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Critiques de Emmelie Prophète (15)
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Les villages de Dieu

La lecture du roman Les villages de Dieu constitue tout un électrochoc. Âmes sensibles, vous êtes prévenues. Ça raconte l’histoire de Célia et, à travers elle, celle de son pays, Haïti. La république haïtienne ne l’a pas facile, depuis plusieurs décennies. Et il semble que les choses soient pires depuis le tremblement de terre de 2010. Et, à voir comment tourne le monde, je ne crois pas que la situation là-bas s’améliore sous peu. Dans ce roman, on retrouve de la misère humaine, beaucoup de misère humaine. D’ailleurs, le roman s’ouvre sur la protagoniste Célia qui découvre sa grand-mère morte. Cette dernière est chanceuse, elle a pu quitter ce monde dans la paix. Beaucoup d’autres n’ont pas cette chance et expirent sous les balles. C’est ainsi que périront plusieurs autres personnages de ce roman. C’est que la vie est dure, dans les cités haïtiennes.



« Je ne pouvais m’empêcher de penser à la générosité qui résistait à la très grande violence, la misère et l’indifférence qui existait dans la Cité. Féfé faisait partie de ceux qui aidaient, avec les moyens dont elle disposait, c’est ce qui permettait que tienne encore cet échafaudage fragile sur lequel on ajoutait chaque jour de la frustration et du désespoir. » (p. 139)



C’est ça, Haïti. Des gens qui survivent de jour en jour avec le peu dont ils disposent. Toutefois, pour plusieurs, ce n’est pas assez. Dans tous les cas, ce n’est pas une vie.



« Les gens étaient insensibles au délabrement généralisé, au chaos qui occupait chaque centimètre. Au fond, eux aussi ils étaient en ruine, autant que l’environnement dans lequel ils vivaient. » (p. 139)



La misère est à chaque coin de rue, presque dans chaque chaumière.



« Les femmes frappaient leurs enfants, leurs maris les frappaient, les petits se cognaient dessus, les voisins s’en mettaient plein la gueule au moindre prétexte ; des cris sortaient de partout et s’amoncelaient au-dessus de nos têtes de gros nuages annonciateurs de catastrophes diverses, de petites fins du monde, de ruptures. » (p. 191)



Devant l’échec des politiciens, le gouvernement qui ne fonctionne plus comme il le devrait, les infrastructures qui tombent en ruines, que faire? C’est alors que des chefs de gangs prennent le contrôle de quartier, soi-disant pour assurer la sécurité, la protection des habitants, mais c’est surtout une façon de faire de l’argent et, pour des garçons désabusés, agressifs et remplis d’hormones, une manière d’exercer un certain contrôle sur sa vie. Seulement, quand cela tourne à l’arbitraire et à la violence, ouf! Même la police n’ose plus pénétrer dans ces repères de brigands. Quand j’entends parler aux informations de quartiers sensibles, mêmes dans nos pays soi-disant riches, je me dis qu’il ne suffit que d’une catastrophe ou deux pour que la situation dégénère.



Tout ceci étant dit, la lecture des Villages de Dieu, de toute cette misère humaine ne fut pas trop pénible. Peut-être parce que la protagoniste, même si elle vit au milieu de tout cela, ne semble pas autant affectée. Elle observe mais ne se mêle pas trop. Elle se contente de documenter, de publier sur les réseaux sociaux. D’ailleurs, grâce à cela, elle augmente son nombre d’abonnés, attire l’attention de fournisseurs et améliore sa situation. Le roman se termine sur une lueur d’espoir. Du moins, pour Célia. Je ne mise pas sur le sort de la république haïtienne, du moins, pas dans un futur proche. Dans tous les cas, ce roman porte à la réflexion et, peut-être, à l'action. Comment aider?
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Le testament des solitudes

« Trois filles. Nées ici quand il ne fallait naître ni ici, ni femme. Entre champs morts et rivières tristes, le seul rêve dont elles avaient hérité était celui de partir ».



