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Critiques de Frédéric Gros (146)
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Marcher, une philosophie

Livre très intéressant, qui mêle la marche, ses conditions, ses bienfaits et la philosophie en revenant justement sur les principaux "philosophes marcheurs", et pas n'importe lesquels : Rousseau, Nietzsche, Kant, Thoreau, etc....

Tout cela dans un style agréable et accessible.

Qui donne envie de penser en marchant... ou l'inverse.
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Marcher, une philosophie

De Jacques Lacarrière, auteur de Chemin faisant, à Sylvain Tesson ou Jacqueline de Romilly, les écrivains ont souvent mis en avant les joies sensorielles de la marche et les rencontres qu'elle permet de faire. La destination n'apparaît souvent que comme un prétexte. C'est le voyage lui-même qui importe. Déjà dans l'antiquité maîtres et disciples marchaient régulièrement. Socrate questionnait et apprenait au cours de ses promenades, et de nombreux dialogues de Platon s'ouvraient sur l'évocation d'une rencontre imprévue, la marche favorisant une quête de vérité.



Frédéric Gros est un adepte de la randonnée, bien différente de la promenade. Son parcours croise ceux d'auteurs itinérants qu'il nous présente au fil des chapitres dans lesquels il invite tour à tour Rousseau, Raimbaud, Thoreau, Kant, Nietzsche, Gandhi et d'autres qui ont fait l'éloge de la marche. « Seules les pensées que l'on a en marchant valent quelque chose », écrit Nietzsche. Selon lui la marche crée et favorise une disponibilité à certaines pensées et les pensées nées en marchant sont plus authentiques. Frédéric Gros propose également des chapitres plus personnels où on entend la voix de l'auteur qui entraine son lecteur dans ses pas.



La vitesse n'intéresse pas Frédéric Gros : « Nietzsche marche, il marche comme on travaille, il travaille en marchant » ; « Les journées à marcher lentement sont très longues : elles font vivre plus longtemps, parce qu'on a laissé respirer, s'approfondir chaque heure, chaque minute, chaque seconde, au lieu de les remplir en forçant les jointures. »



Rousseau, dans ses "Rêveries du promeneur solitaire" au nom si évocateur, dit ne pouvoir penser qu'en marchant et en éprouver une grande joie. « Jamais je n'ai tant pensé, tant existé, tant vécu, tant été moi, si j'ose dire ainsi, que dans les voyages que j'ai faits seul et à pied. » Frédéric Gros l'oppose aux marches ascensionnelles de Nietzsche, toujours en direction des sommets, comme la pensée qu'il recherchait.



Le temps consacré à la marche est celui qui nous ouvre à notre liberté. Pour Frédéric Gros : « le secret de la promenade, c'est bien cette disponibilité d'esprit, si rare dans nos existences affairées », il nous engage à relire les pages où Proust évoque ses promenades.



Marcher, une philosophie. Dans ce petit livre inclassable, Frédéric Gros nous propose une réflexion philosophique sur la marche qui est à la portée de tous et offre un sentiment de liberté et d'humanité. Avec des mots simples mais bien choisis, associés à une belle écriture, Frédéric Gros nous donne une belle leçon et nous invite sur les chemins à regarder les paysages se dérouler devant nos yeux. « Tout grand paysage est une invitation à le posséder par la marche », écrit Julien Gracq. La marche serait donc un art de vivre, un exercice spirituel et philosophique. Du coup… on marche !

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Marcher, une philosophie

Certainement un livre que tous les marcheurs et philosophes sauront apprécier ! Au premier abord, l’idée semble bien saugrenue de réunir dans un même livre les thèmes de la marche et de la philosophie. Et pourtant, nous sommes tous marcheurs et nous sommes tous philosophes, souvent sans en être pleinement conscients.

Frédéric Gros, est professeur de philosophie et pratique la marche. Pour autant, l’auteur n’évoque qu’à de très rares occasions ses souvenirs de marche. Son récit est en fait un voyage dans le temps et dans l’espace. Et l’on découvre qu’au cours des siècles de grands penseurs ont souvent été de grands marcheurs.



