Citations de Didier Daeninckx (757)
La voix de Cabrel occupait la fréquence Nostalgie.
"Chaque fois qu'on fait une maison
Comme elle a trente balcons
Dans les caves en dessous
Des enfants y apprennent l'odeur
Des fusils-mitrailleurs
Et des bouches d'égouts."
La déléguée se mit à glousser en entendant le chanteur ânonner les strophes de sa "Dernière chanson".
- C'est incroyable ! On a voté une loi pour instituer des quotas de diffusion de chansons françaises, et voilà ce que l'on nous sert..."Dans les caves en dessous, des enfants y apprennent l'odeur des fusils-mitrailleurs..."
Les caves, ça n'a jamais été en dessus, et le "y" on se demande ce qu'il fait là...C'est vraiment écrit avec les pieds.
Pas de chauffage dans la piaule, ni d’eau chaude. Tout marchait à l’économie. Quand il pinçait dehors, que le froid pénétrait les maisons, Finaud collait ses paumes au mur dans lequel passait le conduit de cheminée, profitant de la chaleur des voisins. En guise de dentifrice, il mouillait sa brosse, prélevait un peu de ses cendres de Gitane et se brossait énergiquement les dents
Il attaquait la viande, une joie mauvaise aux lèvres : la place régulière, chez Hotchkiss, avait été la dernière de toute une vie. Les années filaient, occupées à de petits boulots : chantier de peinture, tôlerie au noir, soudure de tubes pour des tables de télévision, porteur. L’essentiel de son temps, Finaud le passait au grand air, pour ses bronches, sur les champs de courses de Longchamp, de Vincennes, du Tremblay, espérant, prix après prix, toucher un gros lot qui jamais ne se hasarda à sa portée. Il se vengeait en bouffant du cheval.
De l’autre côté du mur, dans une maison étroite qui deviendra plus tard celle de Zézette, habitaient la mère Paul et sa ribambelle. Elle faisait vivre la marmaille en livrant les journaux, à vélo, dans tout le quartier, sauf le dimanche où c’était un futur maire de Stains, Louis Pierna, qui arpentait les rues en chantant le refrain du journal de classe : « L’Huma dans toutes les mains, l’Huma sur tous les chemins »
Il fit ses premiers pas dans des ateliers occupés par des milliers de prolétaires en casquette qui découvraient que la vie ne se résume pas au travail. Les grèves terminées, il avait appris le métier de chaudronnier.
Ferdinand s’était bien battu sur les terrains pentus qui bordaient le Chemin des Dames, à Craonne, avec dans une poche de vareuse la dernière carte envoyée par l’un de ses frères mort à vingt-deux ans, en février 1915, à l’hôpital Corbineau de Châlons-sur-Marne. Une écriture penchée, tracée à la mine de plomb, au dos d’un cliché où il figure en uniforme de sapeur, près d’une pièce d’artillerie : « Si tu savais comme je me fais chier. Ton frangin, Georges »
Moi, Jean Baron, exilé ici en 1852 après le coup d'état de Napoléon III, je vous appelle à manifester maintenant sur Broadway en mémoire des martyrs de la commune !
- L'heure n'est pas aux discours, monsieur le maire. J'arrive de Trinity et une troupe de fanatiques s'apprête à fêter votre élection à coups de fusil...
- A qui ai-je l'honneur ?
- Bravado, communard en exil. On verra plus tard pour les présentations...
Début septembre le métro s’emplit à nouveau des relents d’ambre solaire, mais les flics ne se trompaient jamais au milieu de cette humanité uniformément bronzée : été comme hiver les mêmes, jambes écartées, collaient leurs paumes à la faïence livide.
Elle fit le siège de notre appartement jusqu’à ce que le voisin lui demande, en échange de sa collaboration, que son association porte plainte contre le commando des Verts de la Propreté de Paris, et obtienne la restitution de toute la paperasse entassée dans son ancien logement. Elle baissa la tête d’un air navré et partit dans un discours emberlificoté duquel il ressortait que l’activité de l’ADADA était purement humanitaire, que ses adhérents se méfiaient comme de la peste de toute tentative de récupération politicienne, en conséquence de quoi, pointer le doigt sur une éventuelle responsabilité de la Mairie de Paris reviendrait à mettre en danger l’existence même de l’association.