Témoignage sans fioriture sur l’euthanasie, André le père, âgé de 88 ans se retrouve bien diminué après un AVC fulgurant. Cet homme tantôt drôle, tantôt sarcastique mais toujours éveillé vient de perdre une grande partie de sa fierté en perdant son autonomie. Les descriptions de cette déchéance sont brèves et vont droit au but. À l’hôpital, André ne veut pas regarder sa fille. Elle ne comprend pas. Jusqu’à ce que l’odeur lui arrive. Son père est couché dans ses excréments. Personne n’est venu le changer. Le regard détourné, il pleure. Un passage qui m’a profondément émue. Et qui relève la question des limites de la dignité humaine. Quand celle-ci vient à disparaître, peut-on s’acharner à maintenir l’être humain en vie à tout prix. Pour moi, c’est non. Je préfère savoir mon père mort que tomber aussi bas. Mais pour lui, la question ne se posera pas, vu qu’il n’a plus sa raison. Pour André, il faut faire vite. Sa tête fonctionne encore. Combien de temps...
Emmanuele et sa sœur Pascale vont entamer le parcours du combattant quand André demande qu’on l’aide à en finir. Mais comment aide-t-on son père a en finir ? Dans le brouillard de cette terrible décision, les sœurs vont s’armer de patience et surtout d’amour pour avancer avec leur père sans jugement ni colère. Ou très peu, car pour André ce n’est pas simple non plus alors il raconte parfois de gros mensonges, mes enfants ne veulent plus de moi... Une phrase qu’il balance ainsi et qui est terrible pour les deux sœurs à l’opposé de cette pensée. Finalement, les qu’en-dira-t-on vont bon train et titillent les consciences de chacun.
Un témoignage qui ne pleure pas, qui ne s’apitoie pas, qui ne juge pas. Pas de longues dissertations. On relèvera une série de détails décortiqués comme si Emmanuele n’avait plus la force que de s’étendre sur la superficialité de la vie quand celle-ci devient trop lourde à porter et à penser...
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Court roman avec de courtes phrases pour une histoire d'amour très courte.
Mais justement ces courtes phases amènent une intensité dans la narration. Tout est dans l'urgence : craquer ou résister ? On ressent le désir de passer à l'acte tout en le redoutant.
Laure se rend chez des amis pour y diner. Paris est en grève, les bouchons sont légion. Elle a passé sa journée dans les cartons, demain elle quitte sa vie de solitaire pour emménager avec François. François c'est la sécurité d'une vie bien réglée … peut-être trop ...
Elle refuse un premier auto-stoppeur. S'en veut. Elle prendra le suivant. L'homme monte. Son odeur la surprend. Faite de parfum, de vieux cuir et de tabac blond. Son profil, le petit triangle de peau au-dessous de son oreille ne la laisse pas indifférente. Il ne sait pas où il va. Qu'importe elle aussi à envie d'y aller. Le diner …. Les amis … François, tout cela est bien loin de ses préoccupations du moment. La proximité des deux corps et la fusion commence déjà à opérer. Elle essayera bien de résister mais c’est si difficile. Elle se laisse guider par son instinct. Etre dans me moment présent. Vivre. Aimer.
A peine 1 heure pour le lire. Pour participer à un coup de tête, un fantasme. Des phases pleines de sensualité. Deux être se rencontrent. L'étincelle est là elle aussi. Inévitablement elle allumera la mèche.
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Un vendredi soir. Laure se retrouve bloqué dans les éternels bouchons de la capitale. Demain, c’est le grand jour, elle emménage avec François. Mais la vie réserve parfois des surprises, alors qu’elle se rend chez des amis pour cette dernière soirée seule, elle prend un autostoppeur, naufragé de l’asphalte comme elle.
Deux inconnus vont laisser libre court à leurs fantasmes. Deux corps qui s’harmonisent dans l’amour, c’est l’instinct animal, bestial, organique qui tient lieu de leurs ébats. Chacun reprendra sa place laisser lors de cette parenthèse charnelle. Emmanuèle Bernheim installe d’emblée dans ce court roman une ambiance à la fois anxiogène (en dehors du véhicule) et protecteur (dans l’habitacle).