Rousseau (XVIII°), par exemple, se lance à 16 ans dans de longs voyages à pied à travers la France. Ce sont des voyages heureux. « Jamais je n’ai tant existé que dans les voyages que j’ai fait seul et à pied » dira t-il. Ses interminables marches solitaires dans les sous-bois, loin du monde, vont lui permettre de découvrir en lui l’homme primitif, naturel, sauvage, innocent, heureux, bien loin de l’homme social plein de rancœur, de haine, de méchanceté, de jalousie. Pour Rousseau, la marche, en effaçant les mauvaises pensées, est bonheur, bien-être, joie et calme.



Kant (XVIII° également) lui, ne quittera jamais sa ville natale de Königsberg. Sa vie était réglée comme du papier à musique. Tous les jours, que le temps fut beau ou mauvais, Kant partait pour sa promenade d’une heure pile, toujours sur le même chemin, toujours seul, en respirant par le nez, la bouche fermée. De toute sa vie d’adulte, l’histoire veut qu’il n’ait manqué que deux fois sa promenade quotidienne ! Marche monotone, régulière, inéluctable. Pour Kant, la marche est discipline, volonté.



Nietzsche (XIX°) trouvera dans la marche un exutoire à ses terribles maux de tête. De grandes marches, seul, sur des sentiers de montagne, tous les jours, jusqu’à 8 heures de marche par jour. C’est dans la marche que Nietzsche trouvera son inspiration pour écrire un de ses textes majeurs « Ainsi parlait Zarathoustra ». Pour Nietzsche, la marche est indissociable de la réflexion : penser en marchant, marcher en pensant.



Rimbaud (XIX° également) pratiquera la marche dès l’âge de 15 ans. Il traversera l’Europe à pied, toujours à pied, de Belgique en France, d’Allemagne en Italie, d’Autriche en Suède. Ses pas le conduiront jusqu’au désert, dans les montagnes du Harar. Il en mourra à 36 ans, terrassé par des douleurs atroces dans le genou. Pour Rimbaud, la marche est synonyme de fuite, de fuite en avant. Mais aussi de joie, de fatigue, d’épuisement.



Ainsi, ce livre nous fait découvrir les mille et une façons de marcher et ses mille et un effets bénéfiques. Chacun trouvera dans la pratique de la marche les bienfaits répondant à ses propres aspirations.
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Marcher, une philosophie

J'ai beaucoup aimé cet essai sur la marche en lien avec la philosophie.



Alors, bien sûr, la marche est la manière simple et normale de se déplacer, n'importe où, loin des contraintes de vitesse ou de performance (sauf lorsque la marche devient compétition en termes de kilomètres parcourus ou de dénivelés gravis), juste pour être soi avec soi, dans le dénuement de devoir uniquement poser un pied devant l'autre.



Mais, bien plus, Frédéric Gros convoque, pour nous en persuader, de grands philosophes comme Nietzsche, Rousseau ou autres, qui étaient d'infatigables marcheurs et trouvaient dans cette activité leur source d'inspiration.



Un livre à mettre entres toutes les mains des marcheurs, randonneurs ou simples flâneurs, de tous ceux qui vont le nez au vent, les yeux émerveillés par ce qu'ils découvrent au détour d'un chemin.

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Marcher, une philosophie

lu en Décembre 2012, j'avais apprécié un maximum.

Je pense qu'il va falloir le reprendre pour le plaisir d'enrichir Babelio de quelques citations....



Après nous avoir exprimé les différents fondements sur la notion de liberté, F. Gros nous illustre ce concept avec la vie tumultueuse de Nietzsche (1844,1900), en nous refaisant tout le cheminement de son parcours issu de ses longues marches ! sublime !!!!! j'en redemande, en fait je découvre les personnages, je cherche d'autres références, je m'égare, je tombe dans des puits de connaissances, bref.... j'exulte .

C'est pas fini, j'enchaîne sur Rimbaud (1854,1891), même époque, mais des lieux bien différents....même hargne pour la marche, mais pareil ça me ramène a plein de référence dont l'Abyssin de Ruffin que j'ai adoré. Va falloir que je me mette à lire du Rimbaud ! ....



Rien que 130 citations que je vous ai révélées !!!! franchement vous auriez tort de vous priver...



Vendredi 30 Septembre 2016, comme d'hab je lisais autour des étangs, la femme du boulanger, en marchant....un silence....un Bing...Gadgette, mon chien, vient de se faire renverser....le vétérinaire n'a rien pu faire....va falloir que je reste philosophe,....hommages à ma Gadgette.....



