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EAN : 9782493594136
120 pages
Editions du Faubourg (06/01/2023)
2.94/5   8 notes
Résumé :
« Je me suis perdue dans mes pensées. Et à présent, c’est le départ.

Un dernier coup d’œil à cette pièce que je ne reverrai jamais. Le bureau, avec les affaires d’Alexandre, je n’y ai pas touché. Partir sans trop se retourner, c’est ce qu’il faut faire, sinon je n’y arriverai pas. Les larmes aux yeux, partir. Tout abandonner, ma vie à mes pieds.

Trouver la force de m’extraire de mon monde. Réprimer ces larmes qui montent, pas question. ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Dans un futur très proche, un coup d'État militaire a fait basculé la France sous une dictature d'extrême droite, un « mélange d'ultralibéralisme et d'État policier » comme au temps de Pinochet au Chili. La narratrice Inès, veuve septuagénaire d'un PDG du CAC 40, n'en revient pas de se retrouver sur les listes des « éléments subversifs », en raison, semble-t-il, de ses anciennes bonnes oeuvres : sous ce régime gauchophobe, le bénévolat auprès de migrants et de personnes fragiles a mauvaise presse, et la voilà toute aussi indésirable que les Juifs et les Musulmans déjà pourchassés en masse.


Alors qu'elle réalise que, pour elle aussi, l'heure est venue de partir pour un exil vraisemblablement définitif à son âge, la panique l'étreint. Dans l'attente angoissée de la camionnette qui doit venir les chercher pour les conduire subrepticement au Bourget - elle et sa bonne mauricienne qui a proposé de l'héberger là-bas, dans son île -, Inès ne peut empêcher les mots de couler en un long monologue à l'adresse de cette femme dont on ne fait que deviner les réponses. Se remémorant avec remords les signes avant-coureurs sur lesquels, dans son aveuglement et sa lâcheté, elle avait préféré fermer les yeux, elle revient également sur sa vie et sur son histoire familiale, en une confession encore incrédule où dominent la honte et la culpabilité.


Nostalgique et douloureux, son discours interroge sur les responsabilités, entre assentiments et indifférences, d'une génération qui, rétamée par une « forme de dépression latente » face à l'amoncellement des menaces, ne se sent plus toujours la force d'agir et de réagir, préférant alors compromis et compromissions dans une attitude globale de déni, d'évitement et de passivité. Se souvenant des difficultés à sortir du silence bâti par la honte et par l'effroi autour de la Shoah, mais aussi de « l'honnête homme » que fut son grand-oncle, lui qui préféra sacrifier sa carrière de préfet plutôt que de trahir son ministre de tutelle, « Dreyfus de la Grande Guerre », Inès nous conjure avec les mots de Michael Berenbaum : « Les choses sont difficiles à regarder. C'est pourquoi nous devons les regarder. Elles provoquent en nous un sentiment de honte non parce que nous sommes les criminels, mais de la honte parce que nous appartenons à la même espèce que les auteurs de ce crime. Mais si vous êtes mal à l'aise tant mieux. Si nous sommes toujours à l'aise, si nous avons l'esprit tranquille, alors une part profondément morale de notre humanité s'est brisée et a disparu. »


Alors, courage ou évitement : ce conte philosophique - que l'on pourra trouver déconcertant et, au début, assez désagréablement logorrhéique -, nous rappelle, qu'un jour ou l'autre, de toute façon, il faut choisir son camp, et qu'à les laisser pourrir, les situations n'en finissent par moins par nous rattraper. Tôt ou tard, il faudra bien y faire face et se dire : "Il faut y aller, maintenant..."

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Zone de turbulences

Dans son nouveau et court roman, Emmanuelle Heidsieck imagine la fuite d'une vieille dame après un coup d'État militaire en France. Un départ dans l'urgence qui est l'occasion de confidences, d'un regard en arrière et la construction d'une nouvelle solidarité.

