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Critiques de Ferenc Karinthy (112)
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Epépé

Quel livre étrange. Je tournais autour depuis très longtemps et je me suis enfin lancé.

Que ferions nous si comme Budaï, nous étions projetés dans une ville et un monde dans lequel personne ne pouvait nous comprendre et où tout échange semblait donc voué à l'échec?



Budaï, maîtrisant ou ayant des connaissances dans plusieurs dizaines de langues ne parvient pas à savoir ni où il se trouve, ni comment rentrer chez lui. Il ne sait même pas tout à fait comment il est arrivé là où il est.



Au fil des pages, on a un peu l'impression d'être dans un monde sans fin où chaque jour, il doit recommencer à zéro sa quête de sens et de solutions. Une cité un peu futuriste, sans limite et où tout est organisé, avec une population débordante.



Parviendra-t-il à rentrer chez lui, à découvrir où il se trouve? Est-il dans un monde parallèle, dans un rêve, un cauchemar ? Est-il, est-il... est-il... Tout au long de la lecture, nous nous posons des questions, comme Budaï s'en pose.



C'est aussi un livre sur la résignation, la fatigue ou comment avec le temps et la répétition des choses, l'épuisement peut vous gagner et faire qu'à un moment on baisse les bras et on finit par accepter des situations même injustes.



La préface d'Emmanuel Carrère est elle aussi très intéressante avec notamment la mention de cet homme Andras Toma, un hongrois resté 53 ans enfermé dans un asile russe après avoir été fait prisonnier au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Il ne parlait que hongrois dans un lieu où l'on ne parlait que russe. Il s'est enfermé dans sa langue et dans son monde et a été enfermé dans un asile.

https://www.google.com/amp/s/www.liberation.fr/planete/2000/10/06/oublie-cinquante-trois-ans-dans-un-asile-russe_339797/?outputType=amp

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Epépé

Ambiance kafkaïenne avec cet homme linguiste qui s’endort dans l’avion et se retrouve dans une grande ville où personne ne le comprend. Ce roman traite de la communication impossible des êtres trop occupés par leur quotidien. Roman dont il est difficile d’en faire la critique. Je suis heureuse de l’avoir lu, à la façon d’un incontournable. L’ambiance en est le point fort, la fin le point faible. Pas pour les esprits cartésiens.
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L'âge d'or

Un court récit, ni nouvelle, ni roman fleuve, qui se déroule sur quelques semaines, le temps que les Russes qui s'approchent de Budapest, l'encerclent et l'envahissent. Six semaines.

Le récit est en deux facettes : la survie de quelques habitants et là encore quelques personnages secondaires et quelques plus importants, et une espèce d'extraterrestre qui survole absolument tout, et survivra à tout. Et cet extraterrestre sauvera sa jeune peau grâce à son instinct de vie qui est dans la jouissance.

Deux facettes, car autant Josef Beregi jouit de la nourriture comme des femmes, autant il est menacé de mort car il est Juif dans un Budapest où cela n'est pas bon de l'être.

Jouisseur de la vie à tout point de vue, cela lui permettra de sauver sa vie. Avec ce sauvetage, il emporte deux orphelins, ce qui lui donne une hauteur humaine.

La lecture est amusante dans un contexte dramatique. L'auteur a voulu ce décalage. La jouissance de Beregi, son héros, n'a d'égale que les veuleries de tous les autres, dénonciation, jalousie, et surtout dénonciation.

Une bonne lecture, qui ne rassure pas sur l'être humain.
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Automne à Budapest

A l’automne 1956, la majorité des hongrois s’insurgent contre le pouvoir en place dans leur pays et contre le joug soviétique dont ils veulent se libérer. Ils aspirent à un socialisme réellement démocratique. (« Ne peux être libre un peuple qui opprime d’autres peuples. ») Karl Marx.

L'insurrection contre le régime soviétique aura débuté le 23 octobre 1956, par une manifestation étudiante, et elle sera écrasée dans le sang le 4 novembre suivant, par les chars envoyés par Moscou.

Le héros dénonce les énormes inégalités qui existent entre les gens au pouvoir dans son pays et les citoyens lambdas : « … les camarades grosses légumes : ils ne payaient pas de loyer pour leur villa de luxe. Ils s’habillaient, se chauffaient, s’éclairaient à l’œil ; pour leurs rejetons un jardin d’enfants spécial et l’exclusivité de l’école Gorki, une épicerie réservée rue Fö, où ils bénéficiaient de produits introuvables partout ailleurs tels oranges, bananes et autres délicatesses. »



Ce roman de Ferenc Karenthy, est écrit sous une forme journalistique.

On vit au jour le jour avec le héros, au cœur de l’insurrection, et sur le qui-vive avec lui dans la confusion des événements.

Son nom est Gyula, il est membre du parti communiste, et dirige une maison de la culture.

Il a perdu sa mère, tuberculeuse, alors qu’il n’avait que 4 ans. Son père, colonel de gendarmerie, excessivement autoritaire envers lui, a été injustement emprisonné pendant 10 ans (par le régime communiste, parce qu’il avait été anobli pour service de guerre par un gouvernement précédent).

Gyula est marié. Sa femme Kati, a vécu dans un milieu modeste, mais est devenue chirurgienne.

L’insurrection est violente, dans les rues c’est la désolation et la dévastation partout, et Kati recevra à l’hôpital beaucoup de blessés, souvent dans un triste état !

La vie sentimentale de Gyula est mouvementée : il a une liaison avec Olga, une comédienne.

Il devra d’ailleurs par la suite l’avouer à sa femme… Et celle-ci lui demandera de faire au plus vite la séparation d’avec cette Olga !

Au quotidien, le héros écoute les flashs radios - infos/intox des communiqués – (« fallait-il croire le Ministère de l’Intérieur disant que les forces armées avaient pour l’essentiel liquidé les bandes contre-révolutionnaires ? »)

Il lit la presse, et s’informe et rejoint les groupes de jeunes combattants armés.