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Marcher, une philosophie

Si vous aimez la marche vous en connaissez les bénéfices. Dans ce livre, Frédéric Gros nous propose une exploration des différentes philosophies d'illustres marcheurs comme Rimbaud, Rousseau, Gandhi et bien d'autres encore dans lesquelles vous vous retrouverez forcément à un moment ou un autre
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Marcher, une philosophie

Réflexions sur la marche, entrecoupées de récits de philosophes célèbres d'autrefois.
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Marcher, une philosophie

Cheminer en compagnie de l’auteur, de Rimbaud, Rousseau ou Kant : un beau programme qui donne envie de chausser ses souliers et de partir à l’aventure. Je retiens aussi que la pratique de la marche était ancrée dans la vie de ces illustres penseurs, influençant leur œuvre.

J’ai aimé le découpage du livre, aux jolies illustrations, qui alterne les expériences et réflexions de l’auteur avec les vies de ces grandes figures.

J’ai appris à mieux les connaître et découvert comment la marche a impacté leurs vies et façonné leurs idées.

Je ne résiste pas au plaisir de vous partager quelques citations.

Pourquoi marcher ? « Redécouvrir en soi le premier homme », « On n’a besoin en marchant que du nécessaire ».

Pour Rousseau dans les « Confessions » qui regrette ses voyages à pied de sa jeunesse qui furent des moments heureux : « Je n’ai voyagé à pied que dans les beaux jours, et toujours avec délices … les devoirs, les affaires, … m’ont forcé de faire le Monsieur et de prendre les voitures… au lieu qu’auparavant dans mes voyages je ne sentais que le plaisir d’aller, je n’ai plus senti que le besoin d’arriver ».

Un essai à mettre dans toutes les mains et pourquoi pas au pied du sapin ce Noël.
Lien : https://www.despagesetdesile..
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Marcher, une philosophie

non terminé
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Marcher, une philosophie

« En avant, route ! »

L’incipit de l’essai du philosophe enseignant Frédéric Gros oppose sport et marche à pied : « Marcher n’est pas un sport » puis il développe succinctement en quoi les deux pratiques se différencient : techniques, règles, scores, compétition, apprentissage, effort, discipline, endurance, marchandisation et médiatisation pour le sport ; « intensité du ciel, éclat des paysages » pour la marche. Le ton est donné. L’auteur aurait pu y adjoindre l’extraordinaire pouvoir subversif de la marche comme pratique gratuite, élémentaire, instinctive tournant royalement le dos au consumérisme ambiant mais l’orientation de l’ouvrage eût été autre. Le chapitre suivant enchaîne sur la notion de libertés (suspensive, le temps d’une randonnée ; de rupture avec la plongée dans la nature sauvage ; de renoncement en se détachant exactement de tout ce qui nous constitue socialement et civilement : « C’est au moment où on renonce à tout que tout nous est offert, au moment où on ne réclame plus rien que tout est donné, à profusion. Tout, c’est-à-dire l’intensité même de la présence ». Déjà vingt pages sont passées à toute vapeur produisant l’étonnement émerveillé du lecteur. L’écriture est lisible sans jargon philosophique ou formule alambiquée, les idées exposées simplement, étayées d’exemples éclairants. Les chapitres enchaînent les réflexions incisives et les portraits lumineux d’écrivains pour qui la marche a été un ouvroir de philosophie, de littérature ou de poésie, essentielles : Friedrich Nietzche, le marcheur des abrupts, depuis le village de Sils-Maria dans la haute Engadine : « Ne prêter foi à aucune pensée qui n’ait été composée au grand air… Être « cul-de-plomb »… c’est le vrai pêché contre l’esprit » ; Arthur Rimbaud, l’homme en marche contre tout, des Ardennes à l’Abyssinie : « Allons ! La marche, le fardeau, le désert, l’ennui et la colère » ; Jean-Jacques Rousseau, le promeneur herborisant : « Jamais je n’ai tant pensé, tant existé, tant vécu, tant été moi… que dans les voyages que j’ai faits seul et à pied… » ; David Henry Thoreau, le marcheur de l’Ouest : « C’est dans la vie sauvage que repose la sauvegarde du monde » mais encore les cyniques de la Grèce antique (« cynique » de « kunos », « chien », philosophes marcheurs à la vie de dogue, prompts à l’invective aboyée, pourfendant l’hypocrisie), Gérard de Nerval, l’errant mélancolique, ténébreux et hanté, Emmanuel Kant, Walter Benjamin, Gandhi, le rouet hindou, Hölderlin, le poète à vif et tant d’autres, anonymes pèlerins, lointains aborigènes, colporteurs disparus… Frédéric Gros ne perd jamais le fil de son propos, la marche à pied et ses effets, modifiant la perception des êtres et des choses. Il n’élude pas les difficultés rencontrées par le marcheur dans sa peine pédestre : « Il n’y a plus qu’un immense renoncement… les jambes sont aspirées par le chemin et l’esprit flotte au-dessus ». A la lecture de ce passionnant et instructif ouvrage, le lecteur sent que l’auteur, n’hésitant pas à partager ses expériences de marcheur, maîtrise son sujet comme le montre à l’envi la précieuse bibliographie en fin de volume. Il est rare de rencontrer un livre sur la marche qui ne se perde pas dans des considérations métaphysiques plan-plan, un lyrisme aphone, un mysticisme hermétique. Beaucoup de moments forts parsèment l’ouvrage à l’instar des chapitres consacrés à Thoreau, Gandhi ou Rimbaud mais peut-être l’acmé du livre se situe-t-il lors de l’évocation des pèlerinages, de Compostelle, du Kailash au Tibet et surtout quand il raconte la grande marche du peyotl effectuée par les Indiens Huichol dans la Sierra Madre, au Mexique. Le lecteur, mis en appétit, aimerait en apprendre davantage en parcourant lui-même les antiques tracés. Dans ces pages célestes, la Terre apparaît éminemment désirable avec ses cols vertigineux et ses chausse-trapes abyssales. Comme l’aurait dit David Henry Thoreau sur son lit de mort au prêtre lui évoquant l’au-delà : « S’il vous plaît, un seul monde à la fois ».
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Marcher, une philosophie