Inès a près de 70 ans et doit se résoudre à quitter Paris. Il est vrai qu'après le coup d'État qui vient d'avoir lieu, elle n'a plus guère le choix. Elle a refusé la proposition de ses enfants de les suivre à Montréal, espérant encore que la situation allait s'améliorer. Au contraire, elle s'aggrave au point que sa sécurité n'est plus garantie. C'est donc dans l'urgence qu'elle a pris la décision d'accompagner Aida – sa femme de ménage depuis trente ans – à l'Île Maurice. Une sorte d'inversion des rôles qui va nous donner un dialogue savoureux. En fait de dialogue, on va bien vite se rendre compte qu'il tourne au monologue, Aida restant silencieuse. «Partir sans trop se retourner, c'est ce qu'il faut faire, sinon je n'y arriverai pas. Les larmes aux yeux, partir. Tout abandonner, ma vie à mes pieds. Trouver la force de m'extraire de mon monde.»
Tout le roman est concentré sur les minutes qui précèdent le départ, en attendant le véhicule qui doit les conduire au Bourget où un avion privé a été affrété. En faisant le tour de l'appartement, passant su salon à la salle à manger, la cuisine, les chambres et le bureau avant de terminer dans l'entrée, ce sont des questions futiles que se pose la vieille dame tout autant que des interrogations majeures. Face à la montée des extrêmes, n'y avait-il pas moyen de faire autrement? Faut-il désormais renoncer à tout et partir ou rester malgré tout? Les hommes politiques de la famille ont-ils failli? Ont-ils d'abord cherché leur intérêt de classe avant l'intérêt général?
On voit ainsi combien cette dystopie résonne avec notre époque troublée, résonne comme une mise en garde.
C'est sur un rythme haletant, quelquefois en élaborant de simples listes qu'Emmanuelle Heidsieck a construit ce roman. Un état d'urgence que l'on sent dès les premières pages, une tension qui ne va pas faiblir, d'autant que le chauffeur n'arrive pas. N'oubliez pas de prendre une bonne respiration avant de commencer, car sur les pas d'Inès, c'est quasiment en apnée que vous lirez ce livre ô combien nécessaire !


Lien : https://collectiondelivres.w..
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Voilà une oeuvre apparemment dystopique, dont on aimerait qu'elle ne soit pas un jour terriblement actuelle, ce qui acterait en même temps sa destruction certaine

Une femme atteignant la dernière partie de sa vie parle à une autre femme, dont on ne connaîtra pas les réponses.
Cette construction dramatique appelle à mon avis une adaptation au theâtre, par laquelle elle prendrait encore plus de force.
Car la femme qui monologue n'évoque pas seulement son passé personnel et les peripéties de sa vie. Il s'agit là de l'attente du départ sans retour vers l'exil.

Tous les exiles le savent: le départ entraîne une perte irrémédiable, une rupture irréparable, la mort de la vie d'avant.
Mourir à une partie de soi-même pour conserver la possibilité de vivre: c'est le lot de tous les persécutés, de tous les refugiés, de tous les "déplacés.", victimes de guerres génocidaires ou de dictatures, de famines ou de conflits ideologiques ou religieux.

Mais ici le texte prend une force particuliere car il situe la conséquence ultime d'un effondrement democratique progressif, face auquel la narratrice n'a rien fait, ou si peu.

La femme qui nous parle repère dans les souvenirs de a vie, les glissements, compromissions, renoncements successifs aboutissant à cette attente angoissée des passeurs successifs qui exfiltreront plusieurs personnes menacees de mort par une dictature militaire alliée à une idéologie ultra libérale.


J'ai ete tres secouee par ce texte, qui m,'évoque celui d'Anna Seghers sous l'occupation nazie, ainsi que sa splendide adaptation cinématographique par Christian Petzold, Transit.
Je recommande la lecture de Il faut y aller, maintenant, à tous ceux qui s'interrogent sur leur avenir personnel, et au sein du collectif démocratique., ainsi que sur l'usage déclinant du droit de vote.Merci à Babelio et Masse critique, merci aux editions du faubourg.
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Tout d'abord, je tiens à remercier la masse critique Babelio pour l'envoi de ce livre.
Nous suivons, le cours de pensée d'Inès tout au long de ces 100 pages. Malgré sa très courte longueur, je dois avouer que j'ai eu beaucoup de mal à m'y mettre, je ne comprenais pas le contexte lors des premières pages. Aucun décors n'est posé, on entre directement dans un monologue de notre narratrice sans vraiment savoir en quelle année nous sommes, ni de qui il s'agit. Je trouve que ce manque de détails rend la lecture difficile. Pour ma part, si je n'ai pas un minimum d'informations, j'ai beaucoup de mal à m'y plonger complètement... L'avantage c'est qu'il n'est vraiment pas long donc il peut passer en lecture intermédiaire pour se changer un peu les idées avant d'attaquer un nouveau livre plus costaud.
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J'ai gagné ce livre dans le cadre des Masses critiques de Babelio que je remercie ici.

Je ne connaissais pas l'auteure qui a pourtant écrit une douzaine de romans, nouvelles et documents. Mais il y a tant de monde dans la littérature !

