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Citations de Edmond de Goncourt (231)


Edmond de Goncourt
En vérité, mon cher Bonnières, vous avez un courage qui me passe et je ne vous l’envie pas. Après avoir reproché à M. de Goncourt la mort de son frère, après l’avoir raillé de la détresse morale où le jeta cette mort de la moitié de son âme, de la moitié de son cerveau, de la moitié de sa vie, vous lui faites aussi le curieux et loyal reproche que le succès lui soit arrivé plus tardivement qu’à ses amis. À cela il y a une raison dont vous ne comprendriez sans doute pas l’héroïsme, c’est que M. de Goncourt ait été fidèle à son idéal et qu’il ait toujours refusé d’assouplir sa probité littéraire aux concessions faciles, d’accepter les reniements de conscience, de se livrer à ces petits travaux obscurs qui font que, pour monter dans l’estime du monde et l’admiration du public, il faut se baisser au niveau de la malpropreté de l’un et de la bêtise de l’autre.

Tenez, j’ouvre son dernier volume et je tombe sur ceci : « Vendredi 25 juillet — Aujourd’hui j’ai écrit en grosses lettres, sur la première feuille d’un cahier blanc : La Fille Élisa. Puis, ce titre écrit, j’ai été pris d’une anxiété douloureuse ; je me suis mis à douter de moi-même. Il m’a semblé, en interrogeant mon triste cerveau, que je n’avais plus en moi la puissance, le talent de faire un livre d’imagination et j’ai peur… d’une œuvre que je ne commence pas avec la confiance que j’avais quand lui, il travaillait avec moi ! »

Ces quelques lignes, d’un accent si désolé, d’une piété si tendre, reportent mon souvenir aux pages de cette mort que vous raillez si allègrement, pages inoubliables et déchirantes, où les mots ne sont plus des mots et semblent des fibres saignantes recueillies une à une, à l’inguérissable blessure. C’est peut-être cela, qui fait pleurer, que vous appelez de l’impuissance.

Quant à vous, je vous souhaite de ne jamais connaître de telles douleurs et de ne pas rencontrer, au coin d’un article de journal, le Bonnières qui vous les reprochera.

Octave Mirbeau, l’Echo de Paris, 17 mars 1891
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Edmond de Goncourt
C’est que, voyez-vous, mon cher Bonnières, quoi que l’on puisse penser de son Journal — et je n’en pense pas toujours du bien, et, dans l’avant-dernier volume, par exemple, j’y trouve beaucoup de choses qui me heurtent dans mes idées et ma façon de sentir la vie, et je l’eusse discuté, ce livre, si j’avais été chargé d’en rendre compte —, le cas de M. de Goncourt est assez rare, dans la littérature, et je vous souhaiterais d’en être atteint. Et je souhaiterais aussi, pour la beauté morale de votre profession et de la mienne, que des écrivain illustres, avilis par les caresses du monde et par les agenouillements d’une presse civilisée qui estime les talents au nombre des maisons où ils dînent, puissent montrer une existence aussi noble que celle de M. de Goncourt. Le cas de M. de Goncourt, comme vous dites, c’est le cas d’un homme qui a beaucoup aimé son art, qui en a durement, douloureusement souffert, qui, à travers les injustices, les insultes, et les découragements qu’elles entraînent, a toujours lutté, sans une défaillance. Cette vieillesse solitaire et abandonnée un peu, cette vieillesse, après tant d’orages, tant de déceptions supportées, tant d’amertumes hautement endurées, cette vieillesse toute vibrante encore des ardeurs d’une jeunesse passionnée de Beau, est une des choses qui me sont les plus émouvantes. et je l’ai admirée, cette vieillesse, avec des tressautements au cœur, quand, au Théâtre Libre, affrontant crânement le flot d’ordures dont elle allait être couverte, elle signait de son aristocratique honorabilité ce que, dans La Fille Élisa, il y a de révolte sociale et de pitié humaine

Octave Mirbeau. L’Echo de Paris, 17 mars 1891
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En quelques minutes, la maladie, les signes et l’anxiété de la souffrance s’étaient effacés sur la figure amaigrie de Renée. Une beauté lui était venue presque soudainement, une beauté d’extase et de suprême délivrance, devant laquelle son père, sa mère, son ami étaient tombés à genoux. La douceur, la paix d’un ravissement était descendue sur elle. Un rêve semblait mollement renverser sa tête sur les oreillers. Ses yeux, ses yeux grands ouverts, tournés en haut, paraissaient s’emplir d’infini ; son regard, peu à peu, prenait la fixité des choses éternelles.

