Alexandre Dumas dont il est un grand spécialiste et Clara Hedouin, auteure et comédienne.
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"Le nom d'Alexandre Dumas est plus que français, il est européen ; il est plus qu'européen, il est universel. Son théâtre a été affiché dans le monde entier ; ses romans ont été traduits dans toutes les langues. Alexandre Dumas est un de ces hommes qu'on peut appeler les semeurs de civilisation ; il assainie et améliore les esprits par on ne sait quelle clarté gaie et forte ; il féconde les âmes, les cerveaux, les intelligences, il crée la soif de lire ; il creuse le génie humain, et il l'ensemence. Ce qu'il sème, c'est l'idée française. L'idée française contient une quantité d'humanité telle que partout elle pénètre, elle produit le progrès. De là l'immense popularité des hommes comme Alexandre Dumas. Alexandre Dumas séduit, fascine, intéresse, amuse, enseigne. De tous ses ouvrages, si multiples, si variés, si vivants, si charmants, si puissants, sort l'espèce de lumière propre à la France."
(Victor Hugo à Alexandre Dumas Fils - avril 1872)
« Il était le génie de la vie, il n’a pas senti la mort »
(George Sand)
Les héros ne meurent jamais, au désespoir de leurs biographes qui, éternelles Pénélope, doivent sans cesse remettre leur trame sur le métier. On ne peut rééditer une biographie qu'en la réécrivant, car les héros ont continué de vivre, hors du livre. Ils ont aimé d'autres maîtresses, engendré d'autres enfants, lié d'autres amitiés, ils ont écrit d'autres oeuvres, ils ont fait d'autres voyages. Les biographes eux-même sont quelquefois à l'origine de ces nouvelles découvertes qui annulent pour partie leur travail, définitif, pensaient-ils.
Alexandre n'a de vertiges que physiques, au haut de la tour de Notre-Dame ou au sommet du Wegghis, mais il se plaît à l'altitude dans l'aventure sociale. Maître incontesté du feuilleton, il règne sur les journaux auxquels il a imposé des conditions ; seuls les petites feuilles, auxquelles il ne peut prêter sa plume, continuent à le harceler, piqûres de moustiques sur l'épiderme de l'éléphant. Alors, ne pourrait-il pas s'arrêter un instant sur le bord du chemin de la vie, faire fructifier en père de famille ses immenses revenus ? "Enrichissez-vous" a lancé naguère Guizot de la tribune de la Chambre. Economiser, s'économiser. Alexandre éclate d'un rire d'ogre. Il méprise Guizot, il méprise la boutique louis-philipparde, il méprise les petites manoeuvres thésaurisatrices de ses contemporains. Il construit par la plume une réplique de l'épopée impériale. Toujours plus. Non pas d'argent, non pas de pouvoir, bien qu'il poursuive l'un et l'autre comme un moyen. Toujours plus de vie.
Je n'ai pas oublié le quai d'Anvers, ami,
Ni le groupe, vaillant, toujours plus raffermi,
D'amis chers, de fronts purs, ni toi, ni cette foule.
Le canot du steamer soulevé par la houle
Vint me prendre, et ce fut un long embrassement
Je montai sur l'avant du paquebot fumant,
La roue ouvrit la vague, et nous nous appelâmes.
- Adieu ! - Puis, dans les vents, dans les flots, dans les lames,
Toi debout sur le quai, moi debout sur le pont,
Vibrant comme deux luths dont la voix se répond,
Aussi longtemps qu'on put se voir, nous regardâmes
L'un vers l'autre, faisant comme un échange d'âmes ;
Et le vaisseau fuyait et la terre décrut ;
L'horizon entre nous monta, tout disparut ;
Une brume couvrit l'onde incommensurable ;
Tu rentras dans ton œuvre éclatante, innombrable,
Multiple, éblouissante, heureuse, où le jour luit ;
Et moi dans l'unité sinistre de la nuit.
(Victor Hugo à Alexandre Dumas - extrait des "Contemplations")
En novembre, il part pour Aix afin de rejoindre, dans sa bastide de La Malle, son ami Joseph Autran et lui soumettre sa dernière comédie, Les Idées de Mme Aubray, avant de la faire recopier.
Le personnage central de la pièce s'inspire de George Sand : Mme Aubray professe des idées généreuses sur le mariage, les classes sociales, les enfants naturels. Elle se trouve confrontée à un dilemme quand il s'agit de mettre ses idées en pratique et d'autoriser son fils à epouser une jeune femme qu'il aime, qui a eu un amant et doit travailler pour élever cet enfant sans père. Dans un premier temps, elle refuse avant de se raviser et d'accueillir comme sa fille cette femme déchue.
Dans sa préface, Dumas fils explique que toute chrétienne devrait se comporter comme Mme Aubray :
"Si elle n'est pas prête à l'imiter, elle n'est pas chrétienne, voilà tout, ou elle ne l'est que de nom, c'est-à-dire qu'elle appartient à la catégorie des bonnes dames de sacristie, de ces chrétiennes amateurs qui font de la propagande et de la tapisserie pour les évêques, qui dansent et se decollètent pour les pauvres, qui se confessent et communient pour leurs garanties extérieures, mais qui, au fond, se soucient autant de la grande morale et de la grande charité que des mystères d'Ėleusis ou de la doctrine des Védas".
Quelques jours plus tard Dumas lit dans un journal légitimiste qu'il a été pris les armes à la main, jugé militairement dans la nuit, fusillé à 3h (...)
Il reçoit un mot de Nodier:
"Mon cher Dumas
Le bruit court que vous avez été saisi parmi les rangs des émeutiers et passé par les armes.
Si vous n'avez pas été fusillé, venez dîner ce soir avec nous, et si vous avez été fusillé, venez tout de même."
La première image que le fils possède du père, c'est celle d'un géant immense aux yeux bleu saphir comme lui et aux étranges cheveux qui, lorsqu'on y touche, donnent l'impression d'être de la laine, un monsieur qui écrit, qui écrit sans cesse avec une plume qui gratte le papier et qu'il trempe dans un encrier dont il est interdit de s'approcher, crainte que l'encre noire ne fasse des pâtés sur le blanc du papier ou ne se répande sur le plancher.
La guerre finie, le fils souhaite que les restes de son père soient inhumés au cours d'une cérémonie digne de son renom. Le 17 novembre 1871, il indique au restaurateur Vuillemot, vieil ami de son père, que "le service se fera ainsi que l'inhumation à Paris au Père-Lachaise avant la fin de l'année, je l'espère du moins".
La nouvelle rendue publique déclenche une vive réaction des habitants de Villers-Cotterêts , ville natale de son père.
"Les habitants de Villers-Cotterêts viennent d'adresser en masse à M Alex . Dumas une protestation par laquelle ils s'opposent à la translation à Paris du corps de son père. Ils ne croient pas que M. Dumas veuille les priver de l'honneur de posséder ces glorieuses cendres, et ils évoquent à l'appui de leur demande la volonté même de l'illustre mort."
Le fils finit par se rallier aux arguments et désirs des Cotterėziens.
"comment se fait-il que votre père n'ait jamais écrit une ligne ennuyeuse ?" Je lui répondis: "Parce que ça l'aurait ennuyé !"
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