Histoire du structuralisme, tome 1 : Le champ du signe, 1945-1966 de
François Dosse
Le structuralisme pour triompher devait, comme dans toute tragédie, tuer. Or, la figure tutélaire des intellectuels d’après-guerre était Jean-Paul Sartre. Il avait eu, dès la Libération, un retentissement particulier en faisant descendre la philosophie dans la rue. Mais celle-ci va peu à peu lui renvoyer la rumeur persistante de thèmes nouveaux portés par une génération montante, qui va progressivement le renvoyer sur le bas-côté de la route.
Dans ces années cinquante, décisives dans ce que l’on appellera plus tard le phénomène structuraliste, Sartre connaît une série de ruptures aussi douloureuses que dramatiques qui vont au fil des années l’isoler, malgré son succès public qui ne se dément pas. Une des raisons de ces déchirements vient en fait de la volonté chez Sartre d’effacer ses années d’apolitisme, de cécité dans lesquelles il s’était, selon la bonne tradition khâgneuse, enfermé et qui l’ont rendu sourd et muet devant la montée de l’horreur nazie, inattentif et indifférent aux luttes sociales des années trente. Mordu à la nuque par sa propre histoire, Sartre essaye de surmonter ces lacunes passées en se liant de près au PCF en 1952, au cœur de la guerre froide, au moment même où toute une génération d’intellectuels commence à s’en distancier chaque jour davantage devant les révélations successives sur ce qui se passe en Union soviétique.
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