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Citations de Dezsö Kosztolányi (124)


Il était toujours horrifié à l'idée qu'envers un être humain - qui était exactement comme lui, c'est-à-dire faillible, aspirant au bonheur, et dans tous les cas, finissant par crever misérablement -, il soit grossier, impitoyable et sans tact, qu'il l'abaisse à ses propre yeux, qu'il l'offense ne serait-ce qu'en intention, en pensée ; et souvent - c'est du moins ce qu'il imaginait - il aurait préféré mourir plutôt que de suggérer à quelqu'un qu'il était superflu en ce bas-monde, et que cet individu, avant de déguerpir, bafouille en rougissant : "Il me semble que je vous ai importuné... il me semble que je vous ennuie... il me semble que vous me méprisez..."
Cette conception morale, que Kornél Esti a développée plus en détail dans ses œuvres ultérieures, avait germé dès cette époque dans son âme d'enfant. Il savait que nous ne pouvons que fort peu nous aider mutuellement, que dans l'intérêt de notre bonheur nous sommes obligés de nuire aux autres, parfois même mortellement, que dans les grand choses il est presque toujours inévitable d'être implacable, mais c'est justement pourquoi il professait la conviction que notre humanité, notre apostolat - honnêtement et sincèrement - ne peuvent se manifester que dans les petites choses, et que l'attention, les égards mutuels fondés sur l'indulgence et le pardon, le tact sont les choses les plus importantes sur cette terre.
Finalement, progressant dans ce raisonnement, il en vint à ce dépouillement, voire à cette conclusion tout bonnement païenne : puisque de toutes façon ne nous pouvons pas vraiment être bons, au moins soyons courtois. Et cette courtoisie n'était pas simple politesse, ni flatterie, ni vain caquetage. Souvent elle ne consistait qu'en ceci : au moment approprié, glisser discrètement un mot en apparence indifférent, que quelqu'un attendait désespérément, comme la justification de son existence. C'est cela qu'il tenait pour la vertu supérieure. En tous cas supérieure à la prétendue bonté. La bonté ne cesse de prêcher, veut changer l'humanité, est pleine d'onction, veut faire des miracles du jour au lendemain, se réclament du fond, veut remuer l'essentiel, mais la plupart du temps elle bien entendu que vide, creuse et foncièrement formelle. En revanche, bien que la courtoisie donne l'impression d'être foncièrement formelle, à l'intérieur, par nature, elle est le fond même, l'essentiel même. La bonne parole qu'on n'a pas encore mise en pratique renferme en soi toutes les virtualités, davantage que la bonne action dont l'issue est douteuse, l'effet discutable. En règle générale, le mot compte toujours plus que l'acte.
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Les poètes, (...), ces détraqués vindicatifs qui jouent les bons apôtres, mais qui, dès qu'ils sont deux, en dévorent un troisième, les poètes qui chantent la pureté, la propreté, et qui évitent jusqu'aux abords d'une salle de bain, les poètes qui quémandent à tout le monde, au coin de la rue, même aux mendiants, rien qu'un peu de renom, rien qu'un peu d'amour, rien qu'une petite statue, rien que l'aumône pour les mortels de l'immortalité, ces jean-foutre, ces onanistes envieux et blêmes qui vendent leur âme pour une seule rime, pour une seule épithète, qui étalent au marché leurs plus intimes secrets, qui tirent profit de la mort même de leurs parents, de leurs enfants, qui des années plus tard, lors d'une "nuit inspirée", violent leur sépulture, ouvrent leur cercueil et, avec la lanterne sourde de la vanité, cherchent à tâtons les "émotions", comme des pilleurs de tombes les dents en or et les bijoux, pour passer ensuite aux aveux en pleurnichant, ces nécrophiles, ces mères maquerelles. Excusez-moi, mais je les déteste.
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LE POIDS D'UN HOMME

Une heure du matin, dans Buda, un vieil homme avec un colis qu'il porte à grand-peine et qu'il va livrer quelque part. Tout à coup il s'arrête, il sort de l'argent de sa poche et, sous nos yeux, il monte ainsi, colis en main, sur une bascule automatique pour se peser. Pourquoi ainsi ? Est-ce son propre poids qu'il veut connaître ou, s'il le sait déjà, est-ce celui du colis ? Ou peut-être a-t-l beaucoup maigri, ces derniers temps, et veut-il s'abuser lui-même au moyen de cette ruse charitable ? Ou croit-il que son fardeau est partie intégrante de lui-même, comme l'est la bosse pour le chameau ou la défense pour l'éléphant ? Question sérieuse, et j'ai beau réfléchir, je ne sais pas quoi répondre.
