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Citations de Drago Jancar (99)


Je tremblais de tout mon corps. Pas à cause de ce que j’avais vu. Mais parce que je n’avais rien dit. J’aurais pu hurler que, bon Dieu, ça n’avait plus de sens. J’étais plus gradé, le lieutenant m’aurait peut-être écouté même si c’était lui qui commandait l’unité et que moi je n’étais que le médecin qui pouvait donner des ordres à l’unité sanitaire, c’est-à-dire à deux vieux infirmiers. Si j’avais hurlé sur lui devant les soldats, ce fou aurait été capable de diriger son pistolet sur moi. J’aurais au moins dû l’appeler à l’écart et lui parler. Pourtant je n’avais rien fait. J’étais épouvanté. C’était juste avant la fin de la guerre, nous savions tous que l’affaire touchait à sa fin, et je n’avais pas voulu ferrailler avec ce jeune homme enragé, dangereux. Lui aussi savait que c’était fini, c’est pourquoi les coups de feu de l’embuscade l’avaient jeté dans une telle fureur, il s’était senti vaincu et humilié parce que, maintenant il devait se retirer du pays, on tuait ses soldats. Et même s’il n’y avait eu qu’un seul blessé au cul, il aurait pu tout aussi bien être touché à la tête. En fait ils ne savaient pas tirer. Les soldats sautèrent dans leur camion, les moteurs continuaient de vrombir, on ne les avait pas éteints, on s’était seulement arrêtés, on avait tué quelques personnes et on continuait notre route. J’aurais dû faire quelque chose, au moins montrer clairement mon désaccord. Mais je n’avais rien fait. Je me réveille souvent à cause de cet incident. Ce ne sont pas les choses qu’on a faites qui nous accompagnent, mais celles qu’on n’a pas faites. Qu’on aurait pu faire ou au moins essayer, mais qu’on n’a pas faites.
Par la vitre, j’ai regardé le jeune lieutenant, il se lavait les mains sous l’eau qu’un soldat versait d’un bidon. Certainement qu’à ce moment-là, il n’a pas pensé que, juste avant la fin, il venait de se mettre sur la conscience le meurtre de cinq vieillards au bord d’une route, dans la plaine du Frioul. Il est possible qu’il y pense aujourd’hui. Comme moi je pense aux choses que je n’ai pas faites. La colonne s’est dirigée vers les sommets enneigés. A travers la vitre arrière, j’ai vu les enfants et les femmes sortir des maisons en courant vers la scène de cette mort insensée.
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Cioran a mis l'extrait que j'avais l'intention de mettre :-)
donc je mets ce petit extrait, peut-être le moins emblématique de ce magnifique roman, mais...
Donc c'est Stevan Radovanovic qui parle (1er témoignage) :

