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Critiques de Gisèle Bienne (67)
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L'homme-frère

Une de ces pépites de lecture…difficile à résumer … tant l'horizon qu'il ouvre est bien plus grand que nous !...



"Le rêve, un feu de paille. On peut mourir d'avoir trop rêvé. On peut mourir aussi de ne pas savoir rêver".

(p. 165)



Un texte bouleversant lu d'une traite… une « autofiction »….qui « prend aux tripes » et au coeur !



La narratrice, écrivaine, faisant des ateliers d'écriture-thérapies individuels , pour gagner sa vie, nous raconte ses souvenirs, les paysages, les lieux de son enfance , sa famille d'agriculteurs, la mort du Père, ses obsèques, son testament qui surprend… les retrouvailles de la fratrie…



La narratrice s'attendait à être la déshéritée… finalement , elle est « absoute » et le « rejeté inattendu « est son frère préféré, Sylvain… L'aîné, Marc, qui ne peut, à cause des dernières volontés paternelles, réclamer à ses frères et soeurs « son salaire différé », ayant obtenu la ferme et les terres de son père à un prix totalement dérisoire , décide malgré tout d'attenter un procès à la fratrie; le Patriarche aura essayé au moins, de façon posthume, d'éviter à ses autres enfants de devoir payer rétroactivement les heures de l'aîné sur l'exploitation familiale. L'Aîné, déjà largement favorisé au détriment de la fratrie, refuse, conteste les dernières volontés paternelles… Et c'est la guerre déclaré aux frères et soeurs… sauf la narratrice qui se refuse à rentrer dans des années de procédure… S'ensuivra une rupture avec Sylvain, le frère préféré… n'arrivant pas à comprendre sa soeur et son refus de rentrer dans la bagarre !!!



« Sylvain, l'homme aux grandes mains calleuses qui a soif de justice et parle franc, est l'oiseau jeté hors du nid. le déshérité, c'est lui. (...)

C'est parfois cynique, un testament, ça peut s'amuser à casser des oeufs dans le nid originel ou, tout simplement, expulser du nid un oeuf particulier, coquille brisée, contenu répandu à terre, comprenne qui pourra. (p. 67)”



Ce récit fait se croiser de multiples sujets : l'âpre vie des agriculteurs, le peu de reconnaissance que les gouvernements manifestent envers ceux qui nourrissent leurs congénères… La première guerre, cette terre ardennaise, si remplie de cette satanée « boucherie »…ayant laissé bien des blessures dans les histoires des familles, l'âpreté de la Terre cultivée durant des générations et les bagarres trop fréquentes dans les successions familiales…

Sans omettre les profiteurs de tous bords , dont ces fabricants de pesticides… cette société de l'argent asservissant de tout , les humains, en premier , et une mention spéciale pour « nos agriculteurs » à qui on fait la vie particulièrement dure..!



La plume de Gisèle Bienne est unique pour décrire les paysages de son enfance , cette plaine champenoise…Une forme fluide, infiniment poétique…Un attachement viscéral aux terres et aux images de l'enfance…dans cette fratrie complexe de sept enfants. Sept personnalités, avec les rivalités, les non-dits, les malentendus, les incompréhensions comme dans toute famille… toutefois la dureté du « travail de la Terre » a le don de TOUT exacerber : sentiments, différences vécues comme des déclarations de guerre …



« Je marche dans le champ moissonné. J'ai au coeur une grande peine, de la joie aussi. Mon amie d'enfance avait parlé de joie à mon sujet. Joie et peine, c'est ainsi, joie et peine sont souvent indissociables. Je marche dans la steppe de ces blancs pays sous un ciel uniformément bleu. (...) La bataille des champs. Je suis en voyage. C'est le voyage au bout des champs de blé. Les champs sont les pages d'un livre à écrire, livre d'histoire, de peinture. « (p. 147)



Sylvain, l'Homme-frère… »l'oiseau jeté « de l'héritage… et subissant la maladie… sûrement induite par les produits toxiques utilisés pendant des temps et des temps, durant sa vie d'« ouvrier agricole »… Sylvain, le frère préféré, le frère d'élection… ayant subi plusieurs injustices jusqu'à un décès profondément inacceptable…On sent l'amour immense de l'auteur pour son petit frère adoré, admiré…On ne peut s'empêcher de finir ce très beau texte, la gorge complètement serrée !



« J'ai souvent eu peur pour Sylvain, grand perfectionniste et merveilleux joueur. Je voudrais que dans son appétit d'ogresse la plaine oublie de nous dévorer et que le rouleau compresseur des procès n'écrase pas nos passés, n'altère pas nos mémoires. » (p. 151)





**** je vais poursuivre avec le texte-récit précédent, de Gisèle Bienne, "La Malchimie" [Actes Sud], en attente depuis un trop long moment, où l'existence de ce frère préféré est narré avec les lourdes difficultés des "travailleurs de la Terre"; cette terre à laquelle il a consacré ses forces...et sa passion de la nature, de la terre...





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Les larmes de Chalamov

Réservé près de ma librairie de quartier dès sa sortie le 5 avril 2023



Plus qu' une pépite...un "diamant brut" de la Littérature et de l'universelle Humanité !





Noire flamboyance d'un ouvrage très exceptionnel sur l'écrivain-poète , Varlam Chalamov ( 1907-1982), déporté sous Staline, qui passa dix-sept années au Goulag de la Kolyma...



C'est curieux de se sentir aussi mal à l'aise, empêtré pour écrire une chronique sur un texte que l'on estime "essentiel" , précieux humainement comme littérairement, qui nous a transportés...Et pourtant c'est mon cas, présentement. Juste peur d'amoindrir la richesse de ce texte avec des mots qui paraissent " galvaudés " tant on est pris " aux tripes" et au coeur, alors que le TEXTE se suffit à lui-même!!!



Déjà deux semaines que j'ai achevé cet ouvrage...que j' hésite et "peine" à rédiger un billet afin de partager cette lecture unique, essentielle, indispensable...



Et, " miracle " ce matin, en écoutant et voyant un grand homme d'engagement et de droiture, que j'estime au plus haut point, sa présence combattive m'a positivement " bousculée "..

(.je laisse un peu de suspens...jusqu'à la fin de ces lignes, pour faire le lien avec cet " Homme de bien", comme un " frère spirituel" de Varlam Chalamov...)



En plus de mon enthousiasme et vif intérêt pour les écrits de Gisèle Bienne

( dont " La Ferme de Navarin" qui se trouve , selon l'expression d'un texte de H.Miller, dans " Les Livres de ma vie"), s'ajoutait également un immense " coup de coeur" pour un écrit de Chalamov,

" Mes Bibliothèques "....J 'attendais donc avec impatience ce "Livre- hommage " de Gisèle Bienne.



Et cela a été un total éblouissement car l'auteure, dans un style élégant et poétique nous restitue avec émotion et passion le parcours hors du commun de Chalamov, véritable survivant de l'horreur...qui s'est battu toute sa vie, par l'Écriture"" contre les forces du Mal...



Dans un même temps, Gisèle Bienne reconstitue le courage, la dignité et l'immense talent de tous ces écrivains, artistes, intellectuels , qui au péril ...et trop souvent, au prix de leur existence ont témoigné, écrit, résisté...les hommes comme les femmes !



