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Critiques de Emmanuelle Heidsieck (34)
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Il faut y aller, maintenant

Dans un futur très proche, un coup d’État militaire a fait basculé la France sous une dictature d’extrême droite, un « mélange d’ultralibéralisme et d’État policier » comme au temps de Pinochet au Chili. La narratrice Inès, veuve septuagénaire d’un PDG du CAC 40, n’en revient pas de se retrouver sur les listes des « éléments subversifs », en raison, semble-t-il, de ses anciennes bonnes œuvres : sous ce régime gauchophobe, le bénévolat auprès de migrants et de personnes fragiles a mauvaise presse, et la voilà toute aussi indésirable que les Juifs et les Musulmans déjà pourchassés en masse.





Alors qu’elle réalise que, pour elle aussi, l’heure est venue de partir pour un exil vraisemblablement définitif à son âge, la panique l’étreint. Dans l’attente angoissée de la camionnette qui doit venir les chercher pour les conduire subrepticement au Bourget - elle et sa bonne mauricienne qui a proposé de l’héberger là-bas, dans son île -, Inès ne peut empêcher les mots de couler en un long monologue à l’adresse de cette femme dont on ne fait que deviner les réponses. Se remémorant avec remords les signes avant-coureurs sur lesquels, dans son aveuglement et sa lâcheté, elle avait préféré fermer les yeux, elle revient également sur sa vie et sur son histoire familiale, en une confession encore incrédule où dominent la honte et la culpabilité.





Nostalgique et douloureux, son discours interroge sur les responsabilités, entre assentiments et indifférences, d’une génération qui, rétamée par une « forme de dépression latente » face à l’amoncellement des menaces, ne se sent plus toujours la force d’agir et de réagir, préférant alors compromis et compromissions dans une attitude globale de déni, d’évitement et de passivité. Se souvenant des difficultés à sortir du silence bâti par la honte et par l’effroi autour de la Shoah, mais aussi de « l’honnête homme » que fut son grand-oncle, lui qui préféra sacrifier sa carrière de préfet plutôt que de trahir son ministre de tutelle, « Dreyfus de la Grande Guerre », Inès nous conjure avec les mots de Michael Berenbaum : « Les choses sont difficiles à regarder. C'est pourquoi nous devons les regarder. Elles provoquent en nous un sentiment de honte non parce que nous sommes les criminels, mais de la honte parce que nous appartenons à la même espèce que les auteurs de ce crime. Mais si vous êtes mal à l’aise tant mieux. Si nous sommes toujours à l’aise, si nous avons l’esprit tranquille, alors une part profondément morale de notre humanité s’est brisée et a disparu. »





Alors, courage ou évitement : ce conte philosophique - que l'on pourra trouver déconcertant et, au début, assez désagréablement logorrhéique -, nous rappelle, qu’un jour ou l’autre, de toute façon, il faut choisir son camp, et qu’à les laisser pourrir, les situations n’en finissent par moins par nous rattraper. Tôt ou tard, il faudra bien y faire face et se dire : "Il faut y aller, maintenant..."


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A l'aide ou Le rapport W

Étrange roman, dans lequel deux haut fonctionnaires préparent un rapport...

Et quel rapport, qui doit éclairer le gouvernement sur la pénalisation de l'acte désintéressé! le retraité sympa qui aide ses voisins âgés gratos, crac! en taule avec une belle grosse amende. Non mais! Qu'est-ce que c'est que ces empêcheurs de commercer en rond!?... Tout ces services rendus gracieusement, qui échappent au circuit financier et au but lucratif.

A et B, les fonctionnaires, vont donc passer en revue tous les aspects de cette générosité gratuite en la diabolisant au maximum par des arguments spécieux et pseudo scientifiques.

Un nouveau pays de cocagne va apparaître, avec des emplois nombreux dans les services payants d'aide à la personne, de garde des enfants en lieu et place des grand-parents interdits et de...location d'amis. Ça va très loin, vous savez!... jus qu'à la rémunération d'informateurs ( pardon, d'observateurs) chargés de signaler les contrevenants à l'acte rémunéré!

La belle machine des ordonnances et des décrets d'application va, bien sûr, lancer la mécanique du cauchemar...

Étrange roman, dont le thème peut sembler quelque peu excessif et appuyé, mais pas tant que cela: quelques signaux font parfois craindre ce replis sur soit qui va occulter notre générosité naturelle. Aïe.

