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Critiques de Donna Tartt (951)
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Le Chardonneret

Accroche-toi un peu, le chardonneret, c'est quasiment huit-cent pages de petits caractères bien serrés, et pas une seule image à colorier.



Au-delà de cet affligeant constat bassement matériel, ce drôle d'oiseau est avant tout une oeuvre littéraire somptueuse, tout récemment (et fort judicieusement) auréolée du Pulitzer millésime 2014.



Il n'y a pas grand intérêt à détailler ici les aventures du jeune Théo Decker, intimement liées au destin de cet authentique et singulier petit tableau du XVIIème siècle qui offre son titre au roman. Je recommanderais simplement de s'abandonner à cette rencontre et à la narration envoûtante de la prima Donna. Sans jamais ennuyer, celle-ci prend son temps, pose l'ambiance, installe ses personnages, exprime leurs sensations comme personne, submerge son lecteur jusqu'au parfait engloutissement.



Entre New-York, Las Vegas et Amsterdam, tourmentés, tragiques ou flamboyants, les personnages de Miss Tartt expérimentent nombre des excès de l'occident contemporain et subissent les universelles réminiscences du passé dans une troublante fusion des frontières entre le bien et le mal. Il en résulte une fiction dense et ardente, presque hors du temps, à la fois sombre et intensément lumineuse.



« Un vraiment grand tableau est assez fluide pour se frayer un chemin dans l'esprit et le coeur sous toutes sortes d'angles différents, selon des modes uniques et particuliers...» Il en va de même pour ce vraiment grand roman. Donna Tartt possède cette ensorcelante puissance d'écriture qui, tout autant que l'histoire elle-même, s'empare de l'esprit et du coeur bien au-delà de la dernière page.



J'ai laissé la magie opérer... et j'ai profondément adoré.




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Le Chardonneret

Ce temps de confinement a été le déclic pour que je me lance dans la lecture de : le chardonneret de Donna Tartt. En effet ce livre de 1100 pages, en version Pocket, Prix Pulitzer de la fiction en 2014, aussi intéressant soit-il, demande un certain nombre d'heures de lecture, d'autant qu'il nécessite une certaine concentration. Mais lorsque la dernière page est tournée, on ne regrette pas son effort.

Le roman débute pendant la période de Noël, par une scène se passant dans une chambre d'hôtel à Amsterdam en 1943 où un jeune américain vit en reclus depuis une semaine, malade, et dans la crainte d'une possible arrestation. La fièvre lui causant quantité de rêves bizarres, une image va le paralyser de bonheur : sa mère "...lorsqu'elle est apparue tout à coup derrière moi, surgissant dans le reflet que me renvoyait un miroir." Et l'histoire commence : " Les événements auraient mieux tourné si elle était restée en vie. En fait, elle est morte quand j'étais enfant." C'est donc la vie de ce jeune adolescent Theo Decker, 13 ans, à partir du décès de sa mère qui nous est donnée à partager avec lui, ce dernier étant le narrateur.

Alors qu'il se rend au collège avec sa mère où ils ont été convoqués, sous le coup d'un renvoi, ils s'arrêtent au Metropolitan Museum de New York pour visiter une exposition. Un attentat a lieu et sa mère est tuée. Lui, va en réchapper, par miracle, en emportant ce célèbre tableau flamand qu'est le Chardonneret de Carel Fabritius, peint en 1634 qui lui a été confié par un homme mourant.

Son père alcoolique s'étant évanoui dans la nature, il sera dans un premier temps recueilli par la famille Barbour, fera la connaissance de Hobbie, un restaurateur de meubles anciens, sera ensuite récupéré par son père qui l'emmènera à Las Vegas où il deviendra ami avec Boris. Il y restera jusqu'à la mort de son père, dans un accident de voiture, et reviendra ensuite à New York.

Après cette explosion meurtrière où sa mère a perdu la vie, notre jeune garçon choqué et traumatisé éprouve beaucoup de mal à faire face aux questions que lui posent les adultes, et fuit les personnes du service social qui tentent de le faire parler. Il a pris soin d'empaqueter son tableau et de le cacher, aimerait le rendre mais ne sait à qui se confier.

Lorsqu'il va partir avec son père et rencontrer Boris, un jeune voyou ukrainien il va alors se laisser aller avec ce dernier à l'alcool et la drogue, cela leur permettant de fuir la réalité et d'oublier. Leurs nombreuses scènes de beuverie suivies de lendemains désenchantés et de crises de manque montrent bien ce que peut être une dérive à la suite d'un traumatisme.

C'est le récit d'une longue errance, d'une solitude terrible, d'un mal-être quasiment permanent et d'un amour indéfectible pour cette mère disparue cruellement et soudainement. Quelques moments de répit pour Theo avec notamment Hobbie, ce vieil antiquaire qui lui apporte sécurité chaleur et réconfort, avec Pippa cet amour jamais avoué, mais Boris, cet ami ambigu et fidèle, sera le seul à partager, sans qu'il l'ait su, son secret.

Theo Decker va traverser différents milieux et à chaque fois en apprendre les codes et s'y adapter et nous donner ainsi une belle analyse de la société américaine.

L'amour, l'amitié avec ses enthousiasmes et ses déceptions, la bienveillance, l'affection, l'amertume, l'abandon et le désarroi et aussi la souffrance, des sentiments que Donna Tartt sait magnifiquement explorer.

Si Theo pourrait apparaître comme le personnage central, il doit cependant partager cet honneur avec ce petit tableau le Chardonneret, qu'il n'a pas le droit de posséder mais qu'il conservera tout au long de ses pérégrinations et qui est le coeur de ce roman. Il m'a accompagné et a réconforté Theo par sa seule présence. Cet oiseau attaché par la patte à son perchoir est tout un symbole, Theo étant lui-même enchaîné à son passé. L'art, pour Theo est le summum de la vie, comme il l'était pour sa mère.

Le Chardonneret nous narre à la fois la déconstruction et la construction de ce jeune garçon, avec l'art en toile de fond.

C'est à la fois un roman d'apprentissage et un roman d'aventures, un roman sur l'amitié et la solitude où le suspense, suspense délicat, est maintenu jusqu'au bout : la beauté peut-elle triompher malgré tout ?

J'ai vraiment été conquise par cette histoire. J'ai beaucoup aimé le récit jusqu'à l'arrivée dans la banlieue de Las Vegas. Ensuite j'ai trouvé beaucoup de longueurs, Theo et Boris passant le plus clair de leur temps à se droguer et à vomir et j'ai eu envie, maintes fois de l'engueuler, de le secouer, de lui dire de se prendre en main, mais aussi de le rassurer, de le protéger. J'ai donc apprécié son retour à New York. Quant à la fin, elle est vraiment stupéfiante et les dernières pages sublimes !


