Citations de Elie Wiesel (319)
Les questions insolubles ne sont utiles qu'en littérature. (p.53).
Symboles, Caïn et Abel servent d'exemples, illustrant les mobiles principaux qui, dans la société humaine, poussent les individus à la haine, à l'effusion de sang, à la guerre et finalement à la destruction de soi: la hantise sexuelle, la domination matérielle et le fanatisme religieux - ou le fanatisme tout court. (pp.52-53).
Pour la tradition juive, il n'est pas donné à l'homme de commencer; ce pouvoir n'appartient qu'à Dieu. Mais il appartient à l'homme de recommencer. Il recommence chaque fois qu'il décide de se ranger du côté des vivants. (p.35).
La culpabilité ne se communique pas. Nous sommes liés à Adam uniquement par sa mémoire - qui devient nôtre - et par sa mort qui annonce la nôtre. Mais non par sa faute. (pp.33-34).
Dans la tradition juive, le passé de l'homme le lie aux origines sacrées de l'histoire. Reflet divin, le premier individu fut plus pur, plus parfait que ne le sera le plus évolué de ses descendants. (p.20).
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Où est Dieu ?
« Un soir que nous revenions du travail, nous vîmes
trois potences dressées sur la place d’appel, trois corbeaux noirs. Appel.
Les SS autour de nous , les mitraillettes braquées. Trois condamnés enchaînés-- et parmi eux, le petit « Pipel », l’ange aux yeux tristes.
Un enfant au visage béat. Incroyable dans ce camp.
Le chef de camp lut le verdict. Les trois condamnés
montèrent ensemble sur leurs chaises.
Vive la liberté crièrent les adultes.
Le petit lui se taisait.
Où est le bon Dieu, où est-il ? demanda quelqu’un
derrière moi.
Sur un signe du chef de camp les trois chaises basculèrent…
Les deux adultes ne vivaient plus.
Mais la troisième corde n’était pas immobile : si léger l’enfant vivait encore.
Plus d’une demi-heure, il resta ainsi à agoniser sous nos yeux…
Derrière moi, j’entendis le même homme demander :
Où est ton Dieu ?
Et je sentais en moi une voix qui lui répondait :
- Où est-il ? Le voici - il est pendu ici à cette potence… »
Il m'expliqua avec beaucoup d'insistance que chaque question possédait une force que la réponse ne contenait plus ...
-L'homme s’élève vers Dieu par les questions qu'il lui pose, aimait-il à répéter. Voilà le vrai dialogue. L'homme interroge et Dieu répond. Mais ses réponses on ne les comprend pas. On ne peut les comprendre. Parce qu'elles viennent du fond de l'âme et y demeurent jusqu'à la mort. Jes vraies réponses, Eliezer, tu ne les trouveras qu'en toi.
- Et pourquoi pries-tu, Moché ? lui demandai-je.
-Je prie Dieu qui est en moi de me donner la forcede pouvoir lui poser de vraies questions. p 13-14
En quelques secondes nous avions cessé d’être des hommes.
L' homme s'élève vers Dieu par les questions qu'il lui pose.
Chassez le désespoir et vous vous éloignerez de la mort. L’enfer ne dure pas éternellement....
Et maintenant, une prière, plutôt un conseil : que la camaraderie règne parmi vous. Nous sommes tous des frères et subissons le même sort. Au-dessus de nos têtes flotte la même fumée. Aidez-vous les uns les autres. C’est le seul moyen de survivre.
Quelqu'un se mit à réciter le Kaddich, la prière des morts. Je ne sais pas s'il est déjà arrivé, dans la longue histoire du peuple juif, que les hommes récitent la prière des morts sur eux-mêmes.
Jamais je n'oublierai ce silence nocturne qui m'a privé pour l'éternité du désir de vivre.
On n'affronte pas l'infini impunément.
'' Que mon fils craigne dieu et aime les hommes
qu'il aime dieu à travers les hommes
Je ne veux pas qu'il le craigne à travers les hommes. ''
- Vous voyez, là-bas, la cheminée? La voyez-vous?
Les flammes, les voyez-vous ? (Oui, nous
les voyions, les flammes). Là-bas, c'est là-bas
qu'on vous conduira. C'est là-bas, votre tombe.
Vous n'avez pas encore compris? Fils de chiens,
vous ne comprenez donc rien? On va vous brûler
! Vous calciner! Vous réduire en cendres !
- ... As-tu confiance en la justice divine ? Sinon, en quoi _ et en qui _ as-tu foi ?
- En l'homme.
- En l'homme ? Qu'a-t-il donc fait de si grand, de si beau, de si vrai pour qu'il mérite tant d'honneur ? Les assassins n'étaient-ils pas eux-aussi des hommes ?
Il ne répond pas à mes questions. Les entend-il seulement ? Je sais qu'il les reçoit. Je veux savoir, lui dis-je. Un début d'histoire, une bribe de souvenir, je veux savoir ce que tu savais de la vie, du monde, du mystère de la vie et des hommes, je veux savoir ce que tu éprouvais au milieu des fauves humains qui se réclamaient de l'histoire et de Dieu, je veux comprendre, je veux te comprendre. Rien à faire, il me dévisage d'un air de plus en plus sombre, de plus en plus tourmenté, il serre les lèvres, avale sa salive, et ne dit rien. Il ne veut pas se livrer, il ne peut pas.
L’approche talmudique: libre, indépendant, exposant ses convictions avec courage, le héros … ne fait rien pour être ou pour paraître héroique. … La force physique n’est pas une vertu. … Dans Akhrayut – c’est-á-dire responsabilité – on entend Akher, l’autre. Nous sommes responsables des autres … Tel est le héros talmudique: un homme qui ne ressent aucun manque.
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Après quelques minutes de course folle, nous arrivâmes devant un nouveau block. Le responsable nous y attendait. C’était un jeune Polonais, qui nous souriait. Il se mit à nous parler et, malgré notre lassitude, nous l’écoutâmes patiemment :
- Camarades, vous vous trouvez au camp de concentration d’Auschwitz. Une longue route de souffrance vous attend. Mais ne perdez pas courage. Vous venez déjà d’échapper au plus grand danger : la sélection. Eh bien, rassemblez vos forces et ne perdez pas espoir. Nous verrons tous le jour de la libération. Ayez confiance en la vie, mille fois confiance. Chassez le désespoir et vous vous éloignerez de la mort. L’enfer ne dure pas éternellement....
Et maintenant, une prière, plutôt un conseil : que la camaraderie règne parmi vous. Nous sommes tous des frères et subissons le même sort. Au-dessus de nos têtes flotte la même fumée. Aidez-vous les uns les autres. C’est le seul moyen de survivre.
Parfois l’on me demande si je connais « la réponse à Auschwitz » ; je réponds que je ne la connais pas ; je ne sais même pas si une tragédie de cette ampleur possède une réponse. Mais je sais qu’il y a « réponse » dans responsabilité.