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Critiques de Eddy L. Harris (59)
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Le Mississippi dans la peau

Dans les années quatre-vingts, l’auteur se lançait, seul, dans la descente du Mississipi en canoë. Ce périple de 4000 kilomètres, entre la source du grand fleuve et la Nouvelle-Orléans, représentait un exploit tout aussi sportif que symbolique, dans une Amérique où les Noirs ne disposent toujours pas du même champ de possibles que les Blancs. Il avait alors raconté son voyage dans son livre Mississipi solo. Trente ans plus tard, alors qu’il approche de la soixantaine, il renouvelle l’expérience et publie un nouveau récit, occasion de reprendre la température du pays et de mesurer trois décennies de changement : environnemental, social et racial.





On ne pense pas au Mississipi sans convoquer un certain nombre d’images mythiques. Après tout, c’est l’un des fleuves les plus importants au monde, le plus long en Amérique du Nord si l’on excepte l’un de ses affluents, le Missouri, et le descendre, c’est parcourir quasi intégralement la hauteur Nord-Sud des Etats-Unis. Voie de navigation depuis l’époque précolombienne, « grand fleuve » sacré pour les Amérindiens à qui il doit son nom - francisation de « misi-ziibi -, il traverse quantité de milieux naturels très différents, a fait l’objet d’aménagements colossaux pour tenter d’endiguer ses légendaires inondations, et demeure un axe de circulation majeur, ainsi qu’une composante économique et culturelle essentielle pour le pays.





Le parcourir en canoë est l’occasion rêvée pour évoquer l’Histoire, des Amérindiens à la colonisation européenne, des récits de Mark Twain à son rôle essentiel dans l’économie de plantation esclavagiste dans le Sud, de l’essor de ses industries à celui de ses grandes agglomérations, comme Minneapolis, Saint-Louis, Memphis…, et aussi, de la musique née des bayous à la culture américaine dans son ensemble. Très pollué lors du premier parcours de l’auteur, le fleuve est aujourd’hui en cours d’assainissement. Mais si les oiseaux reviennent, l’invasion de carpes sauteuses d’origine asiatique, qui n’hésitent d’ailleurs pas à attaquer en masse les rameurs aventurés sur ses eaux, menace son équilibre.





Pour l’auteur, ce voyage en solitaire est une confrontation avec lui-même et avec ses choix de vie, mais aussi une expérience destinée à « montrer aux autres que quelle que soit notre couleur, plus nous nous connaissons, moins nous avons peur et plus nous pouvons être unis en tant que nation ». Les rencontres éphémères s’y succèdent, parfois angoissantes, souvent enrichissantes. A travers elles, et en comparaison avec celles de trente ans plus tôt, se révèle la température du pays en matière raciale, alors qu’à cette époque, après la période Barak Obama, s’amorçaient le retour de manivelle trumpiste et une recrudescence de la violence entre Blancs et Noirs. Et, alors que le texte interroge sur les questions d’identité afro-américaine, sur la culture américaine et son lourd héritage de la confrontation raciale, c’est une réflexion personnelle fine et constructive, une main tendue vers la connaissance et la compréhension mutuelles que ce livre propose, dans un immense espoir de voir finir la peur et naître l’apaisement collectif.





Ce livre brillant, aussi intéressant qu’agréable, est à la fois une belle rencontre, un voyage enrichissant et un plaidoyer sincère pour l’union identitaire de tous les Américains. Quelles que soient les erreurs commises, il faut accepter le passé pour enfin tourner la page et envisager de construire l'avenir.


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Mississippi Solo

Old man river, Mesipi « le grand fleuve » en langue indienne, le Mississippi coule dans les veines de Eddy L. Harris.

A 30 ans, dans les années 1980, il réalise son rêve d'enfance qui le tenaille au corps et à l'âme, descendre le Mississippi, du Minnesota à la Louisiane en canoë, rien que ça ! C'est un rêve d'enfance, son rêve américain.

le Mississippi est tout pour cet homme qui ne se définit pas par la couleur de sa peau. le fleuve Mississippi, c'est son pays, ses racines, son histoire.



C'est vraiment un livre passionnant qui m'a fait découvrir les yeux écarquillés les dangers d'une telle entreprise mais oh ! combien gratifiante par ses rencontres humaines au coin des bars des villes fluviales les confidences laissées au bord du fleuve, des anecdotes poignantes de gens simples, fantômes squelettiques d'un passé, l'invite bienvenue d'un remorqueur quand la fatigue s'abat. Tout ceci est empreint de mélancolie comme dans un tableau de Hopper.

Des images et des souvenirs éternellement figés sur le cours du fleuve.



C'est un canotage insolite, très dangereux et grandiose qui fait défiler des paysages changeants du lac Itasca au nord, à la source du fleuve au Sud le plus profond de la Louisiane avant que le Mississippi ne se jette dans le Golfe du Mexique.



J'en ai vu des Etats, des noms dont la seule prononciation me fait rêver, Minnesota, Iowa, Arkansas avec ses forêts de pins et ses falaises, Bâton Rouge, Louisiane avec ses bateaux à aubes, ses joueurs de poker et les ombrelles. Sans oublier le principal et le plus tragique, le chant des légendes indiennes et la sueur des esclaves sur cette route maritime mythique.



J'ai été émue dans ce récit magistral par les magnifiques descriptions lyriques et symphoniques touchant la nature, les oiseaux rares, les loutres, les renards sauvages, la vie du fleuve belle et sauvage encore à l'abri des regards. le passage dans les écluses est totalement captivant et nouveau pour moi, il m'a fait frisonner. J'étais véritablement dans le canoë.



Il y a au creux de cette fantastique aventure humaine des accents de tristesse très perceptibles et touchants quand Eddy L. Harris évoque les écluses, ponts et barrages qui entravent le fleuve comme un esclave. J'ai repéré son admiration pour Ernest Hemingway et les premiers pionniers Lewis et Clark.



