À présent, je pourrais m'approcher d'elle, lui parler, lui avouer que j'aime bien ses géraniums et ses allées et venues dans l'appartement d'en face, je ne sais pas ce qui me retient.
Il faudrait qu'elle sache pourtant que, depuis quelques jours, je ne vis que pour elle, pour toutes ses conneries que je m'invente pour tenir jusqu'à demain, des histoires d'amour à distance, télécommandées, de ces choses par contumace qui n'arriveront jamais.
Moi, je vis encore. Je ne vais pas me plaindre. Je n'ai même plus froid. Je m'habitue à la neige, la pisse et à la merde.
Je ne sais pas si je meurs demain. Si c'est déjà mon tour. Forcément. Ça ne devrait plus tarder, avec toutes ces injections.
Nous ne sommes plus que quelques un à loger ici.
Loger ! La plupart des baraquements sont vides.Ceux encore occupés sont transformés en salle d'opération, d'expérimentation, par manque de places. Plus assez de prisonniers. Trop de morts vivants.
Strudhof, Alsace, France, camp de malades involontaires, Strudhof, hôpital concentrationnaire militaire. Camp de morts. Presque le nom d'un gâteau.