Les insurgés ouvrent les cellules des prisons et libèrent les innocents prisonniers politiques. Le héros y participe et arrivera à libérer son père, dont ensuite il perdra la trace…

Les chars russes stationnent sur les ponts qui enjambent le Danube. Budapest est coupée en deux.

Les AVO (policiers de la Sûreté de l’Etat) qui protègent le Parlement tirent sur la foule venue manifester sur la place, y compris sur des enfants. C’est un véritable carnage qui fera des milliers de blessées et des centaines de morts !

En province aussi il y a de nombreuses émeutes et le sang coule…

Des tracts passaient de main en main, qui appelaient à la grève générale, exigeaient une nouvelle armée révolutionnaire, un gouvernement provisoire, le retrait immédiat du Traité de Varsovie, la liquidation des Services de Sûreté de l’Etat…

Les statues de Staline étaient déboulonnées… Sur les drapeaux hongrois avaient été découpés les symboles communistes (le marteau et la faucille). Les ouvrages idéologiques du Parti, de Lénine, les romans d’auteurs russes, étaient jetés dans les rues et brulés, les portraits du stalinien Matyas Rakosi aussi (séculaire général du Parti communiste hongrois et 1er ministre en 1952/1953).

L’ancien Président, Gerö, était éloigné et c’est Imre Nagy, qui prenait la relève. Lui, c’était un progressiste. Il organise la résistance en Hongrie occidentale.

Imre Nagy veut mettre en place une politique neuve, un socialisme à visage humain, démocratique.

Il appelle au calme (« Le nouveau gouvernement aurait beaucoup à faire : satisfaire les revendications démocratiques et nationales de notre jeunesse et du peuple des travailleurs, apporter une solution aux problèmes économiques, l’amélioration du bien-être. Tout cela nécessitait du calme et de l’ordre, pour que parents et enfants, conjoints et amoureux puissent enfin se retrouver, pour que le travail reprenne et que les troupes soviétiques soient retirées de Budapest. »)

Imre Nagy décrète un cessez-le-feu. A partir de là, tous espèrent que le pays va pouvoir devenir une vraie démocratie et que les russes vont repartir chez eux…

C’est d’ailleurs ce qu’annonce Imre Nagy dans son discours officiel au peuple !

Les jours qui suivent, beaucoup sont encore armés, au sein de la population et certains voudraient rendre justice eux-mêmes (règlements de compte personnels, vengeances individuelles, …). Le moment est dangereux pour le héros (qui est encore membre du Parti communiste) et pour son père (qui aurait été l’auteur d’exactions dans sa carrière à la gendarmerie).

Un recrutement est organisé, afin de créer une garde nationale avec des participants fiables. Le héros, qui bénéficiera de soutiens bienveillants sera d’accord pour en faire partie…

Les AVH (Brigade de Sûreté de l’Etat), au nombre de 600, se sont enfermés au Siège du Parti.

Ils ne reconnaissent ni la dissolution du Parti, ni le nouveau gouvernement.

Ils tirent encore sur la population, alors que la garde nationale est en cours de constitution.

Heureusement bien dirigés et armés puissamment, les combattants de la garde nationale pourront tirer sur le Siège du Parti et débusquer les derniers AVH et les faire prisonniers.

C’est à ce moment que réapparaît le père du héros. Il somme son fils de lui livrer un des prisonniers AVH. Mais son fils refuse. Il ne veut plus se soumettre à l’autorité déplacée de son père.

Le père tire quand même sur le prisonnier qui aurait dû être interrogé. Il l’abat froidement.

Alors le héros tue son père qu’il a toujours trouvé trop injuste et qu’il avait fait souffrir durant toute son enfance (il avait même été fouetté par lui alors qu’il avait déjà 17 ans) !

Le calme était revenu, semblait-il, mais les chars russes qui étaient partis du centre de Budapest « s’étaient simplement terrés tout autour de la ville ».

Et puis, les chars russes réinvestissent Budapest en masse…

A la fin du livre, le héros énonce chronologiquement tous les faits politiques marquants qui se sont succédés depuis 1945 en Hongrie, pour dire que jamais rien ne sera épargné aux hongrois !

Les appels à l’aide à l’Occident, de Imre Nagy (alors Président du Conseil des Ministres de la République Populaire Hongroise) ne servirent à rien. La Hongrie appartenait au bloc de l’Est selon les accords de Yalta et de Téhéran. Aucune nation occidentale n’enverra ses forces dans ce conflit !

Cette répression aura fait 2 800 morts et 12 000 blessés dans les rangs hongrois, et aura provoqué la fuite à l'Ouest de 200 000 hongrois.

Le héros, qui est foncièrement non-violent et qui refuse l’oppression, choisira l’exil (en dernière page du roman, il écrit à sa femme depuis le Mexique).



Je tiens à remercier Sachenka, qui m’avait conseillé cet auteur !

Une très belle lecture instructive, rythmée, où se marient bien les faits historiques et les valeurs du héros : fraternité, goût pour la justice, profond désir de liberté, refus du passé, interrogation face à l’avenir.

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Epépé

« L’étranger nous oblige à nous penser et nous faire autres nous-mêmes. » (Julia Kristeva)



Étrange histoire

L’histoire de Budai, linguiste, qui se rend à Helsinki pour un congrès. A la suite d’un évènement inconnu il débarque dans un pays, une ville dont il ne connaît ni le nom, ni l’emplacement sur une carte, ni la langue. Dé-paysé. Le sens a disparu, le cauchemar est absolu.

Étrange espace

Il ne peut rien déduire d’une architecture qui mêle les temps et les lieux, les références mauresques, romaines, médiévales ou chinoises.

Ce lieu, n’est pas celui d’une altérité radicale, incompréhensible par manque de repères, mais celui d’un trop-plein de références, d’une forme de fusion qui combine ce que le monde sépare.