Marcher, une philosophie, est un très bel essai dans lequel le philosophe Frédéric Gros affirme que le secret du génie philosophique se trouve dans la faculté de marcher, seul des heures durant vers l'ouest ou au sommet des montagnes.

Ce livre est un bijou d'érudition.

La marche nous donne une approche paradoxale de la liberté.

En quoi la marche est-elle une expérience de liberté ? Alors qu'elle est une contrainte, d'abord physique, marcher jusqu'à une fatigue parfois insoutenable, où le poids du corps devient comme un fardeau. Contrainte psychologique car il faut trouver la force mentale de continuer, contrainte météorologique... La marche nous amène à la patience, l'humilité, parfois la résignation. Ne jamais savoir à quelle heure on parviendra à sa destination...

Frédéric Gros nous dit que marcher est une démarche d'émancipation où l'on se libère de facilités aliénantes, qui nous paraissaient presque indispensables et dont la marche démontre qu'on peut s'en passer. C'est une joie d'en être libéré.

Marcher, c'est s'affranchir de ces contraintes et renouer avec une forme de liberté que nous aurions perdue.

Il y a différentes formes de marche, des marches en ville, des flâneries, des randonnées longues... Frédéric Gros nous les fait visiter avec le prisme d'un philosophe, mais aussi à travers son expérience personnelle.

Pourquoi le philosophe est-il fasciné par la marche ? L'effort physique répété a dans la marche une telle régularité que cela nous rend disponible à autre chose... Et notamment pour accueillir la pensée...

Mais marcher, c'est aussi mettre un pas devant l'autre, c'est peut-être le plus beau geste tendant à chercher l'équilibre dans le déséquilibre. Lever un pied, sentir le vide dans ce déséquilibre et emplissant ce vide par ce pied qui avance pour retrouver l'équilibre. N'y a-t-il pas dans ce geste primaire et préhistorique un geste inaugural qui prévaut aux prémices de la réflexion ? Car marcher fait penser, n'en avez-vous jamais fait l'expérience ? Marcher d'un point à un autre est la meilleure manière de voyager dans ses intériorités, parfois abyssales.