Et puis, en continuant la réflexion à laquelle nous invite ce livre malin - hin-hin, j'en suis venu à me demander si ce n'est pas cet individualisme forcené induit par ce rapport qui va se retourner et produire l'effet contraire à celui recherché?... A creuser, au vu de la chute du bouquin.
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A l'aide ou Le rapport W

Certaines actions bénévoles, comme l'aide aux démunis, arrangent l'Etat.

On se souvient d'un Président inaugurant fin 2017 le début de la campagne hivernale des Restos du Coeur - malaise...



D'autres font de l'ombre à l'économie capitaliste.

Un voisin qui taille ta haie, ce sont des heures de 'Services d'aménagement paysager' (code Ape 8130Z) en moins ; une mamie qui garde les petits-enfants de manière régulière, et hop, manque à gagner pour les crèches, assistantes maternelles, centres de loisirs (8891A), et donc pour les caisses de l'Etat et de la Sécurité sociale.



Dans cette histoire, deux fonctionnaires du Ministère de l'Intérieur sont mandatés pour rédiger un rapport qui servira de base au texte de la loi contre l'ADS ('Aide Don Service'). Il s'agit de définir le cadre, les peines encourues pour les délits de concurrence déloyale envers les secteurs officiels (et donc marchands) du tourisme, du bâtiment, de l'aide à la personne, du conseil aux particuliers...

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Qu'en penses-tu ?



• Thèse : bonne idée ! Toi-même, tu fronces les sourcils quand tu vois quelqu'un faire du stop au bord de la route (il connaît pas Blablacar, lui ? y a vraiment des profiteurs/assistés, je te jure !)

• Antithèse : au secours, où va la société capitaliste avec sa logique du profit à tout crin !? Car tu es adepte du prêt de bouquins, du don de fringues ou de jouets, du troc de fruits & légumes, de l'achat d'occasion entre particuliers, du bricolage au noir, etc.

• Synthèse : l'économie souterraine doit être encadrée, y a déjà assez de chômeurs. De toute façon, la générosité, c'est louche. Si tu fais des trucs gratos, soit tu attends quelque chose en retour, soit tu as besoin de te sentir 'bon', voire d'asseoir une supériorité...

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Si tous ces sujets te passionnent, lis ce livre !

Ce court roman d'anticipation est plein de bon sens et de réflexions pertinentes.

Partant du contexte actuel de 'crispation', il interroge sur la solidarité, l'altruisme, la générosité, l'amitié, le bénévolat, la gratitude, le donnant-donnant, les bons comptes qui font les bons amis, et tout le plaisir est pour moi...

On se demande pourquoi on aime donner/partager/aider, et pourquoi, parfois, on dit 'stop, merde, basta' (à ses enfants, ses collègues, sa famille), pourquoi on se replie dans sa coquille, persuadé que l'égoïsme et l'individualisme, ça a du bon, et chacun pour sa gu3ule, bon sang !



On trouve aussi des portraits réalistes sur le monde professionnel, entre cadres ambitieux et sans scrupules. Et on se pose la question de l'éthique dans certaines missions de la fonction publique.



Un sujet d'actualité, plus encore maintenant, assurément, que lors de la première édition de l'ouvrage en 2013 (voir la surveillance des dons faits aux bénéficiaires du RSA).

Un livre intelligent, cynique, qui nous confronte à nos paradoxes - j'adore être bousculée comme ça !

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• Merci à Babelio et aux éditions du Faubourg !
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Il faut y aller, maintenant

Zone de turbulences



Dans son nouveau et court roman, Emmanuelle Heidsieck imagine la fuite d'une vieille dame après un coup d'État militaire en France. Un départ dans l'urgence qui est l'occasion de confidences, d'un regard en arrière et la construction d'une nouvelle solidarité.



Inès a près de 70 ans et doit se résoudre à quitter Paris. Il est vrai qu'après le coup d'État qui vient d'avoir lieu, elle n'a plus guère le choix. Elle a refusé la proposition de ses enfants de les suivre à Montréal, espérant encore que la situation allait s'améliorer. Au contraire, elle s’aggrave au point que sa sécurité n’est plus garantie. C'est donc dans l'urgence qu'elle a pris la décision d'accompagner Aida – sa femme de ménage depuis trente ans – à l'Île Maurice. Une sorte d’inversion des rôles qui va nous donner un dialogue savoureux. En fait de dialogue, on va bien vite se rendre compte qu’il tourne au monologue, Aida restant silencieuse. «Partir sans trop se retourner, c’est ce qu’il faut faire, sinon je n’y arriverai pas. Les larmes aux yeux, partir. Tout abandonner, ma vie à mes pieds. Trouver la force de m’extraire de mon monde.»