Ce roman ne compte qu'une centaine de pages. Je l'ai donc lu en un jour et...bon, c'est fait, voilà. Je n'ai pas trop adhéré à l'histoire ni à la façon dont elle est racontée.

Une centaine de pages de monologues qui se déroule dans différentes pièces d'une maison. Dans chaque chapitre, la narratrice (dont on ignore le nom) change de pièce. Les deux derniers chapitres se déroulent dans un aéroport puis dans un avion.

L'histoire se passe à Paris de nos jours. Un coup d'état a eu lieu. Des milliers de personnes ont pris la fuite, des milliers ont été emprisonnées ou exécutées.

La narratrice n'a pas voulu partir de chez elle. Divorcée une première fois, veuve une seconde fois, elle se retrouve donc seule : ses enfants sont partis vivre au Canada.

Le récit se déroule sur un seul jour, le jour où la narratrice se décide enfin à quitter la France pour se rendre à l'ile Maurice en compagnie de son interlocutrice, une musulmane et de son mari. Elle se trouve, en effet, sur les listes des "éléments subversifs", car elle a notamment aidé des migrants.

En attendant la camionnette qui les emmènera à l'aéroport du Bourget, elle se remémore des histoires passées allant de la guerre 14 à nos jours en passant par la guerre 40 et les camps de concentration.

J'ai trouvé ça un peu décousu. le thème est intéressant, mais je n'ai pas trop aimé la façon dont Emmanuelle Heidsieck le traite dans son roman.