Mettre un pas devant l'autre et de manière répétée, c'est un mouvement perpétuel, il y a comme quelque chose de monotone et pourtant ce mouvement produit quelque chose d'inouï en nous, une sorte de métamorphose. Comme si le corps comme un fardeau s'en affranchissait par la marche par l'effort et la contrainte physique... C'est une contrainte qui devient douce du fait de sa régularité. Nous sommes disponibles à autre chose, la présence au monde, la présence à soi, la lenteur fait qu'on peut regarder et être disponible au monde, aux autres, disponible à notre propre corps, à ses respirations... Marcher c'est faire cette expérience de la lenteur. Apprendre cette lenteur...

J'ai compris pourquoi l'auteur conseille de marcher seul, ayant moi-même expérimenté les deux manières sur des chemins très longs. Sur de tels chemins je vous conseille d'y aller seul. Marcher, c'est être tout d'abord disponible à soi-même...

En tant qu'agnostique et pour des raisons totalement spirituelles, le fameux chemin de Saint-Jacques de Compostelle m'intéressait ; j'ai ainsi marché à partir du Puy-en-Velay jusqu'à Pampelune. Pas plus loin, effrayé par le risque d'hystérie religieuse en terre espagnole, et encore plus à l'approche de l'étape ultime, que je n'aurais pas supporté. J'ai rencontré des êtres ordinaires et exceptionnels à la fois. Marcher nous fait poser des regards sur les autres... Un marcheur qui avait des boules de pétanques dans son sac pour participer à une compétition internationale à l'étape de Figeac, un ambulancier qui pleurait de devoir renoncer au chemin pour cause de problèmes physiques, une femme d'un richissime industriel fille d'un riche banquier, habitant le XVIème arrondissement de Paris, ayant la crise de la quarantaine, fuyant cette vie qu'elle ne supportait plus, fuyant avec sa fille adolescente et un coach sur le chemin, et cette jeune américaine tout droit sortie de l'Université d’ Harvard, partie du Puy-en-Velay et qui poursuivait le chemin jusqu'au Maroc, à la frontière mauritanienne. Elle s'appelait Barbara... Le chemin de Compostelle est un petit village. J'entendais souvent parler d'elle comme d'un mythe, sorte de gazelle aérienne, fugitive, insaisissable... Les hommes en parlaient le soir dans les gîtes d'étapes. On l'a disait belle comme un mirage qui filait vers le désert saharien... Elle avait deux jours d'avance sur moi et marchait beaucoup plus vite... Qu'importe ! Le chemin est une lenteur. Et puis à Moissac elle s'arrêta pour une pause de deux jours... C'est là que je fis alors sa connaissance... Je me souviens de ce verre pris à une terrasse avec elle, nous avions devant nous la sublime abbatiale Saint-Pierre ... Elle n'était plus un mythe, elle devenait réelle avec ses ampoules aux pieds, son visage exténué par les kilomètres, le poids de son bagage qu'elle ne supportait plus, et son accent français à la manière de Jane Birkin... La jeune femme devenait une amie, compagne de route, prenant réalité sous mes yeux fatigués, éreintés... Nous découvrions le poids de nos corps et la légèreté qui va autour... L'abbatiale devant nous n'en était que plus belle...

Passées ces rencontres insolites, il y a celles non moins insolites avec un être que vous allez apprendre à mieux connaître en cheminant : vous-même...

Frédéric Gros convoque ici des philosophes marcheurs, ils sont célèbres... Kant, Nietzsche, Rousseau, Thoreau... Mais aussi d'autres intellectuels, des poètes, Arthur Rimbaud, Gérard de Nerval, des écrivains comme Julien Gracq...

Marcher c'est être disponible à des pensées, des impressions, des souvenirs...

Marcher m'a fait penser à des choses qui ne me seraient pas venues autrement.

En marchant, nous sommes traversés par des pensées...

Et puis la pensée creuse un autre chemin, un cheminement en tâtonnant tout d'abord comme une agitation et puis l'apaisement vient dans ce pas saccadé et régulier, la pensée s'évade revient, tente un rhizome, le chemin devient un souterrain, un pas de plus vers les choses qui nous échappent. Marcher est une verticalité vers l'inconnu.

Marcher, c'est atteindre une forme de disponibilité d'esprit qui aurait pu être occultée par la vie quotidienne.

