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Citations de George Steiner (235)


On a examiné sous bien des angles la culture du décibel. Ce qui importe avant tout, mais échappe à l’investigation et plus encore à la mesure, c’est le problème du développement des facultés mentales et de la conscience à l’intérieur d’une matrice sonore toujours présente. Quel effet a le vacarme de ces doux marteaux sur le cerveau, à des étapes cruciales de son développement ?
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L’autorité, à l’origine de nature courtoise et aristocratique, puis bourgeoise et bureaucratique, souscrivait au programme de la culture classique et se chargeait d’en assurer la transmission. La démocratisation de la haute culture, provoquée par un fléchissement de la volonté à l’intérieur même de celle-ci et par la révolution sociale, a engendré un hybride inepte. Jetées sur le marché, les productions du goût littéraire classique se diluent et se dénaturent. A l’autre pôle, on les arrache à la vie qu’on veut leur conserver et elles finissent dans les musées.
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La grande majorité des biographies humaines n’est qu’une terne transition entre le spasme banal de l’enfantement et l’oubli complet. Le nier, sous prétexte d’attachement au libéralisme, équivaut, pour un esprit vraiment averti, non seulement au mensonge mais à l’ingratitude la plus noire. […] Pour être absolument honnête, une telle doctrine de la haute culture doit soutenir fermement ce paradoxe que l’incendie d’une grande bibliothèque, la mort d’Evariste Galois à vingt et un ans, la disparition d’une partition de valeur sont des catastrophes sans commune mesure avec la mort d’êtres humains, même innombrables.
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Quel poème a jamais enrayé ou tempéré le règne de la terreur, alors que tant l’ont chanté ?
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A la fois réaliste et creux, notre nouveau pessimisme stoïque ou ironique marque une après-culture. Avoir pu ignorer l’inhumain dans l’homme représentait un incalculable privilège.
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C’est chez Sade, et aussi chez Hogarth par certains détails, que le corps humain, pour la première fois, est soumis méthodiquement aux opérations de l’industrie. Les tortures, les postures grotesques imposées aux victimes de Justine et des Cent Vingt Journées établissent, avec une logique consommée, un modèle des rapports humains fondé sur la chaîne de montage et le travail aux pièces. Chaque membre, chaque nerf est déchiré ou tordu avec la frénésie impartiale et glacée du piston, du marteau pneumatique et de la foreuse. Le corps n’est plus qu’un assemblage de parties, toutes remplaçables par des « pièces détachées ». La multiplicité, la simultanéité des outrages sexuels offrent une image minutieuse de la division du travail à l’intérieur de l’usine. Les suggestions de Sade lui-même (ses châteaux de plaisir seraient en fait des laboratoires ; toutes les formes de tourment et d’humiliation découleraient nécessairement d’une conception de la chair comme matériau brut) sont significatives.
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Même lorsqu’il se proclame athée, le socialisme de Marx, de Trotski ou d’Ernst Bloch est enraciné dans l’eschatologie messianique. Rien n’est plus religieux, plus proche de l’extatique rage de justice des prophètes, que le socialisme détruisant par avance la Gomorrhe bourgeoise et instaurant pour l’homme une cité claire et neuve.
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A scruter trop longtemps la hideur, on est curieusement attiré. Par une étrange aberration, l’horreur capte l’attention et donne à nos pauvres facultés une résonance artificielle. […] Quels que soient les scrupules qui l’animent, je doute que quiconque passe son temps et les ressources de sa sensibilité à ces lieux obscurs puisse (ou même doive) les quitter intact. Et néanmoins ces terres d’ombre sont au centre de tout. Les contourner, c’est renoncer à parler sérieusement des virtualités humaines.
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Faut-il persévérer ? Est-il raisonnable de penser que chaque civilisation avancée secrète ses tensions, ses élans suicidaires ? Est-ce que l’assemblage précaire d’une culture hautement diversifiée, turbulente et timorée tout à la fois, est voué, par définition, à l’instabilité puis à l’éclatement ? Son modèle serait alors celui d’une étoile qui, ayant atteint la masse critique –le point où s’équilibrent à jamais les échanges d’énergie entre la structure interne et la surface irradiante- s’effondre sur elle-même, projetant, à l’instant où elle se détruit, cette flambée que nous associons avec les grandes cultures dans leur phase terminale. Les formes de l’ennui et l’appel à la destruction brutale sont-ils des constantes de l’histoire des formes sociales et intellectuelles, dès que celles-ci franchissent un certain seuil de complexité ?
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L’effondrement des aspirations révolutionnaires au lendemain de 1815, le ralentissement brutal du temps et des espérances progressistes amenèrent une accumulation d’énergies turbulentes et sans objet. La génération romantique jalousait ses pères. Les « anti-héros », les dandys dévorés de nostalgie évoluant dans le monde de Stendhal, de Musset, de Byron, de Pouchkine, arpentent la cité bourgeoise comme des condottieri au chômage. Ou, pire encore, comme des condottieri réduits à se contenter, avant même leur première bataille, d’une retraite dérisoire. Quant à la ville, autrefois animée du tocsin des révolutions, elle a désormais tout de la prison.
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Pour quelles raisons les traditions et les modèles de conduite humaniste ont-ils si mal endigué la sauvagerie politique ? Ont-ils en réalité constitué un frein, ou bien est-il plus sage de reconnaître dans la culture humaniste des appels pressants à l'autoritarisme et à la cruauté ?
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La contre-culture sait parfaitement où entamer ce travail de démolition. La violence inarticulée des graffiti, le silence crispé des adolescents, les éructations du happening relèvent d'une stratégie délibérée. Les révoltés, les marginaux ont cessé le dialogue avec une culture dont ils méprisent la cruauté, les vieilles escroqueries. Ils ne lui feront pas l'honneur d'une parole. Se soumettre, même temporairement, aux conventions d'un échange linguistique en forme revient à se laisser prendre au filet des valeurs usées, des grammaires arrogantes ou insidieuses.
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Ce qu'on espère accomplir ici ? Rappeler à nos auditeurs… leur rappeler le son, ou même le goût, si je puis m'exprimer ainsi, du plaisir, du rire.… Mais ce qu'on fourgue, nous autres, c'est une drogue plus dur que la cocaïne, qui crée une dépendance beaucoup plus forte. On lui donne toutes sortes de noms. Les uns parlent de "rêves", les autres d'"espoir". Pour ma part, je pense qu'elle a un effet magique sur le temps. Elle arrête le temps normal, le temps des meurtres, des enlèvements, des sévices sur enfants. On perd son temps avec les poèmes. Mais pas comme au flipper. C'est pas facile à expliquer. Du temps perdu, oui, mais par trop-plein. Trop-plein d'émerveillement, de renouveau. Ça jette des charmes, les poèmes. Comme qui dirait, des exercices respiratoires pour esprit user.
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Le même livre, la même page peut avoir des effets totalement disparates sur ses lecteurs. Il peut exalter ou avilir; séduire ou rebuter; appeler à la vertu ou à la barbarie, magnifier la sensibilité ou la banaliser. De façon on ne peut plus déconcertante, il peut faire les deux, presque au même moment (...)À différents moments de la vie du lecteur, un livre suscitera des réflexes entièrement différents. Dans l'expérience humaine, il n'est pas de phénoménologie plus complexe que celle des rencontres entre texte et perception.
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Pour Nietzsche, la musique est le mysterium tremendum pur et simple. Wittgenstein trouva dans l'adagio d'un quatuor de Brahms le seul obstacle à ses intentions de suicide. Valéry°suggère de danser la pensée.Nous continuons de nous demander " Qu'est - ce que la musique ? ". Et la " nourriture de l'amour " de Shakespeare accentue la disette de nos réponses.

