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EAN : 9782072943430
48 pages
Gallimard (18/02/2021)
3.78/5   9 notes
Résumé :
« Par quelle aberration peut-on penser que la politique consiste à désigner des ennemis alors qu’elle est la définition d’un partage : ce que nous avons en commun, nous individus, à l’intérieur d’une société et comment nous devons l’organiser ? »

Les mots ne se contentent pas de décrire la réalité, ils la créent. En hystérisant le débat, en jouant la fureur, l’outrance, la polémique, bref en agitant de tous côtés le fanion rouge du scandale, tous les ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Dans ce "Tract" d'à peine 45 pages, Fabrice Humbert pose un constat décourageant : "Nous sommes pris en étau entre une parole politique dévitalisée, perdue dans les habiletés rhétoriques et les ruses, et un hurlement systématique, dénué de raison, sinon d'habileté démagogique, d'une partie de la société civile. le piège de cette double parole, c'est qu'elle est intéressée mais sans vraie signification pour une démocratie. Or une société ne peut subsister si elle n'a pas de sens".

A partir de là, il formule dix "propositions" dans lesquelles il tente d'expliquer les origines du malaise actuel du débat démocratique, avant de montrer que le dialogue est précisément la condition sine qua non d'une société démocratique.

Pourquoi une partie de la société civile s'acharne-t-elle à déverser haine et insultes sur tout qui ne partage pas son avis? Pour Fabrice Humbert, cela s'explique, d'une part, par la dévitalisation du langage politique : fondé sur "le rêve d'une parole en acte", c'est-à-dire sur l'idée que parler suffirait pour régler les problèmes, le langage politique déçoit (ne peut que décevoir), puisque ses mots ne sont/font pas la réalité. Ils sont impuissants, tournent autour du pot (la langue de bois), ne rendent pas compte de la complexité du réel, simplifient, et dans le pire des cas, sont mensongers. Utilisés à tort et à travers, leur sens est galvaudé, dilué, perdu. L'abstraction et la technicité du discours (parler de chiffres et statistiques plutôt que des individus) n'aident pas vraiment. C'est dans cette faille que s'engouffrent les populismes, qui ont beau jeu de dénoncer les manquements du système et de compenser cette dévitalisation en sortant (hurlant) d'autres grands mots, les majuscules, l'emphase et les superlatifs.

D'autre part, il y a, dans une démocratie, la puissance de l'opinion publique, qui de nos jours s'exprime largement par le biais des réseaux sociaux. Souvent bruyamment, à l'emporte-pièce, dans une cacophonie assourdissante. Il ne suffit pas de parler fort pour être entendu, il faut parler plus fort que le voisin sous peine de ne pas l'être. "Les réseaux révèlent le besoin de chacun d'exprimer son individualité [...]. La quête d'égalité qu'on lit partout, égalité sociale, sexuelle, raciale, est une lutte pour la reconnaissance de chacun à exister en lui-même". Or le rôle de la démocratie et du politique "consiste à harmoniser [...] l'affirmation des désirs individuels". Mais comment harmoniser lorsque l'Autre, forcément différent puisque chacun est unique, est considéré d'emblée comme un ennemi et à ce titre, systématiquement disqualifié, éliminé symboliquement (cf la cancel culture), dans l'outrance et l'hystérie ? Ajoutons à cela que le débat public est un théâtre, avec ce que cela suppose de spectacle, de posture, de rôle à jouer et donc d'illusion. Ajoutons-y aussi que tout discours nuancé devient inaudible dans cette surenchère de violence verbale, et on ne sait plus trop comment s'y prendre pour résoudre cette quadrature du cercle.

Face à ce déferlement polémique, la clé serait de (ré)admettre le doute. Sauf que personne n'aime l'incertitude, guère rassurante. Mais les affirmations assenées avec aplomb nuisent au dialogue, à force de rhétorique puissante mais creuse, et versent rapidement dans l'arrogance et le dogmatisme. le doute au contraire est la condition de la liberté de penser, et la bride à l'agressivité verbale. Avec une cerise sur le gâteau : le rétablissement de l'écoute de l'autre.
Le dialogue et le compromis comme solution/résolution de la haine et de l'insulte dans le débat démocratique, c'est un idéal difficile à atteindre, et l'auteur en est bien conscient : le compromis exige temps, patience, gestion d'intérêts contradictoires, bonne volonté générale et une forme d'empathie. Alors, voeu pieux ? Quoi qu'il en soit, Fabrice Humbert, lucide, termine sur une boutade désabusée : "Ce texte sera annulé. Ce texte n'insulte pas. Ce texte ne hurle pas. Ce texte ne crie pas au scandale. A ce titre, il ne sera ni lu ni pris en compte. C'est sa limite et son éthique".

