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Citations de Erwan Larher (99)


Tu persistes à penser que notre vraie inclination et de nous entraider, et nous entraimer (p.225).
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Ni témoignage ni récit, donc. Inventer autre chose. Forme. Langue. Creuser. Avoir l’audace de t’autoriser à mentir, même par omission. (…) Relater t’ennuie. Relater t’enferme. Dans l’advenu, le datable, les intervalles, la véracité. Dans des faits. Qui sont faits – fabriqués. Par la langue ; depuis une position, mentale ou géographique. Qui sont par nature rebelles. Il n’existe pas d’objectivité du réel.
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Tu persistes à penser que notre vraie inclination est de nous entraider, de nous entraimer. Quand on nous met en concurrence pour des emplois, des notes, des chronos, des partenaires sexuels, nous intériorisons la lutte, l’autre devient un adversaire ; quand on instille la peur et la méfiance, l’autre devient un ennemi.
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Marguerite n’aime pas ses fesses.
Elle fronce les sourcils. Ce que le français peut être imprécis, parfois ! Ces fesses que Marguerite n’aime pas pourraient êtres celles de n’importe qui. Si elle écrivait un roman, ce qui ne risque pas d’arriver (elle écrit mal et n’a rien d’intéressant à dire), il ne débuterait pas ainsi. Cette phrase-seuil sème la confusion. Elle choisirait plutôt un incipit in media res – croit-elle se souvenir, ses cours de construction narrative écaillés par l’inusage. Et puis le français n’incite-t-il pas au coulis narcissique de la première personne du singulier ? Je n’aime pas mes fesses, voilà qui est clair.
Marguerite n’aime pas ses propres fesses.
Bof… Outre d’étirer l’affirmation de penta- à heptasyllabes, et d’alourdir le propos, la phrase filigrane un « au contraire », une comparaison, esquisse des fesses que, par opposition aux siennes, Marguerite aimerait (celles de Jonas ?). Ou donne une nuance outrée à l’assertion : non mais tu te rends compte, elle n’aime même pas ses propres fesses !
Elle pouffe devant son reflet d’héroïne liminaire dans la psyché de la salle de bains, s’étonne du succès de son roman, commence à répondre à des interviews sur ses fesses – désormais, chacun sait que Marguerite Santa Lucia n’aime pas ses fesses. Les siennes. Ses fesses à elle. Son cul trop plat qui sépare à peine les cuisses du bas du dos. Un journaliste l’interroge : Et les fesses de Jonas, les aimez-vous ? Jonas, son mec depuis dix ans, est de taille moyenne, approche les trente-cinq ans (il s’en angoisse), perd ses cheveux (il s’en angoisse), dort en ce moment même, tandis qu’elle crème sa peau trop sèche, dans la chambre (ils vivent ensemble). Aime-t-elle les fesses de Jonas ? Elle n’en sait rien. C’est la première fois qu’elle se pose cette question. À cause du début hypothétique d’un roman qu’elle n’écrire jamais (elle est trop nulle).
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Tu m'as appris à me regarder de l'extérieur
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Comment c'est possible une douleur pareille , comment c'est possible , c'est pas humain , bon sang , pas humain .
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Un gars amusant qui joue au coin des rues , au carrefour de l'indifférence et du mépris
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Tu sais , je voudrais dire des choses sur notre vie de tous les jours , je cherche à comprendre à expliquer . Mais il n'y avait rien d'extraordinaire rien de particulier , sauf toi .
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Moi dont le plus haut fait du rébellion contre l'ordre établi consistait à traverser parfois alors que le petit bonhomme était rouge ( mais toujours dans les clous )
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C'est drôle, quasiment tous les écrivains de votre temps qui ont imaginé le futur l'ont peuplé de robots, de navettes spatiales, de technologie pour tous. Comment n'ont-ils pu anticiper que la goinfrerie consumériste de vos contemporains, qui ont vénéré la croissance jusqu'à en exploser, épuiserait en quelques décennies les réserves de métaux que pourtant ils qualifiaient déjà de rares?
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-(...) Ecoute, Arsène, je ne sais pas pourquoi des terroristes terrorisent, mais le fait est que nous ne pouvons négliger cette menace!
-La meilleure manière de ne pas négliger cette supposée "menace" n'est-elle pas de se demander ce qui l'a créée? Je crois que ça n'existe pas, les terroristes; par contre, des exclus, des humiliés, des laissés-pour-compte, j'en ai croisé beaucoup."
