Citations de Georges Pompidou (198)
Le confort de vie généralisé comporte en lui même une sorte de désespérance, en tout cas d'insatisfaction.
Hé ! Dieu, si j'eusse étudié,
Au temps de ma jeunesse folle,
Et à bonnes mœurs dédié,
J'eusse maison et couche molle.
Mais quoi ? Je fuyoie l'école,
Comme fait le mauvais enfant.
En écrivant cette parole
A peu que le cœur ne me fend...
Le Testament, François Villon, page 56.
LA MORT DES AMANTS
Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d'étranges fleurs sur des étagères,
Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux.
Usant à l'envi leurs chaleurs dernières,
Nos deux coeurs seront deux vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.
Un soir fait de rose et de bleu mystique,
Nous échangerons un éclair unique,
Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux ;
Et plus tard un Ange, entrouvrant les portes,
Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
Les miroirs ternis et les flammes mortes.
(Baudelaire)
Le coucher du soleil romantique (Baudelaire)
Que le Soleil est beau quand tout frais il se lève,
Comme une explosion nous lançant son bonjour !
- Bienheureux celui-là qui peut avec amour
Saluer son coucher plus glorieux qu'un rêve !
Je me souviens ! ... J'ai vu tout, fleur, source, sillon,
Se pâmer sous son oeil comme un coeur qui palpite ...
- Courons vers l'horizon, il est tard, courons vite,
Pour attraper au moins un oblique rayon !
Sur mes cahiers d'écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J'écris ton nom
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J'écris ton nom
Paul Eluard
Dans Arle, où sont les Aliscams,
Quand l'ombre est rouge, sous les roses,
Et clair le temps,
Prends garde à la douceur des choses,
Lorsque tu sens battre sans cause
Ton coeur trop lourd;
Et que se taisent les colombes :
Parle tout bas, si c'est d'amour,
Au bord des tombes.
Paul-Jean Toulet
Vous aviez mon coeur,
Moi, j'avais le vôtre :
Un coeur pour un coeur;
Bonheur pour bonheur!
Le vôtre est rendu,
Je n'en ai plus d'autre,
Le vôtre est rendu,
Le mien est perdu!
Marceline Desbordes-Valmore
Adieu tristesse
Bonjour tristesse
Tu es inscrite dans les lignes du plafond
Tu es inscrite dans les yeux que j'aime
Tu n'es pas tout à fait la misère
Car les lèvres les plus pauvres te dénoncent
Par un sourire
Bonjour tristesse
Amour des corps aimables
Puissance de l'amour
Dont l'amabilité surgit
Comme un monstre sans corps
Tête désappointée
Tristesse beau visage.
(Eluard)
La lune blanche
Luit dans les bois ;
De chaque branche
Part une voix
Sous la ramée ...
O bien-aimée.
L'étang reflète
Profond miroir,
La silhouette
Du saule noir
Où le vent pleure ...
Rêvons c'est l'heure
Un vaste et tendre
Apaisement
Semble descendre
Du firmament
Que l'astre irise ...
C'est l'heure exquise.
(Verlaine)
UNE ALLEE DU LUXEMBOURG
Elle a passé la jeune fille
Vive et preste comme un oiseau :
A la main une fleur qui brille,
A la bouche un refrain nouveau.
C'est peut-être la seule au monde
Dont le coeur au mien répondrait,
Qui venant dans ma nuit profonde
D'un seul regard l'éclaircirait ! ...
Mais non, _ ma jeunesse est finie ...
Adieu, doux rayon qui m'as lui, _
Parfum, jeune fille, harmonie ...
Le bonheur passait, _ il a fui !
(Nerval)
La poésie est, pour moi, la forme d'art la plus parfaite, en tout cas celle qui me touche le plus.
Au pied de l'échafaud j'essaye encor ma lyre.
Peut-être est-ce bientôt mon tour.
Peut-être avant que l'heure en cercle promenée
Ait posé sur l'émail brillant,
Dans les soixante pas où sa route est bornée,
Son pied sonore et vigilant,
Le sommeil du tombeau pressera ma paupière.
"Iambes", André Chénier, page 245.
La Muse (Musset)
Poète, prends ton luth et me donne un baiser ;
La fleur de l'églantier, sent ses bourgeons éclore.
Le printemps naît ce soir ; les vents vont s'embraser ;
Et la bergeronnette, en attendant l'aurore,
Aux premiers buissons verts commence à se poser.
Poète prends ton luth, et me donne un baiser.
Soyez béni, mon Dieu ! vous qui daignez me rendre
L'innocence et son noble orgueil ;
Vous qui, pour protéger le repos de ma cendre,
Veillerez près de mon cercueil !
Au banquet de la vie, infortuné convive,
J'apparus un jour, et je meurs !
Je meurs, et sur ma tombe, où lentement j'arrive,
Nul ne viendra verser des pleurs.
"Ode imitée de plusieurs psaumes", Nicolas Gilbert, page 239.
JOAD
Bientôt ils vous diront que les plus saintes lois,
Maîtresses du vil peuple, obéissent aux rois ;
Qu'un roi n'a d'autre frein que sa volonté même ;
Qu'il doit immoler tout à sa grandeur suprême ;
Qu'aux larmes, au travail, le peuple est condamné,
Et d'un sceptre de fer veut être gouverné ;
Que s'il n'est opprimé,tôt ou tard il opprime.
Jean Racine, Athalie, IV, 3.
Maintenant je pardonne à ce plaisant labeur,
Puisque seul il endort le souci qui m'outrage,
Et puisque seul il fait qu'au milieu de l'orage,
Ainsi qu'auparavant, je ne tremble de peur.
Sonnet des Regrets, Joachim du Bellay, page 80.
Mais elle était du monde où les plus belles choses
Ont le pire destin;
Et rose elle a vécu ce que vivent les roses
L'espace d'un matin.
Malherbe; consolation à M du Périer sur la mort de sa fille.
Elle était déchaussée, elle était décoiffée,
Assise, les pieds nus, parmi les joncs penchants ;
Moi qui passais par là, je crus voir une fée,
Et je lui dis : Veux-tu venir dans les champs ?
Elle me regarda de ce regard suprême
Qui reste à la beauté quand nous en triomphons,
Et je lui dis : Veux-tu, c'est le mois où l'on aime,
Veux-tu nous en aller sous les arbres profonds ?
Elle essuya ses pieds à l'herbe de la rive ;
Elle me regarda pour la seconde fois,
Et la belle folâtre alors devint pensive,
Oh! comme les oiseaux chantaient au fond des bois !
Comme l'eau caressait doucement le rivage !
Je vis venir à moi, dans les grands roseaux verts ,
La belle fille heureuse, effarée et sauvage,
Ses cheveux dans ses yeux, et riant au travers.
(Victor Hugo)
La Cigale, ayant chanté
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue
La Fontaine
Sitôt que d'Apollon un génie inspiré
Trouve loin du vulgaire un chemin ignoré,
En cent lieux contre lui les cabales s'amassent ;
Ses rivaux obscurcis autour de lui croassent ;
Et son trop de lumière, importunant les yeux,
De ses propres amis lui fait des envieux ;
La mort seule ici-bas, en terminant sa vie,
Peut calmer sur son nom l'injustice et l'envie ;
Faire au poids du bon sens peser tous ses écrits,
Et donner à ses vers un légitime prix.
"A Monsieur de Racine, Epître", Nicolas Boileau, page 197.