Des phrases courtes, pour montrer l’urgence, le désir, l’acte sans contrainte ni remords. C’est plutôt réussi car ici pas une once de vulgarité. Et pour son héroïne des questions en suspens, est-ce un signe du destin ? Sa future vie avec François est-elle voué à l’échec ? Un joli roman sur le désir de la chair.
A noter l’adaptation ciné réalisée par Claire Denis avec Valérie Lemercier et Vincent Lindon.
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« Sa Femme », 3 sucres dans mon café et quelques préservatifs.
Comment résister à ce livre après l’excellent billet de Mister Bison ? Impossible ! Aussitôt eu, aussitôt lu. Quel plaisir de retrouver la plume d’Emmanuèle Bernheim. Une écriture limpide et impitoyable. L’auteur garde cette signature bien à elle dans ses romans. Elle percute, va à l’essentiel, sans détour, des chapitres et des phrases courtes, pas de perte de temps, c’est ce qui me touche dans son travail d’écriture.
Une histoire d’homme et de femme, des écorchés de la vie en manque d’amour. Thomas et Claire se croisent, se reconnaissent, s’aiment, se désirent, sans peur, sans tabou, sans appréhension. Claire vit l’instant présent et se nourrit de chaque moment passé avec Thomas car c’est à travers son regard qu’elle se sent splendide et désirable.
« Elle ne parvenait pas à se souvenir si, la veille, il lui avait dit : « A demain. » Elle se rappelait juste qu’ils étaient si étroitement mêlés qu’elle n’avait soudain plus su si c’était sa propre peau qu’elle caressait ou bien celle de Thomas ».
Une femme se sent toujours belle et épanouie après l’amour. Mais Thomas est marié et ses propos sont très clairs : il ne quittera jamais sa femme et ses enfants. Claire accepte et conserve précieusement toutes traces d’eux. Elle imagine Thomas avec « Sa Femme », ses enfants, en famille, à Noël, mais malgré tout, elle accepte et c’est avec une ardente patience que chaque jour, elle vit au rythme de ces 1h15 de plaisir et de passion avec son amant. Toujours dans cette quête perpétuelle de l’amour, ses sentiments seront-ils suffisamment forts et sincères pour accepter ce compromis et rester dans l’ombre ?
Ce livre est comme une eau sauvage, brutale et suave à la fois. On ne peut oublier sa fragrance. Il nous laisse un léger goût d’amertume par la réalité des faits, des mots qui dérangent et fusent comme des couperets mais avec cette légère douceur laissé par le sucre au fond de la tasse de café.
Chambre 408 … toc, toc, toc… Claire la passion au ventre ouvre la porte : Bonjour toi !
3 sucres dans ton café, un préservatif usagé, je veux bien m’appeler Claire.
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Pour lui, elle va virer son ex, avec qui elle vit une routine...
Pour lui, elle va cesser de recevoir des patients après 19h...
Pour lui, elle va s'offrir de nouvelles fringues...
Pour lui, son coeur et son corps vont s'enflammer...
Pour elle, il va.... Bin rien... Forcément... Il y a sa femme...
Sa femme qui l'attend chaque soir...
Sa femme, qu'il emmène en vacances a la neige...
Sa femme, auprès de qui il passe le réveillon...
Sa femme qui lui offre un si beau blouson...
A l'image de son héroïne au charme naturel, sans artifice ni maquillage, Emmanuelle Bernheim a une écriture limpide, percutante, directe, faite de phrases courtes, de mots simples. En un peu plus de cent pages, elle nous fait partager les désirs de Claire, ses doutes, ses fantasmes, son plaisir dans cette relation avec un quasi inconnu, son amertume face à cette rivale qu'elle fantasme.