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" Je l'ai quittée sans une explication du jour au lendemain, ne revenant la voir que plusieurs mois plus tard, quand tout avait bien pourri, quand tout était bien sec - les yeux, les coeurs, les mots. Je n' aime pas choisir, je déteste me justifier, je fuis les conflits. "
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"Mais effectivement, quand on lutte pour ne pas crever, socialement et physiquement, on n'a pas le temps de réfléchir. La citoyenneté se révèle avec du recul une affaire sinon d'oisifs du moins de privilégiés. "
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Cette aventure m'aura au moins servi à voir l'homme derrière la figure paternelle : dur, insensible, égoïste et arriviste. S'il donne, c'est pour recevoir; il n'aime pas : il admire ou méprise.
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Finalement, je ne crois pas qu'il soit bon d'aller farfouiller derrière les sentiments - pas plus que de visiter les cuisines des grands restaurants.
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Le bonheur se partage mais le désespoir est solitaire.
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Bientôt treize heures au Crystal, l’unique bar de Saint-Airy. On peut sans surprise s’y désaltérer, ou s’y abreuver, pourvu qu’on n’ait pas de chichiteuses exigences : inutile en effet d’y commander un spritz, un Moscow mule ou une margarita, Annie ne connaît en guise de cocktails que le Picon-bière et le whisky-Coca. Elle est la serveuse du Crystal depuis la fin des années 1980. Elle a été embauchée par le père d’Oliver, l’actuel patron. Beaucoup de clients n’ont connu qu’elle ; c’est utile quand il faut virer un poivrot véhément ou refuser de servir un dernier verre. Personne ne lui résiste, quand c’est non c’est non.
Au Crystal, on vend aussi de l’espoir sous forme de jeux de hasard, paris sur des courses hippiques ou des événements sportifs, tickets à gratter. On y trouve des cigarettes pour fumer entre deux grattages perdants. Quelques journaux et magazines s’y périment pépères, comme le sel de céleri que le client de passage trop confiant aura le malheur de mélanger à son jus de tomates. L’endroit n’a aucun charme, pas même celui du pittoresque : éclairage jaunasse, peinture verdâtre, plafond crasseux, mobilier en plastique. Le changement le plus marquant de ces cinquante dernières années, c’est que les consommateurs doivent désormais sortir pour fumer.
Si Annie est bien lunée, elle vous préparera une omelette, décongèlera un croque-monsieur ou composera un sandwich. Le pain provient de l’unique boulangerie du village. Il n’est pas très bon. Le mardi, le jeudi et le samedi, Véro, la femme du patron, cuisine un plat du jour peu élaboré. Le mercredi, elle a ses gosses, et du dimanche midi au mardi matin, le bar est fermé. Aujourd’hui, bavette à l’échalote. La viande n’a pas été achetée chez Renaut, le boucher de Saint-Airy, mais au supermarché, où elle est moins chère. Si on veut garder un plat du jour à un prix raisonnable et sa marge, il faut faire des choix. Eddy et Géraldine Renaut mettent rarement les pieds au Crystal.
– Je vous jure, je ne sais pas si c’est un homme ou une femme !
Victor libère son rire tonitruant. Quelques têtes se tournent aux tables voisines.
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Le vieux qui perd la boule, sa femme et sa mère emportées par des cancers, Victor n’est pas idiot : il se doute que les engrais et les pesticides dont il asperge sols et cultures déglinguent le corps humain. Combien de fois est-il descendu du tracteur après une journée d’épandage avec une migraine à hurler et du sang dans son mouchoir ? Il se doute aussi qu’il pollue les rivières et les nappes phréatiques. Mais ce n’est pas sûr. Si ces produits sont nocifs, pourquoi sont-ils autorisés ? C’est bien la preuve qu’on ne sait pas, non ? Seuls quelques écolos enragés qui n’ont jamais mis les pieds dans une ferme réclament leur interdiction, selon le président du plus puissant syndicat d’agriculteurs, qui ne manque jamais une occasion de ridiculiser ces ayatollahs.
– Ton président, Victor, il est aussi patron d’un groupe d’agroalimentaire qui pèse sept milliards de chiffre d’affaires. Une interdiction de certains produits serait mauvaise pour ses rendements.
