Citations de Grégoire Polet (134)
Au début, il y a de la matière et il y a aussi de l’esprit, de la psyché, sinon d’où viendrait l’esprit qui nous permet de penser la matière ? Oui, il y a de l’esprit en même temps que de la matière, dès le début. L’hélium, c’est de l’hélium et de l’esprit. C’est de l’hélium et l’esprit de l’hélium. Et de même que l’hélium et d’autres éléments matériels élémentaires s’associent, se développent, évoluent, forment un univers, des galaxies, le Soleil, la Terre, puis l’eau et la vie, de même l’esprit se développe et évolue jusqu’à devenir conscience, jusqu’à devenir ça, ça dans ma tête, penser, ça qui prend toute la place
" Paris, quelque part entre le dix-neuvième et le vingtième arrondissement,
les habitants se croisent, se frôlent, se rencontrent parfois..."
L'histoire de la faim est une histoire d'amour, qui commence par une séparation. La faim est une supplication, et manger, la tentative toujours frustrée de se réconcilier. Manger ne réconcilie pas, mais manger console. Et l'homme qui ne peut manger est un homme sans consolation. Il n'y a pas d'abandon plus terrible que de mourir de faim.
Ce serait peut-être bien de commencer par la faim.
" Les bouts de ficelle ". C'est un titre bien énigmatique pour un livre... Un livre que je ne me souvenais même plus d'avoir acheté et qui devait traîner dans ma P.A.L numérique depuis un bon moment. Et puis parfois, ça arrive, on cherche une distraction, histoire de s'occuper et on tombe sur une petite perle. La vie ne tient qu'à une coïncidence, un fil et souvent même, un bout de ficelle.
Sans même le savoir, au moment où je lisais la première page, j'entrais pleinement dans l'esprit de ce livre qui parle du destin, des rencontres fortuites et surtout du fait que nous sommes tous reliés les uns aux autres par le fil tenu et éphémère de la vie.
En prenant pour scène l'effervescence d'une journée Parisienne, dans un quartier en particulier, l'auteur nous montre à quel point nos vies peuvent se croiser et que rien n'est anodin. Il raconte le quotidien d'une rue : les pompes funèbres, le magasin de chaussures, l'agence de voyage en faillite, le bar QG du quartier et de tous ces banals êtres humains qui l'animent. Dans les premières lignes, il dresse un portrait externe des personnages et se contente de nous décrire des scènes au cours desquelles on capte quelques bribes de leurs personnalités. Puis le récit avance et on entre complètement dans la vie de ces individus, on découvre les petits détails de chacun d'entre eux et on les devine, à un moment ou un autre, égratignés par la vie.
Quatre-vingt quinze pages, c'est court pour s'attacher à des personnages, beaucoup trop diront certains, et pourtant c'est un pari qui fut pleinement gagné me concernant. En quatre-vingt quinze pages, j'ai créé un lien ténu avec Éva, la jolie modèle pour publicité sourde et muette, avec Annabelle la jeune obèse et vendeuse de chaussures qui tente de réinventer sa vie grâce à l'aide d'un vieux et généreux médecin, avec Richard, le businessman qui peine à assumer son rôle de père et surtout avec Irwing, cet écrivain doté d'une grande lucidité... Tout simplement, les personnages sont vivants.
Pourtant dans cette histoire, l'héroïne n'en reste pas moins Paris ! Ville de romantisme par excellence elle sublime avec éclat la poésie des vies quotidiennes. Cette histoire est une bien jolie façon de découvrir autrement notre capitale. Une ode à la banalité dans ce qu'elle a de plus surprenant et qui me fait penser à un adage que j'affectionne tout particulièrement " Le meilleur arrive toujours quand on s'y attend le moins... ".
C'est une très bonne découverte pour moi. L'écriture moderne et dynamique de Grégoire Polet correspond bien au format de ce livre, puisque les Editions Storylab s'attachent à proposer des titres numériques à lire en moins d'une heure ; et pourtant j'ai été surprise par le lyrisme dont il fait preuve, notamment par la description des petits bonheurs. En une phrase : j'ai été dans ma bulle pendant une heure. Je ne connaissais ni l'auteur, ni ce type de petite lecture et autant dire que si toutes les histoires de Storylab sont aussi charmantes, je suis prête à faire de leurs ouvrages mes " Spécial voyage".