La ville inconnue est surpeuplée ; c’est une ville de foules, un flot en mouvement qui interdit toute tentative de station prolongée en un lieu, donc de rencontre.

C’est « une vase visqueuse qui l’environne, alors qu’il n’y a pas une seule branche à attraper, un seul point fixe où poser les pieds »

Étranges usages

Parfois une atmosphère festive l’attire vers les autres ; certes il est « un peu extérieur, » mais « il se sent appartenir à cette foule, ou plutôt il aimerait appartenir à n’importe quoi ».

Budaï se mêlera un jour à une fête (nationale ?), une foule carnavalesque. Mais une foule vite réprimée quand elle bascule dans la révolte face à une police armée chargée du maintien de l’ordre. Et cela sans savoir s’il s’agit d’une véritable révolte ou d’un rituel de printemps.

Budaï ne veut pas s’habituer et pourtant il prend ses marques, s’organise un territoire, réseau de lieux, tissu d’habitudes, qui lui permettent de tenir debout. Ainsi Il récupère « sa clef »à l’hôtel, comme un rituel.

Et même, dans la dernière partie du roman, lorsqu’il est chassé de l’hôtel, Budaï, après un temps d’errance, va reconstruire un espace autour d’un point fixe ; ce ne sera pas la chambre mais la fonction est la même : le lieu où l’on dort, où l’on abandonne son corps au sommeil dans une confiance obligée.

Étrange langage

Habiter, c’est aussi tisser des liens avec d’autres humains. En linguiste, Budai enquête dans les mots, les phrases, les sons, les lettres à la recherche d’une correspondance. Mais nulle pierre de Rosette.

La fusion des individus en des foules anonymes, ce mouvement perpétuel qui ne laisse pas de place à des formes de contacts suffisamment durables pour permettre une relation qui permettrait de dévider la pelote des significations.

Puis il rencontre E pépé et le roman atteint un possible point de bascule.

Mais Epépé, ce sont seulement les trois syllabes qu’il croit entendre lorsqu’elle lui dit son nom. De l’émetteur au récepteur, la distance se creuse comme lorsqu’un enfant joue au « téléphone arabe ». Le message se transforme jusqu’à perdre tout sens. Le langage des corps ne suffira pas ; Epépé disparaît.

Comment vivre quelque part, sans habiter, même sans enthousiasme ? La difficulté à habiter, à tisser des liens avec les lieux et les humains, amplifie sa nostalgie, ce mal du pays que certaines circonstances du déracinement attisent douloureusement.

Étrange style

Sans fioritures, et c’est à peine si l’on s’aperçoit de l’absence de dialogues. Proche de celui de Perec dans « Les Choses » et qui parle d’émotions, de sentiments, sans émotion. Paroles désincarnée .d’autiste ?

Étrange livre : poseur de question : sur le besoin de repères, l’importance du langage, le rapport aux étrangers, à l’autre.

Dont même le titre n’est pas sûr. Bébé …Dédé … Pépé …Tchététché … Epépé



« Nuit et jour sont identiques

Nos cauchemars, magnifiques

Dit K.Dick, K.Dick, K.Dick,

Étrange été

Étrange été »



(Alain Bashung)









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Epépé

"Épépé" est un livre unique, très prenant.



Bien entendu, il faut accepter le parti-pris du livre, qui dès les premières pages, abandonne son personnage principal, Budaï, dans un monde confus, un monde dénué de repères. Une ville inconnue dans un pays inconnu.



La tension monte au fur et à mesure, Budaï se démène pour se faire une place dans cette ville surpeuplée (les passages de descriptions de la foule en perpétuel mouvement sont fabuleux).



Le lecteur se retrouve de plein pied dans un conte à la tonalité surréaliste, c'est aussi pour cette raison que nous aurions bien tort de nous évertuer à nous raccrocher à un semblant de trame réaliste. "Épépé" dépeint un univers drôle et inquiétant, foutraque, désorganisé, aux faux airs de société dictatoriale.



Il faut dire que le sujet du roman ne porte pas tant sur les tribulations d'un homme égaré dans une ville dont il ne comprend pas la langue employée, mais plutôt du désespoir de tout être humain face à l'incapacité de communiquer.

Au fil des pages, Ferenc Karinthy déploie une savante analyse des subtilités du langage, de l'emploi des mots, de ses racines (le personnage principal est d'ailleurs linguiste), et parvient à nous exaspérer, au même titre que Budaï, en nous confrontant à cette impossibilité d'échange.



On l'aura vite compris, pour tout être humain, le dialogue est vital. En dépit de ce cadre dramatique, "Épépé" est néanmoins truffé de passages humoristiques qui rendent la lecture enthousiasmante.



Je recommande cet objet littéraire unique, à l'ambiance inquiétante, habitée, dont l'écriture virtuose, l'imagination prolixe pousse le lecteur à tourner les pages à grande vitesse.

On se perd, on s'étourdit, on rit.

Un petit bijou !



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Epépé

Ferenc Karinthy, linguiste de formation, est un écrivain hongrois (1921-1992). Il est le fils du célèbre écrivain et journaliste hongrois Frigyes Karinthy (1887-1938). Son roman, Epépé, est paru en 1970.

Budaï, un linguiste professionnel maitrisant ou ayant connaissance de plusieurs dizaines de langues, se rend à Helsinki pour participer à un congrès. Un malheureux concours de circonstances inexpliquées voit son avion atterrir dans une ville d’un pays qui n’est pas la Finlande, mais pire encore, complètement inconnu ! Et malgré sa connaissance poussée des langues, il lui est absolument impossible de communiquer avec qui que ce soit, donc d’en repartir. Où vais-je, où cours-je, dans quel état j’erre ?

Ca c’est du roman et d’un genre pas banal ou je ne m’y connais pas ! Je me suis exaspéré durant la moitié du bouquin et je me suis interrogé tout du long et même après l’avoir refermé. Un roman déroutant donc intéressant.

