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Citations de Frédéric Mitterrand (111)


Comme souvent dans les régimes de dictature, les esprits rebelles se réconfortent par des plaisanteries : « Quelle est la différence entre une panthère, Morny et l’empereur ?
Réponse : il n'y en a pas. La panthère est tachetée par nature. Morny est acheté par tout le monde. Et l'empereur est à jeter par la fenêtre. »
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Curieusement, l'opinion publique prend parti pour le président qui annonce de sévères économies.

Elle le plaint d'en être réduit à l'extrémité de vendre une partie de son écurie. Il lui en reste quand même assez pour parader dans les revues et promener Miss Howard, dont les parures de bijoux étincellent au bois de Boulogne, où les dames du grand monde affectent toujours de ne pas la saluer.

Louis Napoléon se réconforte aussi à sa manière habituelle en resserrant une fois de plus son gouvernement.

Pas de surprise pour Victor : «II lui faut quelques zéros de plus à son budget, il ne se contente pas des zéros qu'il a ajoutés à son ministère. »
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« On m'a quelquefois demandé de quoi je me mêlais. Je me mêle de mes affaires. Les libertés des peuples, ce sont là mes affaires. »
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Morny sait que la majorité absolue pour la révision n'est plus sure, pour un peu, il jugerait les députés comme le fait ce Victor Hugo au talent détestable mais si lucide : « Ces pauvres êtres effarés, ils n’étaient pas bien sûrs de n'être pas déjà guillotinés, et s'en allaient chercher leurs chapeaux pour voir s'ils avaient encore leurs têtes.»
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Tu me considères en souriant à demi, avec au fond des yeux ce je ne sais quoi de vague qui me fait penser que je suis toujours un peu en deçà de toi.

C'est un instant de l'an passé, un instant du temps que tu m'aimais, un instant parmi tous ceux qui m'ont été arrachés et dont je suis maintenant si démuni que seules la nuit, ses rêves et les pensées du demi-sommeil m'en rapportent le souvenir.
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Durant toute cette période, Napoléon III a navigué habilement entre toutes les composantes de son pouvoir qui se reflétaient jusque parmi ses proches: «L'impératrice est légitimiste, Morny est orléaniste, le prince Jérôme est républicain, moi, je suis socialiste, le seul bonapartiste, c'est Persigny, mais il est fou ! »
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[ La préface de 2006 de la réédition de ce livre de 1983, par l'écrivain Philippe BESSON : ]

Il y a des livres que, pour d’obscures raisons (mais, en définitive, sont-elles si obscures ?), on repère, dans une librairie, au milieu de beaucoup d’autres : un nom sur une couverture, vaguement évocateur, un paysage sur une jaquette, un titre dont la douceur nous plaît.

Des livres qu’on feuillette, au hasard, dans cette même librairie, et dont la course s’interrompt sur une phrase qui nous crucifie : « Parfois, le désespoir est un sentiment calme ».
Des livres qu’on emporte, serrés contre soi, avec l’espoir qu’une fois rentré dans le silence d’une chambre, on y retrouvera cette musique dont une seule note nous a pincé le cœur.
Des livres qu’on ouvre, en tremblant et qu’on referme, quelques heures plus tard, avec la certitude qu’un basculement vient de se produire, dont on ne mesurera pourtant les effets que longtemps après.
Des livres qu’on porte, pendant des années, qui ne nous quittent pas, dont quelques lignes nous obsèdent. On en lit d’autres cependant, on en aime d’autres mais on demeure imprégné de celui-là, comme d’un parfum qui ne s’estomperait jamais tout à fait.


"Lettres d’amour en Somalie" de Frédéric Mitterrand est pour moi, de ces livres.

J’avais dix-huit ans et je ne laisserai personne me faire croire que c’est le plus bel âge. J’avais dix-huit ans et déjà, je cherchais dans la littérature une réponse à mes questions, une issue à mes intuitions, ainsi qu’un baume à mes tristesses. J’avais le pressentiment que je débusquerais dans les mots des autres un écho aux mots que je ne parvenais pas à prononcer, une direction à emprunter peut-être, et l’occasion de ne plus me sentir seul. 