Trois soeurs. Nées à Gros-Marin dans le sud d'Haïti, dans la province bleue, à la fin de la seconde guerre mondiale. La première reste. La deuxième part. La troisième est dans une zone d'ombre entre les deux.



Trois cousines. La première s'apparente à un ange blanc sur l'île. La deuxième vit aux Etats-Unis dans l'oubli volontaire de ses origines. La troisième aime les aéroports, toujours entre Haïti et ailleurs, après les attentats du 11 septembre 2001.



Trois solitudes, six solitudes et plus encore. Un livre, comme un testament, pour raconter la vie de femmes haïtiennes, dans une écriture très poétique.



Le testament des solitudes est le premier roman d'Emmelie Prophète. Il sortira en librairie le 8 septembre 2022, soit un an après son dernier roman Les Villages de Dieu qui est extrêmement marquant.



Le roman Les Villages de Dieu a mis Emmelie Prophète en lumière hors d'Haïti, comme l'illustre le prix du rayonnement de la langue et de la littérature française qui lui a été décerné en 2021 par l'Académie française ou le Prix Carbet des Lycéens 2022, mais peut-être aussi dans son pays, puisqu'elle a été nommée le 17 janvier 2022 Ministre de la Culture et de la Communication d'Haïti.



Le roman Les Villages de Dieu est une oeuvre de la maturité, sur le pouvoir des gangs, les ghettos et les fléaux de la capitale haïtienne, Port-au-Prince, quand le testament des solitudes est une oeuvre de réflexion sur l'enfance, la condition des femmes, une déclaration d'amour à un pays tout en ambivalence entre beauté des campagnes et misère.



Emmelie Prophète a d'abord publié des poèmes avant ses romans, ce qui se dessine dans son écriture imagée et travaillée, sans doute plus encore dans le testament des solitudes que dans Les Villages de Dieu qui sortira dans la collection poche de Mémoire d'Encrier également en septembre.



Une autrice à découvrir pour approcher les réalités de la vie à Haïti, dans sa composante rurale avec Le testament des solitudes, ou dans sa composante urbaine avec Les Villages de Dieu.

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Les villages de Dieu

Le vendredi 12/03/2021, plusieurs policiers ont été tués et d'autres blessés lors de l'échec de l'opération antigang à Village-de-Dieu, à Port-au-Prince. Le Président de la République d'Haïti, Jovenel Moïse, s'est exprimé en indiquant « ce qui s'est passé à Village-de-Dieu aujourd'hui est révoltant. Des policiers sont tombés sous les balles des bandits, des blindés ont été incendiés. Ils sont tombés sur le champ de bataille, ils sont des héros ».



Emmelie Prophète a écrit son roman « Les villages de Dieu », sur des cités avec des noms à consonance biblique, de la capitale d'Haïti, antérieurement à ce fait divers, mais la fiction entre en résonance avec la réalité.



L'autrice met en lumière la pauvreté, le contrôle des gangs, la violence de ces zones de non-droit avec des habitants qui n'ont d'autres choix que de continuer à vivre dans ces cités.



Cécé, Célia, est une jeune fille qui a grandi, habituée au bruit des armes, dans la cité de la Puissance Divine, « où jamais il n'y avait eu de trêve, où la mort circulait à midi comme à minuit ». Élevée par sa grand-mère, elle a bénéficié d'un cocon protecteur jusqu'au décès de cette dernière, littéralement morte de peur, « les yeux exorbités », lors d'une soirée d'affrontement direct entre deux gangs ennemis.



Cécé a alors découvert le pouvoir de ses mots et de ses photographies diffusées sur les réseaux sociaux, dont la cession des droits lui a rapporté un peu d'argent avant de lui donner un statut d'influenceuse, autant recherché par les services marketing que par les chefs de gangs.



Cécé raconte la vie de la cité, dans sa maison avec un toit en tôle quand beaucoup sont bâchées.