L'auteur passe par des états extrêmes selon ses conditions physiques, il ressent de la colère, de la peur, du découragement, de l'amour. Il n'est jamais indifférent au fleuve Mississippi. C'est son cheval de mer, sa bataille et sa victoire. L'âme du fleuve est plus haut et grand que tout, Il est et restera le Mississippi « le grand fleuve », le Old man river, celui qui forge une Amérique dans toute sa diversité et sa complexité.



Après l'écriture de ce récit qui suivait son exploit, Eddy L. Harris a de nouveau descendu le Mississippi et je suis très curieuse de savoir ce qu'il en a pensé dans un nouveau livre, je l'espère.
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Le Mississippi dans la peau

Je l'attendais avec impatience. Et le voici publié le resplendissant récit de la deuxième traversée du Mississippi de Eddy L. Harris en canoë, 30 ans après sa première aventure racontée dans Mississippi solo sorti en librairie l'année dernière. Tous les deux sont un énorme coup de coeur !



River to the heart, le Mississippi dans la peau traduit par Pascale-Marie Deschamps n'est pas une redite, non il est somptueusement différent.



Plus que la prouesse de l'exploit, Eddy L. Harris nous transporte totalement dans la culture américaine en ayant comme horizon la volonté de se défaire des mythes et regarder L Histoire, la vraie et non pas celle façonnée par Hollywood.

Dans de très belles cadences au rythme parfois tourmenté, parfois paisible des flots, la navigation nourrit les pensées de l'auteur et de belles réflexions sur la vie en ayant pour obsession de savoir « si le monde dans lequel j'ai envie de croire existe pour de bon ».



En descendant le fleuve, l'auteur tel un ethnologue des premières découvertes explore les territoires et les gens qui font l'histoire des Etats-Unis. Sa pensée est foisonnante, passionnante sur un passé pétri d'un savoir-faire artisanal et de petites entreprises familiales. Il nous emmène géographiquement à travers des territoires immenses aux origines du Mississippi sur les pas des cartographes français, Louis Joliet et Jacques Marquette.



C'est aussi une merveilleuse odyssée à travers l'histoire des premiers habitants, les indiens Anichinabés qui cultivaient le riz sauvage dans la prairie humide du Delta. C'est une mélodie grave et mélancolique d'un monde disparu et chassé par la loi du plus fort, la loi des hommes. Impunément, tragiquement.



Sur son passage et dans ses écrits, Eddy L. Harris laisse les traces de ses touchantes rencontres sur les rives du fleuve, le choc parfois brutal entre le monde sauvage du vieux Mississippi et le monde industriel des grandes villes comme Mineapolis « la Ville s'élève de l'eau comme un mirage miroitant dans la brume ».



Ses belles digressions fluviales contemplatives sont très fortes, riches en enseignement et aident à comprendre le présent comme l'histoire du fort de Pike Island à jamais liée à la première requête en affranchissement de Dred Scott.



De manière virtuose, Eddy L. Harris peint de ses mains la vie du cours majestueux, enveloppe de ses bras tout ce qui l'environne presque sans effort et avec une grande générosité comme s'il était lui-même le fleuve .



Un magnifique récit émouvant. Celui d'un poète un peu fou, un naturaliste dans l'âme de celles et ceux qui peuplent le Mississippi, le fleuve-mère qu' Eddy L. Harris a dans la peau.



Tout simplement grandiose. Merci M. Eddy L. Harris.



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Mississippi Solo

La vie est bizarre !



Me voilà,

Moi

Blanche européenne,

Sédentaire par la force des choses

À descendre le Mississippi

Le plus légendaire des fleuves d'Amérique

Peut-être

Le plus légendaire des fleuves

Tout court

Me voilà en train de rêvasser

Devant cette carte

Des sources du fleuve

Au lac Itasca

Montana

Jusqu'à son estuaire

Dans le Golfe du Mexique

Traversant

État après État,

Ce pays étonnant

Ce pays fascinant

Ce pays inquiétant.



Je suis avec ce Noir

Eddy L. Harris

Plus âgé que moi

Qui m'emmène sur son fleuve

Tantôt indompté

Tantôt complétement industrialisé

Ce Noir

Qui me montre

Son Amérique

Celle d'un Noir éduqué

Diplômé

Mais paumé.



Un Noir

Une Blanche

À plusieurs milliers de kilomètres

De distance

À plusieurs décennies

D'écart.

La vie est bizarre, non ?



Tout les sépare

Et pourtant

C'est la même soif d'amitiés

C'est la même soif de donner

Un sens à sa vie

De ne plus faire qu'un avec le fleuve

De ne plus faire qu'un avec la vie



C'est la même urgence

De se sentir vivant



Et humain.
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Mississippi Solo

Comme un défi à lui-même, Eddy, grand jeune homme noir de trente ans, ancien élève de la prestigieuse Stanford University va pagayer sur un fleuve totalement mythique.



Car le Mississippi n'est pas un cours d'eau comme les autres, frontière naturelle de plusieurs états du Nord au Sud, il transporte aussi toute l'histoire des États-Unis.



Mondialement connu grâce aux aventures de Tom Sawyer et Huckleberry Finn, le fleuve est un roman à lui tout seul.



Du début de l'automne à Minneapolis jusqu'à Thanksgiving à La Nouvelle-Orleans, Eddy, canoéiste parfaitement néophyte, tentera de domestiquer cette rivière indomptable...voir la suite sur le webzine


Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Mississippi Solo

On le nomme "père de eaux", "berceau des rêves de l'Amérique" ou "coeur battant des États-Unis".

C'est un condensé de mythes et d'aventures solidement ancré dans l'imaginaire collectif, il court sur près de 4000 kilomètres en traversant 10 états (avec ses affluents il en couvre même 31, ainsi que 2 provinces canadiennes, ce qui en fait l'un des bassins fluviaux les plus grands du monde !).