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Le Chardonneret

Ouf ! Suis-je tenté d’écrire… Je viens de terminer Le Chardonneret et ses 1100 pages en version Pocket. La lecture fut longue, passionnante parfois, lassante quelquefois mais je salue la performance de Dona Tartt, autrice étasunienne que je lis pour la première fois et j’ajoute aussi un coup de chapeau à Edith Soonckindt qui a brillamment assuré la traduction en français.

Le narrateur, Theodore Decker vit à New York avec sa mère, mannequin pour un catalogue de vente par correspondance qui étudie l’histoire de l’art et lui transmet sa passion pour les musées. Dès le début, Theo dit qu’il se trouve dans une chambre d’hôtel à Amsterdam, en 1943, sa mère étant morte quatorze ans auparavant. Cette date me gêne beaucoup car, tout au long du livre, donc pour ce qui s’est passé avant 1943, on utilise téléphones portables, internet… ce qui était encore loin d’exister. D’ailleurs, je me demande pourquoi l’autrice donne cette date car son roman peut très bien se passer à la fin du XXe siècle, sans problème.

D’autres anachronismes m’interpellent comme l’absence totale de référence à ce qui bouleverse le monde, en 1943 : la seconde guerre mondiale. Theo, Boris, son meilleur ami, voyagent sans aucune difficulté d’Amérique en Europe, se déplacent aux Pays-Bas, pays pourtant occupé par le Wehrmacht depuis 1940. Anne Frank écrit son journal à Amsterdam de 1941 à 1944, avant d’être déportée vers les camps de la mort comme beaucoup d’autres juifs de ce pays. Aucune allusion dans le livre à cette terrible période, aucune restriction dans l’hôtel où se trouve Theo qui peut commander tout ce qu’il veut à la réception. Il y a même un déplacement déterminant à Hambourg… sans problème.

Ces anomalies étonnantes signalées, je reviens à l’histoire de ce garçon déjà traumatisé par un père alcoolique ayant déserté l’appartement familial, qui perd sa mère à cause d’un attentat, l’explosion d’une bombe dans un grand musée newyorkais qu’ils visitaient. Par miracle, Theo qui avait repéré une jeune fille rousse accompagnée d’un vieil homme, est vivant et Dona Tartt m’a scotché avec une scène terrible qui montre Welty, ce vieil homme, prenant Theo pour un autre, lui confiant sa bague, une adresse et, juste avant de mourir, lui ordonne de prendre un petit tableau : Le Chardonneret, du peintre hollandais Carel Fabritius (1622-1654). Or, Fabritius est mort l’année où il a peint ce petit oiseau enchaîné à son perchoir, en 1654, à cause de l’explosion d’une poudrerie, à Delft, aux Pays-Bas.

Repartie voir La leçon d’anatomie de Rembrandt, sa mère n’était pas dans la même salle que Theo qui en réchappe donc et réussit à sortir des décombres par ses propres moyens. Il ne reverra jamais sa mère et sera profondément traumatisé.

Ainsi, Theo raconte en détails, la fin de son enfance, la famille Barbour qui le recueille parce qu’il est le meilleur ami d’un des fils, Andy. Il aurait pu grandir tranquillement si son père et sa nouvelle femme, Xandra, n’avaient débarqué de Las Vegas et l’avait emmené sur la côte ouest. Là-bas, il se lie d’une profonde amitié avec Boris, pour le meilleur et pour le pire car la drogue fait son entrée et rien ne nous est épargné jusqu’au bout. Bien sûr, Theo a toujours ce fameux tableau qu’il garde jalousement, cache soigneusement mais, impossible d’en dire plus sans divulgâcher.

Dans cette histoire, il ne faut pas oublier Hobie, l’associé de Welty, un restaurateur de meubles anciens, antiquaire, chez qui Theo retrouve Pippa, la jeune fille rousse qui accompagnait Welty dans le musée et qui a aussi miraculeusement échappé à la mort. Hobie est un homme extraordinaire, d’une profonde humanité et j’ai beaucoup apprécié les passages le concernant.

Dans un tel livre, foisonnant d’informations, de détails pas toujours utiles, de descriptions redondantes, j’ai surtout aimé les réflexions sur la vie, les passages consacrés à l’art, la peinture, l’amour d’un fils pour sa mère et les moments forts d’amitié hélas gâchés par un usage immodéré et impressionnant de stupéfiants.

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Le Chardonneret

Je suis très reconnaissante envers François Busnel pour la découverte de Donna Tartt lors de son passage à la Grande Librairie. Certes il aurait été difficile de passer à côté dans les semaines suivantes, car elle trône sur tous les étals de libraire, mais sa prestation a été suffisamment convaincante pour me convaincre de réparer mon ignorance, n’ayant jamais entendu parler du Maître des illusions (un séjour sur une autre planète il y a 10 ans?)



Lire le Chardonneret est un morceau de bravoure (même si c’est une très belle expérience : c’est un gros pavé, à l’écriture dense, plus far breton que barbe-à-papa comme nourriture spirituelle). Le critiquer est une autre paire de manche. Le livre clos, on reste un peu abasourdi, et le silence après Donna Tartt est encore du Donna Tartt, un délai est nécessaire avant de se plonger dans un autre univers romanesque.



Theo Decker le narrateur, a treize ans lorsque débutent ses confidences. Il vit seul avec sa mère, depuis que le père les a laissés tomber. Pas très bien intégré au collège, de nature inquiète, cette période est pourtant celle de sa vie qu’il idéalisera comme un âge d’or, après qu’une explosion tue sa mère dans le musée qu’il visitait avec elle. C’est le big bang de cette histoire : le deuil irréparable s’associe à une rencontre , celle d’un vieil homme en train de mourir, qui lui remet une bague en lui donnant une adresse. Et, point d’ancrage fort, tant pour le lecteur que pour le jeune garçon, Theo sort du musé, sain et sauf, dans une ambiance de fin du monde, avec un tableau d’une valeur inestimable sous le bras : le chardonneret de Fabritius.



C’est le début d’un road movie, fait d’errance et de choix hasardeux, en compagnie de Boris, un autre paumé de la vie. Le refuge dans des paradis artificiels délétères est inéluctable, avec suffisamment de maitrise pour donner le change socialement, tout en créant une dépendance irréversible.



Les thèmes abordés sont multiples, stress post-traumatique, amitié, amour, deuil, dépendance,, impermanence, qui constituent autant de jalons sur ce parcours initiatique. La construction du jeune homme est chaotique, la chute est imminente tout au long de ce chemin sur les berges d’un précipice, mais le chemin se fait.



L’ensemble se déroule dans un ambiance artistique, (outre le Chardonneret et son histoire propre, beaucoup de références à la peinture, mais aussi à la poésie). La restauration des meubles anciens, très bien documentée (l’auteur a t-elle fait un stage intensif?) est très intéressante.