Cécé raconte sa prostitution avec un client, quasiment unique, amoureux d'elle et qui souhaite quitter la cité.

Cécé raconte la vie de ses voisines, entre misère, petits commerces, dans une débrouille permanente.

Cécé raconte les gangs, leur violence, les impôts qu'ils prélèvent en échange d'un protectorat.

Cécé raconte les chefs de gangs qui savent qu'ils mourront jeunes, car d'autres veulent leur place.

Cécé raconte l'espoir mis dans le départ d'un fils ou d'une fille, qui se solde souvent par un échec.



L'écriture d'Emmelie Prophète est fluide et nous entraîne dans ce dédale de corridors où sont perpétrés tant de meurtres impunis, avec une succession de chefs de gangs, qui affichent tous leur volonté de rendre la vie meilleure pour les habitants de la cité, tout en instaurant le règne de la terreur.



« Les villages de Dieu », qui sera en librairie pour la rentrée littéraire 2021, est un roman qui fait sortir de sa zone de confort, utile pour se souvenir que nous n'avons pas tous la chance d'habiter dans un État de droit. Un récit poignant à découvrir !



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Le testament des solitudes

Emmelie Prophète nous livre un texte d’une rare force. Texte d’une centaine de pages qui emporte tout.

Une force et une rage telles qu’elles existent à Haïti. Un texte des solitudes autour de trois femmes entre Haïti et exil floridien.

Des femmes qui sont des mères, des sœurs, des filles. Chacune voulant rompre les héritages de servitudes pour atteindre des terres d’espoir.

Ce texte fait vivre l’écriture haïtienne et nous rappelle la langue de Dany Laferiere ou encore Lyonel Trouillot.

Haïti est un pays de démesure, de la pauvreté au tremblement de terre sans oublier la violence inhérente à cette pauvreté.

Le testament des solitudes est une réflexion sur le départ, le retour, la mort. La mort qui est aussi une partie de l’âme de Haiti.

’Passager autant qu’on peut l’être, emmitouflée dans mon héritage d’ombre et de silence, on est en octobre, on aurait pu être en juin ou dans un autre mois. Les mois , les heures, les jours ne sont que les métaphores de cette grande blessure en forme d’île, une large cicatrice ecartelée s6r la Mer des Caraïbes, toute sincère dans sa misère " Page 101



J’ai été emporté par ce texte et par la force qui émane de ses trois destins feminins qui se rencontrent.



Trois filles, nées en Haïti quand il fallait naître ni ici, ni femmes. Entre champs morts et rivières tristes, le seul rêve dont elles avaient hérité etait celui de partir. Page 9
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Les villages de Dieu

« Pour vivre dans la Cité, il fallait croire très fort au présent et l’inventer à chaque seconde. » Célia (Cécé La Flamme) vit dans la Cité de la Puissance Divine, contrôlée un jour par Freddy, détrôné sauvagement par Joël, lui-même blackboulé peu après par Cannibale 2.0 (Justin), lequel finit par tomber sous les balles de Jules César, dit Cassave. C’est le quotidien à Port-au-Prince qui compte plusieurs de ses villages mis à l’écart des lois et du gouvernement et que les petits caïds se disputent (Cité Bethléem, Cité Mercidieu, Cité Source Bénie, Cité Mains de Jéhovah). Tous, sous l’égide de Dieu et des divers pasteurs, se font la guerre nuit et jour, créant un régime de terreur pour leurs habitants. À vingt ans, Célia a déjà perdu sa mère Rosia, morte du sida, et sa GranMa Christa qui l’a élevée. Son tonton Fredo, assommé par l’alcool frelaté et ses désillusions, habite avec elle dans une masure au toit de tôle qui laisse passer chaleur et pluies diluviennes. La prostitution lui procure quelque revenu, mais à un seul client, il lui faut vite trouver autre chose. Le salut viendra par son téléphone mobile, un outil indispensable pour qui veut sortir de son milieu et ce, malgré les inévitables pannes d’électricité et l’indigence ambiante.

