Interview de Michèle Justrabo à propos de sa traduction du livre "Le Dernier Chat noir", d'Eugène Trivizas, parue aux Éditions du Jasmin.
Interview réalisée en mai 2015.
- Un mensonge, si nombreux soit-on à le défendre, reste toujours un mensonge. Comprends-le bien. Mets-toi ça dans la tête ! Ce n'est pas vraiment si difficile que ça !
- Un mensonge auquel tout le monde croit ne diffère en rien d'une vérité. Il engendre exactement les mêmes résultats. Il te fait souffrir vraiment. Il te tourmente vraiment. En d'autres mots, une vérité mensongère ne diffère en rien d'un vrai mensonge.
Je vous dis tout cela
Car ici dans notre île,
Comme ailleurs aussi,
Les chats oublient,
Les hommes oublient
Et la folie
Ne demande guère
Qu'à s'embraser à nouveau
Et tout recommence...
"Ce n'est pas parce que tout le monde le dit que c'est la vérité. Ce n'est pas la vérité vraie ! La vérité est autre !
Quel sens a une vérité que tous nient ? Quelle valeur ? Quelle garantie ?"
- Pardonnez-moi de poser cette question, mais, pourquoi, mon général, vous faut-il à tout prix une grande perche, cheveux roux, nez en trompette, grandes oreilles et dix-sept taches de rousseur?
- Parce que seules les grandes perches, cheveux roux, nez en trompette, grandes oreilles et dix-sept taches de rousseur me portent chance. Tous les autres me portent la poisse.
« Quels animaux êtes vous ? s'enquit un jour le vieux cheval à la patte blessée, dont les yeux malades ne voyaient plus très bien.
- Des chats.
- Noirs ?
- Oui.
- De ceux qui portent la poisse, à ce que l'on dit ?
- De ceux-là ! Mais ce que l'on dit n'est pas vrai...
- Je le sais bien.
- Qu'en sait-tu ?
- Les hommes disent n'importe quoi. Il ne faut pas leur en vouloir. Ils croient dur comme fer, les insensés, que les fers à cheval portent chance, mes chères petites oies...
- Mais nous ne sommes pas des oies ! Nous sommes des chats.
- Moi, par exemple, mes chers petits minets, j'ai quatre fers aux pattes, et voyez où j'en suis ! Vous me voyez ou non ? Une patte folle, des yeux foutus, un avenir opaque...
Les fers à cheval portent chance ? Ah ! Laissez-moi hennir ! »
p. 164 - 165.
Tout est si calme... si tranquille... si paisible...
Comment est-il possible, me dis-je, que soit survenu ce qui est advenu. J'essaie de me persuader moi-même que jamais, au grand jamais, rien de tel ne peut se produire à nouveau... Il n'en est pas question...
Dans le fond de mon cœur, je sais toutefois qu'ici, sur cette île, comme ailleurs aussi, les chats oublient, les hommes oublient, et la folie ne demande guère qu'à s'embraser de nouveau. Et tout recommence...
p 254.
Les petits cochons réussirent à s'échapper à temps, mais les poils de leur barbiche-barbichette-et-barbichou tremblaient, tremblaient de terribles tremblements.
Non, non et non, dirent les trois petits loups. Par les poils de notre barbiche-barbichette-et-barbichou, tu n’entreras pas chez nous, par toutes les feuilles de thé de notre plus belle théière de Chine !
Le trompette
Attend, chagrin
Qu'on lui coupe la tête
Mais au dernier instant
L'inattendu survient !
Alors, pour la première fois, je pris conscience de l'ampleur du désastre. Les chats noirs avaient tous été exterminés. Y compris Ébène, mon adorée. J'étais seul. Absolument seul dans un monde cauchemardesque. Impitoyable, inconcevable. Sans ami, sans compagne, sans le moindre espoir. Maintenant, mon tour était venu. Ma propre fin approchait. Inéluctablement. Implacablement. Je n'avais plus ni la volonté ni la force de résister. Et plus un brin de courage. Il fallait bien l'admettre : nos persécuteurs avaient atteint leur but...