Et ça fonctionne très bien. L'érotisme de la situation et le charme de la jeune Claire m'ont embarqué irrésistiblement pour un flirt de quelques heures. Et j'ai adoré la petite gâterie finale... Mais chhhtttt...
Claire... Quand tu veux...
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Un homme, une femme, chabadabada. Sors ton kleenex, je vais te raconter une histoire d’amour. L’homme s’appelle Loïc, médecin, épaule large, teint hâlé. Elle, Hélène. Je ne l’imagine pas spécialement belle, je lui reconnais un certain charme. La beauté est avant tout dans le charme qu’elle dégage et pas dans les critères esthétiques de la société (en tout cas, elle n’est pas blonde à forte poitrine). Donc elle a du charme mais elle semble un peu gauche. Bon, ok, lui aussi. Un couple de gauche – et je ne parle pas de politique, jamais, de toute façon je ne parle pas du tout, jamais. Mais revenons à ce couple. Un couple.
Ils se sont rencontrés, échangés des regards, des numéros de téléphone. Elle l’invite, un soir à dîner. Il ne viendra pas. Il l’invitera un autre soir. Ils ne se toucheront pas. Tout juste une bise sur la joue pour se dire au revoir. Amabilité minimum de rigueur. D’autres rencontres, d’autres dîners. Foie gras et champagne. Ou inversement. Ils se parlent à peine, se frôlent parfois. Il pense à son ex copain qui habitait les lieux avant lui, celui avec le peignoir bleu. Avait-il les yeux bleus ? Elle pense à… et bien en fait à pas grand-chose, j’ai du mal à la cerner, à la comprendre. Lui, je vois qu’il ne sait pas trop bien où il en est dans sa vie. Il voit Hélène, il voit Brigitte. Et puis après…
Hélène et Loïc. Un drôle de couple, donc. Pas de coup de foudre. Pas de passion. La plume d’Emmanuèle Bernheim est incisive, rapide. Je commence à la connaître. Ses phrases sont courtes, aussi banales que concises. Elles jettent ses mots et ses ponctuations, en saccades, comme une giclée de sperme sur ton sexe chaud. Les fantasmes coulent entre les lignes, et mon sperme dégouline de tes cuisses sur le drap blanc et pas froissé. Tiens, prends mon kleenex. Elle me plait bien cette plume, même si là, une froideur presque chirurgicale découpe le couple du scalpel de l’amour. D’ailleurs est-ce de l’amour ? Où est donc l’étincelle de vie entre Hélène et Loïc. Certainement dans ces non-dits, dans cette imagination qui entraîne les corps et esprits dans des « je-te-veux » et des « je-te-veux-plus ». Mais n’est-ce pas aussi une autre forme de passion, que de s’attirer comme des aimants et de se repousser comme des pôles opposés.
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Petit roman virevoltant qui m’a promené comme une bleue. Je me suis régalée.
Belle doctoresse trentenaire, maîtresse de l’inconnu qui travaille sur le chantier en face de votre cabinet. Il est marié avec des enfants et ne quittera jamais sa femme. Le décor est planté. Le rideau s’ouvre. Vous prenez ce qu’il donne et gardez ce qu’il laisse. Et vous combler les blancs…
Imaginer l’autre, celle que vous ne verrez pas, que vous ne rencontrerez pas et qui existe bel et bien, avec lui : sa femme. Ah souffrance ! Cette femme prend vie dans votre esprit au fil des rencontres avec votre amant. Vous êtes la maîtresse. Mais maître de quoi ? Ni de sa vie, ni de la vôtre. Drôle de mot pour vous définir. Vous l’attendez, vous ne vous parfumez plus, vous respirez à son rythme entre deux consultations et conservez précieusement ses restes qui deviendront vestiges le moment venu, celui de la fin qui plane, qui rôde et corrode votre présent lors de ses absences.
