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4.2/5 (sur 2032 notes)

Nationalité : Japon
Né(e) le : 03/02/1964
Biographie :

Gengoroh Tagame est un artiste et mangaka japonais né le 3 février 1964.

Après des études à l'université des Beaux-Arts de Tama, il a travaillé comme directeur artistique, puis, en 1986, il a commencé à réaliser ses propres mangas.

Il est connu pour ses illustrations homoérotiques très crues, voire franchement pornographiques, qui reprennent les codes des mangas pour adultes les plus violents. Il est un des rares artistes gays japonais à représenter des scènes aussi crues, avec des rapports sexuels souvent sado-masochistes, barbares ou sanglants, et de récurrentes scènes de viols, dans un contexte militaire ou policier.

"Le mari de mon frère", série tout public, obtient un prix d'excellence à la 19e Japan Media Arts Festival en novembre 2015. 4 tomes sont disponibles.
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Entretien avec Gengoroh Tagame à propos de son manga Le mari de mon frère



23/01/2017


Le mari de mon frère raconte l’histoire de Yaichi et sa fille Kana, dont le quotidien est perturbé par l’arrivée de Mike Flanagan, le mari du frère jumeau de Yaichi. Pourquoi avoir choisi d’évoquer l’homosexualité dans ce manga ? Quel est votre rapport à cette cause ?


Je suis moi-même gay, et par conséquent, en tant qu`artiste, c`est quelque chose qui a du sens (notamment du point de vue de l`esthétique). Cela fait plus de 30 ans que je dessine des mangas gay. Aborder, avec Le Mari de mon frère, la question de l`amour entre personnes de même sexe, en est la conséquence directe et logique. Cela étant dit, jusqu`à présent, je dessinais en recherchant et en exprimant la sensation de l`érotisme gay. Avec Le Mari de mon frère, j`ai changé mon approche, en cherchant à aborder les problématiques gays, et de la société en général, en dehors de celles de l`érotisme. Dans le quotidien de Yaichi et Kana, qui représentent “la société normée”, débarque Mike, qui représente “les problématiques gays”. J`ai cherché à créer une oeuvre qui aborderait la thématique gay d`un nouvel oeil, en regardant quels genres de communication et de relations peuvent naître entre les deux groupes évoqués plus haut.



Par le biais du personnage de Kana et de ses questions très franches, vous mettez en exergue le traditionalisme de la culture japonaise sans aucun tabou. Selon-vous, le tabou n’a plus sa place dans la littérature aujourd’hui ? L’art est-il un bon outil selon vous pour faire passer des messages ?


Quand je dessine, ma priorité est de faire les choses comme j’en ai envie. Alors j`avoue que dans mon processus de création artistique, ça n`a aucune sorte d`importance pour moi de savoir si je vais à l`encontre des tabous ou pas. Je ne m`interdis rien parce que ça serait tabou, mais à l`inverse, je ne vais pas de manière frontale et volontaire faire exprès de dessiner des choses tabous. Bien évidemment, dans le monde de l`édition, je suppose qu`il existe toutes sortes d`interdits, mais évaluer cela, c`est le rôle des éditeurs, pas le mien. Quoiqu`il en soit, pour l`histoire du Mari de mon frère, il est indéniable que je cherchais à témoigner d`une opposition à l`égard d`une attitude qui consiste à ne pas prendre de recul, de ne plus réfléchir, par traditionalisme. On peut dire que c`est à cause de cet “immobilisme de la pensée”, que naissent des tabous. Dans ce contexte, il était inévitable que dans Le mari de mon frère, de nombreuses situations se confrontent aux tabous.
Quant à savoir si l`art est un bon vecteur pour faire passer des messages, je crois qu`il est difficile de répondre simplement “oui” ou “non” à cette question. Mais par exemple, il me semble qu`une thèse compliquée et dense risque d`être peu accessible, et donc, pas forcément porteuse. À l`inverse, le média que sont les mangas, avec leur aspect “casual” et “entertainement” ont probablement la force et l`intérêt d`être plus faciles d`accès.



En mettant en scène un père et sa fille, vous avez choisi d’adopter un ton très pédagogique pour traiter cette question de l’homosexualité, un aspect renforcé par des courtes “leçon explicatives” qui clôturent certains chapitres et qui évoquent les symboles de cette communauté. Pourquoi ce ton particulier ?


