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EAN : 9782869597631
58 pages
Arléa (08/02/2007)
3.56/5   35 notes
Résumé :
Nous avons tendance à oublier que les livres, éminemment vulnérables, peuvent être supprimés ou détruits. Ils ont leur histoire, comme toutes les autres productions humaines, une histoire dont les débuts mêmes contiennent en germe la possibilité, l'éventualité d'une fin. George Steiner souligne ainsi la permanence sans cesse menacée et la fragilité de l'écrit en s'intéressant paradoxalement à ceux qui ont voulu - ou veulent- la fin du livre. Son éblouissante approch... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
"Les contestataires du livre et ses ennemis ont toujours été parmi nous. Les hommes et les femmes de livre, si je puis reprendre, en l'élargissant, cette catégorisation victorienne raffinée, s'arrêtent rarement à considérer la fragilité de leur passion."
Pourquoi Georges Steiner se montre-t-il alarmiste ? À quoi sommes-nous peu attentifs qui pourrait léser notre passion des livres ? Suivons la réflexion de l'essayiste développée en une quarantaine de pages aux éditions Arléa.
[...]
Plus proche de note époque, l'émergence de deux grands courants contestataires du livre méritent attention.
Le premier est appelé par Steiner «pastoralisme radical», apparu avec Rousseau. L'idée que l'arbre de la pensée et de l'étude est gris, tandis que celui de l'élan vital est éternellement vert, résume bien ce courant. C'est ce que proclame Wordsworth lorsqu'il affirme qu'une « impulsion printanière sur l'arbre » vaut bien plus que toute érudition livresque. Les livres parasitent la conscience immédiate et les laisser influer sur nos vies revient à renoncer aux risques et à l'extase que donne le rapport primaire, premier, aux choses. William Blake, Thoreau et D.H. Lawrence ont revendiqué cette forme d'authenticité. (Rapprochons cette thématique de l'idée exprimée aujourd'hui par Pierre Bergounioux dans son excellent Jusqu'à Faulkner).
Le second courant hostile au livre pose une question simple : en quoi peut-il contribuer à soulager l'humanité souffrante, quels affamés ont été nourris par un livre ? demandent les nihilistes et révolutionnaires anarchistes de la Russie tsariste au tournant du 19e siècle. Face à l'extrême misère, il y a pour les nihilistes de l'obscénité dans la cote d'un manuscrit rare ou d'une édition princeps. Tolstoï lui-même avancera que la grande culture, la grande littérature en particulier, ont une influence délétère, qui affecte la spontanéité et le fondement moral des hommes et des femmes. Tolstoï, répudiant ses propres fictions, prône que le seul besoin est un bréviaire qui lui donne l'essentiel de l'Imitatio Christi. Il sait parfaitement, et s'en réjouit, l'absence de l'écrit dans l'enseignement de Jésus. En Russie toujours, la révolution dont la tâche essentielle est celle du renouveau de la conscience humaine, le poids accablant du passé – statues marmoréennes des grands classiques canonisés ! - doit être rejeté et les livres anciens brûlés. Alors seulement les penseurs et poètes futuristes pourront se faire entendre. Mais Heine affirmait déjà en 1821 devant les autodafés de nationalistes allemands : "Là où aujourd'hui on brûle des livres, demain on brûlera des hommes... "
[...]
Intellectuel, mandarin universitaire, rat de bibliothèque, Steiner aborde pour conclure l'emprise de l'imaginaire, sa grande hantise qu'il espère n'être qu'une hypothèse psychologique erronée. "L'imaginaire, l'abstraction conceptuelle sont capables d'envahir et d'obséder le siège de notre sensibilité. » [….]. L'érudit, le vrai lecteur, le faiseur de livres est saturé par l'intensité terrible de la fiction." Les personnages sont capables d'acquérir une force de vie, un pouvoir sur le temps et l'oubli dont aucun humain n'est capable. La réalité est déformée au point de ne plus entendre le cri dans la rue, qui n'est rien au regard de celui de Lear à Cordélia. Des milliers de morts dans le monde affectent moins que la mutilation du chef-d'oeuvre dans un musée. Nous-mêmes, n'allons-nous pas être davantage retournés par les pages d'un Dickens poignant entre nos mains lisses que par le malheureux aux doigts sales et gelés quémandant un sou sur le trottoir en bas ?

