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Citations de François Cusset (33)


Alors qu’un peu de bêtise bien placée, comme ils furent quelques-uns à s’y essayer, émancipe plus sûrement que des mégabits d’intelligence.
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On a tenté chacun de notre côté, tant bien que mal, de tracer un sillon qui ne fût plus collectif, ou plus sur ce mode-là, mais qui restât fidèle, au moins en négatif, à ce qui nous avait tenus debout face à l’infamie. Non pas fidèles par principe – pauvre monde d’hier quand il n’en reste plus que des principes -, mais à la fois par fierté et faute de pouvoir accéder à ce désir-là, dont on pouvait concevoir les intensités mais dont on n’aurait pas pu ressentir l’euphorie.
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On peut désormais criminaliser sans scrupule chaque comportement de dépendance vis-à-vis des structures collectives: c'est la première fois que la dénonciation d'un supposé "assistanat" des chômeurs va constituer un élément clé du discours dominant. L'autorégulation elle est défendue comme une bonne nouvelle, une source d'extase même...
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Woke est le nom d'un fétiche politique, d'un fantasme réactionnaire : à la fois le nom de code d'une stratégie précise de régression politique et un cri de dégoût poussé par les populistes de droite mais aussi par la bonne société, par les libéraux à l'ancienne comme les nouveaux patriotes - la marque d'un chantage moral à visée politique, d'un côté, et de l'autre, le symptôme qu'à certains, décidément, l'émancipation des autres est insupportable, plus encore aujourd'hui qu'hier. Woke est un écran de fumée, le tour de passe-passe de fabricants de paniques morales et de victoires électorales. Un mot de droite, qu'on peut laisser aux droites, et passer enfin à autre chose. Pour discerner, derrière l'écume des racontars, la vague de la politique qui vient, et derrière les anecdotes en boucle, la guerre effective en cours. (22)
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Sur le plan économique, le capitalisme néolibéral financiarisé et mondialisé n'a plus besoin de faire semblant de jouer le jeu de la régulation; il n'a face à lui aucune instance susceptible de contenir ses débordements, aucun garde-fou institutionnel ni aucun contre-effet systémique.
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Ici et là, quelque chose se lève aux quatre coins du globe face à une adversité ravivée, quelque chose d'encore éclaté, mal dégrossi, parfois naïf ou péremptoire. Quelque chose qui soulève peu à peu cet univers de peurs enfouies et de boucs émissaires en réseau. Quelque chose qui n'est pas la fin de la civilisation, mais peut-être sa dernière chance : la seule bonne nouvelle récente, en tout cas, dans le monde triplement malade de ce début de millénaire - malade de l'économie, de la solitude numérique et, bien sûr, de la catastrophe écologique, avec son pendant médical et sanitaire. Et ce qui se lève là est jeune, incroyablement jeune. Moyennant un dangereux fossé entre les générations, le risque fatal d'une rupture des liens et de tout langage commun. Car la minorité en question, dans son indéfinition, est aussi la jeunesse du monde : une génération nouvelle, immédiatement mondiale, exposée aux fièvres numériques et au fatalisme des ainés, désolés de leur laisser un monde où ils n'auront, disent-ils, aucune chance. (19-20)
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Comme le néolibéralisme a précipité la chute du mur qui séparait le monde en deux blocs idéologiques, la biotechnologie pourrait faire chuter le mur "naturel" selon Fkuyama, qui sépare les sexes.
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Comme vient le révéler les années 1990, le problème dit "des banlieues" est un problème typiquement post-colonial, en ce qu'il témoigne de la persistance du colonial, sous une forme altérée, au cœur des sociétés contemporaines.
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Ils en savent plus que leurs détracteurs, qui s'offusquent des « réunions non-mixtes » alors quelles sont une des plus anciennes tactiques des opprimés pour qu' une parole libre circule - suffragettes ou militants noirs des droits civiques, et jusqu'aux ouvriers du XIXe siècle qui refusaient les contremaîtres aux réunions syndicales. Et ce savoir complexe, cet éveil critique, il s'agit de les diffuser par tous les moyens : affichages, posts, messages viraux, tracts, vidéo-enquêtes. (36)
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Un bêtisier de cent cinquante pages* suffit à peine à recueillir ce nectar d’archiviste et on prend conscience de la réalité du débat public à ce simple fait que les auteurs de ces perles auraient dû succomber à la honte, en tout cas ne jamais reparaître : « L’Europe est la réponse d’avenir à la question du chômage » (Michel Sapin), « A vrai dire je n’ai pas encore compris pourquoi les libéraux veulent de cette Europe-là » (Michel Rocard), un peu plus haut en intensité : « C’est presque notre chair l’Europe, maintenant, et si on ne fait pas l’Europe on va se blesser » (Brice Lalonde), enfin le définitif « Avec Maastricht on rira beaucoup plus » (Bernard Kouchner) – mais parmi tant d’autres.
* « Le Bêtisier de Maastricht », présenté par Jean-Pierre Chevènement, Paris, Arléa, 1977.
Economie / Finance Dix ans de mondialisation « heureuse » … Frédéric Lordon
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Car ils le martèlent : il y a tant et tant de manières d’être vivant. Leur rapport au plaisir comme au glissement des genres est une façon, toujours, d’avoir plus d’un corps, plus d’un horizon sensible, beaucoup plus qu’un seul usage d’eux-mêmes. Leur force, qui ne se mesure pas à l’audimat ou au nombre de vues, est de faire l’expérience de vies différentes dans des corps différents, réappropriés, innombrables, soustraits à la honte. C’est pourquoi ce vieux sujet individuel, celui des philosophes et des juristes, les convainc peu, s’il y a démultiplication des sujets, incorporation de subjectivités multiples, et plutôt une « position de sujet », selon les luttes et les espaces, qu’une entité figée et éternelle. Construite et donc, s’il le faut, à déconstruire, l’identité est pour eux le contraire d’un mantra, d’un fétiche : plutôt le support de l’oppression, le fardeau d’une assignation, la scène des mobilisations et des inventions de nouveaux rapports, de nouveaux sujets, d’émancipations inédites.