Riche d'une faune et d'une flore d'exception (une végétation très variée, 260 espèces de poissons, 45 espèces d'amphibiens et de reptiles, des couloirs aériens de migration pour de nombreux oiseaux), il inspira Mark Twain, William Faulkner ou Herman Melville : vous me voyez venir, c'est le Mississippi.



Mais si l'en est un qui le connaît comme personne, si l'en est un qui peut s'enorgueillir d'avoir dénombré chacun de ses méandres et de ses îlots, d'en avoir franchi tous les barrages et écluses, c'est bien Eddy L. Harris ! Lui le citadin, lui l'écrivain sédentaire jusqu'alors largement inconnu se lance au milieu des années 1980 un pari un peu fou : celui de descendre le fleuve, en solitaire et en canoë, depuis sa source au lac Itasca (Minnesota) jusqu'à son embouchure de Louisiane.

Projet pour le moins osé de la part d'un homme qui n'a rien d'un Mike Horn, qui ne connaît rien à la pêche ni à la navigation, mais qui décide presque sur un coup de tête de répondre à l'appel du fleuve, qu'il assimile à "la colonne vertébrale de la nation, un symbole de force, de liberté et de fierté, de mobilité, d'histoire et d'imagination."

Alors un matin Eddy grimpe dans son canoë, comme ça, juste pour se libérer "des lois qui nous ficellent de l'intérieur" et connaître le frisson du risque ("N'est-ce pas le sel de la vie ? Sans le risque de la défaite, où est le triomphe ?"), juste pour le plaisir de se surpasser, de voir de quel bois il est fait ... et de s'assurer que ce bois flotte !



De son aventure incroyable est né ce livre passionnant par bien des aspects, mais aussi un peu longuet par moment et dont la lecture ne s'est pas faite sans effort... Je n'irai pas jusqu'à dire que j'ai autant lutté avec mes 300 pages que l'auteur sur son embarcation de fortune, mais je dois bien avouer que comme lui, je suis passé par tous les états.

Un certain émerveillement d'abord devant l'ampleur du défi et la beauté des paysages traversés, puis un vif intérêt pour tout ce que ce périple nous dit de l'Amérique (ses rêves et ses désillusions, les disparités économiques entre les régions, les différentes façon de s'approprier les eaux d'un fleuve superbe et destructeur, de les dompter ou de les craindre, de considérer les étrangers et de recevoir les voyageurs tout au long de ce parcours Nord/Sud entre "là où il n'y a pas de Noirs" à "là où on ne [les] aime toujours pas beaucoup") et enfin, hélas une certaine lassitude...

Comme Eddy L. Harris, j'ai souffert sur les derniers kilomètres, j'ai eu hâte d'arriver à La Nouvelle-Orléans, de poser les rames et de passer à autre chose.



Il faut dire que sur l'eau les jours se suivent et se ressemblent, et que les mêmes séquences se répètent avec une régularité parfois trop monotone : le passage d'une écluse, l'évitement d'une barge ou d'un remorqueur, un lever de soleil porteur d'espoir, un orage et l'inévitable découragement qu'il induit, une rencontre et quelques échanges avec un quidam sur la rive, une soirée à terre dans un "diner" ou un café partagé dans un mobil home, une nuit sous la tente et le lendemain tout recommence.

C'est beau et impressionnant, c'est émaillé de jolies réflexions sur la nature et son assujettissement par l'homme ("le fleuve est aussi un symbole de notre époque, car il mène une bataille perdue contre le Corps des ingénieurs de l'armée américaine qui refuse de lui laisser libre cours [...], qui le combat avec son intelligence brutale et sa technologie pour le conformer aux besoins de la société, [...] le rendre navigable et le dépouiller de son pouvoir, de sa volonté et de sa dignité. Personne ne lui a demandé son avis. le fleuve, qui aspire à la liberté, enrage de l'obtenir"), ça évoque le dépassement de soi et le goût de l'effort ("chaque jour sur le fleuve, je me défais un peu plus de mon enveloppe extérieure jusqu'à me découvrir radicalement seul face à moi-même, à ma colère, à mon agressivité, à ma peur souvent"), mais à longue on s'ennuie un peu.  



L'écriture est sobre et très factuelle, sans surprises ni fioritures, largement descriptive.

Certains passages m'ont beaucoup plu, notamment ceux où l'auteur, façon Antoine de Maximy, relate ses rencontres avec des inconnus aux profils très divers (quelques-uns deviennent des amis, d'autres se montrent beaucoup moins accueillants...), ou ceux dans lesquels il personnifie "son" fleuve de manière très imagée, se disputant et se réconciliant avec lui, maudissant ses courants piégeux ou louant la multiplicité de ses bienfaits ("pour certains, il veut dire industrie, pour d'autres, beauté ou navigation de plaisance ou chasse aux canards, mais c'est toujours le même fleuve, libre et au service de tous").

D'autres chapitres m'ont au contraire semblé inutilement détaillés (les fastidieux passages d'écluse, les nombreuses descriptions des barges, bateaux-citernes, remorqueurs et autres pétroliers du delta...). Ceux-là heureusement ne suffiront pas à ternir le bon souvenir que je garderai de cette épopée très instructive* !

Grâce à la carte en fin d'ouvrage, j'ai pris plaisir à naviguer de Minneapolis à Dubuque et de Memphis à Bâton-Rouge, et à visualiser la progression de notre kayakiste-amateur, dont je salue le courage et la ténacité !

Dos en compote, épaules douloureuses et même dent cassée : que le voyage fut éprouvant ! Ce livre est pourtant celui d'un homme heureux, ramant à la rencontre de ses rêves, fier d'avoir si vaillamment livré bataille et marqué à jamais par cette aventure unique qui lui aura permis de mieux "sentir le pouls de la nation".



Un témoignage étonnant, qui ouvre la porte à bien des réflexions et qui invite à dompter les courants, à affronter les vagues et les intempéries, et à toujours aller de l'avant.