Ainsi, parallèlement à l'oeuvre et à la vie de Chalamov, on visite ou "revisite" en détails l' Histoire de la Litterature russe du XX e siècle. Quelle épopée de sacrifices, de morts, de disparitions de talents , de poètes et poétesses qui se sont battus jusqu'à l'extrême limite...



Sans parler des échos bruyamment "assourdissants" de l'actualité et de la tragédie ukrainienne mais aussi celle du peuple russe, toujours broyé par un régime de la Peur et du Mensonge devenu une constante d'État...



Car là , on ne parle même pas de désinformation ou d'effacement de faits les plus barbares, mais bien d'une affabulation, d'une transformation délibérément " mensongère " des faits historiques dont cette " remise à l'honneur" depuis 2012 de Staline, criminel de guerre parmi les plus sanguinaires !



Terrifiante réalité que cette propagande et ces mensonges outranciers faussant L Histoire;récidives étatiques intolérables...



De tous ces constats basiques, ces

" Larmes de Chalamov" est un livre " indispensable ", " nécessaire "...et magnifiquement écrit...



Il y aurait encore mille choses à en dire...toutefois je préfère laisser " les derniers mots" à Gisèle Bienne, exprimant, au plus juste



l'" Exceptionnel absolu " de l'Oeuvre de Chalamov (*** je vous demande à tous et toutes,de l'indulgence pour l'abus présent de "Majuscules"...dans ce billet !)



"(...)L'éclat miroir qu'il a conservé porte-il chance, se demandait Chamalov, ou ne reflète t-il pas les rayons du Mal qui l'empêche de se diluer dans le flot humain, là où personne ne connaît ni la Kolyma, ni l'ingénieur Kipreïev.(...)

Dix-sept années de camp dans l'extrême-Nord.

Dix-sept années d'écriture dans la chambre dont plusieurs auprès de Moukka (** son chat)



Parcelles de temps imbriquées dans une mosaïque conçue et agencée de manière aussi rigoureuse que mystérieuse, un paysage immense et complexe.

Nous y sommes pris, minuscules lecteurs, sans savoir très précisément où nous sommes tant les camps staliniens sont extensibles, mobiles, camps volants, installations s'emparant d'une colline, d'un coin de taïga, d'une montagne puis d'une autre.Fragments de texte cousus les uns aux autres à la façon des

" bourki" que se fabriquaient des " zeks", ces bottes en bouts de tissu.Ainsi chaussé le lecteur s'approche des cercles où ces hommes ont évolué dans l'illimité anonyme de la Kolyma.Les

" Récits": paysages enchevêtrés à l'intérieur et à l'extérieur des barbelés, sauvés de l'oubli, une écriture qui ne se compare à aucune autre, un grand livre de la littérature russe du XXe siècle, de la littérature universelle."





*** Un colossal MERCI à Gisèle Bienne pour ce " trésor de livre" qu'elle nous offert, sans omettre l'expression d'une immense gratitude pour le travail des éditions Verdier et Interférences, qui nous permettent aujourd'hui de lire les oeuvres de Chalamov, mais aussi de tous ces écrivains dissidents ayant payé de leur vie ou par des années d'atroces souffrances la Liberté dûe à chaque humain, de s'exprimer. La Littérature, outil de résistance, résilience , de Mémoire et d'espoir !





****J'allais oublier de vous dévoiler le nom de cet homme de bien , de talent et de conviction dont je vous parlais précédemment : il s'agit d' un vieux monsieur de 95 ans, toujours sur le front..., l' auteur d' " Idriss", qui vient de

co- publier un essai " Vladimir Poutine, l'accusation " ( Fayard, avril 2023)...Monsieur Robert Badinter !







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L'âme au Diable n°1

L'écriture est une diablesse délicate et versatile. La feuille blanche l'intimide, l'inspiration l'accompagne ou la fuit.



Faut-il alors passer un pacte faustien pour la séduire ?

S'acoquiner avec le diable pour atteindre la diablesse ?



C'est ce que pense l'équipe éditoriale de "L'âme au diable" cette nouvelle revue littéraire sise à St Brieuc (côte d'Armor) qui propose dans sa première livraison seize textes-pactes.



La qualité d'écriture est ce qui lie ces autrices et auteurs, le tout est agrémenté de nombreuses illustrations en noir & blanc du plus bel effet.



Cette publication, prévue pour être semestrielle est une très belle initiative à découvrir et à soutenir.



Contact : lameaudiable@orange.fr
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La vie cachée des poupées

Challenge plumes féminines 2021 – n°6



Livré trouvé tout récemment en boite à livres suite à l’échange avec La trilogie de Mino. J’aimais bien cette maison d’édition étant plus jeune et le résumé m’a bien intrigué. Du coup, du fait de sa faible épaisseur (105p), il a été vite rajouté à mes livres en cours.



J’ai eu la surprise de trouver une dédicace au début de ce livre. Le résumé m’intriguait car tourné comme il était, il pouvait s’agir de femmes ou de poupées. Mais j’aurais dû me souvenir que L’école des Loisirs est une édition pour les enfants. L’histoire se lit vite et bien, on suit une jeune fille de 12 ans qui se prend de passion pour les poupées abandonnées chez les autres (voisins, amis, déchetterie, …). Une jeune adolescente qui se cherche une identité entre un père policier et une mère travaillant à la préfecture. Tout doit être carré chez ses parents mais elle, elle aimerait sortir de ce carcan sans savoir comment faire. Le style est agréable, des phrases courtes et poétiques, avec quelques chansonnettes.



Comme vous l’aurez compris, ce court roman a été une excellente lecture sur les questionnements d’une jeune fille en mal d’affection et de voyages. Je vous conseille donc de le faire découvrir à de jeunes lecteurs en quête d’identité.



Sur ce, bonnes lectures à vous :-)
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La ferme de Navarin

"J'avais vingt-ans. Je déambulais dans les rues de Nancy avec le -Transsibérien- dans ma poche . J'avais abandonné Ronsard et ses -Amours- inscrites au programme (...)

Dans le hall de la gare en attendant mon amoureux, j'ouvrais le livre et sa musique diffusait à chaque fois l'appel des voyages mêlé à une déchirure. "(p. 12)



Mon intérêt de longue date pour cette collection unique de Gallimard "L'Un et l'Autre"... m'a fait fouiner à la médiathèque, à la recherche des fameuses couvertures,

bleue nuit; j'ai bien fait car je suis tombée sur ce texte étonnant de Gisèle Bienne sur Cendrars, à qui elle voue une admiration sans bornes, lui rappelant ses propres grand-pères, ayant été abîmés par les saloperies de la Grande Guerre ...



Elle y évoque les innombrables victimes anonymes, mais aussi les écrivains, les artistes de tous bords, tués dans les tranchées, ou blessés, esquintés à vie....à leur retour, dont la figure centrale de ce texte magnifiquement écrit :

le "Boulingueur-écrivain", Blaise Cendrars, qui

"habite "Gisèle Bienne depuis ses 20 ans... !!