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BAIN DE SOLEIL

Je prends avec ferveur un bain de soleil. Couché sur la plage, les yeux clos, je laisse le soleil étendre sur moi son tissu si chaud et déposer en moi une provision d'énergie inconnue. Dont je tirerai profit, mais qui sait quand ? Soudain je pense à ces mourants, condamnés sans appel par un mal fatal, qui n'en finissent pas de rendre l'âme, et les médecins, assistant sans comprendre à leur agonie, en sont à hausser les épaules, et les parents et les amis chuchotent entre eux dans l'antichambre : est-ce à ces moments-là que les soins assidus, que les soins zélés apportés au corps font sentir leurs effets, et ce qui prolonge, d'un quart d'heure ou d'une heure, notre souffrance, est-ce cette réserve de santé superflue que nous avons accumulée ainsi ? Ce quart d'heure ou cette heure, pour ma part, je n'y tiens nullement. Aussi vais-je mettre fin à mon bain de soleil. Je me lève et pensif, je m'installe à l'ombre d'un palmier, j'allume une cigarette.
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La compagnie des bonnes, pour ces dames, est aussi confortable que pour les messieurs l'amour des filles de joie. Quand il cesse d'être nécessaire, on peut toujours les renvoyer.
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Dans une vitrine tapissée de miroirs, je lus:
'Chaussures abimant les pieds. Cors et abcès garantis. Plusieurs de nos clients ont été amputés des pieds.'
Une image en couleurs, suggestive, montrait comment deux chirurgiens sectionnaient à la base, avec une énorme scie en acier, le pied de la victime hurlante dont le sang dégoulinait en rubans rouges.
- c'est une plaisanterie?
- certainement pas.
- Ah ah. Un jugement du tribunal oblige le commerçant à se dénoncer ainsi?
- mais non, fit Esti avec un geste de dédain. C'est la vérité . Essaye de comprendre: c'est la vérité. Ici, personne ne met la vérité sous le boisseau. l'autocritique dans cette ville est poussée à un tel degré qu'on n'a plus besoin de ce genre de choses.
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Le coup de feu claqua.
Posté derrière le coureur au bout d'une ligne tracée à la chaux, un lycéen tenait dressé le canon du pistolet et fixait les petits nuages de fumée qui tardaient à se disperser dans le ciel matinal.
Dès l'apparition de la flamme, un deuxième garçon avait mis en route le chronomètre. Il n'avait pu toutefois s'empêcher de crier :
– Vas-y !
Vili courait déjà.
Le départ avait été impeccable. D'un bond de panthère, net et sans à-coups, il s'était élevé au-dessus du sol, et quelques secondes plus tard il était déjà lancé à toute vitesse vers la ligne d'arrivée.
(Incipit)
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Comprenez-moi, la véritable malédiction, en ce monde, c'est l'organisation, et le véritable bonheur, c'est l'inorganisation, le hasard, le caprice.
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Le mal n'est pas que le monde soit gouverné avec si peu de sagesse. Le mal est que, si peu que ce soit, il soit gouverné.
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Le chevalier de la dèche, le prince de la faim, le roi du désespoir, c'est lui. sur ce globe terrestre, il pourrait n'importe où être élu grand maître des asiles de nuit, doyen des souffrants et des indigents.
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Mais il n'en reste pas moins dévoué pour autant. Chacun de ses gestes le révèle, à tout moment il est à notre disposition. (L'entrepreneur de pompes funèbres)
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Quel magnifique animal, quelle tigresse, en effet, sans pitié, sans foi ni loi. Et loin pourtant d'être une jeunesse. Elle avait dépassé les trente ans, les trente-cinq peut-être. Sa chair était d'une voluptueuse mollesse, d'une douceur patinée, on aurait dit que les nombreux lits, que les nombreux bras étrangers l'avaient comme attendrie, son visage était tendre aussi, comme la pulpe onctueuse d'une banane, et ses seins étaient comme deux menues grappes de raisins. Il y avait ce charme en elle, de la grâce tout près de se corrompre, cette poésie de la flétrissure imminente et de la mort. Elle aspirait l'air comme s'il lui brûlait la bouche, ou bien comme si, de sa petite bouche ardente de catin, elle léchait quelque friandise ou sirotait du champagne.