Ces « lettres d’amour » sont arrivées à point nommé, comme s’il n’existait pas de hasard, comme si on finissait toujours par rencontrer ce qui nous ressemble. Elles sont d’un homme quitté, d’un homme rendu à la solitude par la décision d’un autre. Le narrateur a aimé passionnément, aveuglément peut-être, il s’est jeté dans l’amour sans précaution, sans retenue, il a fini par prendre des habitudes, par croire que cela durerait toujours, il s’est niché dans un lit, dans une vie et, un jour, sans qu’il aperçoive les signes avant-coureurs des désastres, il a été jeté hors de ce lit, de cette vie. La confession s’ouvre tandis qu’il y revient par effraction, une dernière fois, en devinant que c’est le geste ultime avant la souffrance pure. 
Et il comprend combien les désastres étaient en marche depuis longtemps.
Alors cet homme cherche un échappatoire à sa douleur, il lui vient l’idée d’un exil, le besoin d’un ailleurs. Mais puisqu’il faut partir, s’éloigner, autant se diriger vers un pays supplicié. Non, il ne choisira pas le soleil, la quiétude d’un voyage d’agrément, des palaces exotiques dans des contrées protégées, il préférera aller se confronter à la misère, à la désolation, à l’âpreté. Voici qu’il embarque pour la Somalie. 
La Somalie, où l’attendent les déshérités, les déclassés, les proscrits, les malchanceux. A-t-il le secret espoir, l’affreux espoir que le malheur des hommes sur notre planète rétrécie pèsera plus lourd que le sien, que le chagrin des autres estompera le sien ? Ou simplement lui faut-il aller jusqu’aux frontières de la désespérance, là où aucune rémission n’est possible ?

Frédéric Mitterrand dit le destin brisé des hommes de là-bas, la folie des nations, l’inconséquence des décideurs du monde, la marche vers le néant d’un peuple vaincu. 
Il dit aussi, comme en un écho amorti, son propre deuil, le chaos de son existence, la certitude tragique qu’il a tourné le dos pour toujours au bonheur.
La voix de l’amoureux et le lamento de la Somalie se mélangent, s’entrecroisent, se répondent. Et nous les entendons, très distinctement. Car ces lettres ne sont pas seulement écrites, elles nous sont lues, murmurées à l’oreille.
Les souvenirs affluent. Tout est prétexte à leur résurgence. Car, dans la tristesse, de partout, on reçoit des signes. Défilent alors les souvenirs de l’intimité perdue, des joies confisquées. Des souvenirs de cinéma aussi puisque les personnages des films nous ressemblent toujours étrangement. Des souvenirs de littérature puisque les livres racontent toujours notre histoire. Des souvenirs de l’homme au genou malade, ce Rimbaud qui flotte comme un fantôme. Des souvenirs d’un roi déchu avant l’effondrement des puissances coloniales. Tout s’entrechoque et nous renvoie immanquablement à notre propre mémoire.

Et l’on mesure soudain que ces lettres ne seront jamais envoyées, qu’elles sont destinées à un être qui ne les lira pas, qu’elles n’existent que pour elles-mêmes et pour atténuer, un peu, et de manière factice, la peine. Oui, elles sont écrites au désert, au vent, au dénuement. Elles ne seront pas enfermées dans des enveloppes, elles ne seront pas glissées sous la porte de l’appartement où un autre a pris la place. Elles auraient pu tout aussi bien finir dans un tiroir, être abandonnées dans une chambre d’hôtel mais Frédéric Mitterrand, à son retour en France, décide de les publier. Non comme une bouteille qu’on jette à la mer mais comme on solde un compte, comme on publie un acte de décès. Il lui faut aller jusqu’au bout de cet amour perdu. Il les offre à ceux qui ont vécu la même histoire, à toutes les femmes et tous les hommes, en somme.