Veronika m'annonçait qu'elle retournait chez Leo. Elle m'aimait toujours, elle ne regrettait pas ce que nous avions vécu et fait ensemble. « Mais, maintenant, je vois, Stevo, comme nous nous sommes éloignés l'un de l'autre ces derniers temps ».
J’avais l'impression d'être cet alligator qu'ils avaient empaillé. Et je n'avais même pas mordu son mari.
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La vie continue, certains restent derrière.
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Quand je suis seul, parfois j'ouvre un livre, je me verse un verre de vin et je m'assois parmi mes camarades qui sont sur le mur, j'écoute les chants de partisans que j'ai enregistrés et ça me fait du bien et du mal en même temps, c'est ce que mon fils ne comprend jamais, que ça me fait du bien et du mal en même temps.
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Ce ne sont pas les choses qu'on a faites qui nous accompagnent mais celles qu'on a pas faites. Qu'on aurait pu faire ou au moins essayer, mais qu'on a pas faites.
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La mort, je ne l'ai pas connue quand elle était tout près de moi dans ces lointaines contrées, maintenant je la vois partout, dans les feuilles mortes pendant ma promenade matinale, dans les yeux d'un vieux chien qui se traîne derrière son maître.
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Partout la vie renaît, mais en moi c'est la mort qui s'est installée, j'ai vu tant de gens mourir que maintenant, je ne peux plus me réjouir de cet été où tout recommence, la mort, tel un rat, a fait son trou dans mon esprit et rien ne peut l'empêcher de se souvenir de la guerre, des années de service dans la Wehrmacht, de tout.
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Le vide étrange qui s'est ouvert dans mon crâne est toujours là.
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Maintenant non plus, je ne dors plus ou bien je me réveille dans le remue-ménage de cette nuit-là.
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Mais moi, je suis toujours ici, si c'est toujours bien moi.
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Les chevaux connaissent les pensées de leurs cavaliers, je ne dis pas de leurs maîtres, de leurs cavaliers qui sont si souvent une partie de leur corps.
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Des officiers anglais se promènent dans le camp, il paraît qu'on devra passer devant une commission qui déterminera qui a collaboré avec les Allemands et qui a du sang sur les mains. (Elle marche, elle marche...) Quelle connerie, qui n'a pas de sang sur les mains après quatre ans de guerre ? (... la garde du roi Pierre.)
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Un après-midi, elle entra dans un monde qui n'était pas le sien. Dans le mien. Je pourrais dire le nôtre, elle entra dans notre monde.
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Le jour où je finis ma peine, je la trouvai en larmes. Je pensai qu'elle était touchée par la "dert", la dert était ce sentiment triste qui se dégageait de cette comédie musicale, Kostana, l'aspiration à la vie de la femme enfermée. Mais ce n'était pas ça.
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On vit une époque où on ne respecte que les gens, vivants ou morts, qui étaient prêts à se battre, même à se sacrifier pour les idées qu'ils ont en partage. C'est ce que pensent les vainqueurs et les vaincus. Personne n'apprécie les gens qui ne voulaient que vivre. Qui aimaient les autres, la nature, les animaux, le monde, et se sentaient bien avec tout ça. C'est trop peu pour notre époque. Et même si moi, je peux me compter parmi ceux qui, bien que vaincus, ont combattus, au fond, moi je voulais seulement vivre. Que cela ait un sens m'a été révélé par cette femme, curieuse, joyeuse, ouverte à tout et un peu triste que j'ai rencontrée dans un pays lointain qui m'est proche. Veronika. Elle voulait seulement vivre en accord avec elle-même, elle voulait se comprendre et comprendre les gens autour d'elle.
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«J’étais seul et elle était une apparition merveilleuse dans cette époque sauvage. Quand je l’ai connue, il régnait là-bas un calme miraculeux, les oiseaux chantaient dans les arbres, les abeilles bourdonnaient sur les fleurs de sarrasin. Le pianiste, je crois qu’il s’appelait Vito, jouait Beethoven. Le peintre ronflait, complètement soûl. Je respectais son mari, c’était un homme pondéré toujours impeccablement habillé, lui-aussi d’une certaine façon, je l’aimais, mais c’était sa compagnie à elle que je désirais ardemment. Au fond, elle est le seul souvenir clair, presque lumineux de l’époque de la guerre, vraiment le seul, tout le reste, ce sont des convois militaires, des voyages à travers le continent, l’hôpital et ses blessés gémissants, la dernière année, les otages fusillés en Italie à qui je tâtais le pouls de la vie qui agonisait, touchant à sa fin ou déjà finie.
(...)
«Je ne la touchais plus. Même si j’en avais envie. Elle était intouchable. Attirante, mais intouchable.
C’est ainsi qu’elle est restée dans ma mémoire. Cette nuit, je la vois. Je sens sa présence même si je ne l’ai touchée qu’en lui prenant la main, je la sens comme si elle était ici, maintenant.»

(3ème témoin Horst Hubermayer, médecin allemand reçu au manoir de Podgorsko)
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Un jour de mai 1945, quelque part dans les montagnes de Slovénie, une unité militaire manqua la cote qu'un commandant avait marquée sur sa carte, la veille au soir, à la lueur d'une lampe de poche, et se retrouva au-dessus d'un village inconnu après une longue nuit de marche. Sur le versant boisé, l'éclat de la lumière du matin perçait à travers les branches et entre les troncs, éblouissant les hommes de la nuit. Sans avoir reçu de consigne, ils s'arrêtèrent, leur instinct aiguisé par une longue pratique de la guerre les fit se cacher derrière les arbres et dans les fourrés. Un soleil printanier baignait le chaud paysage couché à leurs pieds, leurs regards anxieux errèrent d'abord sur les hauteurs puis s'arrêtèrent sur la neige étincelante des lointaines montagnes qu'ils devaient franchir. Leurs yeux fatigués se dérobèrent à l'éclat douloureux de la neige, s'égarèrent dans la vallée en suivant la pente douce jusqu'à l'orée du bois. Là, derrière une butte herbeuse, un clocher blanc s'élançait vers le ciel. En avançant, ils aperçurent soudain un village aux maisons frileusement serrées contre la colline et paresseusement rassemblées autour de la petite église. Et là, ils découvrirent une scène étonnante, mystérieuse.

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Joze Mlakar n'entendait rien de tout çà, il regardait l'oeil de la caméra dans lequel se reflétait sa petite image, toute petite, qui sombrait dans la surface lisse et calme sous laquelle se trouvait le tourbillon invisible de millions d'yeux ; il regardait le gouffre profond qui, il le sentait, l'attirait irrésistiblement.
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