La nuit, il se relevait pour la regarder dormir et passait des heures à écouter ce premier souffle de la vie, pareil à l’haleine d’une fleur. Quand elle s’éveillait, il venait lui prendre son premier sourire, ce sourire des toutes petites filles qui sort de la nuit comme d’un paradis. Son bonheur, à tout instant, se fondait en délices : il lui semblait aimer un petit ange.

Elle arriva à ne plus vivre que par lui et pour lui, de sa présence, de sa pensée, de son souvenir, de son image, de ce qu’elle emportait de lui quand elle l’avait vu.
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Le plus grand honneur que cet artiste obtint, durant sa vie, fut que sa célébrité parvint jusqu’à la cour de Tohougawa, et (qu'il put étaler son talent sans rival, devant le grand prince. Une fois, pendant que le shogoun faisait sa promenade dans la ville de Yédo, Hokousaï fut invité par le prince à peindre devant lui. Et sur une immense feuille de papier, avec une brosse à colle, il commença d'abord à tracer des pattes de coq, puis transformant soudainement le dessin, par une couleur d'indigo mis sur les pattes , il en faisait un paysage du fleuve Tatsouta, qu’il présentait au prince étonné.
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Ah! l'heureuse époque pour un collectionneur, que ces années où, du lever au coucher du jour, il y avait chez les marchands d'estampes dix jours entiers à regarder des dessins français, et de quoi pour un homme qui aurait eu plus d'argent que je n'en avais alors dans ma poche, de quoi en charger un fiacre.
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Le jour qui éclairait la chambre était un de ces jours que le printemps fait, lorsqu'il commence, le soir vers les cinq heures, un jour qui a des clartés de cristal et des blancheurs d'argent, un jour froid, virginal et doux, qui s'éteint dans le rose du soleil avec des pâleurs de limbes. Le ciel était plein de cette lumière d'une nouvelle vie, adorablement triste comme la terre encore dépouillée, et si tendre qu'elle pousse le bonheur à pleurer.
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Un littérateur dont l'âme est brûlante et le cerveau exalté, doit, dans la fougue de son délire, être incapable de mettre certaine suite dans ses conceptions, certaine harmonie dans ses discours, comme il n'écrit que par inspiration; quand il a versé sur le papier l'idée qui l'obsédait, il ne doit plus se rappeler ce qu'il a pensé, il ne doit plus savoir ce qu'il va écrire.
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Un riant pavé en marbre blanc et en marbre rouge du Languedoc, avec, pour revêtement aux murs et au plafond, un cuir moderne peuplé de perroquets fantastiques dorés et peints sur un fond vert d'eau.
Sur ce cuir, dans un désordre cherché, dans un pittoresque d'antichambre et d'atelier, toutes sortes de choses voyantes et claquantes, de brillants cuivres découpés, des poteries dorées, des broderies du Japon et encore des objets bizarres, inattendus, étonnant par leur originalité, leur exotisme, et vis-à-vis d'un certain nombre desquels je me fais un peu l'effet du bon Père Buffier quand il disait : « Voilà des choses que je ne sais pas, il faut que je fasse un livre dessus. »
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La Fille Elisa a été un scandale, parce que M. de Goncourt a quitté la région du Demi-monde, où s'agitaient les Dames aux camélias, les Lorettes et autres Lionnes, pour jeter un coup d'œil sur la fille pauvre.