Exaspération, oui et pas qu’un peu, parce que rien n’est crédible dans ce roman et que je n’imagine pas un seul pays du globe où, certes avec des difficultés, on ne finisse par trouver un mince moyen de communiquer, surtout quand on est un spécialiste des langues écrites et parlées comme notre héros. Cette globalité de situations sans aucun moyen de se faire comprendre dans laquelle Budaï est englué m’a franchement énervé car poussée à l’extrême. Par contre, si on démonte l’ensemble et qu’on ne retient que quelques cas, le globe-trotter se retrouvera en terrain connu et se rappellera des moments vécus approchant. Autre invraisemblance, les foules improbables qui se pressent partout et tout le temps, que ce soit dans l’hôtel où est logé Budaï, ou bien dans les commerces et même au cimetière ! Voilà ce qui pourrait rebuter un éventuel futur lecteur mais il faut savoir persévérer.

Interrogation, bien sûr, car la vraie question qu’on se pose, c’est de quoi nous parle ce roman ? Et là, franchement, je ne sais pas vraiment. Contrairement à ce qu’en dit dans sa préface Emmanuel Carrère, j’y vois et comment pourrait-il en être autrement, du Kafka, avec atmosphère sinistre et surtout impersonnelle, particulièrement Le Château avec cette même situation où un homme arrivant dans un village tente d’entrer en contact avec les autorités, en vain. Il y a aussi, un doigt d’expressionnisme allemand comme dans le film de Fritz Lang, Metropolis, et ces foules en noir et blanc. A moins que ce ne soit une parabole sur le(s) communisme(s), les foules qui font la queue partout et agissent en troupeau, quand un individu (Budaï) veut des explications il se heurte à l’indifférence ou l’autisme généralisé, et quand le héros se retrouve au milieu d’une révolution ( ?) n’est-ce pas le printemps de Prague ou l’insurrection de 1956 en Hongrie ? Et s’il y avait un chouya de politique nataliste chinoise aussi : « L’aurait-on condamné pour ce pêché-là, pour le crime social le plus grave : tentative volontaire de multiplication de la population ?» Et n’est-ce pas Fidel Castro dans cette silhouette esquissée « il porte un béret miteux, des godillots, un survêtement vert sale et un ceinturon par-dessus ; il tient sa main droite sur un étui de revolver. » Ou plus simplement, une parabole sur l’état du monde moderne (de 1970), le roman condensant en une sorte de kaléidoscope, toutes les images du monde qui font la matière de nos JT de 20h, mais qui serait vu par un Martien fraichement débarqué ?

Si on en revient au texte lui-même, l’auteur étant linguiste lui aussi, nous avons de très intéressants et instructifs passages savants où sont développés les raisonnements de Budaï pour tenter de comprendre par extrapolations, la langue des autochtones. Et le roman prend une tournure singulièrement familière hélas, autant qu’émouvante quand le héros sombre dans la déchéance après avoir épuisé son pécule et devient SDF, son regard sur la ville évoluant.

Un roman, vous l’avez compris, qui sort des chemins balisés, peut-être pas destiné à tous les lecteurs mais qui ne laisse pas indifférent. Une étonnante aventure littéraire où je vous conseille fortement de plonger.



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Epépé

Mais que signifie donc Épépé ? Pour Budaï qui arrive par un malheureux hasard de voyage dans une ville parfaitement inconnue, au lieu d’atterrir à Helsinki où il se rendait pour un colloque, ce mot étrange sera le premier qu’il comprendra au bout de longs jours à côtoyer une population dont la langue lui est totalement étrangère. Ce qui lui arrive est implacable, un somme de durée indéterminée dans l’avion, l’arrivée à l’aéroport qu’il croit être d’Helsinki, mais quand le taxi le conduit à un hôtel où il ne comprend rien, ni les paroles du portier, qui lui prend son passeport, ni les inscriptions placardées ici et là, il commence à se poser des questions. Et pourtant Budaï est linguiste, mais rien ne lui rappelle une langue connue. Il en vient même à se demander dans quel continent peut être située cette ville. « Que fait-il ici, et même où se trouve cet "ici", quelle ville, quel pays, quel continent, quel coin du monde maudit des dieux ? ». De plus, l’endroit est surpeuplé, le moindre déplacement est compliqué par des hordes d’habitants toujours pressés, par des files d’attente interminables. Cette ville est quelque peu angoissante, avec ses hautes tours, ses murs gris, et brouillard, nuages et pollution qui cachent le plus souvent le soleil.

Emmanuel Carrère dans la préface compare Épépé avec le film Un jour sans fin ou avec l’histoire de ce malheureux qui vécut des dizaines d’années dans un hôpital psychiatrique sans réussir à communiquer avec personne parce qu’il ne parlait pas la langue locale. J’ai trouvé des accents, aussi, dans le malheur, du Voyage d’Anna Blume et me suis posée la question de l’ultime voyage, l’ultime destination, que se pose Budaï à un moment. Mais sans doute l’auteur a-t-il plutôt voulu traiter, sur le mode du décalage et de l’humour, de la vie quotidienne sous un régime totalitaire…

En tout cas, la fable est particulièrement réussie, les péripéties nombreuses, et j’étais impatiente de reprendre ma lecture pour savoir ce qu’il allait advenir de Budaï, embarqué dans une bien terrible aventure, malgré sa débrouillardise et sa sensibilité aux langues étrangères. Aventure plus terrible pour lui que pour le lecteur, qui sourit plus d’une fois. Quelques petites longueurs vite dépassées, et une lecture que je ne suis pas prête d’oublier !
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Epépé

Paru en Hongrie en 1970, Épépé raconte l'histoire de Budaï, un linguiste hongrois qui se rend à un congrès de linguistique en Finlande, mais dont l'avion atterrit dans un pays inconnu dont il ne parle pas la langue et où personne ne le comprend.