Dans la vie comme sur le fleuve, on ne revient pas en arrière.





- - - - - - - -

* J'ai même appris que si l'on compare les tronçons du Missouri et celui du Mississippi avant qu'ils ne se rejoignent à Saint-Louis, le premier est plus long que le second, dont il est pourtant considéré comme un simple affluent. Par conséquent, il peut y avoir débat sur le nommage des eaux qui se jettent dans le golfe du Mexique ! Si l'on se réfère aux règles hydrologiques en revanche ("lorsque deux cours d'eau se rejoignent, c'est celui qui possède le plus gros débit à cet endroit-là qui est considéré comme le cours d'eau principal"), le Mississippi aurait dû s'appeler Ohio !

De la même manière, la Seine est battue en longueur par la Marne, et en débit par l'Yonne à leur point de de confluence : ce n'est donc pas la Seine qui coule à Paris !

On m'aurait menti ?
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Jupiter et moi

Une nouvelle fois l'excellente éditrice Liana Levi nous permets de découvrir un auteur talentueux.

Les relations difficiles entre Eddy et son père. Le grand Sam élève son fils à la dure (violence et conflit) qui lui vaut le surnom de Jupiter, c'est aussi un père décontracté et attachant. Et surtout c'est un formidable embobineur. Quelle est la part de vérité dans les histoires racontées au fils. Que cache ces fuites en avant lorsqu'il feint de répondre à Eddy ?L'histoire de la ségrégation racial est bien évidemment au coeur du récit d'Eddy J. Harris, avec ce père qui veut rendre plus fort son fils pour refuser l'inacceptable et porter avec fierté ces origines.. Le livre montre aussi à quel prix le peuple noir américain aura payer et paye encore sa couleur de peau.

Un récit touchant sur la filiation, mais aussi sur l'Amérique du XXème siècle que Harris rend passionnant et fort grâce à une écriture fluide et sincère.
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Mississippi Solo

Quand un écrivain de 30 ans, se cherchant un peu, décide d'affronter le fleuve le plus mythique des Etats-Unis. Défi physique car il le fait en canoé mais aussi personnel : sa jeunesse lui ayant semblé trop facile, il veut voir jusqu'où il peut aller.

Une difficulté de plus : il est Noir et il va aller "de là où il n'y a pas de Noirs" (du lac Itasca au Minnesota) "à là où on ne nous aime toujours pas beaucoup" (La Nouvelle Orléans en Louisiane).

Un récit surprenant, de par la richesse et la variété de la faune et de la flore que le narrateur nous présente, de par la vitalité économique qui tranche avec la pauvreté la plus profonde, de par la gentillesse et l'abnégation de certains face à la bêtise et à la méchanceté crasse d'autres.

Les Etats-Unis dans toutes leurs dichotomies.
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Jupiter et moi

"Jupiter et moi" est un texte d'une très grande authenticité.

La recherche de sincérité est à l'évidence son point fort.

La lecture en est émouvante, et les personnages férocement attachants.

J'ai d'abord lu ce récit comme celui d'un fils à la recherche de son père et ce faisant, de lui même.

Ce livre donne une idée du travail d'introspection nécessaire pour essayer de démêler les fils d'une relation toujours complexe et ambivalente, celle qui unit et désunit les pères et les fils.

Le portrait de ce tyran fou d'amour pour ses fils, de cet homme furieusement attaché aux siens, à leur histoire et à leur culture mais souffrant tous les jours de sa condition de "noiraméricain" est poignant.

Il me semble que cette histoire est toute entière coincée dans la tension dense et désarmante qui existe entre la fidélité aux siens et le désir de leur échapper.

A la lecture de ces pages nous comprenons qu'en Amérique, il faut en réchapper si on veut réussir et qu'on est "noiraméricain".

Voilà aussi ce qui est raconté dans cette suite de souvenirs et d'anecdotes. Tout est dit, simplement, avec bonheur et empathie, nostalgie et douleur. C'est un peu la vie comme elle va, avec le monde qui change, la violence, le racisme, l'amour, l'espoir, et ce qui sauve, la liberté.

C'est sans doute le mot clé qui fonde l'histoire de ces deux hommes. Celui qui porte le travail de l'écrivain aussi.

Je crois qu'à leur insu, ce mot s'est immiscé dans leur vie avec une injonction du père à son fils : "ne sois pas comme moi"

Cette liberté à gagner, à deviner, à rêver, à construire est loin d'être une évidence et le fils en a fait son chemin de vie.

En croyant s'éloigner à jamais l'un de l'autre jusqu'à devenir des étrangers l'un pour l'autre, ils se rejoignent enfin, dans la lueur de ce mot perçue à la croisée d'un regard, d'un sourire.

Cette ballade autobiographique est vraiment une belle épopée familiale et humaine dans une Amérique de la ségrégation qui change lentement.

Je ne peux que vous conseiller vivement de plonger dans ce roman familial qui commence avec la prédiction d'une mère pour son fils : "Je sais que tu feras de grandes choses", et qui se termine avec les paroles d'un père qui reconnaît enfin le trajet accompli par le sien

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Le Mississippi dans la peau

Un voyage à couper le souffle et alimenter l'esprit ! J'ai adoré suivre cette deuxième descente du Mississippi 30 ans plus tard par l'auteur, Eddy L. Harris. Je n'ai pas lu son premier roman "Mississippi solo" mais cela n'a pas empêché d'apprécier cette narration. J'ai vraiment aimé toutes les pensées et réflexions sur l'Amérique, son Histoire, la place des minorités et notamment des noirs et des indiens dont il parle beaucoup. Il y règne vraiment une ambiance particulière, la culture américaine dans ce qu'elle a de meilleur et de pire. J'y ai trouvé beaucoup de sagesse et de philosophie, sur l'identité américaine mais aussi l'écologie, la destinée... J'ai savouré ce récit, lentement. J'y ai extrait de nombreuses citations qui m'ont fait vibrer... Bref, je vous conseille cette aventure américaine, vous en sortirez revigoré et plein de foi en l'humanité, malgré toute sa part obscure.
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Paris en noir et black