Tout le roman est concentré sur les minutes qui précèdent le départ, en attendant le véhicule qui doit les conduire au Bourget où un avion privé a été affrété. En faisant le tour de l'appartement, passant su salon à la salle à manger, la cuisine, les chambres et le bureau avant de terminer dans l'entrée, ce sont des questions futiles que se pose la vieille dame tout autant que des interrogations majeures. Face à la montée des extrêmes, n'y avait-il pas moyen de faire autrement? Faut-il désormais renoncer à tout et partir ou rester malgré tout? Les hommes politiques de la famille ont-ils failli? Ont-ils d'abord cherché leur intérêt de classe avant l'intérêt général?

On voit ainsi combien cette dystopie résonne avec notre époque troublée, résonne comme une mise en garde.

C'est sur un rythme haletant, quelquefois en élaborant de simples listes qu'Emmanuelle Heidsieck a construit ce roman. Un état d'urgence que l'on sent dès les premières pages, une tension qui ne va pas faiblir, d'autant que le chauffeur n'arrive pas. N'oubliez pas de prendre une bonne respiration avant de commencer, car sur les pas d'Inès, c'est quasiment en apnée que vous lirez ce livre ô combien nécessaire !




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Trop beau

Les malheurs du trop beau Marco



Dans une tragi-comédie fort bien documentée, Emmanuelle Heidsieck raconte les déboires d’un homme trop beau pour être honnête. Un roman qui est aussi une réflexion piquante sur la judiciarisation croissante de notre société.



À priori Marco Bueli a tout pour réussir. Sorti ingénieur de l’école polytechnique de Lausanne, il trouve rapidement un emploi. Mais son expérience professionnelle va être courte durée, tous comme les suivantes. Trois licenciements consécutifs qui le poussent à réagir. Car il a cerné les causes du mal, il est trop beau! La preuve? «La première fois, sa supérieure hiérarchique lui a fait des avances. Elle était séduisante, il a cédé, il a fini par avoir une aventure avec elle. Elle avait un petit côté Pénélope Cruz. Elle semblait très accrochée. Ce n’était pas du harcèlement, elle lui plaisait. Naturellement, elle était mariée. Cela ne se termine jamais bien ce style d’histoires dans l’entreprise. C’est toujours le subordonné qui trinque. Licencié pour motif personnel.» Du coup, il a voulu changer d’univers et, sur le conseil de son oncle, s’est orienté vers une banque privée. Mais cette fois le poste n’était pas fait pour lui. L’erreur de casting étant dû à une chef des RH qui a succombé à ses beaux yeux. Le troisième fois, au sein de la direction Stratégie et Développement du groupe Daym, il a été victime de la jalousie de ses collègues qui n’ont cessé de la harceler jusqu’à ce qu’il cède la place. Un triple échec qu’il entend ne pas laisser sans suites et engage le combat sur le terrain juridique.

Après tout, il n’est pas le seul dans son cas et peut s’appuyer sur de nombreux cas similaires, notamment aux États-Unis où, plus qu’en France, on n’hésite pas à porter plainte pour à peu près tout et n’importe quoi et réclamer des millions de dommages et intérêts. En portant l’affaire devant les prud'hommes, il veut se persuader que la «discrimination fondée sur l'apparence physique» fera jurisprudence.

Tout le sel du récit tient ici aux références à des faits divers, des livres, des séries télévisées et des films et mêmes des contes dont on peut imaginer comment un juge pourra traiter l’argument.

Et à propos d’arguments, la seconde partie du roman, baptisée «Making-of», va pouvoir les détailler et en tester la pertinence à travers un groupe de parole qui, comme un chœur de tragédie grecque, va servir ici de caisse de résonnance avant un épilogue dont je vous laisse goûter la teneur et découvrir si les «Trop beaux» auront gain de cause.

Emmanuelle Heidsieck a le style efficace, sans fioritures, l’ironie mordante et un ton moderne, mâtiné d’anglicismes. Autrement dit, le texte colle parfaitement au propos pour le plus grand plaisir du lecteur.


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Il faut y aller, maintenant

Voilà une oeuvre apparemment dystopique, dont on aimerait qu'elle ne soit pas un jour terriblement actuelle, ce qui acterait en même temps sa destruction certaine



Une femme atteignant la dernière partie de sa vie parle à une autre femme, dont on ne connaîtra pas les réponses.

Cette construction dramatique appelle à mon avis une adaptation au theâtre, par laquelle elle prendrait encore plus de force.