C’est un roman fort, dense, inoubliable, pas loin de mériter une place dans la valise pour l’île déserte; Le maître des Illusions, lui, est dans la pile.
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Le Chardonneret

♫Ça f'sait longtemps que j'n'avais pas vu

Un petit oiseau dans ma rue

Je ne sais pas ce qui m'a pris

Il faisait beau je l'ai suivi [...]

Où tu m'emmènes dis ?

où tu m'entraînes dis ?

Va pas si vite dis attends-moi !

Comme t'es pressé dis !

t'as rendez-vous dis ?

Là où tu vas dis j'vais avec toi ♫

-Gilbert Becaud- 1966-

----♪---♫----🗽---🎨---🗽----♫---♪----

Psst, du fond de la ruelle

psittacidae ou simple passeriforme,

Un murmure m'interpelle

De la mare au diable, au pavé conforme...

Un oiseau jaune sur un fond simple et pâle enchaîné à un perchoir par sa cheville fine comme une brindille...

Sucette à la morphine....

distortion spatiale et temporelle

Pouvoir des signes

Battre des ailes

Et atterir au même endroit indigne !

Combien la vie peut être cruelle !

Comment taire

Seule ombre au tableau

Sa poupée c'est Pipa

Comme c'est pas pipeau

Mais que les dés sont pipés

Pipa n'a pas pipé mot...

Rêver d'elle en permanence

Mais en tant qu'absence

pas en tant que présence...

Tiens-toi à l'écart de celles que t'aimes trop

Sourcils en aile de chauve-souris

Eprouver chaque pulsation, chaque sursaut

Se soucier suffisamment d'une chose...elle prend vie.

J'ai regardé s'écouler les heures,

à peine éveillé, état de semi-rêverie,

lumière hivernale solennelle, vodka avec glaçons, basculant d'un bord à l'autre, parallélogrammes qui glissaient vers la moquette et se retrécissaient jusqu'à pâlir et disparaître, vibrations d'un diapason...

Ne pas se retourner pour regarder la Terre

Depuis ma banquise flottante ayant dérivé en mer

Surface de l'existence, Vers mère

C'est moins clair / obscur

Sablier qui s'écoule, Mystère du futur

Tout redevient illusion

1, rue Sésame, à la télévision

Amsterdam, le temps d'une récupération

Prendre la balle au Bond, mais bon

Tout s'écroule et tout se reconstruit,

Le chardonneret m'aura appris

voir l'humain dans l'oiseau, digne, vulnérable

Un prisonnier qui regarde ses semblables

Esthète, Beauté, genre ''human-Niké'' confidentiel

Des mots crassis, tout ce que l'art y fit ciel ...

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Le Maître des illusions

Roman culte, dit la rumeur. Cela pourrait être une séquelle un peu sombre du cercle des poètes disparus, vibrante jeunesse et heurt de classes sociales, Homère plutôt que Whitman, destin tragique and so on. Cela pourrait être un nième whodunnit, avec un pauvre hère en trench coat qui tenterait de retrouver le coupable à coup de judicieuses déductions et de citations de sa femme. Ou une petite vieille qui écrit des romans policiers pour maison de retraite.

Ce n’est pas du tout cela.

Ce n’est pas non plus un « roman d’aventure », comme l’affirme la 4e de couverture. Ou alors il faut entendre « aventure » au sens « il se passe des trucs ». Auquel cas il y a un sacré nombre de romans d’aventure en circulation.

À l’inverse, Le Maître des illusions pourrait aussi se glisser dans la mouvance jeunesse d’élite dépravée, ambiance Les Lois de l’attraction – le roman est par ailleurs dédié à Bret Easton Ellis avec lequel l’auteur a batifolé pendant ses années de fac.

Mais ce n’est pas cela non plus.

De quoi s’agit-il au fond ? Cinq personnages, sûrs d’eux comme on peut l’être à vingt ans, pas forcément sympathiques, pas forcément originaux, s’avancent d’un pas volontaire vers des évènements catastrophiques. Épris (pétris) de culture classique, subjugués par un enseignant aussi charismatique que lisse et distant, quatre d’entre eux décident une nuit de se livrer à une bacchanale. D’expérimenter les limites de la conscience, plus par intérêt scientifique que par envie de s’envoyer en l’air dans les bosquets même si cela termine quand même en frénésie sexuelle et psychotropée. Un homme est tué. Brutalement battu à mort, le crâne explosé à mains nues. Personne n’a rien vu, ce pourrait être un accident, ils pourraient s’en tirer en gardant profil bas. Mais cet équilibre de paille s’effondre quand Bunny, le dilettante du groupe, le pique-assiette qui vit aux basques de ses richissimes amis tout en fustigeant les pauvres, celui précisément tenu à l’écart de la cérémonie, comprend ce qu’il s’est passé et commence à faire peser une pression insupportable sur le groupe. Et malgré l’aspect complètement convenu de l’intrigue, on adhère. Parce qu’il ne s’agit pas de raconter les conséquences d’un meurtre, puis de deux meurtres, mais de suivre la lente progression d’un groupe soudé par leur conscience d’être à part, au-dessus, plus éveillés que leurs congénères, vers l’éclatement, le soupçon, la déception pour certains, la mort pour d’autres, réelles ou métaphoriques. Ils cherchaient l’éveil de la conscience, ils ont trouvé un monde et des dieux enfuis.

Et cette progression est menée de main de maître, de façon subtile et cruelle. Sous l’œil néophyte de Richard, les personnages apparaissent tout d’abord glacés dans leur perfection : Bunny, le bon vivant un peu idiot mais sympathique, Charles et Camilla (ce choix de prénoms...), les jumeaux à l’air angélique, Francis le dandy et surtout Henry, l’intellectuel autodidacte, aussi brillant qu’étrange. Chacun dans leur petite niche, difficile de les apprécier et donc de se passionner pour leur sort. Mais ils chutent du piédestal, quand sont révélés les travers – égoïsme, inceste, alcoolisme, lâcheté –, ils s’humanisent et on quitte l’exercice de style un peu froid pour entrer dans le tragique. Étrange processus par lequel un personnage devient aimable en se vautrant dans le sale et le pathétique. Sans pour autant faire du Maître des illusions un roman de Bukowski, s’entend. Non, les apparences restent sauves et tout le monde gentiment policé. Mais quelque chose a volé en éclat et c’est irréparable. Au fur et à mesure que les choses s’enveniment, l’univers et ses personnages qui semblaient coupés du monde, flottant dans une sorte d’intemporel romanesque (j’ai eu du mal à dater ces évènements, années 50, 60, 70 ?) s’actualisent, des références contemporaines à l’écriture (le début des années 90) affleurent et ancrent le récit de façon permanente, le dramatisent. J’ai bien conscience du caractère ultra classique/convenu/rebattu de ce que j’explique. Donna Tartt n’invente rien, elle se fond complètement dans des modèles hérités, dans une tradition littéraire, ayant bien appris que le véritable ressort du roman reste le personnage, ses vibrations intérieures, le puits sans fond de sa psyché dont procède l’action. Mais elle le fait bien. À noter la scène d’anthologie de l’enterrement de Bunny (non, ceci n’est pas un spoiler : on apprend la mort de Bunny à la deuxième ligne, d’où l’impression de tragédie même si c’est poussé un peu loin la définition), tout en malaise et dysfonctionnements familiaux, doublé d’une analyse sociologique féroce.