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Paysage bucolique à tendance bocagère, relief vallonné, revêtement routier récent – à l’oreille, probablement un béton bitumineux drainant. Comme sur la plupart des voies carrossables hors agglomération, la vitesse maximale autorisée insulte la puissance, la tenue de route et les équipements de sécurité des automobiles récentes. Ces vingt dernières minutes, Sam a failli se faire flagrant délinquer deux fois par des radars mobiles de type Vitronic PoliScan F1 HP. Et maintenant que le moindre quidam à penchants délateurs peut prêter serment pour moucharder ses semblables, rien ne dit qu’un radar embarqué, dont sont friands les collecteurs de taxes, n’ait pas croisé sa trajectoire infractionnelle.
Sam aime rouler vite. Sous le capot de son van, un V8 de 7,3 litres et 430 chevaux ; boîte de vitesses anuelle, on sera vieux bien assez tôt.
Sam aime rouler vite et voue volontiers aux gémonies, majeur dressé à l’appui et appels de phares en renfort (le klaxon, trop vulgaire, ne s’actionne qu’en cas de danger), les absentéistes du clignotant, les pépères-voie-du-milieu, les déboîteurs intempestifs. Ceux qui doublent par la droite ou ne respectent pas les priorités, Sam les poursuit parfois en posant son gyrophare bleu sur le tableau de bord. Il sort ensuite sa fausse carte de policier et leur fait la morale – il déteste les incivilités. Les conducteurs penauds en sont quittes pour une bonne frayeur ; avec les trop véhéments, Sam joue parfois des poings.
– Vous êtes un humanoïde XT 352 ! s’exclame, l’air ravi, le gamin assis à l’arrière. Programmé pour le maintien de l’ordre !
– Ça n’existe pas les humanoïdes, petit, rigole Sam.
– Papa dit que si !
Sam plante son regard dans celui du père, assis au volant.
– Il ne faut pas croire tout ce que te dit ton papa. Comment faire confiance à quelqu’un qui jette son mégot par la fenêtre ?
Sur sa gauche, en sortie de virage, à une centaine de mètres, Sam en repère une. Encore. Au moins la dixième du trajet. En piteux état. Un chemin y mène qui part de la route, enroncé à hauteur d’homme, exubérant d’herbes folles, effacé bientôt d’être inemprunté – les mûres poussent en barquettes, désormais. Sam a ralenti, les larmes aux yeux déjà. Pourtant, ce ne sont que quelques murs (certains éboulés), des poutres et des tuiles (là où il en reste, la moitié de la toiture est effondrée). Pourtant, ce n’est qu’une longère abandonnée comme il s’en désagrège tant en périphérie de nos panoramismes. Ce ne sont que les vestiges de temps révolus, d’existences ante-écrans, hors champ, de vies sans avatars, de rythmes saisonniers, de mots démodés – blutoir, maie, souillarde, écuellier. Sam a beau se raisonner, détourner le regard, serrer les dents, ou les mains sur le volant, chaque fois s’ébroue l’ontologique chagrin, l’alpaguent d’irrépressibles sanglots.
Sam se souvient avec une précision très haute définition du moment où la malédiction se déclara, à l’adolescence, dans la Citroën paternelle, lorsque apparut dans son champ de vision, immédiat et violent choc esthétique, Collonges-la-Rouge. Depuis, la moindre fermette croulante en bordure d’autoroute lui fissure les paupières. Idem pour un presbytère déserté, une chapelle désaffectée, un logis ébouleux, un manoir croulant, mais aussi les églises, les châteaux, les lavoirs, les granges, bref tout ce qui a plus de cent cinquante ans, reflète le génie bâtisseur de l’homme et périclite. Sam n’a jamais parlé à personne de son hypersensibilité aux vieilles pierres négligées. Sans cette faiblesse structurelle, on pourrait juger parfaite sa maîtrise émotionnelle. C’est tellement saugrenu de pleurer à cause d’une ruine ! De pleurer les vies qui s’y sont succédé ? De pleurer l’ablation du passé ? La médiocrité du présent ? L’excision de la beauté ? L’avènement du fonctionnel ?
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Sam sait qu’ils finiront par s’habituer. Par ne plus læ considérer comme une curiosité. Tous continueront à se demander ce qu’iel a entre les jambes, parce que la dichotomie féminin/masculin est un horizon difficile à dépasser, mais pour la plupart, la question stagnera en arrière-plan...
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