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Toutes ces couleurs, toutes ces clameurs, toute cette chaleur poisseuse, c'était la foire.
En face des marchandes de paprika dont les sacs rougeoyaient, rougeoyaient également, dans l'entrée du magasin de peinture, les pots vermillon. Les choux étalaient leur volants de soie vert pâle, les raisins leurs grappes mauves, les citrouilles leur blancheur, les pastèques trop mûres leur jaune à l'odeur fade et nauséeuse, et plus loin, vers la rue Petofi, dans l'allée aux boucheries, les moitiés de cochons suspendus à des crochets de fer déployaient la barbare somptuosité de leur viande crue, au-dessus des garçons bouchers, leur torse de champion couvert d'un débardeur, qui débitaient des os à coups de hachoir. Plus loin encore, dans le camp des potiers, vers la rue Bolyai, résonnait le cliquetis des poteries. Des poulets piaillaient, des bonnes papotaient, des dames se lamentaient sur la cherté de la vie. Et flottant sur le tout, la poussière étendait son voile d'argent gris, la poussière de Sarszeg dont un enfant sur dix était victime et dont les adultes mouraient de mort précoce.
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Le costume du père était gris souris comme ses cheveux, sa moustache était poivre et sel, sa peau fripée, usée, parcheminée, il avait sous les yeux de petite poches.
La mère, comme toujours, portait sa robe noire. Ses cheveux à elle, qu'elle se plaquait à l'huile de noix, n'étaient pas encore blancs partout, elle n'avait pas non plus le visage très ridé, seuls deux plis un peu plus profonds traversaient son front.
A quel point pourtant ils se ressemblaient. Dans leurs yeux tremblait la même lueur anxieuse, leur nez très mince avait la même façon de pointer, et même leurs oreilles avaient la même rougeur.
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Quand les deux vieux s'y attendaient le moins, du fond de l'horizon a surgi le petit tortillard, celui-là même qu'ils avaient vu partir il y a une semaine.
Ses lampes rouges étaient comme deux yeux injectés de sang qui s'évertuaient à suivre dans la nuit leur chemin, il s'approchait avec prudence et comme en tâtonnant , comme on ferait , quand dans l'ombre on ne voit presque rien , pour ne pas marcher sur les pieds de quelqu'un.
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Il y a des gens pour lesquels ils ne reste que la douleur, la douleur informe, implacable, qui n'est bonne à rien et ne sert à rien, à rien qu'à faire mal, mal à l'intérieur duquel ils s'enfoncent , tristesse qui n'est qu'à eux dans laquelle ils creusent toujours plus profond leurs galeries sans fin, mine obscure qui finit par s'effondrer sur eux, ils se retrouvenet prisonniers là, et pas de secours.
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a tire d'ailes notre petit oiseau nous est revenu
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Dezsö Kosztolányi
« Le Président du tribunal sentait bien qu’il devait y avoir quelque chose, un secret, que personne parmi eux ne connaissait, peut-être même pas l’accusée. Mais il poursuivit. Il savait qu’un acte ne pouvait jamais être expliqué ni par une raison ni par plusieurs et que derrière tout acte il y avait l’être tout entier, avec toute sa vie, que la justice est incapable de démêler
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Dezsö Kosztolányi
«J’ai un patient qui a 76 ans et qui commence à apprendre l’anglais, le temps de l’apprendre il sera peut- être mort ,ou disons qu’il ne va pas mourir si vite qu’il mourra plus tard, disons 100 ans -en sachant l’anglais- est-ce que cela aura valu la peine ? est-ce que cela vaut la peine d’entreprendre quelques chose quand on a vingt ans . Bien sûr que oui ! il faut bien passer le temps à quelque chose
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« Souvent je me dis que de nos jours seuls les domestiques ont la belle vie. Ces dames se prirent à soupirer, comme si elles avaient, toutes tant qu’elles étaient, raté leur carrière, comme si elles n’avaient, dans ce monde impitoyable, qu’un seul regret : elles étaient condamnées à ne jamais devenir domestiques »
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