Car la femme qui monologue n'évoque pas seulement son passé personnel et les peripéties de sa vie. Il s'agit là de l'attente du départ sans retour vers l'exil.



Tous les exiles le savent: le départ entraîne une perte irrémédiable, une rupture irréparable, la mort de la vie d'avant.

Mourir à une partie de soi-même pour conserver la possibilité de vivre: c'est le lot de tous les persécutés, de tous les refugiés, de tous les "déplacés.", victimes de guerres génocidaires ou de dictatures, de famines ou de conflits ideologiques ou religieux.



Mais ici le texte prend une force particuliere car il situe la conséquence ultime d'un effondrement democratique progressif, face auquel la narratrice n'a rien fait, ou si peu.



La femme qui nous parle repère dans les souvenirs de a vie, les glissements, compromissions, renoncements successifs aboutissant à cette attente angoissée des passeurs successifs qui exfiltreront plusieurs personnes menacees de mort par une dictature militaire alliée à une idéologie ultra libérale.





J'ai ete tres secouee par ce texte, qui m,'évoque celui d'Anna Seghers sous l'occupation nazie, ainsi que sa splendide adaptation cinématographique par Christian Petzold, Transit.

Je recommande la lecture de Il faut y aller, maintenant, à tous ceux qui s'interrogent sur leur avenir personnel, et au sein du collectif démocratique., ainsi que sur l'usage déclinant du droit de vote.Merci à Babelio et Masse critique, merci aux editions du faubourg.
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A l'aide ou Le rapport W

Vous connaissez l'ABS (pas celui des autos, même si Carlos Gh. en est spécialiste), corollaire de la place de l'argent dans nos sociétés capitalistes, si répandu chez nos dirigeants ?

Dans ce roman d'anticipation, l'auteur nous fait découvrir le délit d'ADS (Aide, Don, Service). Le Ministre de l'Economie a commandé à des technocrates un Rapport sur les actes d'entraide, qui entravent en effet la marchandisation de nombreuses activités. Ainsi, la garde d'enfants par les grands-parents s'effectue au détriment des nourrices dont c'est le métier. De même, héberger gracieusement quelqu'un constitue une concurrence déloyale à l'égard de ceux qui mettent leur bien en location.

Dans cette société individualiste, il devient nécessaire de légiférer sur le sujet, et de réprimer toutes les formes d'assistance apparemment désintéressées.

Pour qu'il soit plus efficace, le Rapport commandé devra d'ailleurs montrer que ce désintérêt n'est qu'une façade et que l'aidant attend a minima de la reconnaissance de la part de ceux qu'il assiste.

Le don n'est cependant pas totalement prohibé, puisque les cadeaux de Noël resteront bien sûr autorisés : ils dopent le commerce !



Cette dénonciation d'une technocratie libérale poussée à l'extrême n'est pas aussi caricaturale qu'on pourrait le croire de prime abord, à une époque où Cédric Herrou doit se battre devant les tribunaux pour pouvoir simplement porter assistance à des personnes en danger auprès de sa ferme.



Ce roman est malheureusement plein de lucidité : le Pape y publie une encyclique qui réaffirme l'importance du lien social et du don, qui vient contredire les projets gouvernementaux ? C'est embêtant, d'autant que les quelques pratiquants restants sont plutôt dans le camp gouvernemental. Mais les politiques et les technocrates ont de la ressource : « Le pouvoir se devait donc d'être dans la posture dites des 'Glières', soit : j'écoute, j'entends, j'approuve et je fais le contraire en m'assurant d'une médiatisation raisonnable. »

Cela ne vous rappelle personne ? A propos des Glières, Wikipédia évoque Sarkozy qui alla rendre hommage aux résistants sur le plateau du même nom pendant sa campagne électorale de 2007 (comme s'il eût choisi le camp des résistants s'il en avait eu l'occasion ! ; imitant les pèlerinages de Mitterrand à Solutré). Cette stratégie me fait plutôt penser à Macron en matière d'écologie (beaucoup en parler, tout en promouvant une organisation contraire aux bonnes intentions exprimées).



Ce texte est également une formidable invitation à réfléchir sur nos rapports aux autres et à l'argent.
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A l'aide ou Le rapport W

Le récit se passe en terre hostile.

Au Ministère de l'Intérieur.



L'administration est mise à mal et les fonctionnaires mis à rude épreuve par leurs supérieurs hiérarchiques respectifs. C'est imminent. Un rapport est à rendre : le rapport sur l'ADS l'Aide, le Don, le Service , ou l'ASD, le service d'aide à la personne à domicile.



