Gerald Messadié

Bientôt des couples s'avancèrent sur la piste et commencèrent à gigoter avec entrain, les bras imitant des bielles de locomotive, les jambes celles des fouleurs dans la grande cuve des vendanges. Des arrêts soudains scandaient cette danse de Saint-Guy, les danseurs se tournent alors le dos et se heurtant joyeusement les fesses.

Les deux hommes qui commandaient sa vie la ramèneraient à son rang, celui d'une épouse et servante assujettie à leur lois. Aucun des deux n'admettrait un instant qu'elle eût son mot à dire dans la disposition de l'or qu'elle avait découvert.

... à subir les situations fausses et les injustices, on finit par leur prêter une légitimité qu'elles n'ont pas.

Le pape Urbain VI tortura jusqu’à des cardinaux.

"Ce tendron empoisonné de Salomé avait un soir séduit son parâtre [Hérode Antipas] en dansant pour lui et, le vin aidant, l'ethnarque avait perdu deux têtes : la sienne au figuré, et celle du Baptiste au propre."
(p. 93)

L’Occident est en voie de déculfuration, et l’avarie atteint toutes les classes sociales. Le progrès technologique qui, théoriquement, pourrait l’enrayer, a souvent pour effet de précipiter l’effondrement. Notre espoir est que la connaissance du processus, décrit dans ce livre, provoque un sursaut. Il suffirait, pour commencer, que le sursaut atteignent quelques-uns.
(pages 12)

Toujours est-il que, dès la fin du XIXe siècle, l’élite occidentale commence à pulluler de spécialistes et de gens qui, sauf rares exceptions, sont plutôt incultes. Sortis de la physique des hautes énergies, du calcul de résistance des matériaux ou de l’endocrinologie, leur fonctionnement intellectuel tend à se gripper, leur sens moral aussi…
(pages 47)

Autant dire que la culture mène à la complexification, constante essentielle de la vie.
Elle est aussi créatrice de conflits, ce que nous jugeons tonique, parce que chaque notion nouvelle dérange, voire heurte, les notions déjà acquises.
La différence entre l’homme intelligent et l’imbécile est que le premier saisit la complexité d’une situation, alors que le second la trouve toute simple…
(pages 11)

Comme toute rébellion, ce livre exprime un espoir et un credo.
Le credo est simple : une civilisation ne peut impunément répudier la culture (disons pour le moment, par commodité, la culture « humaniste ») qui constitue son héritage, sans mettre en péril à terme plus ou moins court les conquêtes sociales, scientifiques, techniques et économiques sur lesquelles elle se fonde.
Les barbares ne sont jamais aux portes, ils sont à l’intérieur.
(pages 9)

Toute découverte est inachevée
Reste à définir ce qu'est une découverte. L'illustre épistémologiste Karl Popper y a consacré un fort volume et pas mal de pages en plus. Nous ne pourrions ici, et très prudemment, qu'en proposer une pose, qui se résume ainsi : il est impossible d'énoncer une découverte en termes définitifs. Une découverte ne reflète jamais qu'une partie de la réalité. Ainsi, lorsqu'il découvre les lois de la gravitation universelle, Newton ne peut savoir que près de deux siècles plus tard on découvrira des objets célestes dont la dynamique est incompatible avec elles : ce sont les quasars. (page15)

L’homme cultivé sera mieux armé pour distinguer l’accessoire de l’essentiel et le profond de l’insignifiant.(...) il aura acquis le sens de la qualité.
Immanquablement, cette capacité de différenciation lui permettra aussi d’interpréter la réalité sociale et intellectuelle environnante.
Elle le libèrera des stéréotypes, lui assurera donc une stratégie de vie ; en dernier recours, elle renforcera son identité.
Or, plusieurs identités individuelles font une identité collective.
La culture est donc aussi un bien social, la critique s’entend (en opposition avec la culture de masse ou anthropologique).
Il découle d’abord de la complexification engendrée par la culture un phénomène tout simplement crucial, qui est le développent de la personnalité. (...)
Ainsi s’établit un lien organique entre culture et personnalité ; c’est ce que l’on pourrait nommer une "dialectique organique"
(page 48)

