Citations de Gabriele D`Annunzio (70)
Trouverait-il enfin [dans son cœur] la femme et l'œuvre capable de conquérir son cœur et de devenir pour lui un but ? - Il n'avait en lui-même ni la sécurité de la force ni le pressentiment de la gloire ou du bonheur. Tout pénétré, tout imprégné d'art, il n'avait produit encore aucune œuvre remarquable. Avisé d'amour et de plaisir, il n'avait encore ni complètement aimé ni joui de rien naïvement. Torturé par un idéal, il emportait l'image bien distincte à la cime de ses pensées. (...) Dans le tumulte de ses inclinations contradictoires, il avait perdu toute volonté et toute moralité. La volonté, en abdiquant, avait cédé au sceptre des instincts, et le sens esthétique s'était substitué au sens moral. Mais, précisément, ce sens esthétique très subtil, très puissant, toujours actif, maintenait son esprit dans un certain équilibre ; de sorte qu'on pouvait dire que sa vie était une lutte continuelle de forces contraires enfermées dans les limites d'un équilibre instable. Les hommes d'intelligence, élevés dans le culte de la Beauté, conservent toujours, même en leurs pires dépravations, une espèce d'ordre. La conception de la Beauté, est, pour ainsi dire, l'axe de leur être intérieur, autour duquel gravitent leurs passions.
Gloire au Latin qui a dit: «Naviguer est nécessaire; mais il n'est pas nécessaire de vivre."
Mon cœur me fait mal ; ma tête s'égare ; je sens au fond de moi une chose obscure et brûlante, une chose qui s'est révélée soudain comme une imperfection morbide et qui commence à me corrompre le sang et l'âme, contre toute volonté, contre tout remède : le Désir.
Louée sois-tu,
Diversité des créatures,
Sirène du monde!
L'Art! L'Art! Andrea voyait en lui l'amante fidèle, toujours jeune, immortelle, la source de la joie pure refusée aux multitudes, accordée aux seuls élus, l'aliment précieux qui rend l'homme semblable à un dieu.
Le charme de Don Juan tient davantage à sa renommée qu'à sa personne.
Souvent, par caprice, Elena prenait dans cette coupe son bain du matin. Elle pouvait, sinon s'y étendre, du moins y plonger toute sa personne ; et, en vérité, rien n'égalait la grâce souveraine de ce corps ramassé dans cette eau que la dorure teignait de reflets ténus, indescriptibles : car, après tant d'années, le métal n'était pas encore argent, et l'or se mourait.
Lorsqu'elle s'éveillait après une nuit de plaisir, elle était toute fringante et pure comme si elle venait de sortir du bain. En fait, voici dans quelle attitude sont image revenait le plus souvent à la mémoire d'Andrea : il la voyait avec les cheveux en partie épars sur le cou, en partie ramenés au sommet de la tête par un peigne fait de grecques d'or, avec l'iris nageant dans le blanc des yeux somme une violette pâle sur du lait, avec la bouche ouverte, humide, illuminée par des dents riantes dans le sang rosé des gencives, à l'ombre des rideaux qui répandaient sur le lit une aube d'un glauque argenté, pareil à la lumière d'un antre marin.
Tout ce qu'il y avait en lui de plus capricieux, de plus frivole, de plus mondain se réveillait à l'improviste. (...) Sa curiosité, son élasticité, son ubiquité spirituelles reparaissaient. Déjà il commençait à éprouver le besoin de se répandre, de revoir des amis et des amies, de se donner aux jouissances.
Epigraphe :
"Natura cosi mi dispone" - Léonard de Vinci
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(Si je traduis par "la nature m'a fait ainsi", je me plante ou non ?
Merci par avance aux italianisants !)