Les villages de Dieu, c’est un portrait saisissant et actuel d’Haïti, pays gangrené par la corruption, les guerres de gangs, les trafics en tous genres, la pauvreté et l’analphabétisme de ses citoyens. Les rêves y sont déformés par la violence et l’abattement généralisés. « (…) mais la vie c’était du sable mouvant par ici, il fallait saisir la brièveté des choses et s’en accommoder. »

Une lecture uppercut qui anéantit ces mots de Charles Aznavour : « Il me semble que la misère, serait moins pénible au soleil ».

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Les villages de Dieu

Crue et cruelle vie que celle des habitant.e.s de la Cité de la Puissance Divine.



Dans une succession de courts chapitres, Cécé, la narratrice nous fait découvrir une galerie de personnages, tous plus ou moins broyés par le quotidien. Tâcher de s'en sortir en grapillant un peu d'argent ici ou là. Redouter la pluie et pester contre ses conséquences. Ne jamais vraiment sortir de la Cité - et pour y faire quoi d'abord ? Attendre des nouvelles de l'étranger, que ce soit de la lointaine Amérique ou de la proche République dominicaine. Et tenter de rire lors des veillées funéraires où le griot local s'échine à amuser la galerie, se moquant du président, des gens présents, de ceux partis. De tout le monde. Sauf du chef du gang. Du chef du moment, car tous les anciens ne sont plus que des cadavres.



Ce roman, c'est un peu "La cité de Dieu" en version haïtienne et 2.0.

Les guerres de gangs, sans débuts ni fins, fils rouges du temps qui passe, rythment par leurs éruptions les aléas des vies, faisant naître les morts. Le tout sous les yeux des passant.e.s et les objectifs de leurs téléphones. Cécé, elle-même, trouvera là un exutoire, à défaut d'échappatoire.

La lutte pour la survie comme condition première de l'existence.



Merci à Mémoire d'encrier et à Babelio pour ce livre reçu dans le cadre d'une Masse critique.



Un roman fort, aux personnages pris dans des tourbillons de calamités, mais qui les traversent malgré tout, avançant vaille que vaille. Un voyage dans les méandres de la Cité de la Puissance Divine, mené avec talent et pudeur par Emmelie Prophète.
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Les villages de Dieu

Ouah qu’elle claque !



Emmelie Prophète nous a fait plonger sans oxygène et sans protection dans un monde que l’on ne connaît pas si on n’y est pas né.

Nous sommes confrontés à la violence, à la pauvreté, au manque d’éducation, au manque de culture, à la soif de pouvoir. On fait parfois le grand écart entre des faits qui nous paraissent irréels. Des gangs qui prennent le pouvoir dans les villages par avarice tout en agissant pour aider les habitants, mais en les maintenant quand même dans la terreur. Des jeunes femmes qui se prostituent pour se nourrir ou s’offrir des petits conforts.



Le livre se lit facilement. On reste accroché aux pages avec difficulté de mettre fin au moment de lecture. La vie du personnage principal nous happe. Nous avons envie de l’aider, de la sortir de cet univers vicieux. Elle aurait presque les moyens d'agir seule, mais elle ne l’envisage même pas. Elle ne connaît rien d’autre. Elle n'imagine pas sa vie ailleurs.

Certains chapitres m’ont laissé un peu perplexe. Le monde est tellement décalé du nôtre qu’il m'a été difficile de lire entre toutes les lignes.



On sent que l’auteure aime ce pays et qu’elle a envie de mettre en lumière ce qu’il s’y passe.



Ce que je retiens de ce livre : le pouvoir des femmes dans cette misère. Sans le savoir, elles ont le pouvoir, elles sont les artères de leur village.



Lecture appréciée et recommandée !
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Les villages de Dieu

Cécé. Célia Jérôme, habite une cabane faite de tôle, avec sa grand-mère « Grand Ma » et son oncle « Tonton Fredo » dans la Cité de la puissance de Dieu, 3ème circonscription de la ville de Port-au-Prince, Haïti.