A charge B de rédiger ce rapport. B travaillait jusqu'ici au Ministère des Finances alors ça devrait bien se passer. Rédiger ce rapport sur l'ADS, c'est un peu comme rédiger un rapport sur le travail au noir après tout, puisqu'il s'agit avant tout de préparer le terrain pour la législation à venir sur l'ADS.



Il s'agit de faire passer un décret avec pour objectif de préserver le marché, de lutter contre la concurrence, et de lutter en conséquence contre tous ces délinquants qui aident leur prochain, sans contrepartie, ce qui est inconcevable, n'est-ce pas ? Qui fait ça, à notre époque ?



C'est un coup à mettre les aides aux domiciles au chômage si les voisins s'entraident ou si la famille se préoccupe de trop près des parents les plus âgés, si les parents divorcés passent trop de temps avec leurs enfants. Il faut penser à ceux qui travaillent voyons ! Il ne faut pas laisser mamie et papi récupérer le petit Billy à la sortie de l'école, sinon, qu'adviendra-t-il des garderies, ou des baby-sitters ?



On peut pousser plus loin la réflexion et se demander, en période de canicule, ce qu'il adviendra du secteur économique des pompes funèbres si les voisins ou la famille se mettent à distribuer des verres d'eaux aux personnes âgées les plus fragiles qui ne peuvent plus s'hydrater, seuls ?



Non, vraiment, heureusement que C a été arrêté en sortant de chez Mme X. Il risque de la détention et surtout, 100 000 € d'amende car c'est un multirécidiviste voyez-vous : il a distribué X verres d'eaux. À ce niveau-là, ce n'est plus de la délinquance. Non, C est un criminel.



Heureusement que l'Etat Providence est là. Et heureusement que l'auteur, Emmanuelle Heidsieck nous a rédigé son rapport W, sa dystopie à la Perec, pour nous prémunir contre ces délinquants qui s'insurgent qu'on distribue des verres d'eaux, au risque de faire s'effondrer le système économique.
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A l'aide ou Le rapport W

Imaginez une minute, vous aidez votre voisin a tondre sa pelouse, vous conseillez votre meilleure amie sur son mariage, vous gardez les enfants de votre soeur et là, vous vous faites arrêter, enfermer, et juger !

Un monde où la générosité, le don, l'entraide, la solidarité sont un délit, passible d'une grosse amende et de plusieurs années d'emprisonnement.

Un monde où le moindre bonjour et le moindre sourire pourrait faire tourner votre vie à l'horreur.

Ce monde existe dans ce livre et cette loi écrite par deux hommes : A et B.

A, homme ambitieux et tyrannique s'en donne à coeur joie pour la rédaction de cette loi, ne voyant que tout ce que ca pourrait lui apporter.

B, martyre et total opposé de A, se soumet, désabusé...



Quel roman ! Une petite pépite qui nous met face à notre société actuelle qui prône l'individualisme, l'ambition, l'homme avant l'humain...

Un critique acerbe et acide de nos dérives sociales !
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A l'aide ou Le rapport W

Qui n’a pas un jour prononcé la phrase « tu es gentil » avec un peu de pitié ou de condescendance ? Voici une lecture utile, pour se rendre compte qu’il faut chérir la gentillesse, et ses acolytes désintéressés, l’envie de donner ou bien d’aider l’autre, comme ça, juste pour rien.



Dans un futur très proche - si proche -, en 2015, deux fonctionnaires du ministère de l’intérieur rédigent le rapport W, visant à mettre en place un nouvel arsenal législatif et répressif pour éradiquer toutes les actions individuelles sous forme d’une aide, d’un don ou d’un service désintéressé : donner un vêtement à un SDF, arroser les plantes ou nourrir le chat du voisin, garder ses petits-enfants chaque semaine … toutes ces activités non rémunérées qui échappent ainsi au secteur marchand, et sont présentées par les autorités comme le fait d’individus irresponsables et malfaisants.



Emmanuelle Heidsieck ourle la fiction de faits et discours réels, et dévoile ainsi tout le potentiel de violence et de destruction des relations humaines que porte en elle la marchandisation de toutes les sphères de la vie - représentée par la haine entre A et B, les deux fonctionnaires rédacteurs du rapport. Ceux qui gênent le développement de la marchandisation sont dépeints comme de vrais déviants, et la répression cible bien sûr en premier les plus faibles, les individus isolés plutôt que les associations. Toute ressemblance avec des faits réels est intentionnelle, et ce court roman, simple et efficace, fait bien froid dans le dos.

