La vie calme et ordinaire de Yaichi va être bousculée lorsqu'il apprend que son frère jumeau est mort et qu'il était marié à un homme. Ce dernier, Mike, un canadien aux allures d'énorme et adorable nounours va débarquer dans la vie du Japonais et bousculer beaucoup de préjugés.
Avec le mari de mon frère, Gengoroh Tagame signe un titre surprenant et engagé. Surprenant, car l'auteur est connu pour ses oeuvres érotiques gays destinées plutôt aux hommes (appelées "bara" ou "men's love" dans le jargon), que je ne lis pas, bien qu'étant férue de boy's love destiné plutôt aux femmes. Bref, je n'aurais pas pensé un jour acheter l'une de ses oeuvres et encore moins la conseiller à ma fille de 12 ans !
En effet, ce manga est tout public. Ici nul érotisme, pas même l'ombre d'une romance, qu'elle soit gay ou hétéro, ce qui ne l'empêche pas de parler d'amour. Car c'est ici ce dont il est question : l'amour entre deux personnes, quel que soit leur sexe, un concept que Yaichi a du mal à saisir alors que sa fille Kana prend tout avec le naturel propres aux enfants. Elle bombarde de question Mike, mettant souvent les pieds dans le plat, obligeant son père à remettre en cause ses préconceptions, mettant aussi en lumière l'aspect ridicule parfois de celles-ci. le parallèle entre les monologues internes de Yaichi et l'attitude que lui dicte les convenances (il est tout de même Japonais, surtout ne pas paraître impoli !) renforce encore ce processus.
C'est en cela que le mari de mon frère est engagé. À travers les réactions d'un Japonais moyen, l'homophobie ordinaire est ainsi mise en avant, démontée point par point. Pour autant, à aucun moment je n'ai eu l'impression que l'auteur donnait des leçons au lecteur, plutôt que son histoire et ses personnages permettent tout simplement de mieux comprendre une minorité. La personnalité extrêmement sympathique de Mike y est pour beaucoup, ainsi que sa façon de répondre aux questions sans gêne, d'interroger aussi Yaichi sans accuser.
Mais ce serait une erreur de penser que ce manga ne parle que d'homosexualité : c'est la famille au sens large qui est traitée ici. de la relation entre frères jumeaux, en passant par le rôle de père solo, Gengoroh Tagame déconstruit plusieurs clichés sur ce qui constitue une famille "normale". Par ailleurs, le deuil des deux hommes est ce qui les réunit, et ce sentiment est encore renforcé par la ressemblance entre Yaichi et son défunt frère. le choc des cultures entre le Canadien et le Japonais, s'il est au départ source d'incompréhensions supplémentaires, permet aussi à Yaichi d'évoluer au contact de son beau-frère.
En résumé, le mari de mon frère est un manga intelligent, drôle et touchant, une lecture à la fois belle et d'utilité publique.
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