Marcher est une ouverture au monde.

Marcher est une joie.

Marcher comble par une présence au paysage, à nous-même, aux autres donc plus tard...

Marcher, c'est faire un formidable pas de nos côtés sur nos existences...

Marcher peut être un rituel. La régularité et la discipline auxquelles Kant s'astreignait tous les jours n'était-elle pas ridicule ? Mais alors, sans ce rituel, interrompu deux ou trois fois seulement, que serait la production de son œuvre ?

Kant pensait que marcher, pendant longtemps fut la manière d'être le médecin de soi-même. Il avait infiniment raison... Plus que jamais, je le pense aujourd'hui.

Marcher, nous dit Frédéric Gros , relève de notre part d'enfance, et j'adore cette idée.

Je pense au confinement que nous avons vécu durant les dernières semaines. Partir dans les bois, marcher. Et lorsque cet état de droit nous obligeait à ne pas dépasser ce fameux kilomètre ridicule à ne pas dépasser, il y avait comme une jubilation de ma part à entrer dans les bois, à deux pas de chez moi, et à sceller mes pas dans les veines des chemins qui coulaient bien au-delà de l'ordre établi, des règles et des injonctions. Cela devenait comme une jouissance de marcher loin si loin, un pied-de-nez, une révolte, un cri de liberté...

Et s'il faut chercher un sens à notre actuel devenir, marcher n'est-ce pas une manière de requestionner nos pas, nos gestes d'une société qui va trop vite, qui s'accélérait jusqu'à présent, jusqu'au confinement dont nous sommes en train de nous extirper... ? Pour autant, faut-il nous précipiter et courir vers la vie d'avant pour rattraper les quelques semaines « perdues » ou bien tout simplement marcher comme une manière d'approcher de manière apaisée, libérée, le monde d'après... ?

Si marcher est un chemin vers soi, vers les autres pour mieux y parvenir, alors oui marcher est bien une philosophie !

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Marcher, une philosophie

Ne cherchons pas trop de philosophie dans ce sympathique petit livre, ou peut-être la philosophie dans le sens de conviction, de façon d'être et de vivre, "c'est ma philosophie".



Frédéric Gros convoque des poètes, des écrivains, des philosophes et même le grand Gandhi, et nous raconte ce que la marche leur a apporté, ce qu'elle représentait pour eux, en quoi parfois elle est indissociable de leur vie. Ce faisant, il n'hésite pas à se contredire parfois -- après tout, contrairement à ce qu'affirme la rengaine, il y a beaucoup plus d'une façon de marcher. Il se laisse parfois entraîner dans un lyrisme un peu exagéré, mais encore une fois, cette petite promenade en sa compagnie et celle de ses invités est finalement bien agréable.



Je vous laisse, je vais marcher un peu.
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Marcher, une philosophie

Un livre qu'on découvre comme on marche. On picore des sensations, des ressentis. On le lit lentement ou vite. À chacun son rythme.

Ce livre très fin et documenté fait le tour de la marche à travers les siècles, les continents et les sciences. On se découvre philosophe, on cerne des sensations inexprimées.

Quel plaisir!
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Marcher, une philosophie

C'est un livre dense, très intéressant et de lecture très accessible pour un bouquin de philo.



Il y a trois auteurs qui ont écrit sur la marche : Frédéric Gros (ce livre), David Le Breton, anthropologue (3 livres), Roger-Pol Droit, philosophe (1 livre). Quoique trois points de vue différents, ils ont en commun l'idée que marcher n'est pas un sport, mais une activité permettant d'apprécier la nature, se concentrer sur soi même, méditation, travailler ses idées, ...



Ce livre de Frédéric Gros part de la particularité de la marche - un bon marcheur, liberté, lenteur, rage de fuir, solitude, silence, rêves éveillés, éternités, ... - ce sont les titres des chapitres. A chacune de ces particularités il associe un philosophe (ou autre) et décrit sa vie, comment la marche a affecté sa vie et sa pensée.



C'est le contraire de Roger-Pol Droit, dans son livre "Comment marchent les philosophes" qui partage l'activité de marcher en quatre catégories et, dans chaque catégorie, mentionne les philosophes.



C'est un livre intéressant. Ceux qui aiment marcher ne marcheront plus comme avant après lire ce livre.