p.73

N.B. Ezra Pound a cette formule proche de Valéry " La danse de l'intellect parmi les mots."
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Nous avons tendance à oublier que les livres, éminemment vulnérables, peuvent être supprimés ou détruits. Ils ont leur histoire, comme toutes les autres productions humaine, une histoire dont les débuts mêmes contiennent en germes la possibilité , l'éventualité d'une fin .
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George Steiner
Inlassable critique de la civilisation contemporaine, il ne ratait pas une occasion d’en fustiger les
ridicules et d’en condamner les dérives, sans pour autant céder à la facilité d’une pensée
réactionnaire ou antimoderne mécanique.
L’un des ouvrages typiques de son œuvre est sans doute Les Antigones (Gallimard, 1986
réédité en « Quarto ») où il applique conjointement ses talents de comparatiste, d’historien de
la littérature et de philosophe, à penser l’épuisement d’un genre théâtral qui va de Sophocle à
Anouilh. Il y démontre aussi la puissance intacte et l’actualité des auteurs les plus anciens
(« Faire une lecture “classique” de Platon, de Pascal ou de Tolstoï, c’est tenter une vie
nouvelle et différente »). Les tragédies antiques étaient, selon lui, des sources inépuisables de
mythes – dont celui d’Antigone –, alors que la modernité peinait à en produire de durables,
hormis celui de Don Juan et peut-être de Faust.
« Le texte classique, concluait-il, est un texte dont la naissance première, existentielle, nous
est peut-être perdue (…) mais son autorité inhérente est telle qu’il peut absorber sans perdre
son identité les incursions dont il est victime depuis des siècles, ainsi que l’accumulation des
commentaires, des traductions et des variations qui s’accrochent à lui. Ulysse renforce
Homère. La Mort de Virgile de Broch enrichit L’Enéide. L’Antigone de Sophocle n’a rien à
craindre de Lacan. »
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George Steiner
Pour
lui, l’identité juive consistait avant tout à tenir « toujours ses bagages prêts ».
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George Steiner
e l’œuvre de Steiner, tout
réticent soit-il quant au personnage qu’il s’est abstenu de rencontrer. De même Steiner qui se
disait « apolitique au possible » a-t-il nourri toute sa vie une fascination esthétique pour les
penseurs et écrivains d’extrême droite que ce soit Céline (« shakespearien ! »), le philosophe
royaliste Pierre Boutang ou le fasciste et antisémite Lucien Rebatet qu’il va voir à Paris dans
les années 1960 (l’entretien est reproduit dans Le Cahier de l’Herne de 2003, dirigé par
Pierre-Emmanuel Dauzat consacré à Steiner) ou encore le poète américain et admirateur de
Mussolini Ezra Pound, parce qu’« il avait assumé la totalité de ses actes », précisait-il.
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George Steiner
Récemment, il s’inquiétait de la torpeur – l’« acédie » – qu’il voyait se répandre dans la
jeunesse soumise au chômage et à la précarité. Dans ses derniers écrits, il se prononçait contre
l’acharnement thérapeutique et en appelait à « une révolution morale et légale », instituant
l’euthanasie comme une « option élémentaire ».
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