Le seul défaut de cette parfaite entreprise reste le rapport à l’Antique. La bacchanale n’est dionysiaque que de nom, par son attirail mais sans affronter le fond de la question. L’analogie Julian/Dionysos est surfaite et peu convaincante. Je suppose que l’auteur voulait sous-tendre son propos par un balancement (attendu) entre apollinien et dionysiaque, pas tant antique que nietzschéen, il me semble, et surtout réduit à l’opposition ordre/chaos. Je n’y connais pas grand-chose, en culture grecque comme en esthétique nietzschéenne, donc je ne vais pas pousser plus avant la réflexion et me contenter de dire que, même pour mon œil barbare, tout cela fait un peu plâtre. Un peu décoratif. Sans doute qu’un véritable travail de fond sur ces notions classiques aurait calcifié la matière du roman, le rendant plus ardu, d’une part, et moins attrayant de façon générale.


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Le Chardonneret

A tout juste treize ans, le jeune Theo va se retrouver quasiment orphelin… Son père les a abandonnés, lui et sa mère, depuis presque un an, disparaissant de leur vie sans un mot et sans laisser d’adresse. Une absence tout à fait supportable, voire désirée, jusqu’au jour où, présents au mauvais endroit, au mauvais moment, le jeune garçon et sa mère sont victimes d’un terrible attentat alors qu’ils passent le temps dans un musée New-Yorkais… Cette dernière meurt dans l’explosion, tandis que Theo fait partie des rares survivants du drame. Complètement assommé, déboussolé par la confusion générale, il s’empare, à la demande d’un vieil homme agonisant, d’un petit tableau enfoui sous les décombres…





A-t-il conscience de ce qu’il est en train de faire au moment où il cache « Le Chardonneret » dans son sac ? Connaît-il la valeur immense de ce tableau, l’un des rares témoignages encore existant du talent de Carel Fabritius, un peintre flamand au destin tragique ? Non bien sûr, mais comment expliquer son geste aux autorités ? Et puis, le décès de sa mère représente suffisamment de bouleversements dans sa vie pour occulter partiellement la présence du tableau… C’est ainsi que la vie de Theo va se retrouver étroitement liée à la destinée du « Chardonneret », développant chez lui une véritable fascination pour le tableau, qui se transformera peu à peu en obsession…





Dans ce roman aux multiples facettes, Donna Tartt prend le temps de creuser ses personnages, de développer leur personnalité et de tisser avec une incroyable minutie les liens qui les unissent… Difficile alors de ne pas s’attacher à eux ou de les tenir à l’écart… Le jeune Theo, avec ses angoisses, son innocence et ses pulsions autodestructrices est un personnage que l’on voit grandir tout du long, que l’on a envie de protéger lorsqu’il emprunte de mauvais chemins et qui nous hante longtemps après avoir refermé le livre... Ses mésaventures ne sont pas sans rappeler celles d’un « Oliver Twist » plus contemporain, qui carburerait à l’alcool et aux amphétamines, un moyen dangereux, quoiqu’efficace, d’atténuer la douleur de la perte et de décrocher de la réalité…





Theo, accompagné de son ami Boris, nous entraîne avec lui dans une descente aux Enfers complètement hallucinée, sans possibilité d’un retour en arrière. Difficile de rester insensible face à la violence et à l’injustice du destin qui ne cesse de le frapper ! Donna Tartt ne lui épargne rien et malgré cela, elle parvient à préserver des moments d’une grande tendresse, pleins d’émotions, où l’amour et l’amitié sont bouleversants de sincérité et donnent à chacun un nouveau souffle empli d’espoir et d’optimisme, ce qui est loin d’être superflu étant donnée la tension qui se dégage du texte !

Un roman dense, prenant, lent sans être pesant et qui s’accélère à la fin pour nous entraîner avec lui dans une succession de rebondissements à couper le souffle, resserrant l’étau autour des protagonistes mais aussi du lecteur ! Un texte mené d’une main de maître, porté par le talent de Donna Tartt et dont l’enjeu principal est un tableau volé, mais qui explore également les failles et les faiblesses de l’homme ainsi que certains des travers des Etats-Unis. Une lecture passionnante, qui m’a laissé une forte impression et me donne envie de découvrir au plus vite « Le maitre des illusions » !





Un grand merci à Babelio et aux éditions Plon pour ce partenariat et cette superbe découverte !
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Le Maître des illusions

Très très grosse impression lorsque j'ai lu ce bouquin la première fois, un peu moins la seconde. Pourtant c'est un livre que j'emmènerai volontiers sur une île déserte. Pourquoi ne prendre que six livres ? Responsables de Babelio faites un effort ! passons à 60 ou à 600 ! Ouais, 6,000 c'est p'tét beaucoup !

Ma meilleure amie, le déteste. J'aime l'atmosphère qui s'en dégage. La richesse des descriptions des personnages, qui sont tour à tour égoïstes, manipulateurs, amis et ennemis, sympa et féroce, vaniteux et courtois . Ce monde à part que certains se créent hors du temps, hors des codes.

Tour à tour Donna Tartt nous manœuvre. Qui croire ? Richard est-il vraiment accepté ? Ou est-il simplement le regard de la société sur ce groupe d'étudiants ? Le témoin privilégié ? Le mec a peu près normal pour jauger la folie des autres ?

Le maitre des illusions on aime ou on déteste, si vous ne rentrez pas dans l'histoire au bout de cinquante pages, pas la peine d'aller plus loin.

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Le Chardonneret

Les mille et une galères de la vie de Théo, orphelin, alcoolique, drogué, voleur, fugueur, faussaire...

Dit ainsi, c'est une simple ligne.

Donna Tartt en fait 800 pages!



Il a bien sur des excuses, ce piaf de Théo!

Son coeur a implosé quand une bombe a explosé au MET de New York, envoyant dans les limbes sa mère tant chérie. Quant à imaginer que ce traumatisme vécu en direct et les conséquences pour une vie désorganisée d'adolescent lui aient profondément perturbé le jugement, ça semble une évidence.

Entre New York, Las Vegas et Amsterdam, les errances de Théo nous entrainent d'années en années dans ses "non choix" improbables, croisant des personnages tous aussi originaux et/ou fêlés, dans le diaporama d'une société américaine analysée de l'intérieur: services sociaux, psychologues, enseignement, justice, pouvoir de l'argent, extorsions, manipulations. C'est aussi une solide histoire d'amour et d'amitié.



