Colin Winnette

Quand Bird reprit connaissance, il n'était pas mort. ( ??? ) Page 61

Qui est mort ?
_Deux personnes, déjà. Et d'autres risquent de suivre avant la fin, j'en suis sûr.
_ Ils sont morts comment ?
_ Assassinés.
Il pâlit d'un coup.
"ça a commencé, dit-il.
_ Deux fois.
_Non. C'est le fantôme. Il y en aura cinq.
_ Voyons, les morts vivants, ça n'existe pas. C'est une contradiction. Concentre-toi sur ce qui se passe vraiment, pas sur des choses imaginaires. "

Il avait le regard doux, le petit bonhomme derrière son bureau. Doux et noir, comme une mine de crayon.

Il se savait méchant mais ne trouvait en lui rien pour s'en empêcher.

C’est ça qui est bizarre avec les enfants : on est prêt à tout sacrifier pur eux, même la personne qu’avant on aimait plus que tout. La personne pour laquelle on aurait donné sa vie, voilà que d’un coup on l’abattrait pour protéger un truc qui sait même pas parler. Qui sait que rouler, faire des petits bruits et toucher votre visage, vos doigts et vos clés comme si c’était la même chose.

Misérable, je les regardais tomber peu à peu dans le piège de sa tromperie et je compris que c’était l’essence même de l’innocence: la volonté de croire - et par là même, la raison pour laquelle toutes les histoires qui traitent de l’innocence s’achèvent sur sa perte.

Bon, d'abord, j'aime les hommes moches. Je suis pas moche moi-même, mais les hommes moches ont une forme de vulnérabilité. Ils attendent pas grand-chose de la vie. Ils prennent rien pour un dû. Et puis, souvent, les moches savent gérer le quotidien. Ils ont l'habitude d'être seuls. Ça les rend autonomes. Ça leur forge le caractère. Et puis il y a aussi les loisirs. Les moches ont plein d'activités. Ils sont habiles de leurs mains, ou alors ils ont lu une quantité de livres inimaginable. Ils savent cuisiner, ou bricoler.

Plutôt que de faire ce qu'elle avait à faire, Mary aimer parler, se promener et vous montrer des choses. En tout cas elle aimait parler, se promener et lui montrer des choses. Il se demandait bien à quoi elle se serait occupée s'il n'avait pas été là pour l'écouter.

En vérité, j’ignorais tout de son passé, de sa famille, des circonstances de sa naissance. Pour ce que j’en savais, il avait très bien pu naître dans un seau et avoir été immédiatement jeté à la rue par une fenêtre du quatrième étage. Peut-être qu’il n’y avait jamais eu le moindre espoir.

Là où je veux en venir, c'est qu'on est à peu près de force égale quand on s'y met. On peut gagner l'un comme l'autre. Alors des fois je le laisse se défouler. Pour qu'il se sente fort. J'en suis pas fière. Je laisse des coups m'atteindre. Je le laisse me plaquer au sol. Je lève les poings, comme pour me battre. Mais des fois j'ai pas envie de me battre. Juste d'aimer. C'est bizarre, hein ? D'aimer quelqu'un qui vous frappe ? Je me déteste pas. C'est davantage que ça. Je saurais pas comment dire. Je vois bien qu'une partie de lui est fière, mais une partie plus grande encore se déteste d'avoir fait ce qu'il fait. Et c'est pire que si moi je le détestais, la façon dont lui se déteste. Et j'aime bien ça, aussi.