Daniel Easterman

Ne porte jamais de vêtements dont tu ne peux pas prononcer le nom.

Avec le temps, Hasan al-Yunani était devenu intouchable. Il connaissait tout le monde et les faiblesses de tout le monde. La rumeur disait qu’aucun secret à Jérusalem ne lui échappait. Il avait des oreilles et des yeux partout à écouter, regarder et prendre note. Au fur et à mesure, tout le monde était tombé à sa merci, même les hommes les plus puissants de la ville. Il avait plus d’ennemis que d’amis et il était pourtant l’homme le plus en sécurité de tout Israël, pour la simple et bonne raison qu’il était le plus dangereux. Et s’il était dangereux, il était aussi utile.

Jérusalem était comme n’importe laquelle des autres villes saintes qu’il avait visitées ou dont il avait lu des descriptions dans ses livres : la piété religieuse cohabitait avec un mercantilisme éhonté, les cultes s’étaient mis dans les affaires. De partout, on vendait des poignées de Terre sainte, de l’eau de la Terre sainte, de la terre et de l’eau pour cultiver et arroser des nourritures spirituelles. Des rosaires et des crucifix se mélangeaient en un fatras œcuménique avec des tallits, des tefilins et des photos de la mosquée d’Aqsa. Des bibles, des corans, des bréviaires, des haggadah étaient alignés dans les vitrines de vieux magasins tout au long de la Via Dolorosa et même au-delà. Des morceaux de la croix, les clous qui avaient transpercé les pieds et les mains du Christ, les poils de la queue de Buraq, l’animal sur lequel le Prophète s’était rendu de La Mecque à Jérusalem, les pierres du temple d’Hérode – le corps de la ville y était vendu comme celui d’une putain, et les gens continuaient à venir acheter des reliques.

Quand on ne sait plus qui commande, tout peut arriver.

Certains jours, il fait si froid par ici qu'on n'aperçoit aucun être vivant, hormis un parlementaire écologiste venu de Washington, ou un adepte du New Age venu suivre dans les montagnes la piste des anciens Indiens et communier avec les esprits chamaniques.

Un soldat ne sait jamais quand il prendra son prochain repas.

La septicémie peut se transformer en choc septique. Les tissus sont endommagés, la pression artérielle chute. Les mains et les pieds deviennent froids, voire cyanoses, il y a des vomissements, de la diarrhée. Si ça s'aggrave, elle produira moins d'urine et on risque une insuffisance rénale. Il peut y avoir aussi un arrêt du cour.

Il était difficile, sur une base aérienne, d'isoler un enfant des dures réalités du monde extérieur. La plupart des autres enfants fréquentant l'école de la base avaient eux aussi un père : certains pilotaient des avions ou assuraient leur entretien, tandis que d'autres travaillaient devant des écrans d'ordinateurs.

On est en Europe, Reynolds. Ici, la religion n'a pas la même importance que chez nous. Mais je ne vois guère de signe de décadence morale. qui êtes-vous pour donner des leçons, alors que nous avons un des taux d'homicides les plus élevés du monde, et qu'il est pratiquement nul en Angleterre ?

C'est les gens comme vous qui doivent redescendre sur terre. Il prépare une loi pour retirer aux Américains le droit de porter une arme ; il dit qu'il veut abolir la peine de mort dans tout le pays ; il accorde tous les droits aux homos, ce qui veut dire que d'ici l'année prochaine y aura des tapettes dans cette base.
Ce type ne fait rien de bien, d'ailleurs le bien, y sait même pas ce que ça veut dire. Son programme, c'est tout le contraire. La moralité, il s'en fout. Vous avez entendu ce qu'il a dit, la semaine dernière, à propos de l'avortement ? Vous avez entendu ces saloperies ? Bon Dieu, ce youpin doit être pédé pour avoir tellement envie de tuer les bébés.