Un texte exceptionnel qui réunit des hommages à toutes les victimes de la Grande Guerre, une dénonciation implicite des horreurs de toutes les guerres, un

hommage parallèle aux hommes de sa famille...et au devoir de mémoire...Ce récit se déroule sur les lieux de bataille où Cendrars a perdu son bras...à proximité de Reims...



Bravo à Gisèle Bienne, qui dit tant sur Cendrars, mais aussi sur son ami, Apollinaire mais aussi sur les autres sujets tragiques et universels cités précédemment...



Quel style...agréable, fluide, poétique, musical... Je choisis pour clore cette chronique... les dernières lignes de cet ouvrage, particulièrement émouvantes, donnant la couleur très exacte de ce livre poignant et captivant...



"Soudain, je me remémore cette formule chaleureuse que Cendrars destinait à ses correspondants pour clore ses lettres et qui, lui venant d'Apollinaire, lui convenait mieux qu'à personne: "Avec ma main amie".

Et je me la répète, en souvenir des deux hommes. Et je la dis tout haut, comme ça, pour rien, pour les oiseaux, pour les morts. "(p. 128)



________________________________________________________

****lien à consulter sur ce lieu de mémoire



http://www.memoire-et-fortifications.fr/memoire/cimetieres-militaires-memoriaux/la-ferme-navarin-monument-des-batailles-de-champagne/



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La ferme de Navarin

Gisèle Bienne réalise un voyage passionné sur les traces de Blaise Cendras qui a perdu une main à la guerre en Champagne en 1915. Cendras n'était pas français et en s'engageant volontairement il rejoint le premier régiment étranger de Paris.

L'auteur fait défiler tous les artistes qui prirent part au conflit.



Un court récit conçu comme un itinéraire mémoriel, un peu cahotant au demeurant.

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L'homme-frère

Il y a toujours un égarement qui s’opère lorsque je prends en main un roman de Gisèle Bienne, L’homme-frère n’a pas échappé à cette règle, j’ai même posé ce livre pour échapper à cette fuite, me laissant guidé par l’évasion du passé. Gisèle Bienne a cette magie prosaïque de me faire voyager dans cette plaine stoïque au temps, une intemporalité qui me berce depuis ma tendre enfance. Nous sommes tous prisonnier à une enfance, elle nous poursuit, nous caresse, nous enveloppe, nous guide, nous marque au fer rouge de son empreinte, comme pour notre auteure, Marie-salope sera son premier roman, où s’échappera les premières effluves de cette enfance, un pavé dans la marre qui éclabousse certaines âmes, comme ceux cachés derrière leur vitres à épier, d’autres sans gêne, crachant leur venin lors d’un enterrement et certains proches ne l’acceptant pas. L’écriture reflète l’âme, comme celle de Gisèle Bienne avec La Brulure, une continuité de son œuvre sur les fantômes du passé, La malchimie, un livre bouleversant sur son frère, complète cette composition que j’ai eu le plaisir de lire. Mais Gisèle Bienne ouvre les portes de son univers à d’autres histoires, comme ces livres pour la jeunesse, il y a des petites touches autobiographiques comme Les champions, écho à son jeune frère, mais d’autres comme La Chasse à l’enfant que j’ai lu, il me reste encore beaucoup à découvrir de cette auteure, ce lien m’ouvrant des portes d’un passé qui ne m’appartient pas.

Cette sensibilité innée pour la nature, les paysages et les lieux exhalent le roman L’homme-frère, c’est une pièce de plus dans le puzzle de la vie de Gisèle Bienne à travers cet écrit. La plaine est l’héroïne malgré elle de cette trame où la craie de son empreinte blanche et poussiéreuse enveloppe la destinée de cette famille, perdue dans la plaine, « au milieu de nulle part », « un point dans la diagonale du vide ». Ce paysage plat de la Champagne sera le lyrisme romanesque de ce livre, jonché ci et là de références littéraires chères à notre romancière. Les paysages de l’enfance de la narratrice fleurissent tout au long du roman, comme ce jardin qu’elle façonne de ces mains, elle se sent guidée par les morts, son frère l’aide, d’ailleurs l’un et l’autre, ne peuvent pas ne pas s’aider, elle œuvre ce jardin comme une histoire qu’elle écrit sur le sable, ou un dessin à même le sol. Cette jeune fille aime la terre, celle que son père lui narre, ces paysages et ces transformations aussi, elle n’a pas peur de se salir, ce qui donnera le titre de son premier roman, Marie-salope. Cette plaine, déjà dans le ventre de sa mère, sera « le grand large », comme « second ventre extensible », Gisèle Bienne semble appartenir à cette plaine depuis toujours, même à travers ces ancêtres qui peuplent son âme comme une évidence. J’admire cette façon de ressentir les émotions que nous aspire ce paysage si plat que Brel chanta avec virtuosité, Gisèle Bienne le citera, elle a cette beauté lyrique de nous décrire ces émotions face à cette étendue, comme cet orage , un jour d’été, au mois de Juillet, déchirant le ciel, couchant les blés, devenant dans les mots de cette jeune fille un « Moment historique », gravant à jamais cet instant dans la mémoire du frère et de le sœur, ce couple inséparable, car les lien du sang et des instant vécus ne s’effacent pas , Gisèle les couche dans ces romans comme, La malchimie, hommage à ce frère qui lui manque temps. Cette plaine traverse la mémoire picturale de Gisèle Bienne, invitant Chagall et Van Gogh, l’un avec l’architecture de cette Église, trônant de son piédestal sur ce village de son enfance, l’autre avec les champs de blé sous un ciel foncé, qu’il nomma « Champ de blé aux corbeaux ». La nuit semble ressembler à des tableaux Flamands lorsqu’elle scrute cette pénombre et, cette atmosphère lui rappelle celle des livres de Faulkner. Avec ce frère, elle va de ballade en promenade, de jeu, d’amusements sillonner cet « infini » et « énigme », de leur perchoir « du colombier sans colombes », admirer cette étendue de « leur regard d’oiseau » et percevoir cet océan et ce continent, cet infini que Gisèle Bienne fuira pour une tour Rémoise. Cette plaine sera son berceau, mais aussi son havre de paix amoureux, avec son mari et sa moto , habitant une maison au cœur de cette craie, s’enivrant de ces routes sur ce bolide , pour des échappées belles , devenant des motards vagabonds, allant pour leur voyage de noce dans la Champagne Pouilleuse, découvrir ces vestiges sanglants de la grande guerre, où Guillaume Apollinaire récite dans le creux de l’oreille de Gisèle des vers de Lettres à Lou et Lettres à sa marraine.

Il y a aussi les mots, ceux qui viennent des autres, des lectures que notre auteure glane au fil de sa jeunesse, cachant ces livres dans les sacs de blé, dévorant François Mauriac, lisant Hervé Bazin et son Vipère au poing, puis Sartre, Simone de Beauvoir, Céline vont nourrir cette appétence pour la lecture, d’autres suivront encore et encore, cette nourriture essentielle, ( pas pour le Macronisme lors de cette crise pandémique politique ). Bertolt Brecht, avec sa pièce Le Cercle de craie caucasien (Der kaukasische Kreidekreis), que lit notre narratrice en allemand se promène au fil de la lecture, avec ce cercle de craie, symbole de justice, avec ce juge donnant l’enfant à la mére adoptive, celle qui l’aime, ce cercle sera cette justice que mène Gisèle Bienne, ce cercle est l’amour qui sommeille en elle, qu’elle donne à son frère, ce cercle se transpose aussi dans le cercle familiale, dans cette craie de la plaine et cette liberté de se construire seul. Mais cela est une aventure plus personnelle, que je laisse découvrir au lecteur.