Encore un roman d'Eddy E. Harris que j'aie beaucoup aimé ! Il m'a vraiment éclairée sur la question de l'identité, de l'origine ethnique, sur la place des noirs aux États-Unis et en France, la place des étrangers tout simplement. La peur ou l'acceptation des autres en fonction de l'histoire, de la perception collective de l'autre : en France un noiramérician est d'emblée accepté et respecté alors qu'un noir d'Afrique du Nord va l'être beaucoup moins. Qu'est-ce qui unit les gens ? Qu'est-ce qui les sépare ? L'imprégnation de la culture, de l'éducation ? Où est-on chez nous ? L'exil peut-il être heureux ? Autant de questions qu'aborde l'auteur, et j'ai trouvé que ses propos sont justes.

J'avais déjà beaucoup appris sur ce qui se passe ou s'est passé aux États-Unis vis-à-vis des noirs dans son roman "Mississippi solo" et son roman "Paris en noir et black" m'a encore beaucoup appris. J'ai trouvé que l'on se mettait vraiment à leur place, dans leur tête, et ça ne peut que nous rendre encore plus humain.

Sans cesse en quête de liberté et d'humanité, l'auteur nous emmène cette fois en France et plus particulièrement à Paris. Eddy L. Harris est un citoyen du monde qui aime profondément le voyage. Pourtant Paris est devenu chez lui. Il l'ose l'affirmer comme une déclaration d'amour. Étant moi-même amoureuse de Paris, je ne pouvais qu'adhérer à la vision de l'auteur sur cette ville magique où l'on se sent libre et soi-même. Il nuance bien sûr ses propos, comme souvent, en faisant bien la distinction entre l'étranger ou le touriste émerveillé et le quotidien banal des parisiens qui n'ont pas forcément le temps de s'extasier devant la beauté des lieux où encore entre le Paris d'autant et d'aujourd'hui. Ce que j'aime chez cet auteur c'est sa lucidité sur les choses sur la vie. Il ne mâche pas ses mots. Le seul bémol que je trouverais à ce roman c'est qu'il y a parfois des répétitions non nécessaires. C'est un détail, je le recommande vivement pour ceux qui aiment la culture américaine et la culture française !
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Harlem

Dans sa petite enfance, Eddy L. Harris vivait à Harlem avec sa famille. Ses parents ont fuit le ghetto pour Saint Louis, pour une vie meilleure, pour leurs enfants, pour leur éducation,tentant d'échapper à la condition dévolue aux gens qui habitent ce quartier mythique.

Ils ont mis le petit Eddy dans une école blanche et catholique, ils lui ont appris à surtout ne pas devenir comme eux...

Eddy Louis Harris a été à l'université, est devenu cadre chez IBM puis écrivain.

Il a eu besoin toute sa vie de chercher qui il était en remettant son destin dans les mains du voyage.

Il est d'abord parti seul descendre le Mississipi, Missipi Solo, puis, a voyagé en Afrique, à la recherche de racines introuvables, "Native Stranger".

Il a ensuite entrepris un périple à travers le sud des états unis, pays de l'esclavage et de l'apartheid, "South of haunted dreams". Enfin, il a éprouvé le besoin de retourner à Harlem, se fondre dans ce quartier pour une immersion de deux ans durant laquelle il a continué à se chercher.

Aux aguets, il tente de découvrir la place qu'il veut avoir dans ce monde, et il écrit Harlem.

Nous le retrouvons avec les mêmes questions sur l'identité et la difficulté d'être soi.

Quels choix de vie opérer pour s'assurer d'être Eddy Harris et rien d'autre ?

Comment se construire un avenir sans s'entraver dans les pièges du passé.

Comment reconnaître ses propres désirs quand on est plein des rêves et des espoirs des générations précédentes ?

Pourquoi avoir délaissé Harlem, pourquoi ne pas y revenir ? Pourquoi y revenir ?

Peut-on ? doit-on ? se libérer de la culpabilité d'avoir réussi à échapper à la condition peu enviable des gens prisonniers de Harlem, de sa misère, de son abandon, de sa violence et de sa décrépitude ?

Harlem a été le rêve emblématique d'une vie meilleure et libre pour des milliers de migrants du Sud. Quelques cent ans plus tard, ce n'est que désespoir et pauvreté qui rodent à tous les coins de rue.

Comment cette histoire si bien commencée a-t-elle pu si mal finir ?

C'est ce que tente de nous raconter l'auteur avec son style propre qui mêle les portraits des gens qu'il rencontre aux souvenirs qu'ils lui évoquent de son enfance ou des histoires colportées par son père.

Il croise savamment les descriptions des lieux avec une introspection constante qui le fait aller toujours au plus près, au plus juste de la pensée et du ressenti.

En fermant ce livre, j'ai très envie de découvrir le premier qu'il a écrit : "Mississipi Solo"... Merci aux éditions Liana Levi de bien vouloir faire paraître sa traduction, juste pour moi....:)

En fait, je crois que j'ai envie de suivre tous ses voyages, parce que finalement, ils n'en font qu'un...

Parcours initiatiques vers une vie d'homme, libre, digne, sincère et honnête... Un Ulysse des temps modernes en quête vers la vie bonne...

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Mississippi Solo

Un voyage initiatique passionnant. Le Mississippi ! de sa source à l'Océan !

Eddy L. Harris nous embarque à bord de son canoë, au fil de sa plume et le long des rives d'un fleuve mythique l'écrivain voit, rencontre, et se découvre.

Je n'ai pas lâché le livre jusqu'à la fin du récit !

Traduit de l'anglais américain par Pascale-Marie Deschamps.



