Citations de Don Winslow (816)
Un no man's land, une étendue désertique de collines poussiéreuses et de profonds canyons entre Tijuana et San Diego.
Chaque soir se joue là un jeu des plus étranges. Juste avant le crépuscule, les aspirants mojados se rassemblent au-dessus du canal de drainage à sec qui longe la frontière. Ils attendent la nuit. Comme au signal, ils se précipitent, tous à la fois. C'est le jeu des grands nombres - les clandestins savent que la patrouille des frontières ne peut arrêter qu'une quantité donnée, les autres passeront entre les mailles du filet pour aller se gagner un salaire bien en dessous du minimum garanti, à ramasser des fruits, faire la plonge ou le garçon de ferme.
Au Salvador, les gens disparaissent tout le temps.
Parfois au rythme d'une centaine par semaine. Enlevés par les brigades de la mort, et puis plus rien, ils ne sont plus là. Et si quelqu'un pose trop de questions, il disparaît à son tour.
Tous les taudis du tiers monde sont les mêmes, songe-t-il. Partout la même boue ou la même poussière, tout dépend du climat et de la saison, les mêmes odeurs de charbon de bois et d'égouts à l'air libre, le même spectacle monotone et désespérant d'enfants mal nourris, aux ventres distendus et aux yeux trop grands.
La police secrète. Que voilà un bel oxymore, se dit Art. La seule chose qu'elle ait de secret, c'est sa façon de détonner. Dans l'entrée de l'hôtel, il repère ses représentants comme des ampoules sur un sapin de Noël.
Nous sommes tous des infirmes, nous boitons cote a cote dans ce monde estropié. C`est ce que nous nous devons mutuellement.
C'était un emmerdeur de première, une grande gueule, un m'as-tu-vu, un petit merdeux qui aboyait comme ces mini-clebs que les femmes amènent dans les restaurants de nos jours, pour énerver tout le monde.
La cocaïne à elle seule constitue un marché de trente milliards de dollars par an aux États-Unis. Sur toute la cocaïne qui entre aux États-Unis, 70 % transitent par Juárez et le Golfe.
Soit vingt et un milliards.
Et un piso de un milliard, rien que pour la cocaïne.
Par an.
Vous pouvez devenir multimillionnaire, et même milliardaire, en distribuant votre marchandise et en payant le piso. Beaucoup le font, ils mènent une vie agréable. Vous pouvez même devenir encore plus riche en contrôlant une plaza et en faisant payer d’autres trafiquants pour l’utiliser, sans jamais toucher à la drogue, de près ou de loin. Mais les gens ne comprennent pas que les principaux narcos peuvent rester une année, voire toute une vie, sans jamais toucher à la drogue.
Leur métier est de contrôler des territoires.
La vie était une rivière, que le passé descend le courant. C’est faux : s’il coule, il coule avec le sang dans tes veines. On ne peut pas plus se séparer du passé que l’on ne peut s’arracher le cœur.
Peut-être que l’argent ne peut pas acheter le bonheur, mais il peut le louer pendant un long moment.
On dit que l'amour est plus fort que tout.
C'est faux songe Keller.
La haine est plus forte que tout.
Plus forte même que la haine.
Il sait que si vous enfoncez votre tête suffisamment loin dans le gueule du jaguar, celui-ci ne peut plus la refermer.
- Les rois ne démissionnent pas, Adan. Ils restent rois ou ils meurent. Et pas dans leur lit.
- Il est comment, l'Americain ? demanda-t-elle à côté de son mari.
- Comme tous les Américains. Il croit tout savoir.
- Je ne savais pas que tu étais raciste, Luis.
- Je préfère me considérer comme un individu borné.
Les hommes, c'est comme les bas. Vous avez beau en prendre soin, ils finissent toujours par vous filer entre les doigts.
Certains lieux sont habités par l’horreur, elle s'infiltre dans les murs, elle envahit l'atmosphère, et son odeur vous suit après votre départ, comme si elle voulait entrer par les pores de votre peau, jusque dans votre sang, votre cœur.
Le mal à l'état pur.
Le mal au-delà de tout espoir de rédemption.
Il était devenu son propre blues, un looser à la Tom Waits, un saint de Kerouac, un héros de Springsteen sous les lumières de l'autoroute américaine et l'éclat des néons du Strip. Un fugitif, un métayer, un hobo, un cow-boy qui sait qu'il n'y a plus de prairie, mais qui continue à chevaucher car il ne reste rien d'autre à faire.
Quant à la corruption, qui est le plus corrompu ? Le vendeur ou l' acheteur ? Et quel degré de corruption doit atteindre une société pour que sa population éprouve le besoin de se défoncer afin d'échapper à la réalité, au sang versé, et aux souffrances endurées par ses voisins ?
De l'autre côté du pont se trouve le marché gigantesque, l'insatiable machine à consommer qui fait naître la violence ici. Les Américains fument l'herbe, sniffent la coke, s'injectent l' héroïne, s'enfilent de la meth ,et ensuite ils ont le culot de pointer le doigt vers le sud, avec mépris, en parlant du "problème de la drogue et de la corruption au Mexique".
Mais la drogue n'est plus le problème du Mexique, se dit Pablo, c'est devenu le problème de l' Amérique du Nord.
Le Mexique est devenu un gigantesque abattoir.
Et tout ça pour quoi ?
Pour que les Nord-Américains puissent se défoncer.
Ce n'est pas une guerre contre la drogue.
C'est une guerre contre les pauvres.