Comme cette jeune fille Sandra, que Gisèle Bienne aide dans son atelier d’écriture, c’est une femme de 26 ans qui brille de sa sauvagerie, son être est torturé par sa maladie mentale, cette schizophrénie bruyante, elle devient l’objet de ces acouphènes, Sandra est la marionnette des autres, c’est un ange blond, un amour de Maryline, elle désire de l’amour, des cadeaux, elle est naïve, elle a ce don d’écrire, d’écriture, sa prose est hypnotique, j’ai presque cette faiblesse de vouloir avoir son génie, cette façon de coucher les mots tous les jours, d’écrire des lettres, d’avoir toujours des mots à noircir sur ces cahiers mais elle aime aussi dessiner, son coup trait crayon est juste, ses dessins ont la force de sa faiblesse, elle dérive, elle est sous cachets, elle se perd, elle est prisonnière d’un cercle qui la brule , elle sera encore internée, elle aura le miaulement qui fera jaillir une larme à sa professeur d’écriture, sa beauté ne sera plus, les cachets auront ce poids de la faire grossir , de la tailler dans un bloc, elle disparait petit à petit dans l’oubli, celle de la vie, Sandra mériterai presque un roman à elle , ou pour elle, je finirai par cette phrase si triste sur ce personnage « Elle écrit si bien qu’elle ne pourra pas ne pas aller mieux. »

La magie de l’écriture est cette façon d’entremêler l’imaginaire et la réalité, de puiser dans ses souvenirs et de les faire vivre à nouveau dans la prosaïque, cet enchantement du tableau noircit par les mots de l’auteur que le lecteur regarde des yeux, dévore du regard, les phrases s’envolent dans son imaginaire pour former une vie nouvelle, la lecture est une vraie sorcellerie de plaisir et de voyage, Gisèle Bienne réussit à chaque fois à faire de mon être un voyageur du temps retrouvé. Lorsque l’enfance berce une mélancolie douce et mélancolique, un air fige le temps et l’espace tel Proust et A la recherche du temps perdu, ce larsen fissure le présent pour vous transporter dans ce passé qui ne vous appartient pas, il devient l’essence même de votre chair, comme un jardin que l’on cultive et chérit avec amour pour ne pas oublier ce terroir qui vous habite comme le fait Gisèle Bienne.

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La vie cachée des poupées

Ingrid, qui ne s'est jamais intéressée aux poupées en vole une. Pour elle ce n'est qu'un emprunt. Mais la poupée, esseulée dans son grenier aura vite de la compagnie. Volée cette fois.

Elle raconte ces quelques poupées dont elle prend soin et qu'elle héberge.. Elle leur donne un statut, les cache. Cela occupe tout son esprit.

Ce roman est étrange, il a un charme désuet. On ne comprend pas cette fillette, solitaire qui a peu de complicité avec son frère aîné, beaucoup plus âgé.

Petite fille qui veut être parfaite pour ses parents on découvre au fil des pages l'histoire d'Ingrid. La vie cachée des poupées c'est un parallèle avec la vie de cette enfant bouleversante qui cache un lourd secret.

Se taire et s'aider d'artifices pour ne pas tout perdre sans doute.

Un roman bien mené qui surprend par la façon dont ce thème, fréquent en littérature, est traité. Puissant sous des mots qui semblent anodins.
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L'homme-frère

C'était par une nuit de sommeil difficile, j'ai ouvert le livre de Gisèle Bienne, L'homme frère, éditions Actes Sud. J'ai lu le premier chapitre"Le dossier Sandra", le second "Océans nous ont séparé", le troisième"Le cercle de craie", et à partir de là, moi qui étais fatigué, je n'ai plus lâche le roman. J'ai accompagné la narratrice du début à la fin de l'histoire. L'écriture m'entraînait toujours plus loin dans ma lecture. Je m'interrogeais sur la place que chaque enfant occupe dans sa famille, le rôle que les parents lui attribuent sans même en avoir conscience. Je me promenais dans des paysages ouverts, avec l'impression de voyager sans cesse. Les heures s'écoulaient. je lisais vite, trop vite. Je serai épuisé quand je devrai me Lever. Eh bien non. J'étais au contraire en pleine forme. J'ai pris mon petit déjeuner en compagnie du livre, c'est ainsi que j'en ai terminé la lecture. Mais une seconde lecture me sera nécessaire pour en goûter toute la richesse. Ainsi se déroulent certaines nuits. La lecture nous offre d'entrer dans une double vie. C'est sans doute une grande chance. Les livres sont nos compagnons de route. Les auteurs doivent rester des personnages mystérieux. le meilleur est dans leurs textes. Il fait beau, c'est le printemps. le romarin fleurit, et les oeillets de poète, et bientôt les géraniums lierre. Les lilas sont en pleine floraison...
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Retrouver le petit frère

Deux sœurs, Emma et Sophie, promènent leur petit frère, Odilon, aux abords de la forêt. Elles s'éloignent de lui quelques minutes pour se rendre à l'étang tout proche. A leur retour, la poussette est vide !



En voilà un point de départ plutôt angoissant, surtout quand on a été marquée comme moi par les disparitions d'enfants qui ont secoué la Belgique dans les années 90. Habiter à quelques pas du lieu où a été kidnappée Elizabeth Brichet, ça laisse des traces...



Ce n'est donc pas sans appréhension que je me suis lancée dans cette lecture qui, au final, s'est avérée moins anxiogène que prévu.



L'auteure centre son récit sur la survie des deux sœurs, Sophie, la cadette, et surtout, Emma, l’aînée, la narratrice. Même si leur entourage proche ne leur adresse aucun reproche, elles se sentent coupables. Si elles ne s'étaient pas éloignées, si elles avaient pris plus attention à cette voiture rouge au comportement bizarre, si elles n'étaient tout simplement pas sorties... Avec des si, leur petit frère serait là. Mais on ne peut revenir en arrière. Ce n'est que des années plus tard qu'elles pourront relativiser :



"(...) la plus grosse faute avait été commise par ceux qui nous avaient pris Odilon. Eux avaient commis un crime ; nous, nous n'avions commis qu'une négligence."



Mais pour l'heure, elles doivent tenter de faire face, chacune à leur manière. Pour oublier, la cadette se réfugie dans la nourriture. L’aînée, quant à elle, souffre de troubles du sommeil et tombe endormie à tout bout de champ. Si l'une se force à oublier, l'autre veut se souvenir, garder à tout prix un lien psychique avec Odilon. Dès le départ, elle s'investit d'une mission : retrouver leur petit frère et le ramener dans son foyer.



On les suit ainsi durant plusieurs années, l'angoisse chevillée au cœur. S'y enchaînent des moments sous haute tension. C'est notamment le cas lorsque Sophie craque et finit par raconter aux gendarmes ce qu'ils veulent entendre. (Un passage qui m'a fait penser à l'excellent A la brocante du cœur de Michel Cormier.) Ou lorsque Emma doit subir les suspicions et propos calomnieux de sa meilleure amie. Ou encore lorsqu'on sent poindre entre les lignes toute la détresse des parents...