Et Steiner pose cette interrogation : "En tant que professeur pour qui la littérature, la philosophie, la musique, les arts sont la matière même de la vie, comment puis-je traduire cette nécessité pour moi, en une lucidité morale, consciente des besoins humains, de l'injustice qui rend à ce point possible une si haute culture? Les tours qui nous isolent sont plus solides que de l'ivoire. Je ne connais pas de réponse à cette question. "

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C'est un tout petit livre, que j'ai trouvé à la bibliothèque et que j'ai trouvé très intéressant ! En vérité, j'aurais voulu qu'il soit dix fois plus long !

Je vais vous parler l'un après l'autre de ce que j'ai retenu de ses deux essais :




Le silence des livres

George Steiner nous rappelle tout d'abord que notre société est plus imprégnée par l'oral que par l'écrit. On l'oublie souvent, l'écriture est plutôt récente dans l'histoire de l'humanité. Comme il le fait remarquer, l'écrit «dessine un archipel dans les vastes eaux de l'oralité humaine ».

Et en effet, quand on y pense, l'écriture date du deuxième millénaire avant notre ère en Chine ancienne. La plus grande partie de l'histoire de l'humanité s'est transmise de façon orale, à travers les chansons, les histoires, les contes…L'écrit, qui prend une place tellement considérable dans notre monde est finalement assez »jeune », si on peut s'exprimer ainsi.



Il nous parle aussi des différents arguments qu'il y a eu dans le monde contre l'écrit (arguments assez intéressants et qui se sont réalisés en plus, surtout pour le deuxième je trouve!)

1.le texte est contractuel et figé.
On peut dire qu'il relie l'auteur à ce qu'il écrit, sans possibilité de modification. Alors que l'oralité rend possible le moyen de se corriger soi-même, immédiatement. (tandis que pour l'écrit, il faut un autre écrit!)


2.le texte réduit notre capacité d'apprendre par coeur des textes. Si on a les textes à portée de mains, ce n'est plus la peine d'emmagasiner autant de connaissances dans la mémoire : Il suffit de reprendre les livres. le pouvoir de notre mémoire s'est trouvé diminué depuis l'écrit.

L'auteur se pose aussi la question de l'appropriation du texte : Il est vrai que lorsqu'on apprend un texte par coeur, il nous appartient d'une certaine manière et il nous change, puisqu'on l'a en nous. Avec l'écrit, ce n'est pas pareil.

Autre point marquant fut le paragraphe sur le manque de silence. Je suis tout à fait d'accord avec lui, lire tranquillement est devenu presque un luxe.

————–

Ce vice encore impuni

Michel Crépu a soulevé un point très intéressant dans son petit essai : l'incompatibilité de la lecture solitaire avec notre société.

Pourtant, tout est rassemblé pour propager la lecture. On a tout ce qu'il nous faut, des librairies, des bibliothèques, des professeurs, mais il nous manque le temps et la patience.

Pour ce qui est du temps : On a une phobie de l'ennui, qui, je trouve devient inquiétante. Il faut toujours faire quelque chose, et souvent, il faut être occupé et faire partie de groupes. Vouloir être seul est mal vu, surtout si c'est pour une occupation aussi solitaire que la lecture.

Pour ce qui est de la patience, notre génération est une génération web 2.0. Une génération habituée à sauter d'un lien à l'autre, à avoir l'information le plus rapidement possible et à ce que cette information soit la plus courte possible.
J'ai parfois du mal à me plonger dans ma lecture, mes yeux sautent automatiquement d'un mot à l'autre à la recherche de l'information intéressante au lieu de lire dans l'ordre. Il me faut à chaque fois plusieurs minutes pour me « remettre dans le bain » et recommencer à lire soigneusement.