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Marcher, une philosophie

Ouvrage érudit sur le thème de la marche vu par les différents philosophes et écrivains liés à ce sujet. Hélas, cela est présenté comme un catalogue sans déroulement d'une réflexion propre à l'auteur. Je m'attendais à lire un essai mais cela ressemble plus à un guide dont le chapitres sont indépendants les uns des autres. D'où ma déception. Il n'en reste pas moins que ce livre est richement documenté et intéressant pour nourrir sa propre pensée.
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Marcher, une philosophie

J’ai pris plaisir à me promener dans les chapitres de ce livre afin de retrouver ou rencontrer des philosophes, des poètes, des pèlerins, des sages et entrer dans leur univers à travers la marche, faire une petite pause entre chacun d’eux afin de comprendre, de réfléchir sur des thèmes différents comme la lenteur, la solitude, la gravité …

Poser un regard différent, prendre le temps de vivre, la joie que peut procurer cette simple activité qu’est la marche, ce livre permet de se poser, de retrouver des joies simples, et bien entendu de découvrir, parcourir des pays, des paysages, des personnages comme Rimbaud, Rousseau, Thoreau, Nerval, Kant, Gandhi, et aussi Nietzsche.

Beaucoup de plaisir dans la lecture de ce livre, il n’est pas destiné que pour les marcheurs, même comme les nommait si bien Nietzsche, les « culs - de - plomb » peuvent y vagabonder, errer au détour de différents parcours.
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Marcher, une philosophie

La marche est certainement un des derniers espaces de liberté qui reste ; elle est peu soluble dans l'économie marchande (pas besoin d'infrastructures, de bonnes chaussures et quelques accessoires qui peuvent être recyclés à d'autres fins suffisent), ouverte à tous, quel que soit son niveau on trouve un but adapté et offrant des satisfactions (c'est même un des rares sports où on se bonifie avec l'age), et se prête mal voire pas du tout aux "indicateurs de performances" (quel intérêt d'être le premier à voir une cascade, un lever de soleil sur les crêtes, etc...). Le marcheur est entièrement libre, sous réserves de respecter son environnement c'est à dire de rester à sa place.

La méditation philosophique, au sens large, prolonge et/ou accompagne naturellement cet exercice et ce n'est sans doute pas un hasard si quelques uns des plus grands sages ont été de grands marcheurs (Gandhi, Nietzsche...) L'essai de F. Gros est par conséquent une vraie réussite en alternant des méditations sur la marche sous diffrentes déclinaisons et des développements sur des penseurs célèbres avec ce prisme de la marche.

C'est une sorte d'introduction à ces auteurs sous un angle original, vivant et très pertinent. Ce livre fut un succès commercial (à l'échelle de cette catégorie de livres) bien mérité
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Marcher, une philosophie

un livre très inégal... et pour finir très moyen.

J'ai apprécié les chapitres de biographie "orientée marche" de célèbres écrivains ou philosophes marcheurs (on n'y explique qu'à peine leur philosophie, mais on y détaille les habitudes de marche, pourquoi pas) : Nietsche, Thoreau, Rousseau, Rimbaud, Gandhi, Diogène...

J'ai apprécié aussi le chapitre sur le pèlerinage, qui en passe quelques uns en revue (en débordant largement du contexte occidental).

Par contre les chapitres intermédiaires, de pure réflexion de l'auteur, m'ont paru vite creux et inutiles, j'ai fini par les sauter systématiquement. En oubliant ces chapitres, le livre aurait été correct (sans plus). D'ailleurs il ne démontre absolument pas qu'il y ait un moindre point commun entre tous les exemples qu'il donne, et l'objet du livre est de ce fait peu compréhensible.
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Marcher, une philosophie

J'ai aimé les petites biographies de Nietzsche, Rimbaud, Rousseau, Thoreau, Nerval, Kant et Gandhi, tous à leur manière marcheurs.

J'ia moins aimé les réflexions thématiques de l'auteur en lien avec la marche.
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Marcher, une philosophie

Indispensable dans la bibliothèque de tout véritable marcheur qui se respecte. "On ne peut pas asservir l'homme qui marche !" clamait Vincenot, on ne peut pas en dire autant de celui qui trekke et du randonneur sportif.
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