Heureusement, pour contrebalancer, il y a des moments d'espoir : les chansons qu'écrit Emma - des mots pour dire les maux -, son amour de la littérature, sa rencontre amoureuse avec Florian, l'aide qu'il lui apporte dans la concrétisation de son projet...



En bref, ce récit psychologique vous tient en haleine du début à la fin. Avec beaucoup de talent, l'auteure nous rappelle cet adage : "Un seul être vous manque et tout est dépeuplé !" Derrière la trame dramatique de son histoire, elle pose aussi cette question de foi : rêver à l'impossible peut-il rendre l'impossible possible ? On aimerait y croire...
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Le cavalier démonté

Dans ce roman, Gisèle Bienne touche du doigt la difficulté de vivre après la guerre, de survivre plutôt. Pour Félicien, le retour à la vie normale est impossible. Avec trois amis, ils se retrouvent au café, chez Lou et refont l’Histoire. Il est le seul physiquement intact mais il est le plus tourmenté du groupe.

Instituteur, il a été incapable de reprendre les cours, de s’intéresser aux enfants. Il a aussi été incapable de reprendre la vie commune et de renouer des liens d’amour avec sa femme. Elle voulait aller de l’avant, oublier ce conflit. Il était incapable de faire une croix sur les combats, les morts, l’horreur. Cette guerre a fait de lui un animal féroce. Ce cavalier devenu fantassin devant l’inutilité du cheval dans les tranchées (d’où le titre) est aussi démonté contre la guerre, les gradés, chefs d’Etat et la société dans son ensemble qui n’a rien compris.

Ayant renoué avec sa petite-fille malgré lui, il l’emmène en excursion sur les routes de Champagne et d’Argonne. Elle découvre les cimetières, la ferme de Navarin où du moins le panneau qui indique sa présence autrefois, avant la désastreuse offensive de 1915… Ils évoquent les poètes combattants, Aragon, Cendrars, Apollinaire. Il se remémore pour elle les mutineries du Chemin des Dames en 1917, renâcle contre les monuments aux morts, les cérémonies du 11 novembre, l’hypocrisie de la société…

Pour moi, les plus belles pages sont celles qui décrivent ces escapades sur les lieux des batailles.



Pourtant, bien que remarquablement écrit, ce roman me laisse perplexe. Destiné aux jeunes, le discours est quelque peu décousu, comme le sont les conversations à bâtons rompus que les quatre hommes enfilent à chaque fois qu’ils se retrouvent. La guerre étant leur seul sujet de discussion. Tout au long de ma lecture, je me suis demandé si mes élèves percevraient les finesses de ces échanges, les non dits, la pertinence des propos de ce vieux fou de Félicien.



De plus, trouveront-ils plausible ce parcours initiatique d’une jeune fille qui préfère la compagnie de quatre messieurs âgés à celle d’amis de son âge ? Comprendront-ils qu’elle fuie ses propres problèmes en compagnie de cet irascible grand-père, aux côtés duquel elle est une intruse ? Que peut-elle comprendre de ces discussions, elle qui n’a que quinze ans ?



Je prendrai cependant le pari de leur compréhension, tant le côté passeur de mémoire est riche et le réquisitoire pacifiste intéressant. Je reviendrai vous en parler dans quelques temps.


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La vie cachée des poupées

Un excellent petit roman. J'ai tout de suite été happée par l'histoire, et séduite par cette jeune ado en quête d'elle-même. L'écriture est fluide, le sujet est bien traité. La transposition sur les poupées est très bien faite et touchante.
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La malchimie

Il m’arrive au gré des lectures de m’orienter par phase, par thématique,



par espace,



curiosité concentrique,



je reviens de temps à autre sur du local, La malchimie par Bienne



du patrimoine,



Ici, le format atypique m’a plu,



tout en longueur,



la couverture, le titre..une certaine audace,



du sombre de l’orageux à venir,



« Le ciel a viré au bleu marine avec à l’ouest des trainées jaune orangé. » p.23 et ce blé pourtant si lumineux…



de bon augure, et premier contact avec cette auteure.Lé récit d’un amour inconditionnel à la terre,



et d’un désenchantement :Le goût de la terre, du terroir, maculée par les engrais, les poisons DIVERS, « la terre absorbe tout cela »,



les trahisons des grandes firmes et les empreintes laissées par la maladie,



une infamie,



une « malchimie ». Une lecture au gré des sillons, des récoltes et des ravages, un récit fulgurant sur le rapport à l'agriculture, une question de mesure.
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La ferme de Navarin

Gisèle Bienne s’arrête au pied du monument, au lieu-dit La Ferme de Navarin, et repense à Blaise Cendrars. Elle a découvert à vingt ans La Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France, son long poème illustré par Sonia Delaunay, et ne peut s’empêcher de se souvenir aussi de ses grands-pères, d’Yves Gibeau, auteur de Allons z’enfants, des peintres, poètes, écrivains engagés d’un côté ou de l’autre, indifféremment, dans la Grande Guerre et qui combattaient dans ce secteur.

J’ai aimé savourer à petites gorgées ce texte passionné, érudit sans jamais être lourd ou pompeux, reconnaître les paysages champenois, on pourrait presque dire dans l’absence de paysage, les molles ondulations, les chemins de craie blanche rectilignes, les rares bosquets, les immenses cimetières avec leurs rangées de croix uniformes, retrouver des fragments de textes de poètes morts ou blessés au front, ressentir leur douleur de longues années après. Il ne me restait qu’à compléter par la vision de peintures évocatrices comme celles d’Otto Dix que Gisèle Bienne cite, et qui sont visibles à l’Historial de la grande Guerre de Péronne, et pourquoi pas aussi un extrait du film d’Abel Gance, J’accuse, où Blaise Cendrars a tenu un rôle en 1918, celui d’un mort qui se relève pour se regrouper avec d’autres et chanter.

Vous pouvez voir que ce livre ouvre beaucoup de perspectives, toutes passionnantes, et qui toutes, rappellent de ne surtout pas oublier…
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La ferme de Navarin

Pour appréhender ce récit, il faut se mettre d’emblée dans la peau de l’auteur et de sa quête. Sinon, on risque de se perdre dans le dédale de ses pensées et de ses allers-retours dans l’œuvre de Cendrars.

Il faut aussi savoir que la collection « L’un et l’autre » de Gallimard proposent des œuvres qui dévoilent «les vies des autres telles que la mémoire des uns les invente».



Passionnée par l’écrivain et son œuvre, ayant lu dans sa jeunesse « Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France » Gisèle Bienne va à la rencontre de Cendrars, sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale. Partie de Reims (où elle demeure), elle prend la route de la Marne puis de l’Argonne. Elle arrive au lieu-dit ferme de Navarin, ne trouvant qu’une pancarte rouillée indiquant « Ici fut la ferme de Navarin ».

Pourquoi ce voyage ? Pourquoi ce lieu ?

Engagé dans la Légion étrangère, Blaise Cendrars a participé à la bataille de la Somme puis à l’offensive de Champagne où, le 28 septembre 2015, au nord de la ferme de Navarin, il perd la main droite au combat. Amputé jusqu’au coude, sa vie changera inexorablement.