Le rapport entre culture et méthode n’est pas évident pour tous.
Il pourrait même paraître douteux que l’écoute d’un quatuor de Beethoven, la lecture de Dante
ou l’examen d’un Rembrandt contribuent à établir ou à développer les structures mentales.
Et pourtant ces trois types d’activité culturelle provoquent un événement intellectuel.
Avant de les avoir pratiqués, chacun est un peu plus simple, le champ de ses représentations est un peu plus pauvre, son registre émotionnel est moins étendu.
L’événement en question accroît donc la complexité mentale.
La culture rend donc plus «intelligent» par complexification.
Les éléments de cette complexification sont précisément ceux sur lesquels Socrate fondait sa méthode : différenciation, intégration, hiérarchisation.(...)
(page 48)

– Que t’apprennent-elles ?

– Que la vie en ce monde est passagère, répondit Jeanne avec une détermination qui ne s’affirmait pas dans ses précédentes réponses. Qu’elle doit être consacrée au combat contre les tièdes et les méchants. Et que ce combat ne se mène qu’avec l’aide de Jésus et de Marie.

Tout prendre ! La couronne, les prestiges du pouvoir et les puissances occultes de l’argent attachées à celui-ci. Bien des détenteurs de ces privilèges échappaient encore à sa griffe, mais quand le roi serait tombé, leur résistance serait bien affaiblie ; ils ne résisteraient pas longtemps. Ah, il aurait bien voulu avoir à sa table ces deux femmes, la Yolande et la Valentine, dont il soupçonnait l’hostilité à son égard et les moyens d’action ! Mais il le savait : elles auraient à coup sûr rejeté son invitation. L’une était à Angers, l’autre à Blois. Il les traquerait sans relâche et leur ferait rendre l’âme, à ces deux furies.

Désormais, c’était ce royaume qu’il fallait défendre contre les puissances infernales pour faire triompher la Lumière divine. Le cœur brûlant de haine pour l’ignoble, le cupide Philippe le Bel, qui avait cru pouvoir s’emparer de la force des Chevaliers en leur volant de l’argent, lui, le faux-monnayeur, elle se ressaisit rapidement. Il fallait garder la tête froide pour triompher des suppôts de Satan et, pour commencer, de l’atroce Jean sans Peur.

Toutes les vérités sont cachées, ma fille. Si on les exposait à la vue du commun, elles seraient salies par les pensées impures des médiocres, accaparées par les rapaces, puis déformées par leurs esprits inférieurs. Ne sois pas une médiocre, Yolande, je te le demande, promets-le-moi.

- Va-t-elle vraiment nous accompagner?
Le ton de la question exprimait la désapprobation; aussi Jésus ne répondit pas tout de suite, mais défia son frère du regard.
- Y trouveras-tu à redire?
- Une femme seule?
- Et toi, n'es-tu pas un homme seul?
- Que vont dire les gens?
- S'il y en a qui s'étonnent de la présence d'une femme, tu leur demanderas si leur père s'est accroupi pour les mettre au monde.

Cette nourriture, dit-il à Jésus, est le fruit de notre labeur. Ces fèves, ces lentilles et ces poireaux viennent de nos champs et de nos potagers. La farine de ces pains a été moulue du grain que nous avons semé et récolté. Ce vin est tiré de nos vignes et le cruchons qui les contiennent ont été moulés et cuits par nos potiers. La table que voici et le banc sur lequel tu es assis ont été fabriqués par nos charpentiers avec le bois d'arbres équarris par nos bûcherons. Cela pour te dire que l'homme pur n'est pas l'esclave des puissance d'ici-bas, ni de ceux qui se sont fait serviteurs de la matière parce qu'ils ont cru la dominer.

Soutenu par ses chambellans, Séthi descendit de son trône et tenta d'affermir son pas avant de quitter la salle. L'évidence se présentait dans sa cruauté : l'âge affaiblissait la finesse des perceptions. Qadesh était sans doute en péril, mais une autre citadelle l'était aussi : l'intelligence infaillible de Séthi. Tout homme est une citadelle.

L'excitation atteignit son comble quand une dépêche d'Imenemipet informa le pharaon que Salmanazar avait dévasté le Karkemish, détruisant neuf places fortes, pillant centre quatre-vingt colonies, détruisant la fière ville de Karkemish elle-même et faisant une quinzaine de milliers de prisonniers.