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La haine extraordinaire, celle de pamphlétaires cupides et d'idéologues de réseaux sociaux. Une haine plus bavarde, plus érudite, qu'un certain élitisme juge plus présentable, mais qu'anime le même venin que les haines de rue et qui contribue plus sûrement qu'elles, avec elles, à fabriquer cet Ennemi unique : à changer la différence honnie, la multiplicité quon disait bienvenue, en un seul monolithe effrayant, monstre idéologique qui menacerait l'ordre du monde - qu'on l'appelle wokisme, islamogauchisme, communautarisme, extrémisme minoritaire ou passion identitaire, selon les noms variés dont on l'affuble, tous inadéquats, détournés ou inventés. Ces haines présentables là ont un vaste spectre, qui va du mépris générationnel à la guerre de civilisation, du réactionnaire de droite décomplexé à l'anticommunautariste social-démocrate bien-pensant. Mais il trouve dans chaque pays, du moins en Europe et en Amérique, des coteries de mâles blancs énervés tous prêts à l'enrichir encore, le renouveler toujours - et derriere la profusion des manchettes, tweets rageurs ou best-sellers de saison, il est assez monotone. (5)
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Ainsi l essence de l époque tient-elle tout entière dans la valse de ses publicités. La vérité de la décennie n est pas dans les valeurs qu elle affiche, antiraciste ou méritocratie, dans les grandes doctrines dont elle se reclame, liberalisme ou democratie, mais dans le ton et le style de ses pubs. Plus qu aucun discours, ce sont elles qui expriment les mots d ordre de l époque : la joie de la crise, le devoir d innovation, l obsolescence de la politique ou l inutilité des fanatismes.
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Refoulez l'Impérialisme, il revient donc au galop. Bien sûr dans les années 1990 les expéditions impériales se font au nom des "droits de l'homme" et de l'"ingérence humanitaire", et en obtenant- mais ce point reste facultatif- le soutien de la "communauté internationale". On assiste à l'apparition d'un "nouvel humanisme militaire", pour reprendre l'expression pénétrante de Noam Chomsky.
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Désormais, l'autorégulation est présentée comme une chose merveilleuse, enthousiasmante. Ce qui n'est pas sans rapport avec l'apparition d'un discours décomplexé sur l'argent, qui devient à lui seul le signe suprême des miracles de l'autorégulation. La richesse facile était jusqu'alors mal vue. Désormais, les richesses rapidement accumulées déclenchent l'admiration et tout un vedettariat inédit.
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"Sollicité par la production pour participer comme consultant "théorique" à la préparation des Matrix 2 et 3, sortis à grand bruit courant 2003, Baudrillard déclinera cette offre, jugeant aujourd’hui que la théorie est tout au plus, pour les frères Warchowski, un vague "horizon asymptotique"."
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Les forces du marché font souffler le chaud et le froid, selon qu'elles ont besoin de travailleurs bon marché, ou du soutien idéologique des nouveaux croisés, ou de controverses qui feront diversion. (46)
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[On] ne sait jamais, dans ces diatribes solennelles, si les jeunes ou les militants cités et ciblés menacent de mort la civilisation, sapant deux millénaires de progrès, ou s'ils ne sont que des chochottes trop sensibles (aux discriminations) dont la susceptibilité en excès ne risque pas de changer le monde. On peine à évaluer la menace. Alors ? Danger mortel, ou contorsions de douillets ? Tournant historique, ou vogue rhétorique ? (10)
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Je crois me souvenir que mon rêve de la nuit dernière ressemblait à la valse d’un figurant sur une scène de théâtre, quand il change de rôle et de costume plus vite que la musique, ou au défilé trop rapide des paysages depuis une voiture filmée en travelling : je changeais d’environnement à toute allure, plusieurs fois par minute. Dans mon rêve je passais de la forêt touffue, où je me voyais frotter des pierres l’une contre l’autre assis sur une grosse stèle au milieu d’une clairière, au pré jaune voisin, sur la pente duquel je faisais rouler une roue en bois grossière comme si je venais de l’inventer, puis sans transition de là à une grosse usine de brique en lisière d’une ville, d’où j’émergeais éreinté dans une salopette bleue trop grande, au milieu d’un nuage de vapeur, puis en ville dans un bureau ouvert plein de machines à écrire et de secrétaires à chignon, et enfin chez moi, en tout cas j’y avais cuisine et chambre, d’où je travaillais sur un ordinateur invisible, son écran tactile pendant dans le vide devant mon mur façon hologramme de film.
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François Cusset
[La jeunesse] pourrait tirer [la notion séculaire d'émancipation] vers un horizon indien, au sens des luttes que mènent les Zapatistes du Mexique, les Aborigènes ou les femmes en Inde. Au rationalisme militant s'ajoutent aujourd'hui des formes de magie et de spiritualité bienvenues, du côté du néopaganisme, de la sororité entre "sorcières", de la reconnexion intégrale avec le vivant. Au paternalisme partisan d'hier on préfère une entre-écoute amicale des luttes variées, une prise en main de son propre sort : "tout ce qui est fait pour moi mais sans moi est fait contre moi", disait déjà le Mahatma Gandhi, que prolongent les néoféministes - "ne nous libérez pas, on s'en charge !".
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