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Critiques de Guéorgui Gospodinov (45)
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Le pays du passé

Dans une petite clinique de Zurich, l'énigmatique psychiatre Gaustine imagine une façon de déclencher la mémoire des malades Alzheimer. Grâce au décor de leur chambre ses patients peuvent se replonger dans leurs années heureuses et ainsi fuir un présent qui ne s'imprime plus dans leur mémoire et par conséquent leur échappe. Mais l'idée séduisante à titre individuel devient beaucoup plus problématique quand Gaustine décide d'étendre le concept à toute l'Europe. Après l'organisation de référendum les périodes heureuses choisies par chaque état n'étant pas forcément les mêmes comment peuvent-ils vivre dans des espaces temps différents ?



Guéorgui Gospodinov, dans ce roman sur la mémoire, individuelle et collective, explore l'histoire européenne du XXe siècle et surtout celle de son pays, la Bulgarie. Une analyse intéressante qui peut-être pèche par ses nombreuses digressions et par ses références, non moins nombreuses, à l'histoire et aux spécificités bulgares qui nécessitent un minimum de connaissances sur le sujet (ce qui vous l'aurez compris n'est pas mon cas 😊). Même si elle s'est révélée un peu laborieuse, une lecture séduisante par l'inventivité d'un auteur qui offre incontestablement une nouvelle façon d'appréhender l'histoire européenne récente.
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Le pays du passé

«  La vérité , c'est que la Suisse était le pays idéal, me dis- je, à cause du degré zéro de temps. »

«  Un pays sans temps peut être très facilement habité par toutes sortes de temps »

«  C'était un travail idéal pour moi .En fin de compte, c'est ce que j'avais toujours fait: flâner dans les passages du passé [ ……] , je pouvais voyager , me balader sans but apparent, enregistrer les faits les plus insignifiants 1939, 1942 ou 1968. » .



«  De toute façon, il n'y a pas d'autre machine à remonter le temps que l'homme » .



Quelques passages de ce livre ambitieux , imaginatif qui ressemble plutôt à un essai…..



Et s'il devenait possible de retrouver son passé ?

Depuis une petite clinique de Zurich, le psychiatre de formation Gaustine, invente une certaine façon de déclencher la mémoire des malades Alzheimer , fuir de toute façon un présent , hélas qui leur échappe , et ne représente plus rien pour eux .



Comment ? Grâce au décor de leur chambre les patients ont la possibilité de replonger au coeur de leurs années sereines .



L'auteur explore à sa manière, très particulière la mémoire individuelle et surtout explore l'histoire européenne du XX ° siècle, surtout celle de son pays natal, la Bulgarie .



Il passe d'une temporalité à une autre , la narration n'a absolument rien de classique : réflexions intenses sur la nostalgie, le temps, la mémoire , ses fixations et ses pertes. Il en décrit toutes les manières .



L'analyse est très intéressante , gâchée par trop de références et de digressions .

C'est imaginatif, ambitieux , fascinant, très curieux , déstructuré .

Pour moi un roman extravagant qui interroge notre rapport individuel comme politique à la nostalgie .

Il nous invite à nous pencher sur le miroir des souvenirs .

Un vraie curiosité, cet ouvrage où règne un désordre organisé, une lecture un peu difficile .

Pas le moment propice !

Mais ce n'est que mon avis bien sûr ! .

D''autres lecteurs y trouveront très certainement leur compte .

Emprunté à la médiathèque.



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Le pays du passé

Le présent vous semble détestable ? L’avenir incertain ? Et si vous essayiez le passé ? Car au moins, lui, est connu. Donc rassurant, dès lors qu’on sait bien le choisir.



Dans Le Pays du passé, Guéorgui Gospodinov – traduit par Marie Vrinat – livre à son tour sa version romancée du retour en arrière. Rien d’original me direz-vous. Sauf qu’ici, aucun artifice pour le justifier. Pas de choc émotionnel, pas de DeLorean, pas de super pouvoir, pas de coup de foudre ou d’alignement exceptionnel de je ne sais quels astres.



Chez Gospodinov, dans cette Europe contemporaine, le retour dans le passé est voulu, pensé, organisé, par les soins de Gaustine, visionnaire mystérieux dont le narrateur croise la route à intervalles irréguliers. Dans sa clinique spécialement créée pour l’occasion, il recrée pour chacun de ses patients l’environnement de sa période passée préférée, soignant les détails : meubles, journaux, musiques, informations…



« Alors peut démarrer la confusion des époques, le dédoublement du temps et le dédoublement des êtres. Alors la mémoire se trouble et s’étouffe peu à peu ». Dans ce retour en arrière recomposé, est-on plus heureux ? La question reste posée. Mais on y est au moins apaisé !