Il m’est arrivé souvent de les lire à voix haute, ces lettres, devant des gens. Et à chaque fois, j’ai surpris dans leur regard un vacillement. Ces gens qui, au commencement de ma lecture, m’écoutaient distraitement se raidissaient tout à coup, devenaient attentifs. Une émotion solennelle s’emparait d’eux. A la fin, ils venaient me voir, ils parlaient bas, tentaient de dissimuler leur commotion, n’y parvenaient pas vraiment. Sans doute s’étaient-ils reconnus dans les mots.
Il m’est arrivé souvent aussi d’offrir ce livre. Je sais qu’il est demeuré longtemps sur des tables de nuit, sur des bureaux, que des pages en sont cornées, que des passages en sont soulignés. Cela n’arrive qu’aux livres qui nous parlent de nous.
Aujourd’hui, en rédigeant cette préface, d’une main tremblante, je sais que je vous convie à un voyage dont vous reviendrez différent. On ne revient jamais indemne d’un texte déchirant. 
Laissez-vous porter par cette voix lancinante, à la fois blessée et étrangement paisible. Laissez-vous envahir par les images terribles d’une Somalie à la dérive. Et puis, quand vous aurez refermé le livre, restez quelques instants dans le silence. C’est saisissant, ce qui tient dans un silence.

Philippe BESSON.
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Tu vis avec un autre et je suis à peine un souvenir. Pourtant, je préfère encore ma blessure à toutes celles que recouvraient si mal les mots du réconfort.
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Ma mère disait à ses amies qu'elle était soulagée que j'aie pu l'oublier sans trop de mal ; elles lui répondaient que c'est le privilège de l'enfance, cette capacité à pouvoir se consoler si vite. Les enfants ne se consolent jamais vite de s'être sentis abandonnés par une femme gentille ; ils font seulement leur premier pas vers la mort et ça leur fait peur.
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Parfois, le désespoir est un sentiment calme.
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Le truc le plus moche qui est enraciné au coeur de cette histoire c'est le mépris; celui du garçon pour le type qui le paye, celui du type qui paye à l'égard du garçon, celui des gens pour ce genre de transaction qui paraît déplaisante à presque tout le monde. (...) le mépris protège le garçon qui se croit indemne, il flatte le désir de puissance du client, il permet à chacun de rejouer indéfiniment tous les rôles de l'humiliation et de la honte.
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Et puis le passé, tu es aussi venu le reprendre. Je t'en redonnais un peu, à chacun de tes reproches. Je n'avais pas beaucoup la force de résister. Je pensais : voilà, je lui rends ces années puisqu'il semble qu'elles n'étaient pas heureuses, mais je garde tout de même, ce moment, ces paroles qui ont été dites ; le sommeil par exemple. Je garde au moins le sommeil.

Mais tu avais besoin de tout pour m'effacer de ta mémoire. Et comme cette démunition de moi, c'était encore un geste de toi, alors, moi, et bien moi je n'ai plus rien dit et je t'ai tout rendu.