Petite-fille de poilus, ayant grandi avec les poèmes et les récits de voyage de Blaise Cendrars, elle accomplit un pèlerinage sur les lieux mêmes de son accident, à la recherche de cette main perdue, en quelque sorte.



Son récit empreint de poésie raconte son amour de l’auteur, son influence sur sa vie, ses propres écrits. Il décrit les régions traversées, les lieux à la géographie à jamais modifiée par le conflit, les ossuaires ne rassemblant qu’une petite partie des ossements réellement laissés dans ces innommables boucheries, ces vies perdues...

Elle relate aussi sa rencontre avec un passionné, Yves Gibeau, qui a recueilli avec soin tout ce qu’il a trouvé sur ces terres, dans ces champs. Tout ce que la nature a rendu au fil du temps.

Elle évoque la mémoire de tous les écrivains qui ont participé à ce conflit, y laissant tous une partie d’eux-mêmes, de leur jeunesse, sinon la vie. Hommage leur soit rendu : Apollinaire, Aragon, Alain-Fournier, Bernanos, Bousquet, Genevoix, Giono, Péguy...



Un récit unique, poétique et fort. Un hommage à ces soldats, anonymes ou non. Une occasion de (re)découvrir Blaise Cendrars.

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La vie cachée des poupées

Ingrid est une jeune collégienne prise d’une envie soudaine de collectionner des poupées, pas des poupées classiques mais de celles qui sont abîmées, atrophiées. A chacune son histoire : la première, une poupée pirate, a été volée à l’une de ses copines alors qu’elle était abandonnée dans le grenier de son hôte ; les deux dernières en date, sont des danseuses de Bali achetées lors d’une brocante aux Pays-Bas. Six poupées au total sont « adoptées » de différentes manières, sans qu’Ingrid puisse réellement se rendre compte de son geste. Elle les héberge dans son propre grenier « à la dure » dans des cagettes et les dissimule, afin que personne ne puisse les découvrir. Lorsque sa mère décide un jour de ranger le grenier, elle va alors découvrir le trésor tant choyé d’Ingrid. Surprise, elle se demande pourquoi à son âge, Ingrid a-t-elle encore ce besoin de jouer à la poupée ? D’autant que son unique poupée date de ses 4 ans, âge où son grand frère Alban, l’a maltraitée. C’est alors l’occasion pour la famille de faire le point sur ses secrets…



Ce livre aux abords fantaisistes traite d’une réalité souvent difficile, celle de l’adoption, en s’aidant d’une écriture toute en finesse. Le personnage d’Ingrid reste mystérieux pour le lecteur, il ne semble déchiffrer que l’essentiel qui permet de comprendre son geste, et pour le reste, les zones d’ombres sont immenses. Pourtant on finit par s’attacher à cette petite demoiselle qui n’a finalement besoin que d’un petit monde rien qu’à elle.



Malgré les premières pages laborieuses, on se rend compte du véritable intérêt du livre à la fin où tout s’explique. Giséle Bienne nous parle de ces maux qui blessent et de ces mots qui restent… Une lecture à partir de 11 ans et sans limite d’âge.
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Les larmes de Chalamov

Blog de Jean-Claude Lebrun

TERRITOIRES ROMANESQUES 2023

Gisèle Bienne

A la liste des écrivains soviétiques célèbres victimes à divers titres des répressions stalinienne et poststalinienne (Boris Pasternak et Alexandre Soljenitsyne ostracisés et incarcérés, Ossip Mandelstam persécuté et mort en 1938 du côté de Vladivostok sur la route de la déportation au Goulag de la Kolyma…), on omet trop souvent d’ajouter Varlam Chalamov, qui passa dix-neuf années de sa vie en prison et dans les camps. Gisèle Bienne lui rend aujourd’hui hommage, dans un récit aussi rigoureux que bouleversant

Les derniers livres de l’auteure rémoise, « La Malchimie » (2019) et « L’Homme-frère » (2020), évoquaient d’une part les ravages, sur les sols comme sur les humains, des pratiques de l’agriculture productiviste et d’autre part les dégâts, certes peu visibles mais non moins dévastateurs, provoqués dans les familles paysannes par la tradition du « salaire différé. » Cependant qu’un autre sujet déjà la requérait, qui n’avait guère cessé de l’accompagner au long des années : Gisèle Bienne était restée sous le choc des « Récits de la Kolyma » de Varlam Chalamov, dont une première version fut publiés en français en 1969. Une fresque en forme de mosaïque, composée entre 1954 et 1962 et constituée de 143 textes de différentes natures, prose romanesque, prose poétique, ou encore réflexions. L’écrivain y abordait ce qu’il considérait comme « la question principale de notre temps : la destruction de l’homme avec l’aide de l’Etat. » Gisèle Bienne a pareillement opté pour le fragment, afin de restituer l’itinéraire cruel et tumultueux de celui qui contre toute attente survécut au Goulag et mourut à Moscou en 1982, à l’âge de 74 ans. Les trente-deux chapitres de son livre se présentent en effet comme autant d’éclairages portés sur sa vie et celle d’autres réprouvés de son temps.

Le réel froidement reconstitué dans sa brutalité et sa trivialité, « le vif de la vie »

« Les Larmes de Chalamov » s’ouvre sur deux citations placées en épigraphe. La première de Chalamov lui-même, sur la souffrance revécue au moment de l’écriture : « Je crie, je menace, je pleure. Rien n’arrêtera mes larmes. » La seconde tirée d’une chanson anonyme : «Kolyma, Kolyma, ô planète enchantée. L’hiver a douze mois. Tout le reste, c’est l’été… » Le « zek » Chalamov avait passé plus de quatorze ans, de 1937 à 1951, en Sibérie orientale dans la région de la Kolyma, cette rivière au nom devenu sinistre, cet « ultime cercle de l’enfer. » Lorsqu’il entreprend la rédaction des « Récits de la Kolyma », il entend non seulement restituer un vécu de bagnard en constante proximité avec la négation de l’humain et la mort, mais dire une résistance à cette entreprise de néantisation de l’être. Gisèle Bienne se propose dans son livre, non pas de refaire le parcours du militant trotskiste en butte à la répression stalinienne, mais d’en donner à voir des instantanés. Des scènes de sa vie d’homme, de mari répudié par son épouse et de père rejeté par sa fille obstinément fidèle à la ligne. Des moments de sa vie d’écrivain, sa poésie engagée, sa prose opposée à toute affèterie, sa recherche de formes nouvelles, ses lectures et sa correspondance avec Pasternak, Soljenitsyne ou encore Nadejda l’épouse de Mandelstam (on relira, sur le poète mort d’épuisement, « L’Hirondelle avant l’orage », de Robert Littell, Editions Baker Street, 2009), Enfin des souvenirs de sa vie de détenu, le réel froidement reconstitué dans sa brutalité et sa trivialité, « le vif de la vie », au long de pages saisissantes à la hauteur du texte de Chalamov.