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A l'aide ou Le rapport W

À Bercy, A et B planchent sur un fléau français qu'il convient de combattre à coups de réglementations avec amendes et peines de prison à la clé. Oui, oui, il faut mettre les moyens pour dissuader Monsieur Z de rendre service à Mademoiselle Y. La direction ADS veille car les services que l'on se rend : prêter une perceuse, conseiller un dentiste ou donner une chemise nuisent à l'économie. Mort au don ! Fini la gratuité !

La brigade est un peu embarrassée par la dernière encyclique papale "Caritas in veritate" mais enfin, bon, le Pape....

Et c'est ainsi qu'un beau matin, un professeur à la retraite est arrêté et menotté pour avoir voulu rendre service.

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J'ai beaucoup aimé l'aspect déshumanisé des personnages qui donne à l'histoire une froideur, un côté futuriste où règne l'absurde. La scansion des remerciements a toute sa place pour servir l'atmosphère. Quant à la fin, elle est très bien réussie et m'a beaucoup plu.

Attention ! Cette histoire est une décharge électrique, certes non mortelle mais assez vivifiante pour nous rappeler que l'absurde est à notre porte. Qui sait si depuis ces derniers temps nous ne l'avons pas frôlé, accepté.
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A l'aide ou Le rapport W

Bannir l'entraide gratuite pour dégager de l'espace marchand : beau roman soigneusement terrifiant.



Publié en août 2013 chez Inculte, dans la collection LaureLi qu'y anime désormais Laure Limongi, le quatrième roman d'Emmanuelle Heidsieck poursuit le travail d'imagination qui est désormais quelque peu sa marque de fabrique, à savoir l'exploration romanesque aussi près du terrain que possible (terrain qu'elle connaît particulièrement bien en tant que journaliste) des abîmes humains et sociaux que préparent, volontairement et involontairement, les politiques guidées par les idéologies du tout-économique et de la marchandisation à outrance.



L'astuce narrative utilisée - les détails fort peu anodins en réalité, de la confection, dans un climat d'arrivisme ministériel et de résignation administrative subtilement rendu, d'un rapport officiel, travail de l'ombre confronté durant son élaboration à des faits divers qui le nourrissent et le font résonner - fonctionne remarquablement bien, et produit cet effet glaçant que le romanesque aux allures de document bureaucratique ou politique brut, lorsqu'il est réussi, crée au plus profond du lecteur, surtout bien entendu, lorsque le cheminement futur évoqué est minutieusement accompagné de mesures DÉJÀ prises depuis une dizaine d'années, parfaitement authentiques, elles (que l'on songe par exemple - ô nostalgie - aux magnifiques nouvelles de Serge Lehman qui précédaient sa trilogie "F.A.U.S.T.")..



Un roman bref (140 pages) mais d'une force dévastatrice pour aider à ressentir dans sa chair intellectuelle la signification profonde d'un terme tel que "concurrence déloyale vis-à-vis de services marchands légitimes", amenant donc, fort logiquement, à proscrire sous peine d'amendes et de peines de prison, le coup de main, l'entraide, le don, la gratuité, en dehors du (très) strict cercle familial et d'un bénévolat de charité sociale (très) étroitement encadré, afin de dégager et baliser de nouveaux espaces de marché où trouver la croissance du profit dont on a si désespérément besoin le système économique actuel...



Une belle réussite, soigneusement terrifiante.
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A l'aide ou Le rapport W

Ce roman d'anticipation est actuel, si actuel en fait que l'auteur a décidé de placer son histoire en 2015 (le roman a été écrit en 2013).

On y suis deux fonctionnaires, A et B, chargés de rédiger un projet de loi (ou plutôt d'ordonnance) visant à interdire l'entraide et la solidarité.

Ce projet intitulé et le délit D'ADS (pour Aide, Don, Service) vise à protéger à tout prix le commerce et la concurrence.

Ainsi dans ce régime, que les deux fonctionnaires qualifient d'autoritaire, tout acte de solidarité, de gentillesse, d'altruisme, et vu comme un délit passible de sanction (amende, emprisonnement).

Afin de s'assurer la coopération de la population et des autorités, les altruistes sont décrits soit comme des malades mentaux, soit comme des manipulateurs cherchant à obtenir quelque chose des personnes qu'ils aident.

Ainsi toute une liste de délits va être établie par ces deux fonctionnaires, dont un est zélé et enthousiaste et l'autre résigné et soumis.

