Cet « anarchiste platonicien » selon ses propres termes a, en dépit de son aversion pour le
communisme, trouvé une grandeur, fût-elle « absurde », dans l’idéal d’un Trotski prétendant
élever le type humain moyen aux sommets d’un Aristote, d’un Goethe ou d’un Marx. George
Steiner s’affirmait du reste sceptique dans la capacité d’une « démocratie populiste qui rend
possible des performances athlétiques et sportives de plus en plus éclatantes » à favoriser
aussi « cet acte de rébellion, de révolte intérieure qui est au cœur de l’art ». Pour autant, il
n’était pas dupe de la vertu civilisatrice de l’art et souvent revenait dans sa bouche l’exemple
du bourreau nazi, capable de perpétrer un meurtre massif le matin et de jouer Schubert au
piano le soir.
« Je plaide coupable pour n’avoir pas compris que le cinéma était peut-être la forme la plus
importante dans l’esthétique moderne, confia-t-il amusé au Monde en 2013. (…) Je confesse
n’avoir pas compris non plus l’importance de la télévision ni saisi la révolution que cinéma et
télévision ont engendrée. (…) De la même façon, j’ai beaucoup aimé les grands maîtres du
jazz quand j’étais étudiant à Chicago, puis est venu le heavy rock, l’art conceptuel, et j’ai
décroché. On ne peut pas tout aimer ni comprendre. Il ne faut pas essayer de bluffer. » Pour
lui, une invention comme le téléphone portable privait l’homme « de son monologue
intérieur »…
« Un être qui connaît un livre par cœur est invulnérable, c’est plus qu’une assurance vie, c’est une assurance sur la mort ! »
Si le "dur désir de durer" était le mobile central de la culture classique , il n'est pas exclu que notre après-culture choisisse de disparaître plutôt que de restreindre les hasards de la pensée.
Une fois encore ,l'Amérique sert d'exemple et d'avertissement: Nulle part ailleurs le vrai savoir ne s'est détérioré à ce point.
...sentant notre identité mise en cause par le suffocant magma de l'anonyme, nous sommes saisis d’accès meurtriers , du désir aveugle de foncer pour faire de la place.
Amorphe, envahissante notre familiarité avec l'horreur représente pour l'humanité une défaite absolue.
Le dieu de l'utopie est un dieu jaloux.
Le personnage d'Emma Bovary incarne, avec une cruelle trivialité , la fougue de rêves et de désirs contrariés par un monde où ils n'ont pas de place.
C'était du silence qui hurlait , hurlait à travers tout le théâtre si bien que le public courbait la tête comme sous une rafale de vent. Et ce cri à l'intérieur du silence me semblait le même que celui de Cassandre quand elle flaire l'odeur du sang dans la maison d'Atrée. C'était le même cri sauvage avec lequel l'imagination tragique marqua pour la première fois notre imagination de la vie. La même lamentation sauvage et nue sur l'inhumanité de l'homme et le gaspillage de l'homme.
Être juif, c’est garder Hitler en vie.