Devant le succès, la demande va croissante et les cliniques se multiplient, validant les bienfaits de la vision de Gaustine. Au point d’intéresser les États européens qui se mettent à imaginer replonger entièrement leur propre pays dans sa décennie passée la plus heureuse. Dans chaque pays, les référendums s’enchaînent. Mais comment faire désormais cohabiter des pays fédérés mais vivant dans des espaces de temps passés différents ?



Décrite comme cela, l’histoire semble attirante et linéaire. Attirante, elle l’est. Linéaire, beaucoup moins. Car du début à la fin, Gospodinov joue avec le lecteur, avec le style, avec ses personnages, avec la construction et avec les époques. Et c’est tout ce qui fait le charme de ce livre déstructuré, qui semble parfois partir dans tous les sens (générant quelques longueurs) mais retombe à chaque fois sur ses pieds (relançant l’intérêt).



Si Le Pays du passé est assurément un roman, imaginatif et ambitieux, il aurait aussi pu être conçu comme un essai, tellement ses réflexions sur le temps, la mémoire, la nostalgie, l’être et son double sont omniprésentes et souvent fulgurantes, jaillissant au détour d’un paragraphe sans prévenir et sans toujours s’appuyer sur l’histoire romancée. Ou aussi un conte philosophique, comme le soufflent plusieurs de mes co-lectrices…



Il faut s’armer de patience lors de certains passages où Gospodinov laisse son esprit et sa plume filer (« J’ai encore fait une digression, qu’on me pardonne »), mais on lui pardonne sans souci car ses écarts sont souvent instructifs (eh oui, le premier animal dans l’espace ne fut pas une chienne, mais une mouche !) et il sait rapidement retrouver son rythme.



Enfin, Le Pays du passé porte au passage un éclairage intéressant sur la Bulgarie natale de l’auteur, qui loin des Gaillards nationalistes et des Sotz socialistes s’affrontant par référendum, interroge son passé et son identité. « …il devenait de plus en plus évident, avec la fraicheur de l’air nocturne qui m’aidait à me ressaisir, qu’il y avait deux Bulgaries et qu’aucune des deux n’était la mienne ».



Une belle découverte et un très joli style, une fois de plus issue d’une rencontre Varions les Éditions en Live qu’on ne saurait que trop recommander !
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Le pays du passé

Guéorgui Gospodinov prévient d'emblée : "tous les personnages réels de ce roman sont fictifs. seuls les fictifs sont réels." Cet avertissement, avant le début de Le pays du passé, est bien à l'image de son auteur, malicieux et déstabilisant. Le personnage principal du livre, le dénommé Gaustine, est insaisissable, passant d'une temporalité à une autre, avec facilité, mais Gospodinov le souligne : c'est lui, le romancier qui l'a créé, à moins que ce ne soit le contraire. Autant s'y faire, Le pays du passé n'a rien d'une narration classique, les digressions y sont nombreuses, les clins d’œil au lecteur également et l'auteur égrène volontiers certains de ses souvenirs personnels avec volupté. D'imagination, Gospodinov n'en manque pas, nous entraînant tout d'abord dans des cliniques très particulières où des malades d'Alzheimer retrouvent leur époque favorite dans une chambre au décor ad hoc. Comme si cela ne suffisait pas, le romancier conçoit ensuite, dans une dystopie étourdissante, une Europe où tous les pays abandonnent leur présent pour l'époque du XXe siècle où leurs citoyens ont été les plus heureux. Impossible de détailler la manipulation mais elle conduit inévitablement au chaos, dès lors que la nostalgie est encore ce qu'elle était (ou pas). Le livre est vraiment passionnant par endroits mais l'écrivain bulgare n'a manifestement aucun goût pour les intrigues linéaires et constelle son récit d'aphorismes, de citations et d'histoires parallèles. Un livre où règne le désordre, comme une mémoire où les souvenirs ne sont pas très bien rangés.




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Le pays du passé

À la toute fin de son roman, l’auteur « remercie tous ceux qui s’assiéront, un après-midi, dans l’abri-temps de ce livre. » C’est exactement ce que j’ai ressenti à la lecture, un véritable voyage dans le passé, du plus personnel au plus englobant, celui de la grande Histoire.

