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Citations de Gaspard Koenig (274)


Pour la première fois, Arthur considérait chaque ver comme un individu singulier, avec son histoire, sa stratégie de survie, ses cachettes souterraines.
En les contemplant de très près, Arthur put distinguer leur bouche. Enne n'avait ni langue ni croc. C'était un simple vide annelé, comme le trou formé par une pelote de fils.
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Nous bétonnons les terres et les coeurs. La société plante des êtres humains en rangées bien droites, désherbées au glyphosate. Les lois sont nos herbicides, le marché notre labour. Nous abattons les vieux arbres comme nous envoyons nos parents en Ehpad ...nous bourrons les champs d'engrais comme nous nous gavons d'informations inutiles ; nous encageons les poulets comme nous badigeons les employés.
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L'écocide n'est pas limité à la vie des animaux. Il s'exerce avec la même violence sur la vie humaine, émondant les singularités , brisant les coopérations spontanées, étouffant toute joie. Nous bétonnons les terres et les coeurs. La société plante des êtres humains en rangées bien droites, désherbées au glyphosate. Les lois sont nos herbicides, le marché notre labour. Nous abattons les vieux arbres comme nous envoyons nos parents en Ehpad ; nous arrachons les adventices comme nous jetons en prison les marginaux ; nous engrillageons les terrains comme nous installons des portiques dans les gares et des caméras dans les rues ; nous bourrons les champs d'engrais comme nous nous gavons d'informations inutiles ; nous encageons les poulets comme nous badgeons les employés.
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L'idée du néant l'effrayait et l'attirait. Il prenait ce vertige pour ce qu'il était : non pas la peur de tomber, mais l'envie de sauter.
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Avec de la haine, on pouvait encore sauver l'amour. Mais quand la haine devenait pitié, plus rien n'était possible.
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Présenter un visage à haïr, n'était-ce pas la dernière trace d'humanité dans un processus juridique formalisé a l'extrême ?
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Comme son héros Henry David Thoreau qui refusait de payer ses impôts à un État fédéral esclavagiste, Arthur ne voulait pas contribuer à la vaste machine de surveillance des citoyens et de destruction des sols. Les fonctionnaires étaient à ses yeux des collabos de l’agro-industrie, de mèche avec la FNSEA. Il n’allait certainement pas payer leurs salaires.
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Vous aurez compris que pour ma part, je renonce. J'ai été jusqu'au bout de mon expérience et j'ai constaté que nous étions déjà condamnés. Nous profitons encore un peu, ivres morts, du sursis que nous donnent les dernières gouttes de pétrole. Des matières organiques décomposées durant trois cents millions d'années dans les bassins sédimentaires, et bues en deux siècles, à pleines rasades.
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Les romains le savaient bien: Homo vient d'humus. Homo vit d'humus. Puis Homo a détruit humus. Et sans humus, pas d'Homo. Simple.
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Présenter un visage à haïr, n'était-ce pas la dernière trace d'humanité dans un processus juridique formalisé à l'extrême ?
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Jobard avait des remords, flairait l’air du temps, faisait quelques gestes de bonne volonté, abandonnait un ou deux pesticides. En vérité, rien n’était moins raisonnable que cette agriculture raisonnée. C’était la bannière de ceux qui savaient ce qu’il fallait faire et faisaient semblant de le faire. Arthur aurait presque été plus compréhensif avec un bon vieux céréalier de la plaine sincèrement persuadé des vertus de la chimie.
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Un jour, vieux et grinçant, il sera déraciné par un coup de vent trop nerveux. Il chutera d'un coup dans un bruit de tonnerre. Ses branches fracassées s'emmêleront au sol comme une chevelure dénouée. Son corps usé et troué se décomposera lentement, très lentement, pendant des siècles. Il perdra ses rameaux et son écorce. Il se couvrira d'essaims d'abeilles, de mousse luisante et de champignons meringués. Il offrira refuge et nourriture à des milliards de milliards d'insectes. Puis il redeviendra humus.
Finalement, Arthur avait bien réussi son coup. Il avait fait sa révolution à lui.
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Après Cléopâtre qui, consciente du rôle du ver de terre pour fertiliser la vallée du Nil, lui octroya un statut semi-divin, les rois du monde lui préférèrent l'aigle, le lion, l'abeille ou la salamandre. Quant aux écrivains, ils ne semblaient guère plus intéressés. Même l'alexandrin que lui offrit Victor Hugo, en donnant une vie littéraire à un "ver de terre amoureux d'une étoile", n'était guère flatteur. Le ver de terre désignait Ruy Blas, l'obscur valet; tandis que l'étoile figurait bien sûr la reine d'Espagne. Il fallait vraiment un écrivain romantique pour préférer un astre mort à la source de toute vie.