Astrid Shriqui Garain

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Mississippi Solo

À l’âge de trente ans, Eddy L Harris, qui n’a encore réalisé aucun de ses rêves (et n’est pas non plus devenu l’auteur d’un « chef-d’oeuvre » littéraire) a pris la décision de descendre le Mississippi en canoë, sans pour autant être tout à fait certain qu’il ne s’agit pas d’une folie.



Son vieil ami Robert – un homme qui a volontairement tourné le dos au succès tout au long de sa vie – va l’encourager (voire l’exhorter !) à mettre son projet en place. Et c’est ce même Robert qui lui dira de ne pas perdre de vue le fait que sa peau noire ne va pas lui faciliter la tâche … Pourrait lui compliquer ce voyage, qui débutera au Minnesota (où il n’y a – semble-t-il – presque pas de noirs …) pour se terminer à la Nouvelle Orléans (où il y en a beaucoup … mais qui ne sont pas franchement aimés !) Être grand de taille – également – peut vite devenir un « handicap » quand on passe la majeure partie de sa journée assis dans un canoë …



Eddy L Harris nous raconte cette improbable aventure qu’il a donc réellement vécue, il y a une trentaine d’années. Avec tous ses doutes, ses peurs, ses belles (et moins belles …) rencontres, lui qui n’avait pas l’habitude de la solitude, du camping, de la nature sauvage et des animaux qu’on pouvait y rencontrer, ni du Système D devant les (très nombreuses) difficultés de navigation imprévues …



Et on prend un immense plaisir à lire ce fort captivant récit ! Une réflexion sur le sens de la vie. Sur les relations avec autrui, doublée d’une solide introspection. Une très belle surprise pour ma part !
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Paris en noir et black

Eddy L.Harris nous explique pourquoi il est venu s’installer à Paris, par amour pour cette ville, le mythe qu’elle représente, pour trouver la liberté qu’il ne trouve pas en Amérique. Paris, ville qui fait toujours rêver. Il nous fait visiter cette ville et nous le suivons, les beaux quartiers, l’architecture, les jardins, les terrasses de café, les marchés car la nourriture a la part belle, comme lui a si bien dit son ami Robert Giraud « Quand on mange, on parle cuisine. Quand on ne mange pas on parle cuisine. Quand on ne parle pas de cuisine, on se plaint de tout le reste. C’est ce qui fait de nous des Français. C’est notre caractère national. » E.L.Harris dit un peu plus loin « Quand je suis aux Etats-Unis, je pense tout le temps que je suis noir. Quand je suis à Paris, je pense tout le temps à ce que je vais manger. Je ne pense presque jamais que je suis noir sauf pour remarquer que je n’y pense pas », serait-il en phase de devenir français ?

Mais ce récit c’est surtout une réflexion politique, sociologique, sur la différence entre un être noir et noir américain en France. L’identité Black, le racisme, l’exil, la quête identitaire. Les troubles dans les banlieues en 2005 comme un avertissement au rejet, à la ségrégation, la marginalisation effectivement rien à voir avec les émeutes de Los Angeles de 1992, mais justement faudrait-il en arriver là pour réellement prendre conscience de cette mise à l’écart. La différence d’intégration selon que l’on est Portugais, Asiatique, Malien, ou Arabe, car pour ces derniers, ils ne sont pas venus d’Afrique du Nord, ils sont Arabes. Pourquoi n’ont-ils pas d’identités ? Je cite l’auteur « Ils ont découvert qu’on les avait repoussés, emmurés dans une sorte de no man’s land culturel où leurs enfants apprennent qu’ils ne sont ni chair ni poisson ; ni acceptés dans le pays de leurs parents, ni tout à fait tolérés dans leur pays natal. Ils restent à part, perdus sans gouvernail, coincés entre deux mondes, entre passé et avenir ». Est-ce l’image qu’ils ont et qu’ils garderont d’un pays d’accueil ?

Il a été plus facile pour l’auteur de se faire accepter pour plusieurs raisons, il est américain, et la culture, le pouvoir économique, le dynamisme américain sont très appréciés en France, de plus il ne cherche pas de travail et a les moyens de se loger. C’est peut-être pour ces raisons qu’il se sent invisible à Paris et lui, il a le choix, il a la liberté de partir ou de rester.

Cette lecture donne un point de vue américain sur la France actuelle, j’ai trouvé ce récit très intéressant, difficile de le résumer tellement il me parle et me questionne encore.
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Mississippi Solo

Un livre sur le dépassement de soi, pas seulement sur la notion de force physique, mais également et surtout, comme un voyage initiatique, un road trip nécessaire, le moyen de voir où se situent ses limites dans un condensé d'épreuves. Et bien sûr, ce voyage sera surtout celui de prendre le pouls d'une nation américaine sur la question de la couleur de peau, sur l'existence de l'altérité ; sans oublier que les sempiternelles réminiscences ethniques de ce passé existent toujours, je pense d'ailleurs que l'actualité nous le prouve régulièrement. Mais l'auteur tente et a priori trouve la raison de faire un voyage au péril de sa vie afin de répondre aux multiples questions que chacun se pose : sur ces racines, son devenir, en effet l'auteur, se demande comment trouver une raison de vivre dans un tel monde où règne l'obscur délitement de nos sociétés.



L'épreuve pour Eddy L. Harris qui éprouve, ainsi à l'approche de la trentaine un besoin irrépressible de côtoyer, de sentir, de retrouver son attachement à ce fleuve mythique qu'est le Mississippi et en parallèle de voir de quel tempérament il était fait.