Je ne peux pas m’en aller ! cria Iosif en se tournant vers Jack. Nous sommes déjà peu nombreux, et un peu moins chaque année. Deux mille Juifs par jour demandent leur visa de sortie. Ils s’enfuient comme des rats quittent un navire. Pamyat nous agresse dans la rue, brûle nos appartements, et les autorités ne font pas grand-chose. Elles ont la trouille. C’est tellement plus facile de laisser Pamyat faire de nous des boucs émissaires, en dénonçant la grande conspiration judéo-maçonne ! Tout le monde applaudit et se dit : Qu’ils s’en aillent ces sales Juifs avec leurs sales combines !
C’est ce qui est arrivé en Allemagne sous les nazis, Jack. Ils veulent que les Juifs s’en aillent. Ils les aident à partir. Eichmann, dont nous parlions tout à l’heure, le prétendu expert en questions juives… il se disait sioniste, il collaborait avec les organisations sionistes qui militaient pour le retour. Mais bientôt, ça n’a pas suffi : comme les Juifs ne quittaient pas tous le pays, il fallait les exterminer. Tu connais la suite. En partant, nous affaiblissons ceux qui restent. Nous laissons s’installer un climat où il y aura de plus en plus de boucs émissaires, et de fauteurs de troubles. Nous devons résister. Voilà pourquoi je reste.

"Il était en colère, Jack. S'il [Jésus] avait pu prévoir ce qu'allaient faire les chrétiens, et la façon dont ils se serviraient de lui pour persécuter son propre peuple, pour se massacrer, il l'aurait été bien plus encore. Comme ils seraient malheureux de le rencontrer, tous ces vrais croyants avec leurs bibles noires, leurs téléviseurs et leurs billets pour le paradis ! Ce n'est pas un blond, il n'a pas leurs yeux bleus. C'est un Juif fanatique, l'origine même de leurs pires cauchemars. Oh, comme ils le crucifieraient !"

- Que recherche donc al-Kourtoubi avec le Z19 ? Il n'espère quand même pas les faire changer d'avis !
- Non, il n'est pas aussi naïf. Je le soupçonnerais plutôt de chercher à les encourager. Un mouvement de rejet massif des musulmans en Europe serait une aubaine pour lui.

Qu’est-ce qu’ils en savaient, les docteurs ? Même s’il devait en mourir, il continuerait de travailler au même endroit.

Si on n’est ni une vierge ni une épouse, on est une putain. Il n’y a pas d’autre possibilité.

On n’achète pas l’amour, on ne le marchande pas, on ne lutte pas pour l’obtenir, il n’arrive pas à la suite de longues prières ou d’une attente interminable. Il descend sur vous simplement, sans façons, comme d’une grande hauteur, et il vous brûle, vous consume, vous emporte. Il est impossible à maîtriser, et il est étrange. Une fois là, une fois en vous, il ne faut plus songer à l’en chasser. Jamais.

L’amour qu’on recherche ou qu’on gagne, celui pour lequel on lutte, celui qu’on a ou qu’on perd, l’amour conçu comme un bien, comme une récompense pour sa bonté, sa foi ou sa ténacité.

— Dans ce cas, il lui faudrait un garde du corps en permanence.
— On le lui a dit, mais elle ne veut pas en entendre parler. Elle pense que ce serait lui accorder trop d’importance. Elle estime être plus en sûreté sans protection, parce que ça signifie qu’elle ne fait pas partie de ceux qu’on protège. Les gens importants ont des gardes du corps, mais ça ne les empêche pas d’être enlevés. En outre, elle dit que si elle bénéficiait d’une protection, en cas d’enlèvement elle serait traitée comme une personnalité, ce que précisément elle ne veut pas.

Si un régime extrémiste parvenait à exercer son autorité sur l’université d’al-Azhar, il aurait une énorme influence sur tout le monde islamique. L’université d’al-Azhar est peut-être la dernière institution que tous les musulmans du monde respectent encore. Ce serait un gigantesque pas en arrière dans toute la région.

À dire vrai, jusqu’à assez récemment il ne croyait sans doute pas à l’existence de l’homosexualité. À ses yeux, les homosexuels étaient des créatures de fiction destinées à détourner les jeunes officiers de ce qu’il appelait une « conduite irréprochable ».