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Citations de Dezsö Kosztolányi (124)


Le coup de feu claqua.
Posté derrière le coureur au bout d'une ligne tracée à la chaux, un lycéen tenait dressé le canon du pistolet et fixait les petits nuages de fumée qui tardaient à se disperser dans le ciel matinal.
Dès l'apparition de la flamme, un deuxième garçon avait mis en route le chronomètre. Il n'avait pu toutefois s'empêcher de crier :
– Vas-y !
Vili courait déjà.
Le départ avait été impeccable. D'un bond de panthère, net et sans à-coups, il s'était élevé au-dessus du sol, et quelques secondes plus tard il était déjà lancé à toute vitesse vers la ligne d'arrivée.
(Incipit)
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Quel magnifique animal, quelle tigresse, en effet, sans pitié, sans foi ni loi. Et loin pourtant d'être une jeunesse. Elle avait dépassé les trente ans, les trente-cinq peut-être. Sa chair était d'une voluptueuse mollesse, d'une douceur patinée, on aurait dit que les nombreux lits, que les nombreux bras étrangers l'avaient comme attendrie, son visage était tendre aussi, comme la pulpe onctueuse d'une banane, et ses seins étaient comme deux menues grappes de raisins. Il y avait ce charme en elle, de la grâce tout près de se corrompre, cette poésie de la flétrissure imminente et de la mort. Elle aspirait l'air comme s'il lui brûlait la bouche, ou bien comme si, de sa petite bouche ardente de catin, elle léchait quelque friandise ou sirotait du champagne.
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Le costume du père était gris souris comme ses cheveux, sa moustache était poivre et sel, sa peau fripée, usée, parcheminée, il avait sous les yeux de petite poches.
La mère, comme toujours, portait sa robe noire. Ses cheveux à elle, qu'elle se plaquait à l'huile de noix, n'étaient pas encore blancs partout, elle n'avait pas non plus le visage très ridé, seuls deux plis un peu plus profonds traversaient son front.
A quel point pourtant ils se ressemblaient. Dans leurs yeux tremblait la même lueur anxieuse, leur nez très mince avait la même façon de pointer, et même leurs oreilles avaient la même rougeur.
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Toutes ces couleurs, toutes ces clameurs, toute cette chaleur poisseuse, c'était la foire.
En face des marchandes de paprika dont les sacs rougeoyaient, rougeoyaient également, dans l'entrée du magasin de peinture, les pots vermillon. Les choux étalaient leur volants de soie vert pâle, les raisins leurs grappes mauves, les citrouilles leur blancheur, les pastèques trop mûres leur jaune à l'odeur fade et nauséeuse, et plus loin, vers la rue Petofi, dans l'allée aux boucheries, les moitiés de cochons suspendus à des crochets de fer déployaient la barbare somptuosité de leur viande crue, au-dessus des garçons bouchers, leur torse de champion couvert d'un débardeur, qui débitaient des os à coups de hachoir. Plus loin encore, dans le camp des potiers, vers la rue Bolyai, résonnait le cliquetis des poteries. Des poulets piaillaient, des bonnes papotaient, des dames se lamentaient sur la cherté de la vie. Et flottant sur le tout, la poussière étendait son voile d'argent gris, la poussière de Sarszeg dont un enfant sur dix était victime et dont les adultes mouraient de mort précoce.
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Tenir tête à la titanesque bêtise des gens n’a jamais été dans mes habitudes. Je m’incline devant elle avec humilité, comme devant un formidable phénomène naturel.
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«  Ils sont sortis. Sur eux s’est abattue, étouffante, une sorte de chaleur dorée. De gracieux petits chats blancs se promenaient sur le gazon émeraude. Près du puits, il y avait un seau plein d’eau avec des verres dedans, et l’eau était toute irisée par les reflets du verre. Un tournesol , tige inclinée , levait son visage amoureux du soleil. Des châtaigniers , des acacias , des sumacs montaient droit et tout au fond, le long du mur, le phytolaque offrait ses baies mûres de couleur presque noire » ...