Ce roman ne me donne pas envie de poursuivre la découverte de l'auteure.
Lien : http://phildes.canalblog.com..
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critiques presse (2)
LeMonde
21 mars 2023
Percutant à défaut d’être toujours subtil, le sixième roman d’Emmanuelle Heidsieck est peut-être d’abord une histoire de mots auxquels il faut prêter attention.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LesEchos
16 janvier 2023
A la vérité, ce roman glaçant comme une lame de couteau traite d'un moment que l'on peut tous connaître. Ce moment où l'on doit décider s'il vaut mieux fuir ou rester, assumer ou rompre.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
Dans le salon
Il nous prend en bas ? Mon Dieu, comment vous remercier ? Il arrive dans combien de temps ? Là, d’un instant à l’autre ? Quelle chance que cela ait pu se goupiller avec votre mari, vraiment comment vous remercier, de toute façon sans vous je ne m’en sortais pas, c’était la catastrophe, je ne sais pas ce qui se serait passé vous savez, probablement… je ne sais pas…
Il vient nous prendre avec sa camionnette de livreur ? Son patron la lui a laissée avant son départ ? Son patron a tout laissé, oui, comme tout le monde. C’est quand même une chance qu’il puisse nous emmener, qu’il ait un véhicule, vous avez vu, plus un taxi, plus rien, les transports en commun c’est devenu compliqué avec ces patrouilles, ces contrôles, et avec des valises on aurait vite fait d’être repérées, même avec un gros sac, même… enfin… Je ne sais pas par quel moyen nous aurions pu, vraiment, il aurait fallu, je ne sais pas. Le Bourget, vous vous rendez compte, c’est à Pétaouchnok, c’était impossible, il n’y a pas à dire, vous me sauvez, littéralement, merci vraiment, je ne sais comment vous remercier.
Je me suis mise dans de beaux draps, dans une de ces situations, oui c’est de ma faute. J’ai voulu croire qu’on me laisserait tranquille à mon âge. Je le reconnais, cette idée de devoir partir, de tout quitter, c’est… ce n’est pas…
Venez deux minutes, asseyons-nous en l’attendant. Vous ne vous êtes jamais assise ici, c’est normal, mais tout de même, comme ça vous vous serez assise une fois dans ce salon. Il arrive dans combien de temps à votre avis ? Si j’avais imaginé que nous partirions ensemble. Et que vous m’emmèneriez chez vous. Qui aurait pu imaginer une chose pareille ? Je sais, je vous ai aidée à acheter votre maison à Drancy il y a vingt ans, Drancy – La Courneuve comme vous dites. Ce n’était rien, franchement. Je vous ai aidée à obtenir des papiers, il faut dire que c’était plus simple à l’époque, vous avez même obtenu la nationalité. Oui, c’est vrai, j’ai aussi appelé mon cousin, administrateur au Crédit Mutuel, vous avez eu votre prêt, une très jolie maison d’ailleurs, ces pavillons des années trente en brique rouge, le toit pointu, très bien choisie, bon, pas de jardin mais une courette pour mettre une table quand même. Non, vraiment, on ne va pas en faire un plat. C’était le minimum que je puisse faire. Et vous, toujours à me remercier, à me dire que je faisais partie de votre famille désormais, je me souviens de votre joie quand vous avez signé la promesse. Il faut dire, c’était un beau parcours ! On peut parler d’intégration. Vos fils qui travaillent bien au collège Eugène-Delacroix de Drancy. L’aîné qui fait un master 2 éco-finance et qui a décroché un poste à responsabilités au Crédit Agricole. Le second embauché à la mairie de Saint-Denis. Vous vous êtes bien débrouillée.
Il a du retard, non ? C’est normal ? D’accord. Et maintenant, vous m’invitez chez vous, vous m’accueillez. Je suis tellement abasourdie, je n’ose vous dire, c’est un geste, je n’en reviens pas, vous ne me laissez pas tomber, je ne suis pas habituée à ça, vous savez, ici à Paris, on doit le reconnaître, ça a toujours été un peu le chacun pour soi, mais là, disons-le, vous me sauvez la vie. Rien que ça.
Si vous saviez comme je m’en veux. Je n’arrivais pas à me décider. Dans l’ensemble, j’ai mené ma vie sans être trop stupide. Mais là. On peut dire que je me suis complètement fichue dedans. Je m’en mords les doigts. Vous me comprenez ? Oui, vous aussi, vous faites partie des derniers à partir. Tout laisser. Votre maison. Mon appartement. Il ne faut pas se faire d’illusions. Ce sera pillé. On peut avoir toutes les portes blindées de la terre. Vous voyez tout ça, ces meubles, ces tableaux, ces objets de famille, de mes parents, de mes grands-parents… Vingt kilos de bagages, c’est une rigolade. Non, mais vous, vous aviez une bonne raison de rester avec votre sœur à l’hôpital depuis des mois. Tandis que moi, j’ai fait un blocage. C’est grotesque. J’ai honte, je vous jure. Ils sont tous partis avant que ça ne dégénère. Vous vous souvenez quand mes enfants ont décidé de s’installer à Montréal, c’était il y a deux ans déjà. Je disais que je les rejoindrais plus tard. Ce que je pensais. Tu parles. Ils ont fermé leur frontière. C’était un flot continu de Français qui débarquaient. Au bout de deux cent mille, ils ont commencé à paniquer. Et clac, fermé. De toute façon, maintenant, il n’y a même plus de vols vers le Canada. Il semble que plus de deux millions de personnes aient quitté le pays, les personnes visées : des républicains, des musulmans, des juifs, des immigrés, des étrangers et bien d’autres encore…
C’est difficile pour moi d’en parler. Non, je vous en prie, pas de larmes, nous devons tenir le coup, non ? Sinon… C’est vrai qu’au départ, vous étiez la nounou des enfants, Delphine et Guillaume. Vous avez été si affectueuse, avec un faible pour Delphine. Vous l’avez connue si petite. Et vous me disiez toujours qu’il manquait une fille dans votre maison, que les filles c’est mieux.