Son récit est celui d’une espérance et d’une exigence déçues

Dans son deuxième chapitre intitulé « La cause », Gisèle Bienne raconte son propre dessillement, en 1978, lors d’un voyage d’écrivains français à Moscou, la ville « idéalisée » par elle. Elle ne connaissait pas encore Chalamov, mais elle eut alors l’intuition, face à des fonctionnaires de la culture en ce temps de regel brejnévien, de ce qui s’était joué d’atroce dans les décennies qui avaient précédé. Ce qu’elle apparente à une manière de « voyage au bout de la nuit. » Elle découvrirait ensuite les destinées tragiques d’Anna Akhmatova et de Marina Tsvetaïeva ainsi que celles de leurs proches. Elle ferait le rapprochement avec Margarete Buber-Neumann réfugiée en URSS avec son compagnon Heinz, qui en 1937 serait exécuté sans autre forme de procès, tandis qu’elle-même serait déportée à Karaganda avant d’être cyniquement renvoyée par Staline aux nazis qui à leur tour l’expédieraient à Ravensbrück. Ce second chapitre constitue une manière de pivot du livre de Gisèle Bienne. Car son récit est celui d’une espérance et d’une exigence déçues. L’évocation de l’univers concentrationnaire de la Kolyma, celle du retour à Moscou en 1956 et de l’existence de réprouvé qui s’ensuivit, se lisent à la lumière de ce qui se présente comme la déchirante révision d’un système de valeurs et d’une conception du monde, dans ce grand texte de lucidité et de sincérité. A coup sûr, en résonance avec une certaine actualité, l’une des lectures indispensables de ce début d’année.

« Les Larmes de Chalamov », de Gisèle Bienne, Actes Sud, 224 pages, 22,50 €/16,99 (numérique)

06/04/2023 – 1653 – W34

jclebrun






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L'âme au Diable n°1

Les réseaux sociaux sont la pire et la meilleure des choses. J’essaie d’en oublier le pire pour ne garder que le meilleur. C’est ainsi que grâce au "post Facebook" d’une auteure que j’apprécie beaucoup, j’ai appris la naissance, à Saint-Brieuc dans les Côtes d’Armor, d’une nouvelle revue littéraire baptisée "L’âme au diable".



Fabienne Juhel, puisqu’il s’agit d’elle a partagé sur sa page un article du journal Ouest-France consacré à cette information. Il relate l’aventure littéraire de Stéphane Balcérowiak, médecin et amoureux des lettres. Aidée par sa compagne Virginie Le Lionnais, il se jette dans l’aventure de l’édition… Aussitôt lu, aussitôt envoyé un message à l’adresse indiquée. Aussitôt la réponse, aussitôt le virement réalisé, je n’ai pas attendu plus de trois jours… Le résultat est, là, tout simplement magique…en rouge et noir, les couleurs de l’enfer.



La revue est magnifique, au format livre joliment orné d’œuvres de divers artistes, croqueurs, dessinateurs, photographes présentés en début d’ouvrage. Elles agrémentent les seize textes, seize nouvelles inédites, toutes aux accents lucifériens. Dès l’avant-propos, signé de l’éditeur j’ai compris que la qualité serait au rendez-vous. L’écriture minutieusement travaillée, le vocabulaire particulièrement recherché, la syntaxe aux allures parfois désuètes mais tellement élégantes m’on tout de suite incitée à poursuivre. Et dans ce genre, le plaisir est de grapiller, inutile de suivre le fil, il n’y en a pas…Je ne vous les citerai pas toutes ces courtes histoires, là n’est pas le but. J’ai trouvé en chacune un petit quelque chose de "ouf", comme dirait mon petit-fils, j’y ai trouvé surtout une écriture de belle facture, lisse ou plus sèche, mais toujours coruscante.



Sombre est l’histoire racontée par Fabienne Juhel dans "La meute", qui m’a rappelée ce cher Joseph Ponthus et ses carcasses pour ce qui est du fond. Pour la forme, l’écriture emporte tout, vive, claquante et belle, aux phrases courtes et rythmées. Waouh ! Plus feutrée celle de Mérédith Le Dez qui fait route avec le diable, sereine et tranquille, enveloppée de brume. Et si Alain Emery m’a embarquée avec son voisin aux allures de démon dans une partie d’échecs un soir de tempête, Fañch Rebours m’a fait rire aux éclats, jaunes, lors de son "Faust-Noz", à la fois satanique et tellement actuel. Et tous les autres textes sont d’un haut niveau. Ils sont poétiques, éclectiques, érudits et la littérature partout présente.



Il m’a suffi d’un week-end pluvieux pour aller, par des chemins sinueux, au bout de cette aventure diabolique. Je souhaite une longue vie à cette revue méphistophélique belle sous tout rapport. Et je jure, la main droite levée, que sa bretonnitude n’y est pour rien.



C'est tout simplement une belle réussite.



Contact : lameaudiable@orange.fr






Lien : https://memo-emoi.fr
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L'homme-frère

L’homme-frère est un livre profond et émouvant sur la justice, sur la transformation de l’agriculture et appelle, avec humour souvent, à une manière de vivre plus « humaine ». Gisèle Bienne l’a dédié à Groucha et au juge Azdak du Cercle de craie caucasien de Brecht, invoqué pour rendre justice aux enfants de son roman qui ont grandi dans la craie de la plaine champenoise : « Azdak, juge Azdak, dans le cercle qui représente le globe terrestre, quelle serait votre parole ? » Le problème est complexe : le frère aîné réclame son « salaire différé » car il a travaillé sans rétribution pendant dix ans, mais le père lui avait cédé les champs en dessous de leur valeur ; le second frère, Sylvain, a été chassé de la ferme à vingt ans, après y avoir travaillé six ans, comme la sœur aînée. Chacun a « droit » à sa part d’héritage, mais que dira la « justice » ?

Gabrielle, la narratrice, se situe ailleurs. Elle est fidèle à sa jeunesse où elle travaillait dans la plaine : « Nos étés de moisson me grisaient. Mon cœur y a accumulé du soleil pour une vie. […] Nous avons découvert le ciel et ses étoiles dans les champs de blé. Nous ne nous demandions pas si nous aimions ou non la plaine, elle était là, grande nappe attractive. Aucun obstacle ne se dressait entre le ciel et nous, et nous, nous allions sur ses chemins avec la sensation d’y cavaler. » Les chemins blancs tracés dans la craie appellent vers les lointains. Au nom des joies et du travail partagé, elle refuse d’entrer « dans le temps détraqué des procès ». Elle tente, dans une grande solitude, d’arrêter « la machine infernale », de sauver la maison familiale et ce qui peut l’être encore des relations entre les enfants de la plaine : « comment faire pour que ces années-là ne soient en rien ternies par le déroulement de la bataille judiciaire ? » Pendant ce temps, Gabrielle conduit des ateliers d’écriture et soutient Sandra, fragile jeune femme maltraitée par un de ses frères. Classée schizophrène, Sandra est sujette à d’irrépressibles angoisses. Gabrielle tente de l’aider à maîtriser ses délires : « Nous voilà pris dans le cercle de craie, dans le cercle de flammes, dans le cercle de folie. » De même qu’elle a réussi, enfant, à faire revivre les fleurs du jardin d’agrément laissé depuis des lustres à l’abandon, elle cherche, artiste, à recréer « faire reprendre comme on dit à propos des plantes, la capacité de penser et agir ensemble » (Isabelle Stengers).