La mésaventure qui arrive à Budaï a tout du cauchemar. J’ai d’ailleurs espéré tout au long de ma lecture que Budaï n’allait pas finalement se réveiller dans l’avion où il se serait endormi, car cette fin aurait été beaucoup trop facile (rassurez-vous, la fin est bien plus jolie). Si la mésaventure de Budaï ressemble tant à un cauchemar, c’est qu’en mettant en échec ses compétences de linguiste elle l’atteint au plus profond de lui-même. Tout commence dans ce roman par une erreur de correspondance des plus anodines qui pourrait arriver à n’importe lequel d’entre nous. Mais parce que Budaï est linguiste, ce qui lui arrive est pour lui impensable. Il devrait pouvoir se faire comprendre grâce aux nombreuses langues qu’il parle, comme il devrait également pouvoir reconnaître la langue locale ou au moins la situer dans un groupe de langues déjà connu de lui. Mais dans ce pays étrange, même le système d’écriture lui est inconnu. Quant aux sons qu’il entend, ils se ressemblent tous. Pire, la langue est instable. Même la jolie liftière s’appelle tantôt Épépé, tantôt Védédé ou encore Tchététché. Alors face à cette langue étrange, Budaï perd tous ses repères.

Au cours de la lecture d’Épépé, le lecteur accompagne Budaï dans son enquête. Avec lui il scrute les visages, observe les bâtiments, relève les noms des rues, attentif à tous les signes. La grande force de ce roman est de ne pas contenir son interprétation. Au lecteur donc d’interpréter à sa guise ce récit fantastique, kafkaïen mais souriant. On peut sans doute y voir une parabole des régimes totalitaires, mais à part une scène de répression violente, peu d’éléments permettent d’aller très loin dans ce sens. On pense un peu aux pays de l’Est et à leurs files d’attente interminables, mais alors qu’on y cherche la Hongrie d’après 1956, on peine à l’y trouver vraiment. Pour ma part, sans doute en raison du contexte de ma lecture, j’y ai vu aussi une allégorie de la situation de l’immigré. Car bien qu’instruit dans son pays d’origine, dans ce pays inconnu Budaï n’est qu’un analphabète. Incapable de véritablement communiquer avec les autres, il est très seul dans la foule. Quand l’argent vient à lui manquer, ses préoccupations d’intellectuel s’éloignent, alors qu’il se recentre sur ses besoins élémentaires qu’il faut bien satisfaire : se nourrir, trouver un endroit où dormir, soigner une rage de dent… Sans doute peut-on voir dans ce roman une charge contre les mégalopoles modernes qui uniformisent les comportements et rendent indifférent au sort de l’autre. Peut-être est-ce un récit d’anticipation, une vision de ce que seront bientôt nos grandes capitales mondialisées, mais peut-être aussi n’est-ce qu’une histoire absurde, inquiétante et comique à la fois. C’est en tous cas un roman qui marque, qui vous poursuit longtemps après sa lecture et que je vous recommande.


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Epépé

Voici un livre bien déroutant, hors des sentiers battus. Esprits cartésiens s'abstenir. L'auteur de ce roman fait vivre à son héros, et à nous par contre-coup ou solidarité, une expérience éprouvante et angoissante. Budaî, un linguiste hongrois de renommée internationale, se rend à Helsinki. Fatalité ou erreur d'aiguillage, son avion atterrit dans un pays inconnu où la langue utilisée lui est totalement inconnue et échappe à toutes ses tentatives de décryptage. Commence alors pour lui un vrai cauchemar et nous assistons impuissants à ses vains efforts pour communiquer dans une société qui ressemble à un entrepôt Amazon la veille de Noël.
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Epépé

Je pense qu’il conviendrait de conseiller aux lecteurs d’être sous respirateur artificiel pour lire cet ouvrage, tant il est oppressant…



Budaï, linguiste reconnu, prend un avion à destination de Helsinki pour une conférence. Il s’endort à bord et semble pas beaucoup plus réveillé à l’atterrissage. Bref, il se laisse conduire sans rien dire à ce qu’il pense être son hôtel. Mais au réveil, il comprend qu’il n’est pas du tout à Helsinki. Et découvre progressivement qu’il est arrivé dans un pays totalement inconnu, à la langue étrange, dont il ne comprend pas un traitre mot. Rien. Que dalle (lui ! un linguiste renommé, qui maitrise une multitude de langues… !). Impossible de comprendre. Impossible de se faire comprendre. Bref, tout semble conduire à une seule et unique conclusion : impossible de fuir cette ville et ses habitants et rentrer chez lui.



Le postulat de départ apparaît croustillant à souhait. Et le développement est poussé à son paroxysme. Le sentiment d’étrangeté et d’abandon complet est détaillé dans les moindres recoins : rien ne permet à Budaï de déchiffrer quoi que ce soit de cette langue, rien ne lui permet d’en appréhender la plus petite once de signification, même des mots ou expressions banals (pas une seule publicité de produit étranger, par exemple, qui permettrait de commencer un début de déchiffrage). N’oublions pas que l’histoire se déroule vraisemblablement dans les années 60… on est loin de nos époques sur-numérisées !



Une écriture oppressante, aux paragraphes compacts. Une écriture étouffante, aux multiples supputations en boucle qui ne conduisent à rien. Une oppression renforcée par l’organisation de la ville même dans laquelle Budaï atterrit et le comportement de ses habitants : un mélange de film d’anticipation et d’univers kafkaïen, un 1984 surpeuplé (l’ultra-surveillance en moins), un univers de stress, gris, brouillon, une foule toujours en mouvement, où personne ne prend la peine d’accorder un regard ou une minute à cet individu visiblement étranger et perdu.



Et le lecteur que je suis ne peut échapper à la confrontation avec les interrogations que le roman sous-tend : combien de temps prendrions-nous, nous-mêmes, pour orienter un étranger dans un métro aux heures de pointe ? combien de temps prendrions-nous, nous-mêmes, pour assister un individu totalement étrange et incompréhensible dans ses tentatives d’explication ? Qu’est-ce qu’une société d’individus ? Que devient l’humanité dans une mégalopole ?...