Une grand-mère regarde régulièrement ses petits-enfants? Elle c'est donc une concurrence déloyale aux crèches, nounous, assistantes maternelles, ou centres de loisirs.

Une fille dévouée fait quelques courses et un peu de ménage à son père âgé? Elle se rend coupable de concurrence déloyale envers les services d'aide à la personne.

Ce qui rend ce roman encore plus troublant et effrayant, c'est que l'auteur l'émaille de faits et de discours bien réels, tel une décision de la Commission européenne soulignant que le caractère non lucratif d'un établissement n'est pas un critère pertinent pour le soustraire aux règles de la concurrence.

Ce capitalisme poussé à l'extrême, cette commercialisation de tous les aspects de la vie, tout cela semble être de la science-fiction, mais pourtant, on s'en rapproche de plus en plus avec le contexte économique actuel et les actions de nos gouvernements successifs.

C'est un roman qui fait d'autant plus froid dans le dos, que si les choses continuent sur leur lancée, il pourrait bien devenir notre avenir.
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Trop beau

Une satire au message intéressant mais qui laisse le lecteur sur sa faim... (plus d'infos : https://pamolico.wordpress.com/2020/03/17/trop-beau-emmanuelle-heidsieck/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Trop beau

Lu dans le cadre de l'opération Masse Critique, je remercie donc Babelio ainsi que les Éditions du Faubourg. Un petit livre agréable qui se lit rapidement, j'ai beaucoup aimé le ton, l'écriture, et l'originalité du sujet. Il est question ici de fait de société, et plus particulièrement de lutte contre les discriminations, notamment dans le monde du travail. L'auteure dénonce, à travers l'histoire un peu surprenante de Marco (qui estime avoir été lésé à cause de sa trop grande beauté), certains excès conduisant finalement tout un chacun à se plaindre pour tout et rien et à se considérer, à tord ou à raison, comme victime. Mais bien qu'il faille donc sans doute voir ironie et humour dans ce récit, je ne l'ai cependant pas ressenti sous cet angle là, car Marco m'a beaucoup touchée, et personnellement il ne m'a pas semblé ridicule ni excessif. Et j'ai adoré sa “plaidoirie” ! Je l'ai trouvée remarquable et vraiment bien menée. On retrouve pas mal de références aussi, à des personnages célèbres, à des contes, des séries télévisées etc. Ce n'est pas du tout mon genre de lecture habituel, je ne connaissais pas l'auteure, mais je pense que je me pencherai sur d'autres de ses ouvrages car c'est une jolie découverte.
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Trop beau

Trop beau

Marco a tout pour plaire : il est beau. Jamais il n’a du se forcer pour attirer l’attention. Tous les regards se tournent instantanément vers lui. Famille, amour, travail : tous sont à ses pieds. Pourtant, il se retrouve au tribunal. Licencié trois fois, il doit se rendre à l’évidence. C’est son aspect physique qui en est la cause. Trop beau : il attire aussi toutes les jalousies. Ses collègues n’en peuvent plus de passer au second plan. Ils lui mènent la vie dure. L’égalité des chances est pour tout un chacun et il compte bien faire comprendre qu’il est victime d’un délit de belle gueule.

Le livre est très court (100 pages) et je suis complètement passée à côté. Je n’ai vraiment pas compris où l’autrice nous amenait. A prendre au premier ou au second degré ? Ce Marco est-il réellement à plaindre ou se moque-t-on de lui a travers ses petits (faux ?) problèmes ?

Beaucoup de références dans ce court récit et pourtant elles reviennent toutes systématiquement (amateurs de Downton Abbey et Desperate Housewives vous y trouverez votre compte).

Le quatrième de couverture nous annonce dénoncer l’individualisme et l’extrême liberté qui nous permet de nous plaindre de n’importe quel détail dérangeant dans notre vie. Ok ! Mais alors il aurait fallu développer un peu plus...

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A l'aide ou Le rapport W

2015 n'est pas si loin...



On est en 2015, tout commence par l’arrestation d’un professeur de droit à la retraite qui a aidé un de ses voisins. Il fait partie de ce petit nombre de personnes qui résiste à la loi du tout profit : des amis rendent service, des grands-parents gardent encore leurs petits-enfants, des voisins surveillent des chats,...