———————————

Pour finir, n'hésitez pas à l'emprunter, il se lit en deux heures facilement. On apprend beaucoup de choses (ce fut en tout cas le cas pour moi) et il nous amène à réfléchir sur la place de la lecture et de l'écrit dans notre société.

Lien : http://writeifyouplease.word..
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Très court recueil, lu dans le cadre du challenge Méli-Mélo, qui nous raconte l'approche de George Steiner par rapport au livre, il s'intéresse ici au caractère fragile de l'écrit et en particulier du livre.
Et c'est à une histoire du livre depuis les tout premiers écrits qu'il nous invite : la succession de l'écrit à la transmission orale et de la mémoire.Il nous rappelle qu'à l''époque de Socrate et de Jésus de Nazareth, l'enseignement se faisait par oralité et non par écrit, tout se faisant par allégorie et par paraboles, avant que tout ce savoir ne passe plus tard par la forme écrite .Le passage à l'écrit et donc le livre ne fut réservé au début qu'à une élite proche du pouvoir ou de l'Église.
Et lorsque le livre se développa grâce à l'imprimerie la censure se mit en place, des écrits comme ceux de Galilée et autres, furent jugés comme subversifs et interdit, sinon détruits.
Beaucoup plus récent, le siècle dernier, fut le théâtre de conflits atroces, qui démarrèrent souvent par l'élimination d'une littérature non conforme aux normes des pouvoirs en place, comme le nazisme et le stalisnisme, préfiguration de ce qui arriva aux hommes eux-mêmes.
Et puis à présent, époque du tout numérique, le livre doit trouver sa place, avec le tout et n'importe quoi… avec le foisonnement de tant d'écrits, on peut se demander si la censure ne devrait pas se faire d'elle même, pour que les dérives (appel à la haine, négationnismes, appels au meurtres etc.) ne se mettent pas systématiquement en place.
Et un plus, à ce dire que le silence des livres a laissé place à l'époque contemporaine, à un monde où le silence dans la lecture est devenu un luxe presque suspect.
Une lecture instructive qui m'a demandé un gros effort de concentration, et donc d'être vraiment à ma lecture car pas si simple !!!!
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La lecture est un acte solitaire (la plupart du temps), un acte pour s'échapper du bruit du monde, un acte trop rare aujourd'hui comme l'explique si bien George Steiner dans ce beau petit livre - le Silence des livres - dont je recommande particulièrement la postface de Michel Crépu intitulée Ce vice encore impuni qui fait la part belle à Proust, à l'enfance et au temps qu'on passe le nez et les yeux dans un livre, le meilleur qui soit sans doute...
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Ce livre très fin se compose de deux textes : "Le silence des livres" de George Steiner, qui questionne la place de l'écrit dans la société d'hier et d'aujourd'hui, et "Ce vice encore impuni" de Michel Crépu rendant hommage à la lecture en solitaire.

C'est un petit ouvrage d'une cinquantaine de pages mais son texte est très dense et demande pas mal de concentration. J'avoue que les deux auteurs m'ont parfois perdue en chemin. Mais j'ai trouvé grandement intéressantes leurs réflexions sur la fragilité du support livre, l'oralité chez Socrate et Jésus, l'intérêt de savoir par coeur un texte, etc.