Je suis entrée à reculons dans ce pavé, néanmoins le charme a opéré en douceur. Il faut accepter cet engourdissement, cette noyade dans l'histoire et l'écriture. Ce ne fut pas toujours une lecture plaisir. Je la qualifierai plutôt de lecture marathonienne et j'ai souvent du me forcer à la reprendre, regardant avec inquiétude les pages lentes à défiler. (J'ai même du m'accrocher ferme pour ne pas lâcher le manège à Las Vegas.)



En conclusion, je refais surface, partagée entre légère suffocation (car j'ai approché le "burn out"de lectrice), et la respectueuse fascination pour cette capacité d'écriture incroyable.



Car, avec un imaginaire littéraire intense, la force de Donna Tartt est cette faculté de raconter par le menu les faits, les sentiments, le travelling des petites choses qui entrent dans le décor, où tout est à sa place, où tout semble avoir de l'importance dans la narration.

Sens précis du détail pour raconter un évènement, oeil photographique pour fixer des lieux et des personnes, acuité et doigté d'orfèvre dans les descriptions précises, méticuleuses et pour autant jamais fastidieuses, décorticage des sentiments et connaissance approfondie dans des domaines variés. Quelle maitrise!



Ce fut donc à petites doses que je suis venue à bout de l'étude picturale de ce petit oiseau, réputé pour la beauté de son plumage et de ses chants.

Mais quatre étoiles... Quand même!



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Le Chardonneret

Comment peut-on continuer à vivre après un attentat ?



Le talent exceptionnel de Donna Tartt nous fait voir cette expérience de l’intérieur et comprendre comment un ado peut subir un choc post-traumatique, perdre sa mère, être ballotté d’un endroit à l’autre et trouver refuge dans la drogue, mais aussi dans l’art et la beauté.



Une grosse brique, pleine de réflexions : sur la peinture, son effet sur l’être humain et son rôle dans la société, sur la beauté du geste, sur les meubles et le travail du bois, sur l’histoire et sur l’attachement aux objets et la raison pour laquelle on conserve ces vieilleries.



On y voit aussi comment les médications pour atténuer la douleur et permettre le sommeil créent une dépendance propice à la surconsommation de drogues et d’alcool (passages que j’ai personnellement trouvés un peu longs).



L’amour, l’amitié, la famille, le sens de la vie et de la mort, mais tout ça à travers une intrigue et les décors de New York, Las Vegas et Amsterdam.



Un pavé ? Un bon livre, de belles heures de lectures en perspective…

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Le Maître des illusions

OK Mrs Tartt, on va pas se mentir, le Chardonneret (2013) m'avait émerveillée. En revanche dans le maître des illusions (1992) j'ai trouvé, je l'avoue, le temps un peu long.



Cela dit, plus de vingt ans séparent l'élaboration de ces deux oeuvres (voir dates ci-dessus, me suis pas foulée à les mentionner par hasard). Et si l'on y retrouve des thèmes communs – narrateur juvénile en plein parcours initiatique, excès alcoolopsychotropiques à tous les chapitres – et que la finesse d'analyse psychologique des personnages est admirablement présente ici aussi, l'on est tenté de songer que la magie du petit dernier – lu en premier, suivez-moi bien – doit sans doute beaucoup au gain en maturité de son auteure et c'est tant mieux (si je suis pas claire là, faut pas hésiter à me dire).



Une lecture au (très) long cours donc, qui m'a frustrée en outre quant au traitement de la fin, un peu décevante et par trop sommaire pour le prolixe récit qu'elle était censée couronner si je puis me permettre.



Temporellement intermédiaire (2002) au sein de la parcimonieuse bibliographie tarttéienne (un roman toutes les décennies, pensez donc), le petit copain fera-t-il le lien chez moi entre enthousiasme et légère déception ?… Je vérifierai à l'occasion, histoire de boucler la boucle fut-ce dans le désordre, on fait bien comme on peut mon pauv'monsieur.




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Le Chardonneret

Lundi, je suis allé chez Donna Tartt. On a mangé des pommes. Après on est allés au zoo et on a vu le chardonneret, une fine chaînette passée à la patte l'empêchait de s'envoler. Quelle belle journée !



Mardi, je suis allé chez le chardonneret. On a mangé une tarte aux pommes. Après, on est allés au zoo et on a vu Donna qui écrivait un livre de 1100 pages. Elle tissait une fine tragédie qui, passée à la jambe du lecteur, l'empêchait de s'en aller. Quelle belle journée !



Mercredi, je suis allé chez Pomme (qui est un peu tarte). On a mangé le chardonneret. Après, on est allé au zoo et on a vu Donna qui terminait sa tartine. Hum quelle belle journée !



J'ai emprunté à Bernard Friot cet exercice de style pour exprimer la joie d'avoir découvert ce brillant ouvrage. Une histoire d'adolescent si juste et si bien écrite qu'elle pourrait se hisser en tête des références (avec Salinger bien sûr).



Il fallait oser le rythme particulièrement lent de la narration, qui m'a parfois découragé. Mais je m'y suis fait. La noirceur, son pessimisme à la Cioran, est une qualité du récit, et le fameux tableau du chardonneret est bien le symbole de la tristesse d'une vie humaine, comme celle de Théo, marquée par le deuil.



C'est bien une longue traversée mais l'écriture de Donna Tartt la rend agréable.



Et comme c'est vendredi, je vais aller auprès de mes frères humains, avec un boulet attaché à la patte, avec l'impression parfois d'être dans un zoo.
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Le Maître des illusions

Je suis retombé récemment sur le maitre des illusions. Je l'avais lu vers l'âge de quinze ou seize ans. La première fois, parce que j'ai revisité ce roman chaque année dans la décennie qui a suivi. Il m'a beaucoup marqué, ce fut et c'est encore un de mes coups de coeur. D'abord, il y a ce personnage-narrateur, Richard Papen. Tout de suite, je me suis identifié à lui, ce jeune homme, fils unique de parents peu chaleureux, dans une ville moderne (lire ici sans histoire) de la Côte Ouest et ayant eu une enfance ordinaire, voire morne. « Les années où j'ai vécu là-bas m'ont créé un passé jetable comme une tasse en plastique. » (p. 19) Ma propre enfance ne fut pas détestable mais l'herbe est toujours plus verte chez le voisin. Il me semblait que je n'avais rien vécu de si extraordinaire que cela. Comme ce jeune homme, je m'étais tourné vers la télévision, la littérature et l'histoire pour aller chercher ce petit je-ne-sais-quoi. Et, en avoir eu l'occasion, pourquoi pas le grec classique ?