Il faut pourtant se méfier des longs voyages : la tendresse, à chaque étape, rapporte des bagages.
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Je le regrette un peu, et vous aussi peut-être maintenant, mais j'ai appris à ne plus rêver aux réunions idéales; les parents divorcent, des amis se séparent, certains ne s'entendront jamais; cela ne diminue en rien la force des sentiments que j'éprouve pour chacun d'eux.
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Ces lacunes dans le rapport que j'entretiens avec la réalité s'expliquent sans doute par la peur que j'éprouvais enfant en appréhendant le monde extérieur et l'avenir, une peur que j'ai globalement surmontée mais qui a laissé des traces en m'incitant à ignorer ce qui est inquiétant, ce qui menace ma sensibilité et mon équilibre.
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"Le gouvernement....siège en faisant semblant d'ignorer le président de la république qui fait lui-même semblant d'ignorer le gouvernement en dessinant des petits bonshommes sur ses dossiers et en confectionnant des cocottes en papier pendant le conseil des ministres".
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Pour quelqu’un qui s’est toujours dit qu’il ne faut pas aller à Cannes sans un film, même à l’état de projet, le statut de ministre montant les marches le soir de l’inauguration est vraiment un rôle de composition qui m’a fait un peu plus prendre conscience avec angoisse du fossé existant entre mes propres aspirations au statut d’artiste et mes fonctions officielles de représentation.
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Il ( de Gaulle ) avait la taille, le regard, l’ensemble. Il appartenait à une espèce qui m’interesse beaucoup qui est très rare, ce sont les gens intelligents, capables d’imaginer quelque chose qu’il n’ont pas.
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[...] ... En 1905, la misère urbaine s'aggrave quand la révolution économique en cours entasse un nombre croissant de moujiks déracinés dans les faubourgs. Et puis les terroristes n'ont pas desserré leur étreinte. Bon an, mal an, ils continuent à porter des coups terribles à l'administration impériale. C'est une guerre très étrange qu'ils mènent depuis l'assassinat d'Alexandre II, "le tsar libérateur", en 1882. Ils sont, pour la plupart, des enfants de l'"intelligentsia", de la bourgeoisie, de la petite noblesse, grandis dans les universités impériales, et connaissant parfaitement le milieu contre lequel ils se révoltent. Ils savent espionner, s'infiltrer à l'intérieur du corps impérial et y placer leurs bombes. Ils pratiquent un code d'honneur tel qu'ils restent sur les lieux, lorsqu'ils ont réussi un attentat, dans l'attente du procès qui leur permettra de clamer pourquoi ils ont tué et pourquoi leurs successeurs tueront à leur tour. Bien que certains d'entre eux soient déjà marxistes, d'autres nihilistes, d'autres encore appartenant à l'obscure nébuleuse des divers rebelles à l'autocratie, leurs actes revêtent une dimension mystique singulière, qui tient à la fois de leur appartenance à la société russe et d'un fanatisme irrationnel qui préfigure celui des terroristes kamikazes d'aujourd'hui. Leur martyrologe suscite des émules aussi fanatisés qu'eux-mêmes. Ainsi, le fameux Plehve, le ministre de l'Intérieur tout puissant de Nicolas, qui organisait des pogroms à chaque période de tension et a poussé à la guerre après l'attaque japonaise, meurt assassiné en 1904 par un révolutionnaire qui lance une bombe sur son fiacre. L'habitude d'utiliser pour les enquêtes des anciens révolutionnaires repentis ou qui affectent seulement de l'être rend la police inefficace et fait peser sur elle un soupçon constant. Ainsi, à l'intérieur de la police même, tout le monde se suspecte : qui sert vraiment le tsar et qui le trahit en ayant l'air de le servir, qui louvoie, marchande et négocie avec les terroristes ? On s'aperçoit que la contamination de la police monte jusqu'aux niveaux les plus élevés. Dans cette atmosphère délétère, c'est la société tout entière qui engendre des personnages ambigus et exaltés. Le moine Gapone par exemple. C'est un moine rebelle de Saint-Pétersbourg, en rupture avec la hiérarchie, qui prône un évangile social, organise des syndicats ouvriers, bénéficie auprès du prolétariat d'une position considérable, et intimide l'aristocratie où sa piété et son sens de la mise en scène ont fait de nombreux émules. Ses fidèles ignorent que Gapone donne aussi des informations à la police et trahit les militants du monde ouvrier qui pourraient être des rivaux pour lui. C'est à la fois un prêtre remarquable de dévouement, un stratège politique ambigu, un trouble ambitieux : le modèle même des dangereux agitateurs qui enracinent leur arrivisme dans la misère de Saint-Pétersbourg où les usines augmentent les cadences pour servir la guerre [contre les Japonais].

Ainsi, le 9 janvier [1905], Gapone entraîne une foule considérable d'ouvriers à travers la capitale pour remettre une supplique au tsar. La ville est en grève depuis plusieurs jours, tout est arrêté. C'est un dimanche, jour de célébration religieuse, et Gapone mêle, comme à son habitude, incantations mystiques et rhétorique politique. Nicolas n'est pas à Saint-Pétersbourg, mais comme le plus souvent, à Tsarkoïe Selo. Il est à peine au courant du climat qui règne dans la ville et on ne lui en donne que des indications lénifiantes. Oui, il y a de l'agitation à Saint-Pétersbourg ; oui, il est prévu que les ouvriers fassent une manifestation, mais rien de bien redoutable. Et Nicolas demande que l'ordre soit respecté, sans mesurer l'impact de cette instruction, ni ce qui pourrait en résulter. ... [...]
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L'autobiographie la plus juste n'est-elle pas celle de la vie qu'on aurait dû mener ?
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Il dira plus tard qu'il se sentait malheureux, seul et incompris, dans son enfance, mais qu'il ne pouvait rien y faire car il y avait tant d'amour autour de lui.
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