Et puis ensuite, ce sont tous les proches, la famille, les amis qui, les uns après les autres, sont partis. Sauf ceux qui ont tourné casaque, bien sûr. Ça c’est quelque chose à avaler. Tout le monde me disait « tire-toi », « mais qu’est-ce que tu fabriques ? », « tu es sur les listes, tu sais », « mais qu’est-ce que tu attends ? » Quelle idiote. Il faut le faire. Que de temps perdu. Se retrouver là, prise au piège. Votre mari est en route, n’est-ce pas ? Il va arriver ? Il va arriver dans combien de temps ?
Ce n’est pas simple à mon âge de tout quitter. On sait qu’on ne reviendra pas. C’est parti pour durer ce pouvoir fort, ces militaires, ces fascistes, au moins une vingtaine d’années. Après le chaos qu’on a traversé. Les exactions, les privations. Cela a fini par ressembler à une guerre civile, sans cesse des gens qui faisaient le coup de poing, le besoin d’en découdre. Ce n’est pas une excuse, mais je pense quand même que c’est plus dur pour les personnes de mon âge. C’est pour ça que j’ai eu du mal à me décider.
Ah, je l’oublie toujours, nous avons le même âge. Vous faites tellement plus jeune que moi. Quelle chance vous avez, pas une ride. Vous me disiez que l’on demandait à votre fils de trente-huit ans où était sa sœur. Cela ne m’étonne pas. J’aurais rêvé d’avoir la peau mate comme vous. Ce sont vos origines indiennes. Vous avez l’air d’une gamine. Mais non, vous n’êtes pas trop petite. Je vous ai déjà dit que pour une femme, c’est très bien d’être petite. Il ne faut pas être trop grande. Pour un homme, par contre… Combien déjà ? 1 mètre 54 ? Oui, mais cela vous va très bien, sur quelqu’un de menu comme vous. Vous trouvez que vous avez grossi ? Oui, on a tous grossi ces derniers temps, au moment des confinements, mais vous, vraiment, cela ne se voit pas. Il se fait attendre ou il est dans les temps ? J’espère qu’il sera passé sans encombre. Une camionnette, c’est pas mal pour passer inaperçu. Il y a quelque chose d’inscrit dessus ? Non ? Elle est toute blanche ? Aïe ! Dommage qu’il n’y ait pas marqué « plomberie-électricité » ou « dépannages rapides ». Même eux ont compris qu’on ne pouvait pas supprimer les réparateurs, que cela pouvait leur servir. Et si vous alliez nous chercher un verre ? Non, ne bougez pas. J’y vais. Vous voulez un jus de fruit ? Il y a des moments où mon cœur se met à accélérer à l’idée qu’on reste coincées ici, qu’il y ait un contretemps. Je crois que je vais me prendre un verre de vin.
Cela fait un moment que Paris s’est vidé. Cela a commencé bien avant les événements. Onze mille départs par an depuis 2011 avec une nette accélération depuis l’épidémie. Cela a créé une drôle d’ambiance, fermetures de classes par manque d’enfants, boutiques abandonnées et délabrées, désolation dans certains quartiers. J’avais bien aimé cette citation de Houellebecq dans Sérotonine : « Dès qu’on parle de quitter la France tous les Français trouvent ça formidable c’est un point caractéristique chez eux, même si c’est pour aller au Groenland ils trouvent ça formidable. » Paris s’est vidé, la France s’est vidée depuis plus de dix ans. La plupart des enfants de mes amis, après leurs grandes écoles, sont partis vivre aux quatre coins de la planète. Bien entendu, aujourd’hui, c’est tout autre chose.
Tenez. Il restait un peu de jus d’orange. Je me suis ouvert une bouteille de vin blanc. Vous êtes sûre que vous n’en voulez pas ? Je ne dis pas qu’on va se soûler, mais c’est tellement angoissant cette attente, un petit verre, ça ne peut pas faire de mal. On va essayer de tuer le temps. Oh, vous tremblez. Vous vous inquiétez pour votre mari, je comprends. Il va passer, j’en suis certaine, je vous l’ai dit. C’est parfait l’allure d’un réparateur, même d’un livreur, c’est pas mal. Bon évidemment, le soir, un livreur en camionnette c’est un peu plus bizarre que le jour, les livreurs de pizzas, de bò búns ou de burgers, ils sont à scooter ou à vélo. On doit l’avouer, une livraison en voiture la nuit c’est un peu le détail qui cloche. Mais non, je vous assure, ça va aller. Il était livreur de quoi déjà ? Ah oui, de vêtements dans le Sentier, oui, oui, vous m’aviez dit. Depuis son arrivée en France, il y a vingt-huit ans, le même emploi, un CDI, quelle stabilité… Il a eu le chômage partiel pendant le Covid ? Oui, bien sûr, pendant le premier confinement. Attendez, j’ai une idée, je vais aller chercher un peu de vodka pour votre jus d’orange, une goutte, comme un médicament, ça va vous faire du bien. Non ? Vraiment ? Ça va mieux ?
Vous savez, on est entre de très bonnes mains avec ce Monsieur Robert Leblanc. C’est quelqu’un sur qui on peut compter. J’ai une confiance absolue. Nous le prendrons sur le chemin, derrière la Madeleine, rue de l’Arcade, un quartier relativement discret. Les nouveaux dirigeants se sont installés rive gauche, dans les palais de la République, dans les ministères, on pouvait s’en douter. Vous allez voir, il pa
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Les choses sont difficiles à regarder. C'est pourquoi nous devons les regarder. Elles provoquent en nous un sentiment de honte non parce que nous sommes les criminels, mais de la honte parce que nous appartenons à la même espèce que les auteurs de ce crime. Mais si vous êtes mal à l’aise tant mieux. Si nous sommes toujours à l’aise, si nous avons l’esprit tranquille, alors une part profondément morale de notre humanité s’est brisée et a disparu. (Michael Berenbaum)
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« Est-ce qu'on s'allège dans l'exil ? On tire un trait ? On peut vivre une autre vie ? »
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Emmanuelle Heidsieck vous présente son ouvrage "Il faut y aller, maintenant" aux éditions Faubourg. Rentrée littéraire janvier 2023.
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