Dans la société japonaise, les gays qui vivent ouvertement (out) au quotidien ne sont pas très nombreux, aussi, la plupart des “individus normés” ne réalisent pas qu`il y a, dans leur entourage, de personnes gays. Dans leur inconscient, l`image des gays est celle produite et caricaturée par les médias et les oeuvres de fiction, avec son lot de préjugés et d`idées reçues. Par ailleurs, ils pensent aussi que les problèmes des gays, “ça ne les regarde pas”. Le premier objectif de ce manga, c`est que ces gens-là “arrêtent de dire des choses, en se basant sur l`image erronée qu`ils ont, en se renseignant sur ces questions”. Par ailleurs, gay ou hétéro, nous sommes des individus appartenant à la même société, et il ne faut donc surtout pas que les hétéros pensent qu`ils n`ont “rien à voir / aucun rapport” avec les problématiques sociétales gays. À l`inverse, c`est justement en se renseignant sur les questions gays que, ensuite, nous pourrons réfléchir ensemble sur ces problématiques. C`est le deuxième objectif de ce manga. Dans la structure du Mari de mon frère, il y a clairement cette intention. Cette ambiance façon “renseignons-nous, puis réfléchissons ensuite” est voulue, et je suppose qu`en ce sens, on peut donc dire que c`est éducatif ? En ce qui concerne les “petits cours de culture gay de Mike”, c`était surtout pour remplir des pages blanches, dans les volumes reliés. Je trouvais ça plus intéressant pour les lecteurs d`inclure ce genre d`articles, plutôt que de laisser les pages en blanc, ou d`y mettre des propos futiles ou mêmes des publicités. Pour autant, dans mes objectifs, il n`y pas l`intention d`être volontairement et frontalement “éducatif”. J`accorde surtout de l`importance à ce que le lecteur y trouve du plaisir. Je ne pense pas qu`il faut que ce soit le message qu`on cherche à véhiculer qui doit guider l`ensemble de l`oeuvre. J`essaie plutôt de porter l`attention sur une fine description des sentiments humains, et ça m’embêterait qu`on parle du Mari de mon frère exclusivement comme d`une oeuvre éducative. Je souhaite que les gens le lisent en riant, en pleurant, en ressentant toutes sortes d`émotions. Et une fois la lecture finie, qu`ils réalisent qu`ils ont peut-être appris un petit quelque chose, que leur manière de voir les choses a un peu évolué. Je crois que c`est mieux, dans ce sens là.



Vous abordez cette question de l’homosexualité dans un manga familial et complètement dénué de sexualité. Pourquoi cet axe ?


Dans la mesure où j`aimerais que des petits enfants puissent lire ce manga, je fais en sorte de n`inclure aucun éléments qui pourrait aboutir à une restriction de l`âge de lecture. Par ailleurs, en ce qui concerne la représentation du “sexe”, comme je vous l`ai dit, de par le passé, pour mes précédents mangas destiné à un public adulte, j`ai déjà dessiné des milliers de pages autour de ce sujet, et donc, dans cette oeuvre, je n`en ai pas du tout ressenti la nécessité. De toute façon, comme je l`ai exliqué, la thématique principale de cette série, c`est “les rapports entre la société et les gays”, et donc, le “sexe” n`était vraiment pas un élément important. Pour dire les choses un peu directement, en temps normal, se pose-t-on des questions sur la vie sexuelle et intime des gens qu`on croise ou qui nous entourent ? Je ne crois pas, personnellement, c`est de l`ordre du privé. Tout simplement. Et si j`ai choisi le sujet de “la famille”, c`est parce que je pense que ces derniers temps, c`est souvent en réalisant qu`un membre de leur famille est gay que les hétéros prennent conscience des problématiques gay. C`est ce sujet-là qui participe au développement et à l`avancement de l`histoire de ce manga, ce n`est pas la question de la sexualité. D`une manière plus large, le thème est “Qu`est-ce que la famille?”.



Vous avez réalisé ce manga dans son intégralité, comment avez-vous réparti le travail entre le dessin et le scénario ? Avez-vous toujours travaillé seul sur vos mangas ?


Pour moi, le dessin et l`histoire ont une importance équivalente, et je réalise les deux tout seul. Il y a beaucoup de manières très différentes pour réaliser un manga. Quelquefois c’est une idée/un concept apparaît d`abord (c`est le cas pourLe Mari de mon frère), dans un premier temps, c`est un dessin, une vision qui s`impose à moi, et l`histoire en découle par la suite. Mais il arrive aussi que les idées viennent d`un film vu, d`un livre lu, d`une conversation avec des amis, ou d`inconnus qu`on croise juste comme ça dans la rue. Cela peut créer des images, des idées, qui deviendront ensuite une histoire. Par ailleurs, il m`est arrivé trois fois, dans le passé, de collaborer avec d`autres auteurs : suite à la demande d`un éditeur d`une revue, j`avais adapté en manga des nouvelles : la première, c`était une nouvelle de Yasutaka Tsutsui, sur un yakuza gay ; les deux autres étaient des nouvelles horrifiques de Yumeaki Hirayama.



Gengoroh Tagame et ses lectures



Quel est l’ouvrage qui vous a donné envie de vous lancer dans la BD?


