Durant l'automne 2023, les élèves de 4e4 du collège Clair Soleil, à Marseille, ont écrit collectivement une nouvelle, accompagnés par Didier Castino, auteur. Cette nouvelle est en lice pour la 6e saison du concours littéraire Des nouvelles des collégiens. La remise des prix aura lieu pendant la 8e édition du festival Oh les beaux jours ! (22-26 mai 2024).
Lire les nouvelles du concours 2024 : https://ohlesbeauxjours.fr/des-nouvelles-des-collegiens/ma-classe-vote/
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le projet Des nouvelles des collégiens mené en collaboration avec l'Académie d'Aix-Marseille reçoit le soutien, en 2023-2024, du département des Bouches-du-Rhône et de la Fondation La Poste.
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Organisation et production : Des livres comme des idées, Marseille
Coordination du projet : Maïté Léal, Émilie Ortuno
Réalisation vidéo : Manon Gary
Graphisme: Dominique Herbert, Manon Sahli
© Des livres comme des idées, 2024
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« Comment peut-on mourir avant les vacances, juste avant ? Quand j’y pense… Toute l’année travailler sans vacances d’été au bout, c’est du vol. Le mois d’août, il m’en manque un, on me le doit. Le mois d’aout raté sur le fil, pour presque rien. Le mois d’août 1974, sans moi. Rose et vous trois. Mes fils. Seize ans, dix et sept, c’est ça le mois d’aout 1974. Le mois d’aout que l’on voudrait repousser, que l’on n’attend plus avec impatience mais auquel il faut désormais penser comme un devoir, à une contrainte, comme à une épreuve. »
Très tôt on comprend que certaines choses nous sont étrangères, tout s'organise entre ceux qui peuvent et ceux qui ne peuvent pas, ceux qui vont à l'école et ceux qui travaillent, c'est l'un ou l'autre. Il n'y a pas de révolte, pas encore, la vie s'épuise ainsi (...) (p. 11)
Mais je reste un fils d'ouvrier. J'ai des réflexes qui me le rappellent, j'ai des hésitations, des révoltes que je porte en moi et je me surprends toujours à comparer ce qu'il était et ce que je suis. Nos différences éclatent, mais ce n'est pas trahir. Tous les deux de la même famille.
Je suis quelqu'un qui avant tout travaille, a toujours travaillé. C'est ma vie, la reconnaissance et la sécurité. (...)
Si tu veux raconter ma vie, tu ne peux parler de moi à l'école. J'ai dû y aller comme y vont les enfants de 1930, mais moi c'est le travail surtout. très peu d'argent à la maison , on le met dans des boites et on essaie de le garder , ne pas s'en servir pour être plus riche un jour, alors l'école... (...)Très tôt on comprend que certaines choses nous sont étrangères. (...) il n'y a pas de révolte, pas encore, la vie s'épuise ainsi (...) Aller à l'école, je n'y pense même pas, je gagnerai de l'argent et j'en mettrai dans des boites, à mon tour. (p. 11)
Ces photos sont la mort de mon père que je découvre sans commentaires, sans larmes, ni trémolos, la mort d'un homme couché au sol, écrasé, broyé sous ce qu'il convient d'appeler moule, tombé sur un sol brut, pas de chape, aucun revêtement, mais de la terre qui mélangée au sange devient boueuse.
Moi, ce n'est pas pareil. Je ne lis pas mais j'aime les livres. Je choisis des titres. Des auteurs dont j'entend parler autour de moi, dans le journal, au parti... Aragon, je pourrais, mais je me dis que j'aurai toujours le temps. On sait qu'il faut le lire, tout le monde le connaît, on le lira plus tard. Je préfère offrir des classiques. C'est plus solennel, il ne faut pas choisir à l'aveuglette. J'aime les livres parce qu'il y a tout. J'aime le temps que l'on prend, aller lire et revenir muet, maladroit, ne rien dire, ne pas raconter. Lire ne se raconte pas.
Je rentre à l'usine. J'ai treize ans. Je me souviens surtout de ça. Un nouvel élan, une ouverture sur un monde inconnu mais dont beaucoup parlent autour de moi, un monde difficile mais grâce auquel on devient un homme. L'usine est donc la promotion qui permet de rejoindre le sillage de mon père et de m'éloigner de celle qui aurait dû être ma soeur, de devenir un peu plus homme, un peu moins enfant. C'est peut-être pour ça que le souvenir est si aigu, me recouvre. Un sursaut, si tu veux, une prise de conscience, comme un traumatisme qui déterminera ma vie et mes désirs, mes révoltes et beaucoup de mes doutes. J'ai vraiment existé à partir de l'usine, comme si je venais d'elle. Excuse-moi d'insister, mais c'est par elle, l'usine, que j'ai pu grandir enfin et devenir un homme.
"Je ne suis pas ouvrier et je t'emmerde. Il faut être libre pour pronnoncer cette phrase, être sûr qu'on peut la dire sans blesser personne, que le père en face, entendant cette saloperie, sourie et comprenne au-delà des mots. Je ne suis pas ouvrier et tu dois être fier"
Très tôt, je répétais que je n'avais pas d'histoire, que je ne faisais pas partie de l'Histoire, je le pense encore aujourd'hui. L'impression d'être né quand tout à déjà eu lieu. Ne pas avoir à choisir, il n'y avait rien à choisir, pas de longues soirées à fumer et à s'affronter, se préparer à des interventions secrètes, pas d'institutions à bloquer, de Bastille à prendre. Non, vraiment, quand j'y réfléchis, il n'y a rien. Né après la guerre, après la Résistance, après la Libération. Même 81, je l'ai raté.
J'entends les pages qu'elle tourne sans le savoir, moi quand j'en tourne une, il y a acte, je force le bruit plus que de raison, je regarde la page que je tourne. Je vois Rose et je l'entends lire, c'est le triomphe des ouvriers, le triomphe de la gauche, je suis libre, je ne travaille plus à l'usine, je suis riche, je bois ce que je veux, on a gagné quand elle lit, quand ses yeux bondissent ou glissent sur les lignes, on a gagné...