Budaï garde son sang-froid dans les premières heures, les premiers jours, mais progressivement perd, désespère, et se lance finalement dans des tentatives de plus en plus désespérées pour s’en sortir, … Et puis, de la même façon qu’une idée originale qui ne nécessiterait, pour une adaptation cinématographique, qu’un court ou moyen métrage, mais s’essoufflerait sur la longueur d’un long métrage, le roman Epépé m’a perdu progressivement dans des développements ultimes que j’ai peiné à déchiffrer, sauf à les comprendre comme des tentatives de rapprochements avec n’importe quel individu, comme des adhésions à n’importe quels groupes, quels qu’ils soient, pourvu qu’il y ait la plus infime trace d’affinité, de communauté (à défaut d’humanité ?).



Je garde toutefois les deux premiers tiers de l’ouvrage environ, parfaits à mon sens.

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Epépé

Bienvenue dans le monde de l'absurde, de la non communication, du non langage, dans un monde où l'individu n'existe plus, car il est emmené ou s'est emmené de lui-même, dans des couloirs, des files, où il n'y a plus d'individus, il n'y a plus que des êtres sans âmes, qui attendent, quoi, ils ne le savent plus eux-mêmes, un ticket pour manger, un ticket pour circuler, et qu'il faut un ticket pour obtenir un autre ticket... Bienvenue dans ce monde non pas "communiste" "bloc de l'est"... comme chacun aime à le dire, mais bienvenue dans le monde d'aujourd'hui, 2020. Et Ferenc Karinthy a fait oeuvre de science fiction, me dit-on.

Je dirais non, il a fait oeuvre. Tout simplement. Tout génialement. Avec une intelligence et une sensibilité, trop hors du commun. On me dit qu'il s'agit d'une critique du système soviétique dans le bloc de l'est. Je dis non, pas que. C'est tout simplement la présentation de nos systèmes institutionnalisés, convaincus qu'ils sont les seuls, les meilleurs... et les organisations occidentales sont dans le viseur. Car C'est là le génie, le talent, l'intelligence, et sans doute sa souffrance, de Ferenc, c'est que Budaï son héros, son anti-héros, utilise son intelligence, ses connaissances, tout ce qu'il a en lui, et il en a, pour déjouer un système incompréhensible. Et chaque fois qu'il échoue il recommence, il retente. Mais contre les systèmes, qu'il soit communiste, capitaliste, l'individu est écrasé. Alors ce livre, un roman de pure fiction, est d'un absolu pessimisme. L'individu, même instruit, même éduqué, même cultivé, ne pourra rien contre une masse inculte, bornée, et c'est là, je pense, qu'il vient s'insurger contre tous les systèmes politiques, mais pas que les communistes, pas que le bloc de l'est, tous les systèmes politiques qui anéantissent l'être humain, celui qui réfléchit, celui qui pense, celui qui veut utiliser son intelligence, son savoir, son éducation, pour décrypter, ce que fait Budaï, et Budaï échoue, encore et encore, car de mon point de vue, ce que je vois dans cette lecture, c'est que nous sommes voués à l'échec, malgré notre culture, notre éducation, notre savoir, et même notre envie de nous adapter. Ce roman est donc, certes, complètement d'une pure fiction, mais comme grand nombre de romans, d'un pessimisme, d'une noirceur, et pourtant il est drôle, il est désopilant et enfin il pourrait se dérouler n'importe où aujourd'hui. Ecrit en 1970, il est visionnaire.

Qui ne s'est pas heurté à une administration (un exemple) qui avait un langage incompréhensible, qui renvoyait à l'autre guichet ? Ce livre est un bonheur à lire,

une assurance quant à l'absurdité qui nous entoure (nous ne sommes pas seuls)... et un rappel à la nécessité de rester humble. Je résume, une belle lecture et une belle leçon.
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Epépé

J’avais entendu parler de ce roman très spécial, que certains érigent au rang de livre-culte. J’ai donc décidé de le lire, à titre "expérimental". L’intrigue est simple. Un homme, qui voulait aller à Helsinki en avion; atterrit dans une ville tout à fait inconnue; il y trouve une foule dont la langue est parfaitement incompréhensible pour lui, alors que son métier est… linguiste. Non seulement le langage, mais le comportement de tous ces gens lui semblent étranges et décevants. Le "héros", complètement isolé dans la ville et livré à lui-même, cherche à survivre, à trouver quelques repères et à fuir pour revenir dans son monde familier…

Ferenc Karinthy nous introduit dans un vrai cauchemar, qu’il veut particulièrement glauque. Le lecteur se sent pris au piège, comme le personnage du roman. C’est tellement bien fait que… j’ai été vite dégoûté par ce monde kafkaïen et j’ai eu du mal à finir le volume. C’est trop pénible ! Pourquoi avoir décrit si longuement ce monde grisâtre et sans aucune perspective ? dans quel esprit l’auteur nous y emmène-t-il ? Je n’ai pas de réponse convaincante. Une chose est sûre: je n’ai pas aimé !

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Epépé

Budaï est linguiste, polyglotte, spécialiste de l'étymologie, reconnu comme une sommité dans son domaine. Et c'est justement en se rendant à un colloque à Helsinki que sa vie bascule : il se trompe d'avion lors de la correspondance et aboutit dans un aéroport inconnu. Groggy d'avoir trop dormi pendant le vol, il suit le flot de passagers, prend un bus jusqu'à un hôtel et c'est là, au moment de prendre sa chambre qu'il constate que personne ne le comprend. Il essaie une quinzaine de langues, aucune n'a le moindre effet. Pis encore : lui-même ne comprend ni le langage parlé ni l'écriture utilisés dans cet endroit.