Quand vient le temps pour Richard Papen d'aller à l'université, il saute immédiatement sur l'occasion d'intégrer un campus de la Côte Est. Hampden, avec ses vieilles traditions et ses bâtiments austères (à l'anglaise), est parfait ! le jeune homme se lie rapidement avec ses cinq nouveaux (et seuls) camarades de classe. Il est charmé, enchanté par leur magnétisme. Il y a Edmond ‘'Bunny'' Corcoran le sympathique, les jumeaux Charles et Camilla Macauley, l'élégant Francis Abernathy et le génie des langues Henry Winter. Ils sont beaux, ils sont intelligents et ils sont riches, quoi demander de mieux ! Ah oui, ils ont une fascination pour le grec classique et l'Antiquité ! C'est l'autre aspect qui m'a conquis dans le maitre des illusions, toutes ces références à l'histoire, aux langues anciennes, à ces civilisations perdues, au théâtre, à la mythologie, à la phisolophie, etc. Ils formeront un groupe de privilégiés, un club sélect en quelque sorte. Qui ne voudrait pas évoluer parmi eux ? Bien sûr, tout dépend des goûts de départ.



Ces six étudiants sont encadrés par Julian Morrow. Personnage charismatique, universitaire distingué, maitre à penser, un peu comme ces précepteurs à l'ancienne. On comprend alors qu'il se limite habituellement à cinq étudiants (il fera une exception pour Richard) ! « C'était un causeur merveilleux, magique […] » (p. 55) Les quelques cours auquel j'ai ‘'assisté'' m'ont fasciné. Oh, comme j'aurais aimé me retrouver parmi eux à discourir sur les Érinyes, L'Orestie, l'oubli du moi, les bacchanales, les tactiques militaires telles que rapportées par Thucydide, la terza rima, l'Enfer de Dante et tant d'autres sujets palpitants. Même dans leurs temps libres, ils prennent au sérieux les présages et échangent sur la distance qui séparait les soldats dans une légion romaine ou bien sur la nature du chaos primordial d'Hésiode. Quelle vie !



Auteur d'eux gravitent plusieurs personnages secondaires colorés comme le Dr Roland, ce vieux bonhomme détraqué, Marion la petite amie de Bunny et plusieurs énergumènes de la faune estudiantine comme Judy Poovey, Spike Romney et Cloke Rayburn. J'adore les romans dans lesquels de tels personnages réussissent à se rendre mémorables malgré leur importance relative et leur présence limitée Dans une entrevue, l'auteure Donna Tartt admettait avoir été influencée par Charles Dickens qui parvenait à faire ressortir l'essentiel de chacun en quelques mots seulement, à l'aide d'une caractéristique physique, de gestes, de tics et surtout de paroles.



Comme je l'écrivais plus haut, c'est le personnage principal, le décor universitaire et ses thématiques (littérature et civilisations anciennes) qui m'ont accroché. Qu'en est-il de l'intrigue ? La première partie se déroule lentement. On finit par comprendre que les étudiants ont essayé de mettre en pratique une idée lancée pendant un de leur cours : vivre une bacchanale, un rite dionysiaque ancien qui se transforme en débauche mais dont l'objectif est d'oublier le ‘'moi'' ne serait-ce qu'un instant. Malheureusement, l'expérience prend accidentellement un tournant tragique. Pour protéger leur secret, ils doivent éliminer un des leurs qui en savait trop et qui devenait dangereux. N'ayez crainte : je ne dévoile rien, on l'apprend dès le début. Et Richard se laisse persuader qu'il doit en être ainsi. Jusqu'où est-on prêt à aller pour se sentir vivant, pour appartenir à un groupe élitiste ? le meurtre est-il justifiable ? C'est sans doute plus facile d'y répondre quand on est abreuvé toute la journée de principes élevés (mais d'une autre époque) de « Devoir, piété, loyauté, sacrifice. »



La deuxième partie est plus longue. La disparition de Bunny n'est pas relevée immédiatement par son entourage et, une fois alertée, la police mène ses recherches tranquillement. Quand l'étau se serre davantage autour du petit groupe, la tension monte et les dissenssions inavouées jusque là font surface. La découverte du cadavre ne change rien et les jeunes plongent dans l'autodestruction. Amour, inceste, alcool. On assiste à une sorte de chute aux Enfers. Je suis persuadé que, s'il avait été au courant du drame qui se déroulait sous son nez, leur professeur aurait pu en faire le sujet de plusieurs cours fascinants. On comprend alors qu'il y a toujours des conséquences à nos actes mais qu'il est bien difficile de les prévoir et, surtout, d'en prendre la responsabilité. C'est alors que les héros tombent, que des meneurs se dévoilent et que les maillons faibles se révèlent.



Deux ou trois trucs m'ont agacé. Par exemple, comment un professeur aussi fin et bon juge de caractère que Julian Morrow a pu sélectionner un idiot comme Bunny ? Pourquoi Henry s'évertue à combler inutilement cet ami de cadeaux comme des voyages ? Mais bon, « l'Allegro e Il Pensero ». Et, tant qu'à y être, pourquoi ces cinq jeunes étudient le grec classique ? Mais les choses sont ce qu'elles sont, il ne sert à rien de s'en morfondre. Pour tout le reste, je suis preneur. Donna Tartt a mis près de dix ans à écrire ce chef d'oeuvre et, selon moi, ça en valait le coup. Quand je l'ai lu, il y a une vingtaine d'année, c'était l'histoire la plus originale que j'avais lue et je suis resté avec cette impression. J'attends encore quelque chose de semblable…
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Le Chardonneret

Il m’a paru tout de suite assez conséquent mais j’ai bien vu le petit oiseau et considéré mon objectif, le lire. Puis instantanément, l’écriture m’a plu alors j’y retournais avec plaisir pour retrouver Théo.

Un drôle d’oiseau pourrait-on dire, happé comme il l’était dans la course du temps, la froideur et la dureté des évènements au gré des routes et des possibles. Et je me disais, mais pourquoi prend-t-il cette route plutôt qu’une autre, plus facile, plus paisible et sans encombre. La bonne voie en somme. Mais qu’est-ce que c’est que la bonne voie me disais-je, et, est-ce que ce n’est pas comme ça aussi dans la vraie vie, le chemin qu’on prend est-il toujours le plus facile, le tout tracé, le plus tranquille et s’il l’était, était-il pour autant le bon, bien sûr que non ! et c’est ainsi que je ne lisais pas du tout prêt tout apprêté, une histoire à l’eau de rose qui ne m’aurait pas plu, mais plutôt une sorte de désordre plein de cohérences. Ensuite, le ton s’est amplifié et l’allure aussi, si bien que j’avais hâte de poursuivre et c’était bien jusqu’à la fin. Il me trottait dans la tête, ou plutôt il me sifflait le petit oiseau, lui Théo et le Chardonneret du tableau, surtout quand on aborde sa création, le passage du pinceau sous son ventre pour accentuer la perception duveteuse et la douceur. Une belle immersion dans l’univers de Donna Tartt.

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Le Maître des illusions

Richard Papen intègre à 19 ans l'université de Hampden en Nouvelle-Angleterre.



Après avoir essuyé un refus de la part du professeur de Grec, Julian Morrow, figure de l'Université, pour intégrer son cours, c'est en faisant la connaissance de quelques uns de ses élèves, qu'il finira par se faire accepter et par y participer.



