AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Elias Canetti (240)


Il suffit qu'une chose soit érigée en souvenir pour qu'on la prenne au sérieux.
Commenter  J’apprécie          00
Le parle-en-premier parle sur des patins et devance les piétons. Les paroles lui tombent de la bouche comme des noisettes creuses. Elles sont légères, car elles sont vides, mais il y en a beaucoup. Pour mille creuses, il en vient une pleine, mais c'est un hasard. Le parle-en-premier ne dit rien à quoi il ait d'abord réfléchi, il commence par le dire. Ce n'est pas son coeur, c'est sa langue qui déborde.
Commenter  J’apprécie          00
L'autobienfaitrice: Elle vit des cadeaux qu'elle va reprendre. Elle n'oublie jamais un cadeau. Elle les connaît tous, elle sait où chacun se trouve. Elle passe tous les endroits au peigne fin à leur recherche et trouve toujours des prétextes. Elle aime aller dans des maison qu'elle ne connaît pas, et elle espère y trouver aussi un de ses cadeaux. Même les fleurs fanées refleurissent pour se faire reprendre par elle.
Commenter  J’apprécie          00
Orgueil familial

Roustchouk, sur le Danube inférieur, où je suis venu au monde, était une ville merveilleuse pour un enfant, et si je me bornais à la situer en Bulgarie, on s’en ferait à coup sûr une idée tout à fait incomplète : des gens d’origines diverses vivaient là et l’on pouvait entendre parler sept ou huit langues différentes dans la journée. Hormis les Bulgares, le plus souvent venus de la campagne, il y avait beaucoup de Turcs qui vivaient dans un quartier bien à eux, et, juste à côté, le quartier des sépharades espagnols, le nôtre. On rencontrait des Grecs, des Albanais, des Arméniens, des Tziganes. Les Roumains venaient de l’autre côté du Danube, ma nourrice était roumaine mais je ne m’en souviens pas. Il y avait aussi des Russes, peu nombreux il est vrai.
Enfant, je n’avais pas une vision d’ensemble de cette multiplicité mais j’en ressentais constamment les effets. Certains personnages sont restés gravés dans ma mémoire uniquement parce qu’ils appartenaient à des ethnies particulières, se distinguant des autres par leur tenue vestimentaire. Parmi les domestiques qui travaillèrent à la maison pendant ces six années, il y eut une fois un Tcherkesse et, plus tard, un Arménien. La meilleure amie de ma mère était une Russe nommée Olga. Une fois par semaine, des Tziganes s’installaient dans notre cour ; toute une tribu, me semblait-il, tellement ils étaient nombreux, mais il sera encore question, ultérieurement, des terreurs qu’ils m’inspirèrent.