Célia mène une vie de subsistance, une vie de misère, une vie où l’horizon n’apporte aucun avenir. Si ce n’est l’espoir de partir avec en tête le rêve américain, comme beaucoup, enfin, ceux qui ont le courage de vouloir fuir !



Le monde va s’écrouler quand son soutien Grand Ma disparait. Comment survivre dans un quartier miné par l’absence de loi, de travail, d’hygiène, de violence gratuite mais surtout par la présence des gangs. Un état dans l’état ; avec des querelles intestines pour savoir qui va commander et dont la mort de celui qui a pris le pouvoir, se sait être la prochaine cible. Une omniprésence du racket, organisé pour « protéger » les habitants…Ici règne la loi de la jungle, celle du plus fort… Une raison d’être ? Certes non ; juste d’oublier et ne pas chercher à comprendre ; car les gens n’attendent rien. En effet, dans ces quartiers la police ne se montre pas : impuissance, faiblesse de l’absence de la présence de l’état !



Cécé va pourtant trouver une ligne d’espoir quand elle pourra obtenir une faible rémunération, grâce à ses talents sur les réseaux sociaux ; et devient influenceuse. Elle ne veut pas se considérer comme lanceur d’alerte, mais, tenir un journal de photos de la vie de son ghetto et ainsi favoriser un lien social envers les déshérités de l’existence.



Mais pourquoi le sort s’acharne-t-il sur ce pays ; n’a-t-il pas déjà subi deux importants tremblements de terre, en janvier 2010 et août 2021 ! Et en outre il met en exergue le manque de moyens pour remédier à ces catastrophes naturelles ; et ajouter de la misère sociale, à celle déjà existante.



Un roman – un témoignage ? - d’une lecture aisée, sans fioritures, ni pathos qu’Emmelie Prophète, nous donne à méditer. Une société qui ne peut se passer de l’abnégation de toutes ces femmes qui malgré tout espèrent et toujours regardent vers le soleil qui se lève, vers l’espoir d’une vie meilleure.



Merci à Babelio et aux Éditions Mémoire d’encrier, de me permettre de connaître le témoignage de cette auteure.


Lien : https://bookslaurent.home.bl..
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Les villages de Dieu

Un livre coup de poing, où la narratrice nous invite là où personne ne pénètre, au cœur de la Cité de la Puissance Divine, à Haïti. Bidonville dur et sale, d’où elle nous raconte son quotidien bruyant, violent, crasseux, résigné.

On est loin de l’image des haïtiens qu’on nous vends comme pauvres mais heureux, car ce type de pauvreté ne trouve son bonheur qu’à travers la folie, la violence et le besoin futile d’être reconnu.





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Le bout du monde est une fenêtre

Quand sa grand-mère décède, Samuel, huit ans, sait qu’il doit quitter Suzanne, ce village pauvre de pêcheurs, pour partir tenter sa chance à Port-au –Prince. Il quitte le bord de mer pour une ville immense et sale où viennent s’échouer tous les miséreux.

L’enfant va de rencontres en rencontres, jusqu’à ce vieil homme, Marcel, qu’il aide dans son commerce d’alcool.

Devenu jeune homme, Samuel trouve de l’embauche dans un garage qui fait face à une drôle de maison penchée. Là vivent les mulâtresses Lilas et Rose, avec leur mère qui s‘enfonce dans la folie. Rose, qui ne sort jamais et qui a peur de la vie, reste des heures derrière le rideau de sa fenêtre à observer l’animation du garage. Elle a remarqué Samuel, solitaire et silencieux, si différent des autres, tandis que le jeune homme passe son temps à fixer sa silhouette derrière le voilage. Il se prend de passion pour la jeune fille à peine entrevue. Un monologue s’installe de part et d’autre de ces deux solitudes que la différence sociale sépare. Pour Samuel, Rose devient Metrès Dlo, cette sirène qui apporte la fortune aux hommes qu’elle se choisit, mais qui peut aussi les précipiter dans la mort.