Mais A et B sont là pour veiller à ce que cela cesse. Ils sont chargés par le Ministère de l'Intérieur de rédiger un rapport pour en finir avec« l’ADS » - Aide Don Service-, insoutenable concurrence faite aux entreprises d’aide à domicile, de services à la personne,... On a demandé à ces deux fonctionnaires que tout sépare -A, le jeune quadra aux dents longues, et B, cinquantenaire parachuté de Bercy, encore attaché à l’ancien monde- de définir une politique de lutte contre tous les comportements non lucratifs afin que triomphe l’économie marchande : il s’agit non seulement de fixer un cadre mais aussi d’organiser un système de détection et de répression avec des sanctions pénales. Les recherches documentaires sont confiées à un jeune stagiaire qui s’occupe de constituer les études de cas qui étayeront le rapport en particulier dans sa partie la plus délicate, celle consacrée à l’entraide familiale. Quant à B, il compose en complément un lexique d’expressions qui seront à bannir de toute conversation.



L’infime décalage de deux ans plonge le lecteur dans un monde au futur si proche qu’il semble déjà presque présent d’autant que l’auteure cite des directives de la Commission Européenne et les circulaires françaises qui ont préparé le terrain dans les années 2000. Il y a aussi les annexes du rapport ; elles présentent les différentes auditions effectuées et lui permettent d’analyser comment on est passé « de la charité à la solidarité » puis à l’Etat providence via la philosophie des Lumières, de s’interroger sur le nouvel essor du troc et les monnaies locales, sur les réseaux sociaux,…



Une dystopie, à l’écriture scénaristique et rythmée, qui amène à réfléchir sur ce qu’est l’aide dans nos sociétés et sur ce vers quoi peut conduire le discours du tout profit.
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Trop beau

Après son troisième licenciement à 36 ans – bien qu’issu d’une prestigieuse école d’ingénieurs -, Marco Bueli décide d’assigner son dernier employeur aux Prud’hommes pour discrimination. Marco est beau, trop beau : voilà la cause de tous ses problèmes. Au milieu d’un groupe de paroles, genre Alcooliques Anonymes où la perfection physique semble être la seule tare, Marco va se sentir moins seul et au fil du temps asseoir la légitimité de sa demande.

Le propos peut prêter à sourire tant il paraît superflu et incongru dans un monde qui n’a de cesse de nous vendre des corps retouchés, signes d’une perfection instillée par la publicité. Le coach du groupe libère la parole, appuyant à coups de références littéraires, historiques ou statistiques, le sentiment des participants d’avoir finalement jusqu’ici vécu en victimes de leurs propres corps. Trop beaux·belles, les membres du groupe à la plastique irréprochable se racontent : les jalousies dès la cour d’école, parfois même au sein des familles, les entraves ici et là parce qu’ils·elles attirent trop la lumière, la solitude parfois de ces êtres trop parfaits nés dans un monde qui n’arrive pas à les accepter complètement, tant ils le renvoient à sa propre imperfection.

Un roman original certes – relevant l’absurdité d’une société individualiste où tout prétexte peut devenir matière à procès – mais qui m’a tenue sans cesse au bord du chemin, les nombreuses références (dont le coach inonde les membres du groupe) altérant, à mon goût, le fil narratif. Mais paradoxalement, ce sont ces références que je retiendrai, pour la lumière nouvelle qu’elles m’ont apportée sur certains de nos classiques, notamment les contes. Là où l’on a l’habitude d’étudier la figure du méchant, Emmanuelle Heidsieck interroge, elle, les (trop) gentils beau et belle. De quoi aller replonger dans les livres (oui encore!).
Lien : https://31rstfloor.wordpress..
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Trop beau

Marco Bueli a 36 ans, il sort d’une très bonne école d’ingénieur. Tout devrait lui sourire et pourtant, il a déjà été licencié 3 fois parce qu’il est… trop beau. Alors il décide de se pourvoir aux Prudhommes et participe à un groupe de paroles de gens beaux.

Un petit roman très ironique qui semble prendre le contrepied de l’idée reçue selon laquelle tout réussit aux beaux dans notre société : amour, travail et relations sociales. Mais le discours est tellement outré qu’il dit le contraire et montre que l’on peut dire tout et son contraire. Il dénonce une société clivée dans laquelle chacun a le sentiment d’être discriminé. Chacun se sent victime de la société.

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A l'aide ou Le rapport W

Un roman dystopique qui fait froid dans le dos. En effet, le gouvernement décide d’interdire les services gratuits. On a pas de mal à se projeter dans notre réalité et imaginer que cela pourrait être réel. Cette spécialiste des questions sociales nous montre que la frontière entre les services gratuits et payants est mince.

Le livre est écrit avec une extrême finesse et une justesse qui contribue à nous questionner.
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