Le diadème et les colliers de la Reine, - les multiples colliers dont les perles réduites en grains de lumière faisaient penser à un miraculeux égrènement visible du royal sourire, - les sombres émeraudes d'Andriana Duodo, enlevées autrefois à la garde d'un cimeterre, les rubis de Giustiniana Memo, sertis en forme d'œillets par l'inimitable travail de Vettor Camelio, les saphirs de Lucrezia Priuli, provenant des hautes socques sur lesquelles la sérénissime Zilia s'était avancée vers le trône au jour de son triomphe, les béryls d'Orsetta Contarini, si délicatement mêlés à l'or mat par l'art de Silvestro Grifo, les turquoises de Zenobia Corner, baignées de pâleurs uniques par le mal mystérieux qui, une nuit, les avait altérées sur le sein moite de la princesse de Lusignan, parmi les plaisirs d'Asolo: tous les joyaux insignes qui avaient illustré les fêtes séculaires de la Ville anadyomène s'embrasaient de feux nouveaux sur ce buste chimérique d'où arrivait à Stelio Effrena le tiède effluve de la peau et de l'haleine féminines.
La nudité d'Hélène ne pouvait avoir une draperie plus riche. Parfois, tandis qu'André était dans la pièce voisine, elle se dévêtait à la hâte, se couchait sous la contrepointe merveilleuse et appelait son poète. Et quand il accourait, elle s'offrait à ses yeux comme une divinité. Parfois elle se levait pour venir devant le foyer, traînant la draperie sidérale derrière elle. Frileuse, elle se serrait des deux bras dans la soie; et elle marchait pieds nus, à grands pas, pour ne point s'embarrasser dans l'abondance des plis.
Elle avait les extrémités un peu collégiennes, ses mains et ses petits pieds nus, d'une souplesse pour ainsi dire végétale comme la statue de la Daphné.
Leur amour avait derrière lui un long passé : il traînait derrière lui, dans le temps, un immense filet obscur, plein de choses mortes.
Autant de cheveux sur ma tête, autant de gerbes de douleur dans ma destinée.
Entre l'obélisque de la Trinité et la colonne de la Conception, j'ai suspendu en ex-voto mon cœur catholique et païen.
Sous l'invasion du nouvel amour, le vieil amour lui tombait de l'âme comme une dépouille inerte.
O faucille de lune décroissant
O faucille de lune décroissant
qui brilles sur les eaux désertes,
ô faucille d'argent, quelle moisson de songes
ondoie à ta douce clarté ici-bas
Halètements brefs de feuilles,
de fleurs, de flots s'exhalent
du bois vers la mer: ni chant, ni cri
ni son par le vaste silence ne va
Oppressé d'amour, de volupté
le peuple des vivants s'endort...
O faucille décroissant, quelle moisson de songes
ondoie à ta douce clarté ici-bas
o falce di luna calante
O falce di luna calante
Che brilli su l'acque deserte,
O falce d'argento, qual messe di sogni
Ondeggia a I tuo mite chiarore quo giù
Aneliti brevi di foglie,
Di fiori di flutti da I BOSCO
Escalano a I mare: non canto, non grido
non suono pe I vasto silenzio va.
Oppresso d'amor, di piacere
Il popol de'vivi s'addorme...
O falce calante, qual messe di sogni
ondeggia a I tuo mite chiarore qua giù
“Musique, clef d’argent qui ouvre la fontaine des larmes où l’esprit boit jusqu’à ce que la raison s’égare; délicieux tombeau de mille craintes où leur mère, l’Inquiétude, semblable à un enfant qui dort, repose assoupie parmi les fleurs…”
SHELLEY
Pour raviver et exaspérer le désir d'un homme, rien ne vaut l'éloge fait par un autre de la femme qu'il a trop longtemps possédée ou trop longtemps désirée en vain. Il y a des amours agonisantes qui se prolongent encore par l'effet de l'envie d'autrui ; car l'amant dégoûté ou lassé redoute de renoncer à ce qu'il possède ou à ce qu'il assiège en faveur d'un rival possible.