Amédée avait beaucoup de sympathie pour les lapins. C'étaient des bêtes tranquilles, contentes d'un rien, et silencieuses.
Noël au marais, c’est un Noël criblé d’étoiles – ces étoiles qu’on voit si mal dans les villes où elles sont prisonnières des toits. Au marais, les étoiles sont vivantes, amies des hommes. Elles scintillent et veillent sur la plaine endormie. On les voit toutes, même les plus timides qui n’osent pas s’éloigner de l’horizon.
Ragris marchait de plus en plus vite parce qu'il était de plus en plus inquiet. Il se demandait si Pignolle aurait tenu sa promesse. "C'est un faible, songeait-il, un des meilleurs gars que je connaisse mais un faible". Quand il déboucha sur la place de l'église, il vit avec étonnement que ses craintes n'étaient pas justifiées. Pignolle s'était admirablement comporté. Il offrait ses derniers bouquets aux dames qui sortaient de la grand-messe.
C'était un Pignolle correct, proprement vêtu, qui vendait son muguet avec un mot aimable et sans insistance. Ragris poussa un soupir de soulagement...
(extrait du chapitre IV)
Le marais était d’une beauté grandiose en septembre, avec son opulente verdure où se mêlaient déjà des taches rousses. La vie grouillait. C’était le temps des bonnes pêches. Tout le menu peuple des rongeurs et des oiseaux s’affairait au seuil de l’automne. Ce matin, les formes des arbres s’estompaient dans un léger rideau de brume que perçait bientôt le soleil, et les herbes du chemin, ployant sous la rosée, scintillaient comme des guirlandes de perles. La fraîcheur éveillait Ragris à l’aube. C’était la saison qu’il aimait.
Le marais s’étendait, qu’avril finissant parait des plus beaux verts. Les joncs chevelus frémissaient. Des pâquerettes émaillaient le bord du chemin. Plus loin, un saule trapu et voûté méditait près d’une touffe de genêts en fleur : un de ces mariages insolites auxquels se complaisait la nature en cet endroit.
On entendait le bruit de la rivière grossie, toute proche. La nuit était calme, avec un grand souffle tiède. On devinait la vie sourdant partout. La sève remontait dans les troncs mornes, et sous la terre des milliers de bêtes se préparaient au grand réveil.
Le soleil était au zénith. Il faisait chaud comme en juillet. Le marais, au cœur du printemps, avait une vie intense. Les rongeurs s’affairaient dans leurs trous secrets. . Parfois, la terre bougeait sans qu’on sût quelle bête était dessous. Des passereaux piaillaient dans les saules. Un crapaud pustuleux contemplait la lumière. Des éphémères épuisaient leur vie d’un jour, en un vol désordonné.
Le marais gelé ressemble à un grand miroir. La lune court, blafarde, et cherche son image au hasard des roseaux qu’emprisonne la glace.
Le temps n’était pas venu de partir. En avril ce serait mieux. C’est en avril que les routes ont cette exaltante odeur d’aventure.
Marthe vit son col déchiré et, sur le visage du petit homme, ces mille rides enchevêtrées que font le vent et la misère.