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— Écoute, un poète riche, chez nous ? C'est une pure absurdité. À Budapest, quiconque aura un tant soit peu d'argent, on se le représentera toujours bête comme une courge. S'il a de l'argent, qu'a-t-il à faire de jugeote, de sentiment, d'imagination ? Telle est la sanction qu'on prend contre lui. Cette ville, elle est excessivement intelligente. Et par là même excessivement stupide. Elle refuse d'admettre que la nature est une païenne, qui dispense ses faveurs sur un monde échappant à tout calcul, et non pas par miséricorde. À Byron, qui était lord et plusieurs fois millionnaire, personne ici n'aurait reconnu la moindre bribe de talent. Ici, la dignité du génie est répartie en tant que dédommagement, en tant qu'aumône, à ceux qui ne possèdent rien d'autre, aux crève-la-faim, aux malades, aux persécutés, aux morts vivants ou aux morts véritables.
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Il devait le croire son ennemi, parce qu'il était ami de la science...Quelle méprise ! Mais il fallait l'assumer : la vie n'est faite que de méprises empilées les unes sur les autres...(p. 205)
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La politique de l'autruche

Spectacle pitoyable que celui de tous ces chômeurs !
Je suis entouré de personnes qualifiées, qui pourtant traînent toute la journée, désoeuvrées, et dorment à la belle étoile, sur un banc. Aucune entreprise ne veut les embaucher. Jour après jour, ces malheureux cumulent des certificats d'inutilité : ils sont comme de trop sur cette terre. Difficile, alors, de supporter une telle situation. (p. 167)
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C'était enraciné en moi, c'était pour ainsi dire une idée fixe, la décision de le distribuer, cet argent, et qui plus est, non pas selon la justice humaine, après réflexion, mais au gré des caprices, conformément à la justice plus grande, plus mystérieuse, de la nature. Personnellement je ne considère pas la vie comme fondée en raison. Mais l'absurdité me blessait pourtant, et même ça me scandalisait, qu'une telle fortune pourrisse dans le tiroir de mon bureau, et que non seulement je ne puisse pas, moi, l'employer, mais que d'autres non plus n'en tirent aucun profit.
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Les frères Goncourt, dans leur journal, parlent d'une femme qui, au cours d'un voyage en diligence, raconte à l'une de ses amies, qu'elle n'a pas vue depuis longtemps, l'histoire poignante de sa famille. Son père avait été abattu à coups de fusil, sa mère s'était noyée, son mari était mort dans un incendie, il ne lui était resté qu'un enfant, qui vivait en Égypte, et dernièrement, cet enfant se baignait dans le Nil, comme tant d'autres fois, tout enjoué et sans méfiance, quand un crocodile a nagé vers lui. Mais la femme n'a pas pu aller plus loin dans son récit. Les passagers, qui jusqu'alors l'avaient écoutée avec une profonde commisération, n'ont pas pu attendre la fin, pas pu attendre que le crocodile ouvre sa gueule horrible et happe l'enfant, et, bien qu'ils aient su, eux aussi, que mot pour mot ce qu'ils entendaient était vrai, ils ont d'un coup tous éclaté d'un rire tonitruant. Mais oui, mes amis. Il y a une limite à tout. Et trop, c'est trop.
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Ajoutons à cela qu'avant la découverte du ballon, c'est avec un cerf-volant que l'on mesurait la vitesse du vent, la température de la couche supérieure de l'atmosphère...Le cerf-volant est un divertissement fort instructif. (...)
-Vous voyez ? conclut Novak. Le jeu, c'est sérieux. Il symbolise toujours la vie. (p. 23)
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Les larmes de la mendiante

Sans ces larmes, elle aurait ému davantage. Ce que ces larmes proclamaient, c'était qu'on pouvait encore la secourir, qu'elle avait donc encore quelque chose à perdre. C'est en quoi elles étaient superflues, et comme tout ce qui est superflu, elles affaiblissaient ce qui était à dire (...) (p. 52)
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Tout comme Jésus au-dessus du lit de ses parents, au dessus du sien était suspendu un tableau représentant la Bienheureuse Vierge Marie, son grand enfant mort sur les genoux, qui le berçait tout en montrant du doigt son propre cœur, transpercé par les sept poignards de la douleur maternelle. Et tout comme Jésus crucifié écoutait monter celles de ses parents, ce tableau, depuis le plus jeune âge d'Alouette, écoutait monter ses prières candides, ses prières ardentes. Alouette a soudain tendu ses bras vers elle, en un mouvement violent qu'elle a réprimé aussi vite. Patience, patience. Il y en a qui souffrent encore bien plus.