Isolé ainsi, muni des rares affaires qu'il avait gardées avec lui tandis que sa valise était orientée vers la Norvège, il va tout tenter pour repartir. Mais dans cette ville démesurée et surpeuplée, chaque geste quotidien devient un défi : le moindre panneau est une énigme, les habitants, incapables de comprendre Budaï, se montrent indifférents, grossiers, voire violents quand il s'agit de jouer des coudes pour se frayer un passage sur un trottoir noir de monde où dans une file d'attente interminable.

Grâce à son intelligence, Budaï s'adaptera, pourra subvenir, plus ou moins, à ses besoins de base, le temps de localiser, du moins l'espère-t-il, une gare, une ambassade ou l'aéroport par où il est arrivé.

Ce combat de chaque jour le mène dans tous les lieux possibles, métro, fête foraine, cimetière, prison, grand magasin, marché, abattoir... Il se confronte alors à l'absurdité de cette ville congestionnée, où la patience, la soumission, l'inflexibilité et la brutalité sont intégrées par tout un chacun.

Dans ce décor, avec ses personnages et les péripéties qu'il impose à son protagoniste, Ferenc Karinthy compose une œuvre étrange, alternativement risible et désespérante, et finalement complètement surréaliste, tout en étant hyperréaliste par la précision des détails. Il nous emporte aussi dans une vraie aventure humaine, prenante, inquiétante, dont on veut connaître le dénouement.

C'est également une belle source de réflexion : sur la difficulté à communiquer et sur l'isolement (allégorie de la démence sénile ? de la prison ? du sort des réfugiés dans un pays où ils n'ont plus aucun repère ?), ainsi que sur la douleur que l'on peut ressentir quand nos forces, nos qualités nous abandonnent et que ce qui nous rendait si singulier ne compte plus. Budaï le linguiste émérite se retrouve incapable de communiquer. Là encore, n'est-ce pas une image de ces humains dépossédés ou déracinés ? Les humains auxquels l'âge ou la maladie volent les richesses de la jeunesse ou de l'expérience ? Les humains que la guerre arrache à leur terre et qui efface leurs mérites, leurs diplômes, leur histoire, leur identité, leurs espoirs ?
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Epépé

J'ignorais avant de le lire que ce roman est paru en hongrois en 1970.



Pauvre, pauvre Budaï ! Ton histoire m'a intéressée au début, et puis, lentement, j'ai commencé à me lasser, pour finir par lire tes "aventures" en diagonales...et essayer de m'échapper plus vite de ce que tu vivais.



Je pense que c'est là aussi le talent de l'auteur, car on se sent aussi étouffé et impuissant que Budaï perdu dans cette ville inconnue, dont il ne comprend rien, et nous avec ! En effet, jamais nous n'aurons d'explications sur ce pays ni sur cette langue inconnue, ni sur les événements étranges dont Budaï est témoin.



D'une certaine façon, cela est frustrant. Mais il le fallait pour mieux s'identifier à Budaï. Cependant, certaines de ses actions m'ont laissée un goût amer et m'ont empêché de vraiment m'attacher à lui.



C'est donc une lecture en demi-teinte, mais qui laissera quand même une petite trace, ne serait-ce que pour l'idée de se retrouver perdu en terre inconnue, sans rien maitriser et donc qu'il ne faut jamais oublier de se mettre à la place de l'étranger.



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Epépé

Budaï est un linguiste qui doit se rendre à Helsinki pour un congrès. Mais il se trompe de correspondance et atterrit dans un pays dont il ne connait pas la langue. Pis, il ne peut établir aucun lien avec la vingtaine de langues qu'il connait, ni en ce qui concerne la phonétique, ni en ce qui concerne l'écriture. Dans cette ville où la foule est toujours dense, et indifférente à son sort, Budaï éprouve des difficultés à chaque geste du quotidien. Manger ou se déplacer - notamment pour revenir à l'aéroport - sont des épreuves. Budaï doit faire face aussi à un problème financier, puisque ses économies diminuent à vue d’œil. Il parvient toutefois à nouer une relation avec la liftière de l'hôtel mais l'aide qu'elle lui apporte est bien faible.

Roman de l'incommunicabilité, publié en 1970, Epépé génère un sentiment d'oppression : il ne semble y avoir aucune solution à cette situation. Il y a quelque chose de franchement kafkaïen : Budaï, tel K., est perdu dans une société qu'il ne comprend pas et qui ne le comprend pas. Face à cette société, l'homme, animal grégaire, perd de son humanité et est petit à petit broyé, transformé. Ainsi se voit-il enlever jusqu'à l'espoir et son essence.
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Epépé

Le comble, pour un linguiste de renom, serait peut-être de se retrouver dans une situation où ses connaissances ne l'aident en rien, et où toute tentative de communication avec d'autres individus se solderait par un échec. C'est ce qui arrive à Budaï, brillant intellectuel hongrois parti pour un congrès à Helsinki. Or, à l'aéroport, confusion. Budaï se trompe d'avion sans s'en rendre compte, s'endort pendant le vol et se réveille dans un pays dont il ne connait ni le nom, ni l'emplacement géographique, et encore moins la langue. Impossible de communiquer, de trouver une solution afin de rentrer chez lui, et rien ne peut lui indiquer où il se trouve. Après la surprise, l'aspect comique d'une telle situation, vient l'effroi, le sentiment glaçant d'absurdité. Dans cette ville impersonnelle où il se sent rejeté, anonyme parmi la foule, Budaï verra sa pugnacité mise à rude épreuve, perdra foi en l'humanité, un peu, mais trouvera un réconfort auprès d'une petite liftière dont il n'arrive pas à comprendre le nom. Ah, Epépé ....