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On s’en serait douté : « Un couple », c’est la rencontre d’un homme et d’une femme – dabadabada, dabadabada…– on croirait du Lelouch… ou du Truffaut. Mais la comparaison s’arrête là. A la lecture, ce serait plutôt du Robbe-Grillet (l’écrivain) ou du Claude Simon, ou du Sarraute…
Le problème reste que je ne suis pas un fervent admirateur ce cette littérature « nouveau roman » minimaliste basée sur l’objet et/ou le fait dans son expression la plus triviale. Ainsi l’acte d’amour entre Loïc et Hélène (c’est le couple en question, ou présumé tel) se résume-t-il à « des poils collés dans du sperme…», il y a également des nez qui coulent, des mouchoirs usagés, des lèvres trop grosses…
Bref, un livre court (je l’aime bien celle là…) et c’est tant mieux, parce que plus long aurait frisé l’intolérable. Une expérience à tenter, néanmoins, pour se convaincre si c’était nécessaire, qu’on publie vraiment n’importe quoi, parfois...
Et mille excuses à ceux qui ont aimé, notamment Chrisdu26, qui semble l’avoir, elle, plus ou moins apprécié si j’en crois sa remarquable critique. Mais pour ma part, c’est fini avec Emmanuèle Bernheim, le divorce est prononcé…
« Comme nos voix dabadabada, dabadabada»... ... ...
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Emmanuèle Bernheim, scénariste et auteure, nous raconte dans « Tout s’est bien passé » édité en 2013 une période douloureuse, fin 2008, lorsque, à l'âge de 88 ans, son père est hospitalisé après un accident vasculaire cérébral. C’est un homme très connu et réputé dans le monde de l’Art, notamment en tant que Président de la Collection Lambert à Avignon ou encore administrateur de la Société des amis du musée national d’Art moderne. Cultivé, actif, il aime la vie et être entouré. Courant les salons, les expositions, allant au cinéma, dinant avec ses amis, sa vie est toujours en mouvement, en rencontres, en découvertes artistiques, en plaisirs de la vie.
Mais, cet AVC l’a diminué. Dans la chambre d’hôpital, il se remet lentement. Il parle avec plus de difficultés et ne peut plus bouger comme avant. Cela le désespère de ne plus être autonome, de ne plus pouvoir faire ce qu’il aime, ce qui le fait vivre. Sachant qu’il est âgé, qu’il ne retrouvera pas ses facultés d’avant et que, vu son âge, ça ne peut qu’aller de mal en pis, il demande à Emmanuèle, de l’aider à mourir.
L’écriture est – et je l’écris, sans aucune ironie- très vivante. Ce sont des phrases simples, parfois courtes. Pour décrire sa réaction suite à la demande de son père, elle n’a pas besoin de détailler longuement toutes ses réflexions, toutes les pensées qui doivent se bousculer dans sa tête. Elle décrit ce sur quoi son regard s’accroche, presque étonnée. Des gestes presque énumérés par séquence, ces petites choses sur lesquelles on s’arrête alors qu’on n’y accorderait pas d’attention d’ordinaire, parce que justement, tout à coup, elle est entrée dans une période non ordinaire, terrifiante, bouleversante. Comme se retrouver propulsé en une seconde dans un espace-temps inconnu, loin de notre quotidien. Comme les secondes juste après un coup de massue sur la tête, où on chancelle, où notre corps ne répond plus, où la douleur est cuisante...
Ce père, intelligent, intellectuel, avec beaucoup de prestance, a toujours su et fait ce qu’il voulait. Ses filles l’aiment et ont l’habitude de répondre à ses demandes quasi autoritaires (et cette demande est sans nul doute la plus difficile). D’expériences, connaissant son caractère, Emmanuèle et sa sœur Pascale ne vont d’ailleurs pas réellement chercher à l’en dissuader. Elles espèrent juste qu’il change d’avis et qu’il retrouve un peu d’espoir et de goût à la vie.
Mais André est obstiné et ne veut pas de cette vie-là. Il veut en finir avant que les choses n’empirent. Alors, les deux sœurs vont peu à peu, jour après jour, accéder à sa demande. Peu à peu, d’une discussion à une autre, d’une réflexion à une autre, d’une étape concrète à une autre plus décisive, les choses s’enchainent.
