Hawaii au goût de sel est un livre musical illustré de Julie Nakache, Zoé Crevette et Troy von Balthazar. le texte est en français et en anglais, traduit par Eddy L. Harris.
Mais l’aventure ne s’achève pas au prétexte que nous parvenons à un point d’arrivée. Que nous restions tranquilles, que nous parcourions mille kilomètres, un million ou une dizaine seulement, le voyage ne se termine jamais : immanquablement il nous ramène à nous-même.
"Ce trottoir est réservé aux blancs, mon garçon", dirent 'ils, laissant entendre qu'il en était de même pour les WC publics, pour les fontaines et les salles d'attente des gares routières...
Mais mon père discerna la menace sous leurs sourires. Il la sentait à leurs regards sournois, et à la façon dont ils lui parlèrent juste après.
"Les négros sont censés marcher dans les caniveaux, lui dit l'un d'eux.Tu le sais, non ?"
Ici, le lac est une toile bleue immobile.
Aussi bleue que le ciel. (Minisota : mot de la langue amérindienne dakota signifiant "eau peinte de la couleur du ciel".)
De grands arbres le bordent et le protègent du vent. Ils montent très haut, mais ils gisent aussi à l'envers dans l'eau. Le lac est un miroir. Je vois tout en double.
Un nuage de huards rase la surface puis s'élève haut dans le ciel, décrit une courbe et disparaît. Leur cri est bruyant et sauvage.
Le soleil descend, les ombres s'allongent, tout s'enveloppe de nuance de jaune et d'or.
En s’occupant ou en se distrayant suffisamment, on ne se risque jamais sur ce dangereux territoire de l’ennui, du déplaisir et de la peur. Trop de diversions empêchent parfois de mesurer à quel point on est heureux ou malheureux, drôle ou barbant, ce qu’on désire vraiment, ce qu’il nous faut ou ce dont on manque.
Un renard roux se faufile jusqu’au bord de l’eau et court le long de la rive. Il se met à mon allure et semble me regarder, en restant à ma hauteur. Je n’ai encore jamais vu de renard à l’état sauvage. Je ne veux pas qu’il s’en aille. Je ne veux pas que cette journée s’achève. Cette sensation. Rien que quelques années encore. Rien que quelques heures de plus, quelques minutes, quelques instants. J’espère qu’à l’heure de ma mort, j’aurais ces mots sur les lèvres : rien qu’une minute encore. Non par peur de la mort pou par désir de vivre indéfiniment, mais parce que cette vie m’aura tant émerveillé, sans que sa laideur et ses peines aient assombri en riant la chaleur, l’éclat de la paix et la joie comme cette matinée sur le fleuve, et j’en demanderai seulement quelques minutes de plus.
Nous autres les Noirs nous avons un nouvel ennemi. Nous-mêmes. Nous sommes les premiers à nous plaindre du manque d’opportunités, et puis quand l’un d’entre nous réussit, les autres Noirs lui en veulent.
Prendre des risques. N’est-ce pas le sel de la vie ? Parfois on gagne, parfois on perd. Sans le risque de la défaite, où est le triomphe ? Sans la mort qui rôde, que vaut la vie ?
La vie d’un père et celle d’un fils se mêlent comme les branches de deux arbres côte à côte dans la forêt.
"Parfois on doit faire des trucs comme ça. Tordre un peu les règles pour arriver à ses fins. Tu peux appeler ça douce rébellion, si tu veux. Mais ça peut-être sacrément utile- surtout si les règles sont pourries dès le départ".
Une fois qu’ils ont atteint un certain âge, les rêveurs ne sont plus tenus en grande estime. On les raille, au contraire, on les traite de fous et de feignants. Même leurs amis. Surtout leurs amis !
Les rêves sont délicats, tissés de fils de la Vierge. Ils s’accrochent légèrement à la brise, comme suspendus au néant. Le moindre coup de vent les déchire. Mon rêve a été brisé par mes amis. C’est quoi le but ? Qu’est-ce que tu veux prouver ? Pourquoi pas les chutes du Niagara en tonneau, tant que tu y es ?