C'est un groupe très réduit, de 6 élèves seulement. Pas vraiment des privilégiés, mais en tout cas considérés comme des étudiants à part par les autres... des étudiants "inapprochables" :

Camilla et Charles, deux jumeaux, Henry, Francis et Edmond, dit Bunny, et Richard dorénavant.



Il fera progressivement la connaissance de tous, d'abord de façon assez distanciée, presque ambiguë, puis finalement de mieux en mieux, jusqu'au jour où l'un d'entre eux finira par lui avouer un terrible accident.



Et cet accident aura des conséquences encore plus terribles.



À mon avis :

Plusieurs jours après la fin de ma lecture, je m'interroge encore sur la finalité de cette histoire... Aurais-je raté quelque chose ?



D'abord, sur la première moitié du récit, l'histoire est somme toute assez plate, sans véritable intérêt, même si on comprend dès les premières lignes qu'un drame s'est produit. Mais comme rien ou presque ne relie ce drame aux événements décrits, on s'ennuie quelque peu.

Pourtant, il y a un petit quelque chose qui nous maintient accroché, un infini espoir, très subtilement alimenté, de voir le récit décoller à la page suivante... sans doute cette idée que l'état d'esprit nécessaire au véritable apprentissage du Grec ancien, autorise des expériences d'un autre temps.



A partir de la deuxième partie, l'action s'étoffe un peu, et l'espoir est donc entretenu.

Les multiples toutes petites réactions énigmatiques des uns et des autres nous font espérer un twist, si ce n'est en cours de lecture, au moins à la fin du récit.



Et puis tout de même... le titre ! le maître des illusions quoi ! Il va bien y avoir quelque chose dans le récit qui va nous relier à ça ? Il doit bien y avoir quelqu'un qui tire les ficelles en arrière plan ? Et ça va nous exploser au visage avant la fin !?



Alors, le récit nous tient toujours, il y a encore une fois ce petit quelque chose d'indéfinissable qui nous attire vers la page suivante.



Mais au détour de la dernière, c'est la déception qui est au rendez-vous... une fin d'une banalité sans nom... pas de maître, encore moins d'illusions... flop !





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Le Chardonneret

Voici donc un roman faisant l’objet depuis sa parution d’un véritable concert de louanges…auquel je ne me joindrai certainement pas.

C’est un véritable ouf de soulagement que j’ai poussé en arrivant enfin au bout de ce bouquin (je dois avouer avoir un peu expédié les toutes dernières pages), au terme de quasi deux semaines de lecture plutôt éprouvante.

Mais comment expliquer l’engouement autour de ce roman ? Peut-être la belle couverture, ou alors la personnalité de Donna Tartt, que je ne connais pour ma part que de réputation (le charme n’a donc peut-être pas joué)…

La lecture de ce roman fleuve, certes ambitieux, s’est en tout cas avérée tellement laborieuse (inutile d’en résumer l’histoire, d’autres l’ont fait avant moi, et probablement beaucoup mieux que je ne le ferais) : certains passage furent interminables et d’un total manque d’intérêt (en particulier la période passée par Théo à Las Vegas, marquée par l’ennui et les addictions avec son pote Boris), d’autres périodes étant au contraire totalement passées sous silence (l’auteur va consacrer des pages et des pages à des journées où il ne passe rien ou presque, on tourne une page, changement de chapitre, et on se retrouve huit années plus tard, quasi sans explications… c’est une plaisanterie ?). Les personnages ne sont en outre pas attachants, à l’exception de Hobie et Pippa. Et le comble, c’est que Donna Tartt a donné mon prénom au dealer new-yorkais de Théo ! Franchement…

Et pourtant, je me suis accroché pour achever ce roman (une sorte de défi personnel), espérant qu’enfin un rebondissement aurait lieu, me permettant de conserver au final de cette histoire une opinion positive. Mais celui-ci n’a jamais eu lieu… enfin, il y eu bien quelques péripéties, mais elles sont à mon sens peu crédibles, limite grotesques (Théo en assassin ? risible..).

En tout cas, je doute désormais fortement de me lancer dans la lecture des précédents romans de Donna Tartt. Et je serai également particulièrement prudent vis-à-vis des futurs prix Pulitzer : car si Lonesome Dove méritait sans conteste une telle récompense, l’attribution d’un tel prix pour « qu’avons-nous fait de nos rêves » et « le chardonneret » apparaît à mes yeux assez incompréhensibles…

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Le Chardonneret

Résiste ! ... C’est ce que semble me dire ce chardonneret, ce minuscule petit oiseau peint par Fabritius, un Maître flamand trop tôt disparu.

Tiens bon ! ... C’est ce qu’il faudrait dire au narrateur de cette histoire très humaine, très noire, descente aux enfers totale.

Va jusqu’au bout ! ...C’est ce que je me suis dit après mes plongées en apnée dans ce roman-fleuve aux accents terribles et à l’écriture à la fois syncopée et merveilleusement imagée.



NON ! « Le Chardonneret » ne laisse pas indifférent, c’est le moins qu’on puisse dire.

Une foule d’émotions m’ont envahie tout au long de cette histoire. D’abord une compassion immense pour ce jeune ado new-yorkais qui perd sa mère lors d’un attentat terroriste dans un des plus grands musées, obligé de s’en remettre à la famille d’un de ses amis pour survivre. Taraudé par la culpabilité qui ronge et qui mord. Et là, j’ai salué le talent de l’auteure pour ses mots justes, son intime compréhension de la tristesse devant le drame.

Ensuite une horreur devant le destin du jeune homme, pris en charge par un père et une belle-mère inconscients, drogués et alcooliques. Cette partie à Las Vegas m’a mise KO, et j’aurais voulu jeter le livre par terre. Ces scènes continuelles et innombrables de déchéance en compagnie de celui qui va devenir le meilleur ami du narrateur, Boris, m’ont exaspérée.

Et puis vient un peu de rédemption, pour le héros comme pour nous, enfin pour moi, avec le retour à New-York et le refuge chez un antiquaire lié de près à l’explosion dans le musée. L’amour des beaux meubles, de leur restauration, la découverte de la Beauté, ça aide à vivre...

Et il en faut, de l’aide, à ce jeune homme ! Car il est lié au tableau « Le Chardonneret », lié à la vie...et à la mort. Ce ciel bleu entraperçu s’est vite voilé de nuages noirs et recommence l’enfer, si bien décrit pourtant par l’auteure : « Une fosse à goudron pour l’âme où je risquais de me laisser choir et de dépérir des années durant »...



Aventure unique, et pourtant universelle, « Le Chardonneret » nous plonge malgré nous dans le bouillon immonde de ce qu’il y a de pire, et nous élève dans le même mouvement dans le pur éther de la Beauté. Désespérant et exaltant, il m’a taraudée, irritée, mais aussi transportée. Son ironie à fleur de peau, ses envolées, ses comparaisons à la pointe de la vérité m’ont ravie.