Dès les premières pages, je me suis sentie proche de cette femme, de cette fille face à son père. J’avais déjà lu des romans d’Emmanuèle Bernheim mais c’était ce récit que je souhaitais découvrir depuis pas mal de temps. Et j’ai grandement regretté de ne le lire qu’après son décès en 2017.
En lisant ce témoignage, je ne pensais plus à l’auteur et scénariste Emmanuèle Bernheim, à ce personnage public mais à cette fille Emmanuèle. Parce que j’étais à ses côtés à chaque moment, à chaque étape terrible. Je comprenais ce qu’elle ressentait, ses doutes, ses déchirements si légitimes, ses acceptations et ses refus, ses nuits blanches et ses douleurs. Tout comme d’ailleurs, je comprenais le désir de son père.
Ce texte n’est pas un condensé de conseils pratiques, un résumé des textes de lois français en matière de fin de vie. Il est le témoignage d’une histoire incroyable survenue à une famille, de deux femmes qui ont eu le courage d’agir selon le désir de leur père, de faire passer d’abord son propre souhait avant le leur. J’ai trouvé ces deux femmes fortes face à cette épreuve.
Ce témoignage n’est pas larmoyant, même si je n’ai pas pu m'empêcher de pleurer à chaudes larmes à la fin du livre pour cette famille qu’elle m’a fait aimer. Ce père étonnant, attachant, si vivant malgré les souffrances et affres de son âge. Ces deux sœurs différentes mais si soudées. Deux filles qui aiment leur père et qui souhaitent l’accompagner jusqu’au bout.
Ce n’est pas non plus un étalage de bons sentiments, des pages de caramel tendre « on s’aime à la vie, à la mort ». Non, cela sonne vrai et juste. Emmanuèle Bernheim ne cache pas les défauts des uns et des autres, ni les heurts, les rancœurs ou encore les conflits qui existent dans toutes les familles. Elle montre aussi les réactions diverses, parfois violentes, de leur entourage, réactions selon les croyances et convictions personnelles.
Ce livre porte sur un sujet grave et j’aurais même tendance à penser qu’il est d’intérêt public. Nous avons le droit de voter (considéré comme assez intelligent pour élire ceux qui voteront les lois), de payer des impôts. Nous avons le droit de nous prendre des crédits à la consommation, de manger bio ou dans des fast-foods, de jouer à des jeux d’argent (de boire encore un peu et de fumer pas trop), de payer la redevance TV, même s’il n’y a rien ce soir à la télé, de nous bourrer de tranquillisants et d’anxiolytiques… Mais, nous n’aurions pas le droit de décider quand nous considérons que maintenant, ça suffit, c’est trop douloureux, qu’on n’est plus à même de profiter de la vie ? De vivre ?
Emouvant, parsemé de quelques touches d’humour, « Tout s’est bien passé » restera gravé en moi, sans nul doute. Impossible pour nous, lecteurs, de ne pas se projeter, de ne pas réfléchir à notre propre vie, à notre entourage, à soi-même lorsque viendra l’heure où le tic-tac n’aura plus le même rythme ni le même éclat. A moment ou à un autre, nous sommes tous confrontés à la mort, au corps qui ne répond plus comme avant, à la tête qui ne tourne plus dans le bon sens, aux maux qu’on ne peut guérir. Je sais alors que je repenserai à ce qu’Emmanuèle nous a raconté.
Ce texte fait à la fois résonner l’importance de profiter de la vie, d’en profiter un maximum, tant qu’il est encore temps et bien entendu, de profiter de ses proches, de ses parents. Mais c’est aussi un récit sur la liberté… celle du choix de vivre décemment, celle de notre droit de vivre et de mourir dignement.
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Ce livre n'est pas une grande oeuvre littéraire, l'écriture est sans fioritures, familière, presque banale. Mais son intérêt n'est pas là.
Par son sujet douloureux et universel, il nous pousse à réfléchir.