Ce n'est vraiment pas un ouvrage indispensable dans une bibliothèque, mais il est susceptible d'intéresser les amoureux de la lecture. Ceci dit, accrochez-vous car le lire demande de l'attention et une bonne dose de culture générale !
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Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
"Cela me chiffonne toujours un peu, avec les grands livres, qu'on en vienne tout de suite aux grands mots. L'Amour des livres, la Haine des livres, la fureur de lire... Ma foi, quand je pense aux livres, je ne vois pas un bûcher, je vois un jeune garçon assis au fond du jardin, un livre sur les genoux. Il est là, il n'est pas là ; on l'appelle, c'est la famille, l'oncle qui vient d'arriver, la tante qui va s'en aller : "viens dire au revoir! ; "Viens dire bonjour !" Y aller ou pas . Le livre ou la famille ? Les mots ou la tribu ? Le choix du vice (impuni) ou bien celui de la vertu (récompensée) . Quand Larbaud emploie cette expression de "vice impuni", c'est l'adjectif qui m'intrigue. Impuni, vraiment ? Il y aurait donc une sorte d'impunité de la lecture ? h bien oui. Un privilège de clandestinité qui permettrait en somme de poursuivre les opérations en toute tranquillité. L'oncle est là, la famille est rassemblée autour de la table, on parle de la situation, et le jeune garçon qui était au fond du jardin fait semblant d'écouter. Mais il a son silence, ses affaires personnelles, la course invisible de Michel Strogoff à travers la steppe, tout cela dans le brouhaha des carafes, des serviettes, des voix, des rires. Il a obéi à l'injonction, simple question d'espace, mais il continue de trahir en pensant à autre chose. On ne lit pas à table . Aucune importance, le livre continue à se lire en lui ; un peu de patience, et il y aura bientôt la chambre, le silence de la lumière derrière les persiennes. C'est tout l'admirable début de La Recherche, le paradis de Combray et des "beaux après-midi" de lecture à l'ombre du marronnier, le refuge dans la guérite où opère la métamorphose, un autre temps naissant à l'intérieur du temps, un autre monde surgissant des limbes. Les heures sonnent au clocher de Méséglise, mais le narrateur ne les entend plus - "quelque chose qui avait eu lieu n'avait pas eu lieu pour moi ; l'intérêt de la lecture, magique, comme un profond sommeil, avait donné le change à mes oreilles hallucinées et effacé la cloche d'or sur la surface azurée du silence".
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On peut le voir à l'œuvre dans l'utopie pédagogique de Rousseau dans l'Emile, dans le diktat goethien selon lequel l'arbre de la pensée et de l'étude reste éternellement gris, tandis que celui de la vie en actes, de la vie-force et de l'élan vital est vert. Le pastoralisme radical anime la pensée de Wordsworth lorsqu'il affirme qu'une "impulsion printanière sur l'arbre" vaut bien plus que toute l'érudition livresque. Quelque éloquent ou instructif qu'il puisse être, le savoir que donnent les livres, et la lecture, vient en second. Ils parasitent la conscience immédiate.
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Nous avons tendance à oublier que les livres, éminemment vulnérables, peuvent être supprimés ou détruits. Ils ont leur histoire, comme toutes les autres productions humaines, une histoire dont les débuts mêmes contiennent en germe la possibilité, l'éventualité d'une fin.
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Au fur et à mesure que la civilisation urbaine et industrielle assoit sa domination, le niveau de nuisance sonore connaît une inflation exponentielle, qui confine aujourd'hui à la folie. Pour les privilégiés, à l'âge classique de la lecture le silence est encore une denrée rare accessible dont le prix cependant ne cesse d'augmenter.
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La musique, sous les formes du chant ou de la performance instrumentale, semble véritablement universelle. Elle est le langage fondamental pour communiquer sentiments et significations. La majeure partie de l'humanité ne lit pas de livres. Mais elle chante et danse.
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Vidéo de George Steiner
Nous venons de publier un recueil d'entretiens entre George Steiner et Nuccio Ordine, intitulé //George Steiner. L'Hôte importun//. Il est précédé par un beau texte en témoignage à Steiner, écrit par celui qui fut un de ses plus proches amis, Nuccio Ordine.
Pour en savoir plus : https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251453163/george-steiner-l-hote-importun
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Ce livre est le témoignage de la profonde amitié personnelle et intellectuelle qui a lié George Steiner et Nuccio Ordine. L'amour des classiques, la passion de l'enseignement, la défense du rôle du maître, la fonction essentielle de la littérature qui rend l'humanité plus humaine constituent les thèmes d'un intense dialogue, nourri de plus de quinze années de rencontres et de voyages dans diverses villes européennes. Ordine trace un portrait original de George Steiner, en le peignant sous les traits d'un « hôte importun ».
+ Lire la suite
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