Bon en fait, il y a quand même quelqu'un qui l'aura lu, et pris en compte, moi; mais qui suis-je...  Toujours est-il que "Les mots pour le dire..." est un texte dense, riche, intelligent, étourdissant de finesse et de subtilité. Peut-être vain (comme le sous-entend l'auteur) mais indispensable pour qui voudrait prendre un peu de hauteur pour réfléchir posément au monde comme il va (mal).
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Ce "tract Gallimard", très court, peut être trouvé en librairie. C'est une charge (argumentée) contre notre classe politique et contre la société française contemporaine. L'auteur pointe la langue de bois, l'outrance, la propagation de la haine, la mise en scène théâtrale de l'indignation. Il milite pour un « vivre ensemble » plus consensuel et plus authentique.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Et en même temps, les réseaux [sociaux] révèlent le besoin de chacun d'exprimer son individualité, il y a dans le hurlement une affirmation d'existence qui est celle de notre époque. Dans des sociétés capitalistes fondées sur le désir et sa frustration, à l'intérieur d'une mondialisation rassemblant sur une même scène des milliards d'êtres qui se découvrent interchangeables, liés par des mêmes conditions d'existence, vivant au fond les mêmes situations, chacun hurle qu'il existe. Et il y a une sorte de beauté tragique puisque contradictoire dans cette espèce de fourmilière dont chaque fourmi entend exister. Les divisions de notre époque en sont aussi la conséquence. La quête d'égalité qu'on lit partout, égalité sociale, sexuelle, raciale, est une lutte pour la reconnaissance de chacun à exister en lui-même.
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(p. 20)
L’opinion publique est en bonne partie orientée par les sources innombrables du débat public, à travers journaux, essais, radios, télévisions, commentaires divers, réseaux sociaux…. Immense inflation du commentaire où règnent l’excès, le spectacle, la polémique, autant que l’information. (…) Des êtres plus ou moins avisés occupent radios, télés, journaux, et ils participent à la création de l’opinion publique. Leur expertise est souvent modérée, leur capacité prédictive quasi nulle, et en outre il y a chez certains d’entre eux une sorte d’appétit pour le pouvoir (je suis important, parce que je parle).
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(p. 27)

Des équilibres économiques et sociaux très complexes, une administration puissante et immuable et une position géopolitique assez constante ont pour conséquence une grande continuité: chaque gouvernement passe, avec une influence somme toute assez faible. (…) La rançon de tout cela est une agitation de surface, permanente, surjouant la différence entre les partis, les options politiques, avec des hurlements de tous les acteurs institutionnels, politiques, syndicaux, chacun jouant sa position, son rôle adoptant une posture de vieil acteur maquillé. Et tout individu qui se lance avec sincérité dans la négociation est aussitôt confronté au théâtre généralisé, devant un public à la fois médusé et en complice.
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Le populisme est l'incarnation exacte de ce mythe: le populiste gueule en estimant qu'il suffit de gueuler pour que le réel s'ordonne à sa volonté. Et il n'a pas tout à fait tort parce qu'en attisant les haines et en simplifiant le monde, il crée une situation explosive. La réalité des sociétés est en grande partie un effet de langage. [...]
Mais il faut bien dire que la dévitalisation du langage politique a laissé la porte ouverte aux populisme. Le populisme inverse la dévitalisation : il parle vrai, il dit ce que les gens pensent et comprennent, à l'euphémisme il préfère l'hyperbole, il incarne la parole forte d'un État fort, et face aux chiffres il parle des passions et des vrais gens. En somme, la politique de gouvernement a créé ses monstres ou plus exactement le populisme s'est engouffré dans les failles et les manques.
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Ce qu'on appelle essentialisation n'est que le plus vieil instrument de négation du monde : ne pas reconnaître l'autre comme individu, à la fois parce que l'individu est un proche et parce qu'il est susceptible d'être beaucoup plus complexe que sa désignation.
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Videos de Fabrice Humbert (26) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Fabrice Humbert
Le temps passe vite... Nous sommes déjà à plus de la moitié des présentations de la sélection du Prix Filigranes.Cette semaine, Fabrice Humbert, auteur du roman "Le monde n'existe pas" vous a laissé un message. Lui aussi a relevé le défi : présenter son roman en moins de 60 secondes ! Voici le résultat ! @Gallimard
«Autrefois, j'avais un ami. Je l'ai rencontré il y a bien longtemps, par un jour d'hiver, sautant de sa voiture et grimpant quatre à quatre les marches du lycée Franklin. C'est le souvenir le plus vivace que j'aie de lui, une impression inégalable d'éclat et de beauté. Figé sur les marches, rempli d'admiration et de honte, j'étais égaré dans ma condition de "nouveau", égaré en moi-même. Il m'a sauvé – des autres, de ma propre jeunesse. Des années plus tard, alors que cet homme était devenu une image détestée, j'ai tenté de le sauver. J'aurais aimé qu'on sache qui il était vraiment.»
Lorsque Adam Vollmann, journaliste au New Yorker, voit s'afficher un soir sur les écrans de Times Square le portrait d'un homme recherché de tous, il le reconnaît aussitôt : il s'agit d'Ethan Shaw. le bel Ethan, qui vingt ans auparavant était la star du lycée et son seul ami, est accusé d'avoir violé et tué une jeune Mexicaine. Refusant de croire à sa culpabilité, Adam retourne à Drysden, où ils se sont connus, pour mener l'enquête. Mais à mesure qu'il se confronte au passé, toutes ses certitudes vacillent… Roman haletant et réflexion virtuose sur la puissance du récit, le monde n'existe pas interroge jusqu'au vertige une société aveuglée par le mensonge, où réalité et fiction ne font qu'un.
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