(Citation d'un ouvrage de Yves Guyot - "La prostitution" 1882 - précédé également de cette réflexion :
"Si cette femme ne commet ces actes (de prostitution) que dans un certain monde ; si elle les enveloppe d'une certaine élégance ; si elle est assez heureuse pour vivre dans le luxe, elle n'est qu'« une femme galante ».
Mais si cette femme est pauvre, si elle est trop laide ou n'a pas assez de charme pour pouvoir se tirer d'affaire, alors elle est stigmatisée du titre de « vile prostituée », la société « jette cette femme au ruisseau, à l'égout" et n'a pas de métaphores assez grossières pour exprimer tout son mépris.

Et poursuivant ainsi :

« La fille entretenue « la cocotte ! » on sourit en prononçant son nom, elle a des journaux uniquement consacrés à ses mœurs et au récit des actions d'éclat
des favorisées ou des habiles.
La « fille en carte », est considérée avec dégoût.
Un homme qui avoue ses rapports avec la première n'avoue pas ses rapports
avec celle-ci.
La « fille de bordel ! » c'est le dernier échelon, et la fille en carte dit elle-même avec hauteur : "Je ne suis pas une fille de bordel, moi ! »)
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- Voyons franchement, il ne vous vient jamais de doute quand vous regardez cette file de lits, quand vous pensez à ce qu’il y a sous ces draps ? Ça vous parle d’une Providence, l’hôpital, à vous, ma mère… Mourir, encore, c’est bon… Si ce n’était que mourir ! Mais pourquoi la souffrance ? Pourquoi la maladie ?
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Ainsi, pour la petite fille, l’initiation, presque dans le berceau, à tout ce que les enfants ignorent de l’amour.
Plus tard quand Elisa fut mise trois ans chez les dames de Saint-Ouen, la fillette, rentrée le matin de ses congés, était souvent, les jours d’hiver, obligée de démêler, sur le pied de lit, de sa mère, son petit manteau du pantalon d’un chantre de la chapelle de la maternité, une vieille liaison à laquelle l’ancienne élève sage-femme était restée fidèle
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La femme allait-elle être condamné à mort ?
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La femme, la prostituée condamnée à mort, était la fille d’une sage-femme de La Chapelle Son enfance avait grandi dans l’exhibition intime et les entrailles secrètes du métier.
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Alors, eut lieu chez Barnier, la lutte contre entre la volonté et l’habitude. (…) Il passa par les angoisses, les tiraillements, les efforts suprêmes, les victoires douloureuses, les lâchetés désespérées qui finissent par briser l’énergie d’un caractère, et éprouvent l’homme de secousses qu’elles laissent hésitant, désarmé, devant les tentations de son malaise, les inspirations fatales d’une raison épuisée, l’envie d’un repos final…
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Cela, cette loge pleine, c’était un monde à lever le cœur. Ces hommes, ces femmes puaient comme on pue le vin de la veille, les corruptions, les envies, les paresses, toutes les hontes de la domesticité.
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C'était, pour la soeur Philomène, la plus belle heure de sa journée. Elle s'y oubliait, elle se retrempait à la joie et à l'enchantement de cette fatigue si douce. Elle y puisait l'oubli de tout ce qui était laid, répugnant, redoutable autour d'elle. Et cette matinée lui remplissait si bien l'âme qu'elle en emportait souvent du courage pour le reste du jour
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Un caractère intraitable,un être désordonné donut on ne pouvait rien obtenir,sur lequel rien n'avait prise. En même temps une nature capricieuse et mutable, où la répulsion d'Élisa pour sa mère se transformait, certains jours, en une affection amoureuse, en un culte agitateur de sa beauté restée grande encore, en une tendresse filiale, se témoignant avec ces caresses de petites filles, qui se promènent sur le décolletage de leur mère parée pour un bal.
Page 23
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L'âme des enfants ne croît pas sur les genoux des mères.
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Quand au dix-huitième siècle la femme naît, elle n'est pas reçue dans la vie par la joie d'une famille. Le foyer n'est pas en fête à sa venue; sa naissance ne donne point au cœur des parents l'ivresse d'un triomphe: elle est une bénédiction qu'ils acceptent comme une déception.
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Il vécu ainsi un mois, s’escamotant les jours à lui-même, trompant la vie, le temps, ses misères, la faim, avec de la fumée de cigarette, des ébauches de rêves, des bribes de cauchemar, les étourdissements du besoin et les paresses avachissantes du lit
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