Jeffrey Dahmer fut un adolescent singulier. Homosexuel refoulé, élevé dans une petite ville des States, ce n'était pas facile de s'avouer gay même durant cette prétendue décade libératrice que furent les années 1970. Il voulait faire l'amour avec des hommes Dahmer. OK Le problème c'est qu'il voulait qu'ils soient morts itou. Puis les manger après. Et ça.... Quelque soit la décade...
Backderf nous décrit avec justesse ce que sont les années lycée qui peuvent s'avérer pour certains un vrai chemin de croix, véritable autoroute d'humiliations quotidiennes. Ce ne fut pas le cas pour Dahmer qui s'inventa un personnage étrange. Grand, baraqué, musculeux même, il passait son temps à imiter avec grand talent une personne atteinte de problème neurologiques, de crise d'épilepsie. Ce qui passe bien avec cet humour bas du front que l'on partageait tous à l'époque (et que l'on partage encore parfois avouons le, en tout cas je l'avoue).
Jusque là, Dahmer n'est qu'un hurluberlu un peu barré que l'on a tous croisé dans notre scolarité, genre de loufoquerie que l'on s'invente pour se singulariser. Mais Dahmer est aussi un énorme buveur, il boit comme un gouffre pour contenir ses démons. Dahmer sait bien que ses fantasmes ne sont pas banals délires enfiévrés de lycéens boutonneux mais le conduisent droit à la folie.
Backderf nous montre ce que fut la vie de Dahmer : un sommet de solitude. il n'avait personne à qui parler. Ses parents se déchirèrent au cours d'un divorce brutal et cruel Une mère bien barrée elle aussi, atteinte de ces fameux symptômes que Dahmer singeait dans les couloirs du lycée.
L'on assiste à la naissance d'un monstre. Même si Dahmer était intelligent (il va réussir à obtenir une entrevue avec deux de ses camarades avec le vice-président des Etats-Unis lors d'un voyage d'étude !), sa lutte pour contraindre ses pulsions n'est tout au mieux qu'un sursis avant un échec programmé.
Il va peu à peu sombrer et s'écarter du monde, se décaler. Tragiquement.
Derf évacue toute compassion. Il souligne que Dahmer est un lâche et aurait dû mettre fin à ses jours plutôt que de massacrer 17 personnes.
Il n'empêche. Quelle pitié !
Je ne connais guère la BD américaine hors des comics. Le travail de Derf Backderf s'apparente à celui de Robert Crumb que je connais de réputation mais que je n'ai point lu. Son trait de crayon noir et blanc, géométrique, tout en clair et obscur illustre parfaitement le parcours de Dahmer.
Il retrace ce que furent ces années. Les amitiés qui semblent inaltérables (et celles que l'on conservent le sont belle et bien), les parents que l'on adore détester mais qui nous aiment malgré nous, les amours naissantes...
Pas pour Dahmer. Non. Rien de tout cela...
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