Que ferais-je si un proche diminué ou condamné exigeait que je l'aide à en finir ? Et pour moi-même ? Oserais-je formuler cette terrible demande ? Et surtout : quelqu'un serait-il prêt à l'entendre et à y accéder ?
Un thème que nul ne peut esquiver parce que chacun de nous est susceptible de se trouver dans la situation d'Emmanuèle Bernheim ou de son père : celui qui exprime la demande ou celui qui la reçoit. Parce que personne ne peut être certain d'avoir une fin de vie paisible.
Ce texte est dérangeant parce qu'il nous bouscule dans notre petit confort et nous ramène brutalement à une réalité que nous préférerions éviter : il nous rappelle sans ménagement que nous sommes tous mortels et ça, même si nous le savons, nous n'avons pas vraiment envie d'y penser.
Emmanuèle Bernheim nous raconte la fin de vie de son père, et son livre m'a touchée. Parce qu'à travers sa simplicité, on le sent authentique. Pas de grands effets tire-larmes, non, mais un récit sans fard dont la sincérité m'a émue. Emmanuelle Bernheim ne cherche pas à enjoliver, elle nous raconte les évènements tels qu'elle les a vécus.
Qu'il a dû être difficile d'accepter la demande d'un père, certes diminué, mais sans souffrance physique excessive. Un père à très forte personnalité qui a toujours voulu tout maîtriser dans sa vie... et qui veut tout contrôler jusqu'au bout, qui veut absolument anticiper et ne pas laisser arriver le moment où il ne pourra plus être maître de son destin.
Oui, cela a dû être terriblement difficile, voire insupportable. Mais avec sa soeur, Emmanuèle Bernheim a fait face.
Un récit fort dans lequel les relations familiales sont très bien mises en lumière : Emmanuèle et sa soeur d'une part, les deux soeurs face à leur père d'autre part.
Finalement, au-delà de la mort du père, c'est de la vie que ce livre nous parle.
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André Bernheim est un collectionneur d'art reconnu. Alors qu'il a quatre-vingt huit ans, et qu'un accident vasculaire cérébral le laisse diminué, il demande à sa fille ainée, Emmanuèle, de l'aider à mourir.
Quand leur père tombe malade, Emmanuèle et sa soeur Pascale se relaient auprès de lui. Commence alors une période où Emmanuèle s'attache à tous les détails de la vie ordinaire, comme pour enfouir la requête de son père. Mais celui-ci n'est pas homme à qui on peut refuser quelque chose, fût-ce la mort. André Bernheim n'admet pas la déchéance physique et veut rester maître de son destin.
Pourtant cette demande est-elle recevable par un enfant ? N'est-ce pas de l'égoïsme, pense-t-il au dilemme que cela représente pour ses proches ? Cette demande est indissociable du contexte familial et des rapports père-filles. Emmanuèle craint peut-être de décevoir André, comme le jour où elle a eu peur de sauter d'un train en marche. C'est un rapport de force où le père a souvent eu le dessus.
Rapidement, les questions pratiques vont s'ajouter au questionnement personnel ; le suicide assisté, puisque c'est de cela qu'il s'agit, est interdit en France. Il va donc falloir organiser un voyage en Suisse et se soucier de l'aspect légal avec l'aide d'un avocat.
Ce livre d'Emmanuèle Bernheim, évidemment très personnel, est intéressant pour les questions qu'il pose. Il n'y a pas de réponses universelles à la fin de vie, il n'y a que des réponses individuelles. Dès lors comment légiférer. Certains pays, comme la Suisse et la Belgique, ont apporté une réponse -imparfaite bien sûr, mais elle a le mérite de laisser une alternative à ceux qui estiment que leur vie n'est plus qu'une survie.
Tout s'est bien passé pose le problème d'une société où l'allongement de la vie oblige souvent parents et enfants à gérer une déchéance physique et intellectuelle liée au grand âge. Certains préfèreraient avoir le choix de leur fin de vie. Nous devons tous y réfléchir car nous sommes inévitablement tous concernés.
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