« Le Chardonneret » parle différemment à chacun d’entre nous, et chacun reçoit ce qui lui convient. C’est ça, l’art, en définitive.



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Le Maître des illusions

"Le maître des illusions" compte parmi ces romans qui, une fois achevés, laissent quelque peu perplexe et vous font penser que vous êtes peut-être passé à côté de l'essentiel. Fascinants par leur contexte et leurs personnages, ces romans questionnent longtemps, on y repense, ils continuent de hanter une partie infime de votre conscience, on y revient, on cherche à analyser après coup les réactions et les choix des différentes protagonistes.



"Le maître des illusions" est un best-seller qui a pour cadre une université sélect du Vermont, aux Etats-Unis. Richard, le narrateur, est un élève boursier californien brusquement plongé dans l'atmosphère et la mentalité de la côte Est, et rapidement intégré à un groupe de jeunes nantis férus des lettres grecques, mentoré par un professeur charismatique. De fil en aiguille, un climat élitiste et extravagant - proche de celui d'une secte - cimente l'amitié entre les six membres du groupe ; les personnalités se dévoilent mais moins cependant que les mystères, secrets et autres manipulations.



"Le maître des illusions" est un thriller psychologique (pléonasme ?) aux allures de huis-clos qu'on ne peut s'empêcher d'apparenter au "Cercle des poètes disparus", en plus noir et en beaucoup plus ésotérique. Chaque membre du groupe - ou pourrait même parler de groupuscule étant donnée la nature de ses agissements - est un original au profil très fouillé par Donna Tartt qui se plaît à instaurer une ambiance malsaine. Milieu estudiantin oblige, alcool et drogue envahissent quasi chaque page de ce pavé qui en compte plus de sept cent et qui accuse de réelles longueurs, notamment en raison d'une narration très descriptive relatant les moindres détails. Un peu lassant à la longue, de mon point de vue.



"Le maître des illusions" compte parmi ces romans qui, une fois achevés, vous font vous demander pendant longtemps si vous les avez appréciés ou non, mais que vous êtes indéniablement heureux d'avoir lus.





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Challenge XXème siècle 2021

Challenge PLUMES FEMININES 2021

Challenge USA

Challenge BBC

Challenge MULTI-DEFIS 2021

Challenge ATOUT PRIX 2021
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Le Maître des illusions

Je ne voulais pas faire de billet pour ce livre déjà ardemment commenté mais en lisant les près de trois-cents critiques, je me suis dis qu'il fallait que je partage l'enthousiasme qui m'a habitée au fil des pages de ce roman.





Disons-le d'emblée, je suis admirative de Donna Tartt, de son érudition, de la façon dont elle explique construire ses récits, de son registre d'écriture.





Le prologue du Maitre des illusions nous dit tout de l'intrigue qui sous-tend le récit et ce qui, pour certains, apparait comme un livre à suspense perd sa place dans cette catégorie puisqu'il n'existe aucun secret quant à ce qui s'est déroulé et la façon dont les événements tragiques - mort de Bunny - se sont passés.



Si la première partie s'applique à nous expliquer comment le groupe a évincé l'un d'entre eux, au point de lui ôter la vie, c'est aussi pour nous présenter les différents personnages, leurs rapports sociaux, leur regard sur les études et finalement, une certaine vision de deux "amériques" : celle des nantis et celle de celui qui vient du bas de la société, en a honte, le dissimule et fait preuve de fierté en ne se plaignant jamais pour approcher ceux qu'il juge plus brillants que lui.



Richard Papen est ce jeune homme, fils d'un garagiste d'un petit bourg de Californie, qui désire plus que tout approcher une élite, être admis, sans pour autant ruser pour être accepté, il se tait à la question embarrassante qui pourrait révéler es origines mais ne ment pas.

Ce sera lui le narrateur...et c'est là , à mon avis, que l'écriture de Donna Tartt est magistrale : à chaque scène, chaque dialogue, chaque page tournée, nous qui lisons avons l'impression d'être présents physiquement dans la scène comme un observateur muet, un fantôme comme les affectionne Julian leur professeur. Et nos opinions, nos regards sur le groupe vont changer, évoluer, exactement comme si nous les côtoyons au quotidien.

Donna Tartt nous manipule, nous faisant aller de l’avant dans nos raisonnements pour nous faire faire, l'instant d'après, demi-tour car nos avis ont changé.



Et le récit pourrait s’arrêter quand le corps de Bunny est découvert, que l’affaire est classée : c’est un accident.

C’est peut-être ce que veulent dire les lecteurs qui disent avoir trouvé la seconde partie trop longue.



Et pourtant, à partir de là, le récit "s’amplifie", les personnages prennent une autre dimension, nous deviennent plus intimes parce que le récit se fait plus introspectif. Le lecteur continue à observer de façon de plus en plus rapprochée presque comme à travers une loupe, il se pose toujours autant de questions, frémit, s’angoisse…

Il devient passionnant de suivre ce qu’il advient de chacun alors que tout a fonctionné comme prévu et que la mort de Bunny ne peut leur être imputée.



Et alors que la première partie était d’une certaine manière canalisée par les faits, la seconde prend autant de directions qu’il reste de protagonistes. Ce récit déjà fabuleux , s’élargit encore et nous entraîne…







Donna Tartt émaille son récit de références littéraires, linguistiques, historiques , ce qui fait du roman une source d’enrichissement. Il est très difficile de poser le livre et il fait partie de ces récits pour lesquels on envierait presque ceux qui ne l’ont pas encore lu, pour le plaisir immense qui leur est promis.





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Le Maître des illusions

Ils forment un club fermé au sein de l'université, centrés autour d'un professeur atypique de grec. Étudiants brillants et majoritairement fortunés, ils vivent dans un autre temps, celui des grandes lettres, de la force de l'esprit sur les choses. Ils se cherchent mais se noient dans l'alcool et les cigarettes. Ce petit cénacle a ses propres règles et ses perversités. L'arrivée d'un nouveau, Richard, vient éclairer le lecteur puisqu'en tant que narrateur, il relate les faits et tente de comprendre ce qui se passe dans ce groupe. Jusqu'au drame.

Je crois que ce qui est le plus sournois dans ce roman c'est la manière dont Donna Tartt tient le lecteur du début à la fin. Bien que le drame soit connu relativement tôt dans ce récit, je suis restée accrochée dans cette ambiance pesante, à la lourde noirceur, à chercher constamment qui tirait réellement les fils. Qui était le maître des illusions ? Mais pour autant le plaisir n'était pas linéaire. J'ai eu l'impression que certains chapitres n'apportaient pas grand chose ou plus exactement que le narrateur n'était pas omniscient comme je le pensais. De là certains chapitres auraient du m'éclairer plus avant et je n'étais pas plus avancée que cette brave andouille amorale de Richard.
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