Je ne prête guère attention aux échos qui paraissent ici à là. J'ai tort. Il ne faut jamais rien laisser sans réponse, surtout quand il s'agit de médiocrité. On ne s'y abaisse point. On s'en délivre.
La politique est d'abord, un art de la synthèse. Elle consiste à rassembler autour d'une idée, d'un programme, dans un parti ou dans le pays, à construire une équipe pour mettre en oeuvre un projet politique. Celui qui n'a pas compris cela ne peut agir dans la durée. Celui qui divise sans cesse, qui s'oppose toujours - on en connaît quelques-un - ne gouverne jamais.
Mais la synthèse comprend aussi le devoir de rupture, comme une médaille a deux faces. Elle implique le respect des règles, la cohérence de l'action, l'acceptation des nécessités cruelles du gouvernement. Elle réunit ceux qui acceptent le contrat commun, elle exclut ceux qui y manquent. Synthèse et rupture sont l'avers et le revers de la même réalité : l'exercice du pouvoir dans une démocratie.
Je n'ai donc pas d'états d'âme. Exercer le pouvoir, c'est conjuguer ses convictions avec le service de l'intérêt général.
C'est mon dernier jour à l'Élysée.
Depuis le matin, cette maison du silence bruisse étrangement. Des pas pressés, des voitures dans la cour, des coups de marteau qui résonnent entre les façades du palais. Ce ne sont pas les chênes que l'on abat pour le bûcher d'Hercule. Plus simplement, des tréteaux de bois blanc qu'on dresse pour l'installation d'Emmanuel Macron.
La science-fiction s'est invitée à la table d'un néocapitalisme dans lequel le rêve technologique devient une valeur boursière.
Choisir les bonnes personnes, au bon moment, au bon endroit, c'est la condition du succès de toute politique. Un président ne peut réussir seul. Mais s'il est mal entouré, il est sûr d'échouer.
Je voulais être un "président normal" pour mieux assumer une tâche anormale.
A peine élu, le président s'envole. Non pas dans les sondages comme on aura pu le remarquer mais dans les airs.
Être dans l'actualité n'est pas être dans la vie. Aborder tous les thèmes, c'est n'en imposer aucun (...)
A s'inviter en permanence chez les gens, ils finissent par vous fermer leur porte. A vous voir, ils ne vous regardent plus. A saturer l'espace, ils vous effacent. A leur annoncer chaque jour une initiative, ils ont déjà oublié la dernière.
C'est la différence entre donner du sens et faire du bruit.
L'oublie crée l'effacement. Loin d'apaiser, il avive les plaies de l'injustice et attise les ressentiments. Il peut instiller l'esprit de revanche à des individus niés dans leur histoire et dans leur souffrance et qui ne parviennent pas à prendre toute leur place dans la communauté nationale.
Je suis pudique : c'est mon caractère et c'est un principe. J'ai appris tout jeune à garder mes émotions pour moi. Elles transparaissent parfois, à mon corps défendant. Mais c'est à l'abri d'une affabilité sincère et d'une réserve protégée par l'humour, celui qui rend la vie à mon sens plus agréable, qui préserve de l'ennui ou de la solennité, qui atténue la nature tragique de l'existence humaine. C'est une morale qui me semble juste : épargner aux autres sa tristesse ou sa colère, ses états d'âme, ses propres malheurs : ils en ont assez eux-mêmes.
Ce sont parfois des attentions simples plutôt que des proclamations tapageuses qui font que des ministres suscitent le respect. Bernard Cazeneuve parle tout bas, ce qui lui donne de la hauteur.
Qu'est-ce qu'un projet grandiose s'il lui manque l'attribut premier : l'existence ? Le réalisme sans projet est un renoncement mais l'idéal sans action est une abdication.