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Nous bétonnons les terres et les cœurs. La société plante des êtres humains en rangées bien droites, désherbées au glyphosate. Les lois sont nos herbicides, le marché notre labour. Nous abattons les vieux arbres comme nous envoyons nos parents en ehpad ; nous arrachons les adventices comme nous jetons en prison les marginaux ; nous engrillageons les terrains comme nous installons des portiques dans les gares et des caméras dans les rues ; nous bourrons les champs d'engrais comme nous nous gavons d'informations inutiles ; nous encageons les poulets comme nous badgeons les employés ; nous attachons des tuteurs aux jeunes plants comme nous disciplinons les enfants à l'école. La monoculture s'étend sur nos paysages autant que dans nos têtes. Contrôles de traçabilité et contrôles d'identité sont les deux faces d'une même passion pour l'étiquetage.
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Les lombrics n'aiment pas qu'on les bouscule, voyez-vous. Le temps de les convaincre, ce sera la famine. L'apocalypse alimentaire. Le changement climatique, les raz-de-marée, les sécheresses et les inondations, c'est un amuse-bouche, ça ne touche pas à l'essentiel. Ce qui fait notre humanité, ce n'est pas la température. C'est le sol. Imaginez un été où les céréales refusent de pousser. Où les graines restent toutes ratatinées dans le bunker qu'on appelle encore un champ. Juste un été. Les vaches, moutons, poulets, toute notre viande sur pied sera la première sacrifiée. Menu végétarien pour tout le monde. Grognement du peuple. On videra les silos pour faire du pain. Quand les réserves seront épuisées, émeutes. Resteront encore quelques légumes sous serre : on s'entretuera pour un poireau. Imaginez l'hiver suivant, quand les nappes phréatiques cesseront de se remplir, l'eau de pluie ne s'écoulant plus à travers une terre devenue minérale. On ouvre le robinet : plus rien. On va voir le voisin : rien non plus, c'est bizarre. On attend une journée. Pas deux. Les villes se dépeupleront en quelques heures dans un chaos indescriptible. Il n'y aura plus personne pour entretenir les réseaux de téléphone, d'Internet et d'électricité. La planète plongera dans le noir. Les maîtres du monde, ceux qui possèdent un potager et un puits, repousseront les hordes chapardeuses de cadres, d'ingénieurs et d'ouvriers chassés des villes.
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Ce vers idiot d'Éluard : "La Terre est bleue comme une orange." Finalement, notre siècle lui donne raison. L'homme a pelé la Terre comme on pèle une orange. Il en a ôté le zeste. Ne reste plus qu'un caillou aux reflets d'argent.
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Les secrétaires ont beau avoir été rebaptisées collaboratrices et tutoyer leur employeur, elles n’en restent pas moins inchangées à travers les siècles, toujours jeunes et féminines, toujours à servir de défouloir.
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Relié au monde par les ondes et la lumière, Arthur connaîtra ainsi, par bribes, les mutations d'Homo Sapiens. Passeront tour à tour à ses pieds les guerriers surarmés protégeant l'eau et le grain, les errants faméliques sevrés de carbone, les druides adorant Gaia, Les enfants aux grands yeux et aux pieds plats jouant dans la paix du village, les Minotaures et les centaures mêlant la bête et l'homme.
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Cette tribu avait ses rites. Il fallait d'abord préciser de quel clan on était l'émissaire. Après quelques minutes de conversation, on s'enquérait invariablement, par des voies plus ou moins détournées, de son niveau d'études.
- Agro.
- C'est une grande école, ça ?
Oui, avait-il appris à répondre, c'est une grande école. Pas aussi grande que Centrale, Normale, Polytechnique, l'ENA, HEC, ou le graal, la coiffe à double plume : X-Mines. Mais une grande école quand même, avec une adresse sur le plateau de Saclay et un nom qui devenait très à la mode. C'était le clan venu de la forêt lointaine, dont on enviait le sang frais et les mœurs rustiques, même s'il n'était pas encore tout à fait intégré aux familles régnantes.
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Les physiocrates du XVIIIe siècle avaient raison : toute la valeur provient ultimement de l’agriculture. Quand il n’y aura plus d’énergie, quand les chaînes d’approvisionnement seront rompues et les réseaux de télécommunications coupés, quand les voitures n’auront plus d’essence ni batterie, à quoi penseront les gens ? A poster un commentaire scandalisé sur leurs écrans éteints ? Non. Ils penseront à survivre, le lot commun de l’humanité avant la révolution industrielle. Ils fuiront les villes comme des rats. Ils voudront de la terre. De la terre pour vivre et pour se nourrir. ( p 164-165)
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