Le polar vient de loin. Il n’a pas toujours relevé de cette hype tardive et opportuniste. Il n’en toujours pas revenu de loin d’ailleurs, pas tout à fait...
Quand François Guérif entame sa carrière de polardeux averti dans les seventies triomphantes, l’heure est à la SF. Présence du futur de Denoël mouline de la science-fiction pointue, K Dick est dans la place et Dune (re)prend son envol. Le polar est à la ramasse.
Guérif dans cet entretien roboratif rappelle ces temps jurassiques, avant la déferlante nordique, avant les superstars du genre, agencés en tête de gondole. Les auteurs de polar étaient des soutiers, obligés de se soumettre à des clauses léonines, qui voyaient s’évaporer jusqu’à 30 % de leur texte dans des traductions caviardées.
L’occasion ici de ne pas remercier Marcel Duhamel et sa Série Noire, ses traducteurs qui débitèrent David Goodis, tronçonnèrent Jim Thompson pour soi-disant faire avancer l’action. Ils défigurèrent des œuvres oui ! Un peu comme si on sciait le premier quart de La Joconde parce qu’on s’en fout de ses mains croisées en fait.
Guerif va s’atteler à proposer des traductions complètes et redonner leur cohérence, leur intégrité à des livres mutilés au-delà du concevable.
François Guérif livre une analyse fine et exhaustive du polar, entrelardé de ses rencontres (Manchette !) et découvertes. Cet entretien, qui se lit toujours d’une traite, se savoure à chaque nouvelle lecture, au fur et à mesure que notre expérience du roman noir s’agrandit. On accompagne Guerif dans son tamisage, et de le voir récupérer les pépites... Découvreur d’Ellroy, Robin Cook, David Peace etc. Excusez du tant et plus...
Il est toujours miraculeux de croire qu’un livre a été écrit pour soi. On sait bien que c’est une rêverie naïve, il n’empêche que j’ai la sensation tenace qu’il me parle directement Guérif (et son pote Philippe Blanchet qui n’est pas né de la dernière ondée ni de la première pluie). Savoir que de multiples lectrices, nombre de lecteurs, éprouvent la même chose, me rassure en définitive.
On peut vivre sans Bible. J’ai trouvé la mienne.
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