Comme ville portuaire sur le Danube, Roustchouk avait eu une certaine importance dans le passé. Le port avait attiré des gens de partout et il était constamment question du Danube. On parlait des années où le Danube était gelé ; des traversées qu’on faisait en traîneau, sur la glace, pénétrant en territoire roumain ; des loups affamés talonnant les chevaux attelés aux traîneaux.
Les loups sont les premiers animaux sauvages dont j’ai entendu parler. Dans les contes que me faisaient les jeunes paysannes bulgares, il était souvent question de loups-garous et mon père me fit terriblement peur, une nuit, en se montrant à moi avec un masque de loup sur le visage.
Je n’arriverai sans doute pas à évoquer d’une manière satisfaisante les riches couleurs de ces premières années à Roustchouk, les passions et les terreurs dont elles furent traversées. Rien de ce que je vivrai plus tard qui ne se fût déjà produit, sous une forme ou sous une autre, à Roustchouk, en ce temps-là. L’Europe, là, c’était le reste du monde. Quand quelqu’un remontait le Danube vers Vienne, on disait : il va en Europe ; l’Europe commençait là où finissait autrefois l’Empire ottoman. La plupart des sépharades espagnols avaient gardé la nationalité turque. Il est vrai qu’ils n’avaient jamais eu à souffrir des Turcs, ce qui n’était pas le cas des Slaves chrétiens des Balkans. Nombre d’entre eux étaient des commerçants aisés, le nouveau régime bulgare était bien disposé à leur égard et Ferdinand, le roi qui régna longtemps, passait pour un ami des Juifs.
La position des sépharades espagnols était un peu spéciale. C’étaient des Juifs croyants, donc très attachés à la communauté. Mais si cette dernière était présente, quoique sans ostentation, au centre de l’existence de chacun, il n’en reste pas moins vrai qu’ils se prenaient pour des Juifs d’une espèce particulière, ce qui était en rapport direct avec une longue tradition espagnole. L’espagnol qu’ils parlaient entre eux était pratiquement le même que celui qu’ils parlaient, des siècles auparavant, quand on les avait chassés de la péninsule. Quelques mots turcs avaient été incorporés à cette langue mais cela restait des mots turcs, reconnaissables comme tels, et l’on disposait d’ailleurs presque toujours du mot espagnol correspondant. Les premières chansons enfantines que j’entendis me furent chantes en espagnol, j’ai été bercé par ces anciennes « romances » ibériques, mais ce qui m’a le plus marqué, ce qui ne pouvait manquer d’impressionner profondément l’enfant, c’est, si je puis dire, une certaine mentalité espagnole. Les autres juifs, on les regardait de haut, avec un sentiment de naïve supériorité. Un mot invariablement chargé de mépris était le mot « Tudesco », désignant un Juif allemand ou un Ashkénaze. Il eût été impensable d’épouser une « Tudesca » et je ne crois pas qu’aucune exception n’ait jamais été faite à cette règle, parmi les nombreuses familles dont j’ai entendu parler à Roustchouk, pendant toutes ces années. Je n’avais pas six ans que mon grand-père, soucieux de l’avenir, me mettait déjà en garde contre une telle mésalliance. Mais cette discrimination générale n’était pas la seule. A l’intérieur même de la communauté des sépharades espagnols, une place à part était faite aux bonnes familles, c’est-à-dire à celles qui étaient riches depuis longtemps. Es de buena familia, il est de bonne famille, c’était à peu près ce qu’il y avait de plus flatteur à dire de quelqu’un. Combien de fois, et jusqu’à satiété, n’ai-je entendu ma mère répéter cela. Quand elle rêvait tout haut du Burgtheater et qu’on lisait Shakespeare ensemble et, bien plus tard encore, quand elle ne jurait que par Strindberg, devenu entretemps son auteur de prédilection, jamais elle ne se gêna pour affirmer qu’elle sortait d’une bonne famille, qu’il n’y en avait point de meilleure. Littéralement nourrie des littératures des différentes langues de culture qu’elle maîtrisait, elle ne trouvait nullement contradictoire ce désir d’universalité et l’orgueil familial dont elle était si intimement pénétrée. […]
Commenter  J’apprécie          00
Le secret est au fond le plus intime de la puissance. L’acte d’épier est secret par nature. On se cache ou s’assimile au milieu et ne se trahit par aucun mouvement. L’être aux aguets disparaît tout entier, il s’enveloppe dans le secret comme dans une autre peau et reste longtemps à son abri. Une combinaison singulière d’impatience et de patience caractérise l’être dans cet état. Plus il y persiste, plus s’intensifie son espoir de réussite soudaine. Mais pour obtenir quelque réussite, il faut que sa patience s’accroisse infiniment. S’il la perd un instant trop tôt, tout est perdu et il lui faut, accablé de sa déception, recommencer depuis le début.
Commenter  J’apprécie          00
Le secret vrai est ce qui se déroule à l’intérieur du corps. Avant de pouvoir exercer son métier, un homme-médecine, dont l’action est fondée sur sa connaissance des phénomènes du corps, doit se soumettre à de très singulières opérations
Commenter  J’apprécie          00