En réalité, je n`ai jamais pensé très clairement “je veux devenir auteur de mangas !”. J`ai commencé ma carrière en tant qu`artiste, en réalisant autant des illustrations, des mangas que des romans, toujours autour de la thématique gay. Et puis, un jour, j`ai réalisé que les mangas avaient pris une place largement plus importante dans mes créations. Donc, il n`y a pas eu de livre particulier qui m`a donné envie d`être dessinateur de manga. Cela dit, si je dois citer des oeuvres que je considère comme étant les meilleures des meilleurs, voici :

Phénix, l`oiseau de feu, tome 1, Dororo, Tome 1 : et Kirihito, Tome 1 :, d`Osamu Tezuka (mais parmi les très nombreuses autres).

Domu : Rêves d`enfants de Katsuhiro Otomo.

 @Joseph de Michio Hisauchi*.
 Yôreiboshi Yôko Kondo*.
* (non disponibles en français)



Quel est l’auteur qui aurait pu vous donner envie d’arrêter (par ses qualités exceptionnelles...) ?


Il n`y a pas d`oeuvre qui a créé ce sentiment en moi. Dans mon mode de fonctionnement, les choses se passent plutôt ainsi : “J`ai envie de lire un manga comme ça” → “Ah, mais il n`existe pas de manga comme ça” → “Bah, pas le choix, je vais en dessiner un”. C`est comme ça que j`ai commencé à dessiner, et ça se passe ainsi aujourd`hui encore. Et du coup, c`est difficile de comparer mon travail avec d`autres oeuvres, parce que justement, mes créations existent “parce qu`il n`y en avait pas comme ça avant”.



Quelle est votre première grande découverte littéraire ?


Le premier choc… Hum, c`est difficile à retrouver ! Quand j`étais enfant, j`adorais tout ce que je lisais, donc, chaque oeuvre que j`ai lue a probablement semé sa graîne à sa manière, et j`avoue ne pas me souvenir dans quel ordre j`ai lu les livres. Mais d`un point de vue littéraire, si je dois citer certaines oeuvres qui m`ont marqué, au point de me dire “Ouah, il existait un roman comme ça”, et dont la lecture m`avait complètement absorbé, je peux nommer l`épopée poétique La chanson des Nibelungen des Chanson des Nibelungen, Le Seigneur des Anneaux, Tome 1 : La Communauté de l`Anneau deJ.R.R. Tolkien , Salo ou les Cent vingt journées de Sodome et Histoire de Juliette ou Les prospérités du vice du Marquis de Sade.



Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?


Il s`agit de mangas japonais mais je dirais :
 Gyôseiki, de Masayuki Sugawara
 Baka to Goho, de Shinkichi Katō
 Castratura, de Ikuko Hatoyama



Et en ce moment que lisez-vous ?


Encore une fois, il s`agit d`un manga. Hier, j`ai acheté le dernier tome de Wolfsmund, de Mitsuhisa Kuji, et je vais de ce pas le lire !



Entretien réalisé par Marie-Delphine


Découvrez Le mari de mon frère de Gengoroh Tagame aux éditions Akata :


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Croire qu'un homo va forcément te sauter dessus... c'est aussi futile qu'une femme qui croirait que tous les mecs s'intéressent automatiquement à elle.
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Souhaiter le bonheur de ceux qu'on aime... Il n'y a rien de plus évident.

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Existe-t-il vraiment des gens qui pensent … qu'il faudrait éviter que les enfants s'approchent de certaines personnes... juste parce qu'elles aiment quelqu'un du même sexe... comme s'il s'agissait de criminels ?
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Penser qu'il n'y a qu'un seul modèle de famille correct et que tous les autres sont à plaindre...cette manière de voir les choses, j'estime que c'est de la discrimination...
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À mes yeux, le problème n'était pas de savoir qui est "le mari" ou "l'épouse"... mais qui joue le rôle de "l'homme"... et qui fait celui de "la femme". Mais "normalement"... pour n'importe quel autre couple... je ne me poserais pas de question sur leur vie intime et sexuelle.
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Avouer à quelques personnes un secret qu'on cache...
et etre prêt à penser que ce n'est pas la peine de le cacher...
ce sont deux choses bien différentes.
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- Je suis gay.
- Pourquoi ?
- Comment veux-tu que je réponde à cette question ? C'est un peu embarrassant... Je suis ce que je suis, c'est tout.
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-Je vous présente ma fille...
-Je m'appelle Kana!
-Enchanté Kana! Moi je suis Mike Flanagan, et je viens du Canada
-Dis papa... c'est qui ce type?
-"Ce type"? Tu es vraiment malpolie!!
-Et bien Kana je suis... ton oncle!
-Gna? J'comprends pas bien là!
-Au Canada, j'ai épousé le frère de ton papa et donc je suis ton oncle.
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- Personne ne peut prétendre connaître l'avenir. Mais, est-ce si important ?
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- Je me demandais justement... comment on peut appeler nos relations ?
- Eh bien, je crois que... "famille" fait parfaitement l'affaire. Nous sommes séparés.. mais ça n'efface pas notre passé. Et d'une certaine manière... notre union existe toujours via Kana[leur fille]. Quant à Mike et toi... vous êtes unis par ce lien qu'est Ryoji [frères].
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