Un cycle de conférences revient sur le projet architectural et la rénovation du site Richelieu de la BnF récemment ouvert dans sa totalité au public. Cette séance présente le projet du nouveau jardin créé dans l'espace de la cour Vivienne.
Avec la réouverture du site Richelieu, un espace vert de 1 900 m2 a vu le jour dans la cour Vivienne. Conçue au titre du 1% artistique, la création paysagère appelée « Hortus papyrifer ou jardin de papier », fondée sur des essences papyrifères, s'inscrit pleinement dans l'histoire du lieu.
Par Gilles Clément, jardinier et écrivain, Mirabelle Croizier, architecte du patrimoine, Antoine Quenardel, paysagiste
Modérateur : Fabien Aguglia, BnFo, conseiller scientifique pour le musée, la recherche et la valorisation, direction des Collections, BnF
En savoir plus sur le cycle Richelieu, histoire d'une renaissance : https://www.bnf.fr/fr/agenda/richelieu-histoire-dune-renaissance
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Par commodité, j'utilise la pierre. Un homme seul peut construire une maison de pierre. Bien plus difficilement manipuler les grands pans de bois, les panneaux préfabriqués, les pièces à grandes portées, trop lourdes. Par économie, j'ai collecté les pièces travaillées, les « reflets de misère », cédées pour rien, aujourd'hui introuvables ou coûteuses. Par économie et par respect : tailler la pierre, c'est faire de la montagne sauvage un objet de l'Histoire.
Les jardins de Gilles Clément
Celui qui s'occupe d'un jardin vit dans la surprise. Une surprise presque toujours heureuse, qui éloigne la nostalgie ou les sentiments négatifs. (...)
On passe dans un registre que j'appelle territoire mental d'espérance. (p. 24)
L'éloge des jardiniers par Patrick Scheyder
Or, en France, nous adoptons une attitude contradictoire envers l'univers des jardins, un discours extrêmement favorable à la beauté, aux bienfaits pour la santé des plantes, et un mépris pour l'état de jardinier. Comme si le végétal méritait notre amour et notre compassion, mais pas l'être humain qui y prend gare. faut-il y voir une forme de désenchantement ? (p. 121)
Je vais à la ville par nécessité et tâche d'y ajouter un peu de flânerie. Très vite je m'y épuise. Il y a trop de distraction sur les choses; par abondance, seule apparaît la surface, le coeur en reste fermé, inatteignable, comme protégé par la multitude et le brouhaha.
Il se rapproche du clan des spachepos : les sans-papiers-sans-chéquier-sans-portable, considérés comme les plus dangereux des terroristes.
Le monde inquiet dénonce l'invasion des êtres venus d’ailleurs. Étrangers, plantes, animaux, comment osez-vous gagner nos terres ?
C'est peut-être ça l'éternité. Ce n'est pas la torpeur presque pathologique du vrai paresseux, c'est la capacité d'aller si lentement que l'on respire la lumière vespérale de l'éternité à son déclin, mais jamais à son déclin totalement.
Pierre Sansot.

Le jardin de la Vallée se présente comme une clairière subite, à la fois détachée du monde et reliée à lui par un chemin de terre. En apparence, un chemin ordinaire, entouré de champs et de fruitiers alignés, mémoire d’une haie de bocage. En réalité, il constitue la dernière étape d’un paysage organisé. Si l’on vient de la ville et des grands axes routiers, on suit un itinéraire de voies décroissantes dans un ordre logique : autoroute, route nationale, route départementale, villages, chemin vicinal, hameaux, chemin communal, chemin de terre (…)
Pour Arnaud, cette progression fait référence à l’entrée calculée des instruments de musique dans une partition d’orchestre. À aucun moment il ne parle de jardin, d’architecture ou de forme ; il tient son discours à propos de musique, note les crescendos d’azalées, la concordance des sons, la solitude d’une molène blanche isolée dans un semis de double croches et de pissenlits, s’interroge sur un pizzicatto ténu mais haut placé dans la sphère des lianes et signale l’emplacement des tambours-gunneras en insistant sur la gravité des basses. Mais plus que tout il s’enchante d’un fond soutenu par les cordes où je reconnais les charmes, les chênes, l’ensemble formée par la flore naturelle…
« Vous comprenez, dit-il, il ne s’agit pas d’un jardin, mais d’une symphonie concertante. »
Je comprends le discours de celui qui fixe les règles de la dialectique et s’y tient coûte que coûte afin de conclure en apothéose pour démontrer le bien-fondé de son analyse. Mais Arnaud n’use pas de métaphores par un simple jeu de l’esprit, il aime la musique et la nature. Plusieurs années après cette entrevue, il m’avouera s’être détaché des artifices obtenus avec les plantes et l’architecture. Pour ne plus éprouver de malaise en ces lieux de maîtrise, il dira se détourner des jardins afin de se consacrer à ce que la planète offre de plus étonnant sans intervention de l’homme. (…)
Concernant la Vallée, Arnaud émet des réserves : ce n’est pas tout à fait un jardin. La combinaison du travail produit par le jardinier et de celui produit par la nature donne préséance à cette dernière. Il trouve en ce lieu une orchestration à sa convenance. Comme pour la musique, des mots cadencés dans une phrase lue, Arnaud démontre que le jardin se compose à l’oreille dans la lecture immédiate de l’espace.
(pp. 173-175)
L'éloge des jardiniers par Patrick Scheyder
Au jardin, les artistes passent, le jardinier reste. (...)
Dans les jardins, il me semble que l'œuvre majeure est la nature, et celle de l'homme une invitée parmi elle. (p. 113)
A présent, je cultive quelques géraniums, sur la fenêtre de ma cuisine. J'aime leur modestie. Ils éloignent les moustiques, ils foisonnent. J'en prends soin, je les arrose, je leur parle. Je leur dis, vous avez une place dans la beauté de la vie. (p. 46) - Les jardins de Michael Lonsdale