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La malchimie

Gisèle Bienne a un lien invisible avec mon existence, un passé lointain familiale, un village, qui nous soude inconsciemment. Ce village, son école, les champs, les chemins blancs, les étangs, « les grandes herbes », ses habitants, les fermes et cette nature éclaboussent les souvenirs de ma mère, de sa sœur, ma tante amie de Gisèle Bienne.

J’ai lu Marie Salope son premier roman, scandalisant le puritanisme malsain de certaines personnes de ce village, sa suite des années plus tard La brulure, m’ouvrant des portes vers une enfance de ce petite bourg perdu, non ce village berçant ma toute petite jeunesse.

Ma tante me parle de son tout dernier livre, La malchimie, je fonce dans ma librairie indépendante pur me l’offrir et le lire cette auteure si proche et si lointaine, n’ayant que ses romans comme monologue.

Je sors groggy de cette lecture, je suis apathique, mon corps figé par l’émotion, un feu latent embrase lentement ma chair, deux sentiments s’animent en moi, la colère et la tristesse, une dualité explosive, une ambiguïté sourde, Gisèle Bienne a su prendre mes émotions en otage, son écriture cristallise pleinement les humeurs nous habitant, pour les affuter à leur sensibilité extrêmes.

La malchimie traite d’un sujet sensible actuel, passé et futur, les enjeux sont vitaux, d’un côté l’argent, l’économie, la société de consommation et de l’autre moins important l’humanisme, la vie de notre planète, c’est triste d’avoir ce constat. Les pesticides sont une maladie infectieuse de notre planète, rendement, nocivité, mensonge, grands groupes industriels intouchables, par cette manne financière contrôlant une justice fragile, des nations vénales et devant des machines à génocide. Nous pouvons avoir deux lectures de ce roman autobiographique, le lien familiale immuable et comme le tire, la malchimie.

Je ne vais pas analyser ce côté indigeste de cette mascarade humaine si absurde, Monsanto, Bayer et ces autres industries, résumé dans cette tirade d’un des personnages du roman, une jeune femme visitant son mari, travaillant dans l’agriculture, rencontrant notre principale personnage.

« Ces firmes sont des ogres qui nous bouffent autant qu’ils nous mentent. Monsanto c’est le mensonge américain dans toute son arrogance. »

Et un plaidoyer fort, toujours de cette jeune femme en colère et en résume pas cette formule glaçante.

« Monsanto Méphisto, Bayer l’enfer »

Gisèle Bienne parle de son frère avec une affection indéfectible, au-delà de son existence, un sentiment éternel, comme Spinoza le définit, c’est un moment figeant le temps, le faisant durer, comme un arrêt sur image pour le faire perdurer encore et encore. Gisèle Bienne aspire ce temps, pour l’étirer sans fin pour faire revivre son frère et ne l’oublie pas.

Il y a un jeu de miroir, un écho littéraire avec la maladie de ce frère et ce roman débuté peu, un lien unit soudain ce mourant Sylvain et cette héroïne Susan Sontag, raconté par son fils David Rieff dans cet ouvrage au tire glaçant Mort d’un inconsolée, prémonitoire à son frère. Dès les premiers pages de ce roman Gisèle Bienne est conquise par ce roman, et le destin comme par une magie noire frappe par ce coup de téléphone reçut, pour annoncer la maladie de Sylvain, hospitalisé à Reims, dans le même que leur mère quelques années dans le passé, pour y mourir à cet Hôpital-Debré, encore un signe sombre au destin de ce malade.

Depuis le début de ma critique, j’associe beaucoup l’héroïne et Gisèle Bienne, comme le récit d’un l’une raconté par l’autre sous les traits de l’autre, celle-ci prend les traits de cette sœur venant chaque jours visiter son frère à l’hôpital, en faisant des petites rencontres, des intermèdes de vies. Gisèle Bienne raconte son frère, à travers cette héroïne, elle traverse le temps pour faire revivre ce passé commun, cette enfance les unifiant à vie l’un à l’autre avec petit village, gardien d’une enfance partagée. La vie laisse ce passé de côté, comme ce frère aussi sur un banc lointain qu’elle n’oublie pas mais délaisse par une existence à s’épanouir des autres, de son club de lecture, et de son futur voyage en Chine, entre autre, une existence en mouvement, la vie est éphémère, explosive, rapide, se détournant d’un passé puissant, d’une amnésie partielle et cruelle. De rencontre en rencontre, Gisèle Bienne tel un fantôme, va vivre neuf mois avec son frère malade, venant le visiter à l’hôpital, lui apportant douceur et friandise, surtout sa présence, et ses images du passé, brillant le regard de son frère.

« Des images qui s’entrelacent, s’effacent, chassés, remplacées par d’autres. Son cerveau est une usine à images. »

De ces visites, son frère demandant pourquoi ces visites, de cette réponse si pragmatique et naturelle.

« Je viens parce que je viens. »

Beaucoup de passages ont éclairés mon plaisir de lecture de diverses manières, le plaidoyer contre ces industriels de pesticides de la jeune femme de Laon, son mari a un Lymphome, le roman l’Astragale, l’ayant lu aussi, la métaphore sublime sur les champs et les personnes, le cri puissant de Sylvain, sur son lit d’hôpital avec sa sœur, contre Monsanto, le beau passage où sous les mots de la sœur du malade explique son écriture et le sentiment qui l’accompagne , surprenant, voir déroutant, cette lettre au médecin, fictive car mise en boule puis mis à la poubelle, une demande de grâce, de sursit, l’annonce de son médecin, de la fin de son traitement, sans vie , sans humanité, d’une brutalité sauvage et froide, tel un bourreau venant le tuer avant de mourir, et autre aphorismes diamantant ce roman d’émotions diverses.

Le lien fort que Gisèle Bienne tisse avec son frère est éternel, je le redis encore une fois, mais c’est la force de ce roman, les images remplissant le cerveau de Sylvain, les mots pour sa sœur, l’un paysan empoisonné par des marchands de mort, l’une écrivaine, puisant son écriture dans la vérité de soi, une sincérité émotionnelle dérangeante mais tellement réelle au-delà du roman, une écriture humaine.

Merci Gisèle Bienne d’avoir écrit ce roman, d’avoir réussi à proser le fond de vote âme pour nous l’offrir le temps d’une lecture, d’avoir aimé ce frère, devenu à jamais réel dans le cœur de vos lecteur, d’une littérature que vous œuvrez depuis toute jeune, Marie Salope, votre premier roman, d’avoir dénoncé ce monde cruel qui tue sans relâche des agriculteurs des habitants à proximités de ces champs gorgés de produits phytos,

« Les céréaliers de la plaine sont addicts aux produits phytos. Les produits phytos, c’est la drogue des champs. »

Son frère tué par ces produits, ayant toutes sa vie de ses mains tenues des outils, aidé les gens, travaillé sans relâche, asservi par une société consommatrice meurtrière et vénale, cet homme humble, père de famille, la main toujours prête pour serrer, tourner, arracher, planter, caresser…Un regard fort et doux, aimé du service du personnel de l’hôpital.

Ces mots sont des larmes d’affection d’une sœur pour son petit frère.

Merci.

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