Un périple de quatre mille kilomètres, en canoë sur le Mississippi, du lac Itasca dans le Minnesota jusqu'à La Nouvelle-Orléans. Avec peu de moyens, il devra gérer les embûches : les tempêtes imprévisibles, les courants créer par le passage d'énormes barges de transports, le manque d'emplacements pour ses haltes et garder la force morale pour les surmonter. Des moments de pieuses lumières de quiétudes émailleront son parcours, grâce aux rencontres humaines, les contacts humains et sans lendemain, ses rencontres avec les bateleurs, de même que les pêcheurs. Et si la peur fait partie intégrante de son voyage – dangereux chasseurs éméchés, la présence de chiens sauvages ou de loups – elle ne fera que renforcer sa volonté de finir ce périple, a priori insensé.



Un fleuve qui à la fois traverse plusieurs états, mais a supporté la guerre de Sécession, et surtout les larmes et la sueur des esclaves. Mais Harris " Entend l'âme du fleuve s'élever des brumes matinales, lui murmurer qu'il n'a rien à craindre " et ce, malgré son manque total d'expérience en matière de navigation. Lors de ses pérégrinations, et dans le calme au milieu du fleuve, il reconnait que la question métaphysique de la mort, l'encourage à ce lancer dans cette folle aventure, prendre des risques ! Un des moteurs de la vie, d'autant plus qu'il n'y a pas d'enjeu hormis la volonté de se dépasser voire de se surpasser.



Une expérience digne de tout aventurier, pour se mesurer aux éléments naturels, et trouver à la fois la paix physique et la paix de l'âme. Une aventure qui s'inscrit dans celle de grands personnages à l'assaut de terra incognita. Une lecture digne du Mississippi, langoureuse et douce dans certaines portions et tumultueuses dans d’autres. Une petite précision : on peut le lire sans bouée de sauvetage !


Lien : https://bookslaurent.home.bl..
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Mississippi Solo

"Si j'ai pu le faire, n'importe qui peut le faire."....dernière phrase du livre..

"N'importe qui", je n'en suis pas certain, car il fallait une bonne dosse de courage, d'inconscience diraient certains, pour s'attaquer au Mississipi que nous décrit Eddy L.Harris, un trajet "de là où il n'y a pas de Noirs à là où on ne nous aime toujours pas beaucoup."

"D'autres urluberlus ont tenté des expériences comparables de descente" dit-il...lui a réussi ! Et pourtant que de fois eut-il l'envie de tout laisser tomber, d'abandonner !

Il avait 30 ans, c'était son rêve, dompter ce monstre et nous le faire connaître..nous ne le connaissons souvent que par ces images en noir et blanc de ces vieux westerns des années 50-60, des images servant de décors à ces films de nos jeudis après-midi...on voyait alors un fleuve large qui nous paraissait calme, pendant les quelques secondes du plan...

La vérité est toute autre! Elle est en partie également dans ces images de trappeurs descendant le fleuve sur leur canoë en bois, en évitant les remous traitres...le même canoé qu'Eddy .

On ne peut y voir que l'exploit sportif d'un homme qui réussit cette descente dangereuse depuis le Lac Itasca jusqu'au Golfe du Mexique.... Certes cet aspect est indéniable, mais ce serait bien trop réducteur de n'y voir qu'une performance sportive.

Ce n'est pas sur cet unique aspect que ce livre doit être apprécié.

C'est d'abord une leçon de géographie, qui nous fait découvrir ces rapides dangereux ces États américains traversés, et cette mentalité qui évolue au fil des étapes, au fil des Etats traversés, depuis le Nord où les Noirs sont peu nombreux, jusqu'au Sud où certains aimaient enduire de goudron certains Noirs qui croisaient leur chemin avant de les couvrir de plumes, pour les punir...rappel de cette mentalité et de cette histoire de l'Amérique...une peur ressentie parfois par Eddy L. Harris, une peur qui semble ancrée dans cette âme noire, et que d'autres que lui doivent également ressentir...Peur et regards racistes qui s'accroissent au fil de la descente.

Mais peur due également aux monstres qui utilisent cette voie d'eau, remorqueurs énormes tractant ou poussant des barges aux côtés desquelles le canoé a la taille d'une allumette, notamment lors des passages dans ces écluses aux parois verticales de béton, de plusieurs dizaines de mètres de haut.

Que de travail humain pour dompter ce fleuve et le rendre navigable !

Leçon de géographie également, pour nous faire apprécier d'autres aspects, d'autres images de ce fleuve, des images évoluant au fil de la descente, depuis ces rapides dangereux et violents, jusqu'au calme apparent d'autres étapes. Gigantisme de ce fleuve de plus de 3800 km paraissant apaisé mais cachant parfois des remous traitres et mortels, de ce fleuve pouvant monter de 15 m à certains endroits, lors de crues...

Et surtout rencontres humaines, amicales souvent mais parfois bien moins...une autre découverte de l'Amérique profonde. Les fusils ne sont jamais bien loins



Une approche humaine également, faite de rencontres au fil de l'eau, toutes différentes au fil du fleuve depuis ces chasseurs, jusqu'à ces volontaires qui lui donnent un coup de main pour montre la tente, pour protéger le canot ou qui l'hébergent, en passant par ces capitaines de bateaux créant des vagues de plus de 3,5 m lors de leur passage, qui acceptent de le prendre à bord, sans oublier ces rencontres dans les ports...il y eut tant de personnes intriguées par Eddy et son voyage, prêtes à l'aider.



"Montre-moi ce fleuve qu'on appelle le Jourdain,

Ce vieux fleuve que je languis de traverser.

Sacré bonhomme de fleuve, sacré bonhomme de fleuve,

Il doit bien savoir quelque chose,

Mais il ne dit rien,

Il suit simplement son cours,

Il coule imperturbablement."

......Quelques vers traduits et extraits de cette chanson mythique Ol' Man River écrite par Oscar Hammerstein.

Laissez-vous porter par le canoé de Eddy L. Harris, par ses rencontres....par sa volonté.

L'éditeur nous rappelle dans les dernières pages qu'Eddy renouvellera cette expérience trente ans plus tard, ce qui donnera lieu à l'écriture d'un nouveau livre..

Je reparlerai certainement de lui afin d'évoquer cette deuxième descente du Mississipi....et cet autre titre.


Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Paris en noir et black

PARIS EN NOIR ET BLANC de EDDY L. HARRIS

Essai plus que roman qui analyse les raisons objectives ou subjectives, logiques ou irrationnelles, qui ont poussé l’auteur, noir américain à s’installer en France et plus spécialement à Paris après avoir sillonné l’Europe dans tous les sens. Il va remonter l’histoire depuis la première guerre mondiale et les premiers contingents noirs qui vont participer au massacre, la génération perdue Hemingway, Fitzgerald, jusqu’au système d’intégration français, plein d’ambiguïté, le racisme, mais au final ce sentiment de liberté parisien à nul autre pareil. Malgré la réputation de notre bureaucratie tatillonne, il aura sa carte de séjour sans aucun souci. Impression agréable d’être l’homme invisible, pas traqué comme en Amérique. Évocation de Baldwin, Wright, Baker, émeutes en 9.3., panorama historique, les jazzmen et le Paris noir et blanc de Cartier Bresson. Un peu caricatural par moment notamment sur les passages ( obligés) touchant à la gastronomie mais une étude intéressante qui ne se veut pas du tout sociologique, seulement un ressenti personnel et dont le leitmotiv est « À Paris je suis invisible, merveilleusement »
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Harlem

Une plongée magnifiquement poétique dans LE quartier noir de référence : Harlem.

Défi relevé par l'auteur, impatient de retrouver une communauté noire, un endroit que le temps a quelque peu mystifié, le seul endroit aux Etats Unis que les noirs possèdent totalement.

Avec tout l'héritage de la période Harlem Renaissance et la pléthore d'écrivains, de musiciens, d'artistes qui ont fait de Harlem un lieu mythique, avec le bagage émotionnel transmis par son père, Eddy L. Harris décide de s'installer pour un an, voire plus, en ce lieu.

C'est hélas avec l'idée d'un désespoir profond qu'il en repart : le manque de perspective, d'ambition, de modèles positifs, de règles, de cadres, le manque d'argent aussi bien sûr ... tous ces vides sont comblés à Harlem par la violence, la délinquance, l'alcool et la drogue.

Ghetto fermé, replié sur lui-même qui est fui par ses habitants dès qu'ils peuvent aspirer à une vie meilleure.

Un constat assez triste mais réaliste sur cette Amérique tant adulée outre atlantique.
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Mississippi Solo

Eddy L. Harris, né en 1956, est un essayiste et documentariste américain. Mississipi Solo, son premier ouvrage paru il y a trente ans aux Etats-Unis n’a été traduit qu’en 2020 chez nous complété d’une postface pour cette occasion.

Cet ouvrage, un récit, relate son voyage en canoë sur le Mississipi, un périple de près de 3700 kilomètres du lac Itasca au Nord du Minnesota à la Nouvelle Orleans en Louisiane. Ainsi résumé, ça ressemble à du déjà vu, pourtant il se dégage de ce texte un petit « plus » quelque chose de difficile à préciser, mais qui en fait un ouvrage qui vaut largement qu’on s’y intéresse.

Concernant l’expédition en elle-même, on peut dire qu’Harris est gonflé, le type n’a quasiment aucune expérience du canoë, quelques coups de pagaies sans plus, ni même de pratique du camping ! Et là, il s’attelle à une vraie expédition, contre l’avis de tous ses proches et amis. Et qui plus est, il s’y embarque en octobre, à l’orée de l’hiver ! Pas très argenté, il se fait prêter le matériel, canoë compris, donc il a intérêt à le ramener en bon état. Autre danger potentiel, Eddy Harris est noir, descendre ce fleuve l’amène droit dans les Etats du Sud où sa couleur de peau n’est pas obligatoirement bien vue…

L’équipée je vous la laisse découvrir, il y a le convenu (moustiques, bestioles qui rôdent autour de la tente la nuit etc.), les écueils du fleuve (les écluses qu’il faut savoir passer, les barges monstrueuses qui créent des remous puissants etc.), les rencontres sympathiques (pêcheurs, marins, spectateurs sur le bord du fleuve, qui l’encouragent, le saluent ou l’aide carrément). Mais il y a des moments plus dangereux (des chiens sauvages qui entourent sa tente, trois connards survivalistes armés et une fusillade…).

Le récit est particulièrement agréable à lire, tout d’abord parce qu’il est bien écrit avec un cachet très particulier et que l’auteur a un ton et une approche de la vie pragmatique et optimiste, pleine de bon sens, il prend ses responsabilités et les assume. Plusieurs fois il pense abandonner, à chaque fois il continue. Oui, il a dû affronter quelques dangers, oui il a souffert durant cette épreuve autant physique que morale, mais il ne s’étend pas, au point que parfois le lecteur se dit que ce n’est pas si terrible que ça.

Eddy Harris est fasciné par le Mississipi, un fleuve devenu un mythe par son passé chargé, historique avec les premiers colons et les trappeurs, littéraire avec Mark Twain bien sûr, etc. ; les références sont multiples, glissées dans le texte sans lourdeur, juste ce qu’il faut pour renvoyer le lecteur à ses bouquins déjà lus ou son cinéma intérieur personnel (pour moi ça l’a fait grave, le Mississipi c’est aussi le berceau du Blues qui lui a fait le voyage inverse, parti du Sud pour remonter vers le Nord et Chicago) Le récit est très équilibré, dosant parfaitement tous les éléments cités précédemment.

Un texte plein d’empathie pour les gens qu’il croise et une sorte d’adoration pour ce Fleuve auquel il prête une âme lui conférant le rôle d’un Dieu sévère mais charitable pour qui sait le respecter. Un voyage initiatique destiné à « comprendre le fleuve et, grâce au miroir de l’amitié, à me comprendre moi-même, et grâce à cette unité particulière qu’il offre, à mieux voir les choses. »

Une très bonne lecture.

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