Ce roman raconte deux vies, deux destins qui s’observent mais ne se rencontrent jamais si ce n’est dans l’imaginaire des personnages. Il y a une dimension fantastique quand Samuel évoque la sirène maitresse des eaux : Metrès Dlo.

Ce récit mêle réel et imaginaire sur fond de pauvreté et précarité. Tout au long de son parcours initiatique, Samuel croise différents personnages qui représentent ces figures du peuple : le chauffeur alcoolique, le vieux marchand d’alcool, les putes, les marchandes de soupe... De l’autre côté, loin de son monde, vivent les Labarre, cette vieille famille de mulâtres désargentée qui campe sur les décombres de sa richesse passée et de son rang social. L’auteur tisse un lien fragile entre ces deux mondes qui se côtoient en s’ignorant, elle brode une fresque sociale à laquelle s’ajoute la dimension fantastique de Metres Dlo, le tout dans un Port-au-Prince surpeuplé, bruyant et sale où se prépare le carnaval.



Bien documenté, ce roman se lit avec plaisir. On suit avec intérêt le parcours du jeune Samuel. L’auteur sait nous faire entrer dans l’univers de ses personnages qui traversent la vie avec une certaine fatalité, elle ne prend jamais parti.

L’histoire se déroule avec aisance et finit par se cristalliser sur l’observation distante et muette des jeunes gens, Rose derrière sa fenêtre et Samuel depuis le garage. Beaucoup de lenteur et de non-dits dans ces monologues secrets.

Le roman aborde le problème de l’errance, la filiation, le rapport à l’autre et la solitude jusqu’à la folie.

On peut ne pas aimer la lenteur et le manque d’action qui dominent, mais l’auteur ne dénonce pas la misère, la précarité d’une certaine population, elle raconte plus qu’elle ne témoigne et le lecteur doit se laisser glisser dans ce récit initiatique.

L’écriture est fluide, harmonieuse, elle est empreinte de poésie tout en restant simple.

Roman à lire pour les personnages, attachants, pour l’atmosphère bien décrite de Port-au-Prince, pour l’écriture sobre et poétique.







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Les villages de Dieu

Le roman d’Emmelie Prophète Les villages de Dieu redit avec force cette nécessité de conjurer le cours de l’Histoire à travers le pouvoir tout aussi tenace de la reconstruction par le biais de la fiction. Dany Laferrière dit d’ailleurs de ce roman qu’il est « le meilleurs livre sur Haïti », « le plus fort, le plus juste et peut-être le mieux écrit ».
Lien : https://lettrescapitales.com..
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Les villages de Dieu

Ouf! Excellent! Livre percutant sur la vie difficile voire cruelle en Haïti. Une réalité décrite habilement qui ouvre les yeux et le cœur face à ce que vivent les villageois dans les cités de ce pays. Assasinat, prostitution, courage et pauvreté sont quelques thèmes abordés.



La plume d’Emmelie Prophète est puissante.
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Le testament des solitudes

Une très belle écriture, intime, imbue de poésie et de sincérité, ce roman aurait cependant bénéficié d’une caractérisation plus claire de ces trois femmes, dont on a l’impression de ne voir qu’une silhouette un peu trop floue.
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Les villages de Dieu

Leurs romans décrivent le réel haïtien et explorent, pour y faire face, cette puissance de l’imaginaire ancré dans la culture de l’île.
Lien : https://www.lepoint.fr/livre..
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Le bout du monde est une fenêtre

J'ai aimé ce livre car il y a une idée qui se dégage à travers le personnage de Samuel. Dans ce livre Samuel représente chaque étudiant , soit Guyanais , Martiniquais... qui quitte son pays pour un voyage que l'on pourrait appeler "initiatique".

Comme Samuel , un jour nous allons devoir acquérir de l'éxperience dans un autre monde mais garder l'amour pour notre pays natal.
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