L’élément de contagion, tellement important en cas d’épidémie, a pour effet de porter les gens à s’isoler. Le plus sûr est de n’approcher personne, n’importe qui pouvant déjà être contaminé. Certains fuient la ville et se dispersent sur leurs terres. D’autres s’enferment dans leurs maisons et ne laissent entrer personne. Chacun évite l’autre. Maintenir la distance est l’ultime espoir. La perspective de vivre, la vie elle-même s’expriment pour ainsi dire dans cette distance par rapport aux malades. Les contaminés se transforment progressivement en masse morte, les autres se tiennent à l’écart de tout le monde, souvent même de leurs proches parents. Il est à noter que c’est ici l’espoir de survivre qui fait de l’homme un individu isolé, face à lui la masse de toutes les victimes.
Mais dans cette condamnation collective où quiconque est touché passe pour perdu, voici le plus étonnant : il y a un petit nombre de gens comptés qui guérissent de la peste. On peut imaginer ce qu’ils éprouvent au milieu des autres. Ils ont survécu, et ils se sentent invulnérables. Ainsi, ils peuvent même se payer le luxe d’avoir pitié des malades et des moribonds dont ils sont entourés. « Ces gens-là, dit Thucydide, se sentaient si exaltés par leur guérison qu’ils pensaient ne plus pouvoir même à l’avenir jamais mourir de maladie.
Commenter  J’apprécie          00
C'est seulement tous ensemble que les hommes peuvent se libérer de leurs charges de distance. C'est exactement ce qui se produit dans la masse. Dans la décharge, ils rejettent ce qui les sépare et se sentent égaux.
Commenter  J’apprécie          00
Cette mémoire des sentiments, ainsi que j'aimerais la nommer, l'artiste la possède; les deux réunies : mémoire des sentiments et mémoire des faits - c'est celle que tu as - rendent seules possibles l'homme universel. Peut-être t'ai je surestimé. Si nous pouvions nous fondre en un seul homme, toi et moi, il naîtrait un être spirituellement complet.
Commenter  J’apprécie          00
Cité par Claudio Magris dans Danube page 493 et qu'il considère comme un des plus grands livres du siècle
Commenter  J’apprécie          00
Cité par Claudio Magris dans Danube pas 493 et qu'il considère comme un des plus grands livres du siècle
Commenter  J’apprécie          00
Un peu plus tard, complètement calmé, il me dit : "Tu ne vaux pas la peine que je me donne à t'enseigner la loi. Tu l'apprendras donc à tes dépens, par l'expérience. Tu ne mérites pas mieux."
Commenter  J’apprécie          00
En voyage, on accepte tout, l’indignation reste à la maison. On regarde, on écoute, on s’enthousiasme pour les choses les plus effrayantes parce qu’elles sont nouvelles. Les bons voyageurs n’ont pas de cœur.
Commenter  J’apprécie          00
Tout ce qu'on est capable de réaliser devrait conduire à vénérer des êtres meilleurs que soi.
Commenter  J’apprécie          00
Ces conversations renforçaient nos positions. L'influence que nous exercions l'un sur l'autre consistait surtout en ceci que nous devenions moins superficiels, plus prudents. Il était de plus en plus familier avec les textes religieux classiques de bouddhisme et ne se limitait plus aux traductions de Carl Eugen Neumann, même si elles restaient les plus chères à son coeur. Il se plongeait dans la philosophie hindoue, consultait les ouvrages anglais fondamentaux qu'il traduisait en allemand avec l'aide de Veza. Je cherchais à en savoir plus sur la masse dont je lui parlais. J'aurais de toute manière poursuivi mes recherches sur ces faits qui me préoccupaient tellement, qui étaient devenus pour moi le mystère des mystères; sans lui cependant, je ne me serais peut-être pas intéressé si tôt aux religions hindoues qui m'étaient tout à fait antipathiques par leur manière de multiplier la mort dans la doctrine de la migration des âme. J'étais douloureusement conscient au cours de nos conversations de n'avoir à opposer que la description un peu pauvre d'une expérience unique qu'il qualifiait de pseudomystique à la doctrine si riche, si élaborée qu'il défendait, l'une des plus importante et des plus profondes que l'humanité ait produite. Il trouvait tant d'éclaircissement, d'interprétations, d'enchaînements quand il me parlait de tout cela, et moi, je n'étais même pas capable de proposer une seule explication de l'unique expérience pour laquelle je me passionnais!
Commenter  J’apprécie          00
Lui-même était le propriétaire de la plus importante bibliothèque privée dans l'ensemble de cette grande ville. Il portait une infime partie de celui-ci avec lui partout où il allait. Sa passion pour elle, le seul dont il avait lui-même admis au cours d'une vie d'étude austère et exigeante, l'a poussé à prendre des précautions particulières. Livres, même les mauvais, ceux tentés lui facilement dans un achat. Heureusement, le grand nombre de librairies n'ont pas ouvrir avant huit heures.
Commenter  J’apprécie          00
Elias Canetti
Écrire jusqu’au moment où le bonheur d’écrire vous fait douter de votre propre malheur
Commenter  J’apprécie          00
Elias Canetti
Écrire jusqu’au moment où le bonheur d’écrire vous fait douter de votre propre malheur
Commenter  J’apprécie          00



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Elias Canetti (481)Voir plus

Quiz Voir plus

Le Labyrinthe les films

Quel est le nom du meilleur ami de Thomas dans le Labyrinthe ?

Churll
Chuck
Chill
Cho

8 questions
30 lecteurs ont répondu
Thèmes : science-fiction fantastiqueCréer un quiz sur cet auteur

{* *}