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Novak resta au salon, debout, en proie à une sensation désagréable. Le fait de s'être ainsi emporté, d'avoir même eu recours au châtiment corporel, le remplissait d'une honte inexprimable. Lui, qui méprisait par-dessus tout le ton de la caserne, les manières de caporal des pédagogues de l'ancienne école...jusqu'alors il n'avait jamais puni sa fille par la colère, et même s'il avait été sévère avec elle, il avait gardé sa dignité. (p. 124)
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Pendant quelques minutes, j'ai été seul dans le salon du Torpedo. Berta, la marchande de pain, est entrée. Je lui ai acheté un petit pain et je l'ai embrassée sur la bouche. Une seconde avant, je n'avais pas la moindre idée que j'agirais de la sorte. Elle non plus. C'est pourquoi c'était beau. Ce baiser, personne ne l'a organisé. Organiserait-on un baiser, il donnerait un mariage, un devoir aigre et sans saveur. Les guerres et les révolutions sont également organisées, aussi sont-elles monstrueusement laides et abjectes. Une rixe au couteau dans la rue, le meurtre à chaud d'une épouse, le massacre parfait d'une famille, c'est beaucoup plus humain. La littérature aussi, c'est l'organisation qui la tue, le copinage, le corporatisme, la critique-maison qui écrit «quelques lignes chaleureuses» sur l'âne en chef de l'écurie. Mais un écrivain qui, dans un café, à proximité des waters, sur une petite table en zinc, gribouille des vers qu'on ne publiera jamais, celui-là sera toujours un saint. L'humanité, les exemples le prouvent, a été menée à la ruine, au sang, à l'ordure, par ceux qui se sont enthousiasmés pour la cause publique, qui ont pris au sérieux leur mission, qui avec ardeur, avec probité, ont veillé, alors que les bienfaiteurs ont été ceux qui ne se sont occupés que de leurs propres affaires, qui ont failli à leur devoir, les indifférents, les dormeurs. Le mal n'est pas que le monde soit gouverné avec si peu de sagesse. Le mal est que, si peu que ce soit, il soit gouverné.
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Il explique que depuis quelques temps en effet il fait de la natation. Autrement dit, tard dans la nuit, c'est à la nage, par la branche morte du Danube qu'il rentre chez lui à Buda, car même dans les petites rues il n'oserait plus se faufiler, ses créancier l'ayant là plusieurs fois guetté au passage, roué de coups et couvert de crachats au visage. (P. 89)
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À la vitrine d'une librairie, avec leurs bandes-annonces en couleurs, les nouveautés faisaient elles-mêmes leur propre article :
"Rogaton illisible... La dernière oeuvre du vieil écrivain gâteux, pas un seul exemplaire vendu à ce jour... Les poèmes les plus maniérés, les plus indigestes d'Erwin Râle."
— Incroyable, ai-je fait ahuri. Et on achète ça ?
— Pourquoi diable on ne les achèterait pas ?
— Et on les lit ?
— Chez vous, on ne lit pas de choses de ce genre, peut-être ?
— Tu as raison. Mais au moins la présentation est toute différente.
— Je te le répète : c'est ici la ville de la connaissance de soi. Si quelqu'un a clairement conscience qu'il a le goût mauvais, qu'il aime la rhétorique ronflante, tout ce qui est sans valeur, vide, prétentieux, il achètera les poèmes d'Erwin Râle et il ne pourra pas être déçu, attendu que ces poèmes répondront à ses exigences. Le tout n'est qu'affaire de tactique.
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«  Leur fille est laide. Atrocement laide.
«  Ce visage à la fois gras et maigre, ce nez charnu, ces larges narines chevalines, ces sourcils d’une austère virilité , ces minuscules yeux vitreux (——) .Une chenille sous un buisson de roses. »
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Il avait même perdu un ou deux de ses cent vingt kilos, tant l’état général de l’économie était grave. Il était ruiné.
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