Roman électrisant qui nous emmène à travers les récits de vie d'une quinzaine de personnages dans une Europe en crise. Un roman très humain ou chacun peut s'y retrouver. Un rythme et une écriture légère, une très belle découverte.
Et , rien que de savoir qu'il s'approche de Pitcairn et d'un petit bout de terre ferme, sa pensée déjà retrouve du calme, s'incarne dans des formules possibles à noter dans son carnet. Des pensées qui marchent sur deux jambes, qui se tiennent debout, qu'on peut avoir devant soi et avec qui l'on peut parler. Un peu civilisées.
- Miquel Tarras cite Coriolan?
- Oui.
- Il aura ma voix.
- Tu as vu son programme électoral?
- Non. Mais s'il cite Coriolan, je vote pour lui. Une tête où Shakespeare s'est promené vaut beaucoup à mes yeux.
Autour de lui, sa librairie. Comme le vieux cadre autour d'un portrait. Petite bouquinerie, livres anciens et d'occasion, grimpant aux murs comme du lierre, formant sur les tables des piles irrégulières et obliques comme une architecture de Gaudi.
Il y a des jours comme ça, où tout va bien. Du plus petit détail jusqu'au grand tout, des jours où le monde est un chef-d'oeuvre.
Agir pour un système en postulant a priori que le système est bon pour les gens, ça porte un nom, qui va vous faire bondir. C'est du totalitarisme.
Puissants et contestataires, c'est deux façons d'être con.
l'homme est la créature misérable d'un Dieu misérable.
On meurt aussi bien en business qu'en tourisme.
Quand on voit par qui on est dirigés, en haut, on n'a pas de mal à éprouver de l'estime pour les ordures d'en bas.
Maintenant, il manipule le joystick, il zoome, dézoome, il balaie la ligne lumineuse de Goya, passe le grand carré de la Plaza Colon, vise de côté et agrandit Bilbao, cœur éclaté de sept artères, disques ou cadran où la vieille clocharde tourne dans le sens qui remonte le temps. Puis, il filme Sol, Gran Via, la Plaza Mayor, le Palais royal, la Plaza de Espana, les hauts immeubles, le sommet triangulaire de l'Opéra, il zoome, dézoome, il revient. Il lâche encore un juron.
La vitrine du Comercial ne reflète pas le désarroi, mais seulement la grande tache jaune qui s'éloigne du kiosque, enjambe les rubans rouges et blancs du petit chantier et s'engouffre dans la tranchée, tout à fait engloutie, d'où monte à présent, interrompue depuis un quart d'heure, l'énergie bruyante et brutale d'un marteau pneumatique heurtant le fond de la ville.
J'étais comme la Providence, et certains ne m'attribuaient rien - au fond, les plus naïfs-, et certains m'attribuaient tout - les plus sceptiques, ceux qui soupçonnent toujours le faux et qui ne voient rien sans renifler l'arnaque, la manipulation et le complot.
Puisque certains diamants synthétiques sont indifférentiables d'avec les naturels, pourquoi cette dame s'offusque-t-elle le jour où le bijoutier lui apprend que sa pierre est fausse et pourquoi cesse-t-elle de la mettre à son doigt? La beauté de sa bague n'est-elle plus pareille? A-t-elle perdu, objectivement, de sa splendeur?
Le vrai le faux sont des inventions commerciales, des plus-values de marchands, des mensonges de maquignons, des arguments d'hypocrites. C'est une manière de créer des supériorités, de justifier des exclusions, d'exagérer des amours, d'exacerber des haines. Une manière de fonder le bonheur des uns sur le malheur des autres. Une raison de nier l'égalité, d'empêcher la fraternité, de miner la paix et de justifier les guerres.
Souvent le gourmand n'attache pas assez d'importance à sa gourmandise. Pourtant il est un orateur, la table est son éloquence et ses invités sont un public. Il se montre, il se déclare, se donne à voir et se donne à manger. (…)
Le gourmand (…) est un lyrique. On remonte au je caché du gourmand mangeant à sa table comme on remonte au moi caché du poète en lisant son livre ouvert.
Il met son je à table et son moi en scène. Et quand il reçoit, il se donne en pâture et se publie. Il se confie.