Quel étonnant roman ! Débuté par une excellente préface d'Emmanuel Carrère, il se poursuit avec une narration rythmée, prenante. Tout surprend, dans Epépé. Le lecteur est aussi déboussolé que le personnage principal, ils ne peuvent s'aider l'un l'autre. De pérégrinations urbaines à travers la jungle du métro, des rues bondées, des centres commerciaux débordant de vie en moments d'intense solitude, rien ne semble avoir de fin, dans Epépé. Les gens qui peuplent ce mystérieux pays semblent imperméables à toute tentative de communication, même lorsque le pauvre Budaï en est réduit à utiliser ses mains, des dessins etc.... Les premiers chapitres, on rit, c'est assez cocasse, tout de même, un linguiste qui ne peut pas parler la langue d'un pays...



Et petit à petit, on rit jaune, puis on ne rit plus du tout. L'absurdité de la situation en devient oppressante, la mauvaise blague dure trop longtemps. Mais notre Budaï ne se décourage pas, il continue de chercher des moyens de rentrer chez lui, dépensant son énergie comme s'il nageait à contre-courant. Roman écrit en Hongrie lorsqu'elle faisait partie du bloc communiste, on sent que Ferenc Karinthy cherche à faire passer un message politique. L'uniformisation des gens, le côté impersonnel des bâtiments, des magasins, des gens, cette impression de pouvoir les substituer les uns aux autres, l'incompréhension... Tout rappelle une satire des régimes totalitaires, et surtout la fin, cette grande révolution populaire sanglante fait écho à beaucoup d'évènements historiques de l'Europe de l'est.



Roman faussement léger et drôle, Epépé frappe par sa gravité, par son sérieux, par l'angoisse qui peut émaner d'une situation aussi grotesque qu'une erreur d'aiguillage. C'est une plongée au coeur d'un système qui broie les individus afin de les recracher en une masse si compacte qu'elle écrase ceux qui auraient décidé d'aller contre. C'est un roman qui fait réfléchir, en plus d'être diablement intéressant, sur le plan linguistique. Que de petits bonheurs pour ceux qui s'intéressent à l'étymologie, aux sonorités, aux ressemblances entre les langues. On suit avec délice les interrogations de Budaï sur ce drôle de langage, on fait des hypothèses, on se trompe, on recommence. Un bonheur de lecture.


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Epépé

Epépé est un roman inclassable tant il fait appel à des styles différents.



Je n’avais jamais entendu parler de ce livre pourtant écrit en 1970 et considéré comme un chef d’oeuvre de la littérature hongroise et même devenu culte. Quand une collègue m’a évoqué le sujet, l’histoire d’un linguiste coincé dans un pays dont il ne comprend pas la langue, ma curiosité a été piquée au vif et je me suis précipitée dessus. Il est si rare que la littérature évoque la linguistique…



C’est un roman angoissant et en même temps totalement addictif. Il me semble bien difficile d’en parler, de le résumer ou de donner envie de le lire.



Rentrons dans le vif du sujet, on suit donc Budaï, un linguiste hongrois qui prend l’avion pour participer à une conférence de linguistique à Helsinki et qui se retrouve à cause d’une erreur de correspondance dans une ville inconnue, dans un pays inconnu mais surtout dans l’incapacité totale de communiquer parce que la langue parlée ici lui est totalement incompréhensible et que personne ne parle d’autre langue (et ce alors que le héros est capable de parler beaucoup de langues). Il ne parvient donc pas à repartir chez lui et se retrouve coincé, comme emprisonné dans cette ville.
Lien : http://delphinesbooksandmore..
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Epépé

Un polyglotte pratiquant une kyrielle de langues allant du vogoul à l'ostiaque tout en passant par le sanskrit, l’hindi et le serbo-croate, s'envole pour Helsinki afin de participer à un congrès de linguistes en goguette. Par un tour de magie assez carabiné, son avion n’atterrit pas dans la capitale finlandaise, mais dans une ville tentaculaire inconnue et de surcroît surpeuplée par une clique surexcitée parlant une langue incompréhensible. Tout cela est un peu incongru et notre linguiste s'en retrouve un brin chamboulé. Le voilà errant dans une cité qui semble appartenir à une autre planète tout en ne pouvant pas causer le moins du monde avec autrui. S'en suit une multitude d'aventures plus ou moins grises avec quelque chose de kafkaïen qui flotte un peu partout. Tel un autre Champolion notre polyglotte égaré décrypte quelques signes, rencontre une liftière avec qui il flirt un peu, s’enivre d’alcool doucereux, frappe la casquette d'un policier impassible… Voilà la trame magnifiquement simple d'Epépé (il suffisait d'y penser). N'ayant pas plus de talent que d'inspiration, je dirai que c'est un grand livre, tout du moins qu'il y a matière à grand livre, et qu'au-delà de ses arpents parabolistes (sur la communication, sur l'aliénation des grandes villes moderne et tutti quanti) c'est aussi une formidable enquête sur les mots, sur leur origine et le fait qu'il faille parfois les regarder de biais pour ne pas oublier leur vrai sens.
Lien : https://novland.blogspot.com/
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Epépé

Le speech est assez simple : un linguiste reconnu se rend à un colloque, or, au lieu d'arriver dans la ville souhaitée, il se trouve dans une ville inconnue dont il ne parle pas la langue alors qu'il en parle 12.



Bon on peut penser qu'on va parler de découverte et d'apprentissage, mais on en est loin. Pour moi, voici une critique de notre société : mondialisation et consommation, mais aussi celles des totalitarismes et du refus de s'ouvrir aux autres. Toutes les pires angoisses de toutes nos possibilités dans notre monde actuel sont condensées ici.

Impossible de se repérer pour le personnage principal : l'alphabet et la langue lui sont inconnus, toute la diversité est là donc aucun continent ne se dessine, rien qui permette de distinguer une majorité, ne subsistent que la foule pressée et le culte de l'argent, la construction, la production.

On est presque sur de la science fiction tant tout est terrible, tentaculaire, poussé à outrance. Le roman est une long descente dans l'angoisse,un étouffement constant, des barreaux de cages qui, patiemment, s'ajoutent les uns après les autres, de plus en plus resserrés, sans singularité aucune. C'est terrible et fascinant à la fois.
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