De l’épidémie des troubles liés à la maladie d’Alzheimer et aux démences dues à la vieillesse, Guéorgui Gospodinov en a tiré un roman fascinant et troublant.

Gaustine, un psychiatre gérontologue, ami du narrateur, a l’idée de créer des cliniques où faire revivre le passé pour des personnes atteintes du grand oubli lié à l’âge. Toutes les décennies du XXe siècle y seraient représentées selon les besoins. Rassurants et réconfortants, ces lieux, « abris antibombes du passé », obtiennent rapidement un succès tel, que même des États entiers souhaitent revenir en arrière dans une période plus propice afin de sécuriser du même coup une population entière.

Ici, point de machine à remonter le temps sophistiquée ni de stratagèmes alambiqués, l’être humain se suffit à lui-même.

Gospodinov se raconte aussi à travers ce récit hallucinant qui nous confronte à notre propre décrépitude et à celui, plus large, de la planète.

Et ne craignez pas que la lourdeur du thème pèsera sur votre lecture car l’humour y a aussi sa place.

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Le pays du passé

Une vraie curiosité que ce roman où l’on se réfugie dans le passé pour mieux fuir le présent. Pour ce faire le personnage principal, Gaustine, expert en Alzheimer pour le moins mystérieux, a inventé l’abritemps. Sa clinique connait un succès fou on vient de partout pour pouvoir revivre des sensations de son enfance. Jusqu’au jour où des nations entières décident de se réfugier dans le passé, chacun choisissant le sien sans se soucier de celui de ses voisins.

Vous m’avez comprise ?

Moi non.

Et c’est là peut-être le seul hic de ce roman fou et facétieux : on peu se perdre en route (surtout les références à la Bulgarie – l’auteur est bulgare). Une belle découverte néanmoins.

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Un roman naturel

Un divorce, ça n’impressionne plus grand monde aujourd’hui, et on voit mal ce qu’on pourrait ajouter de plus sur le sujet dans un roman. Alors plutôt que d’ajouter son point de vue personnel, l’auteur a décidé d’en ajouter une cinquantaine d’un coup : chaque chapitre adopte un nouveau point de vue, une nouvelle manière de raconter cette histoire qui est pourtant toujours la même. On passe de la mise au point très concrète entre quatre yeux à des récits proches du fantastique, d’une discussion entre copains à des ambiances étranges où on a du mal à distinguer ce qui est réel ou non.



Aucun de ces petits chapitres n’a d’importance en soi, mais couche par couche, on finit par se retrouver devant un mille-feuille assez appétissant. Certains chapitres prennent plus de sens une fois qu’on a lu un des suivants ; on a d’ailleurs presque envie de relire immédiatement le livre une fois qu’on l’a terminé.



Lecture assez intrigante, qui m’a laissé de bons échos, malgré une légère impression de confusion à la fin du livre, et d’être passé à côté de plusieurs références importantes. Le relire immédiatement aurait peut-être été une bonne idée finalement !
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Le pays du passé

Le narrateur rencontre l’évasif Guastine.

Ils vont ouvrir une clinique où, en tant que patient, on peut retrouver un passé révolu. Son passé.

Les premiers clients sont âgés, ils oublient leur présent et leur passé.

Ils peuvent en retrouver de brides sans angélisme.

Ils ne retrouvent pas seulement un passé heureux, idéalisé.



Un homme a oublié son passé, il dialogue avec celui qui devait le surveiller pour le régime bulgare.

Une femme se souvient de la vache morte quand elle fuyait la Bulgarie lors de la retraite allemande…



Petit à petit, le roman glisse. La clinique s’agrandit. On achète d’autres maisons, des villages qui passent hors du temps présent.

Et puis des pays entiers décident de quitter le présent pour choisir chacun une ancienne décennie.

Chaque État, organise un référendum pour en choisir une.

Alors entre amnésie collective, mise en scène un peu kitsch d’un passé embelli, chacun vote.

Nous sommes en Europe et chaque pays a bien des périodes « fastes » mais aussi des haines profondes, des conflits.

Un « No future » européen.



> Puisqu’une Europe de l’avenir est impossible, choisissons une Europe du passé. C’est simple, quand on n’a pas d’avenir, on vote pour le passé



Pertinent, n’est-ce pas ?



> Le temps d’aimer était passé, le temps de haïr était venu. Si la haine était un produit intérieur brut, alors le niveau de prospérité, dans certains pays, aurait très vite atteint des sommets inégalés.



Attention le roman n’est pas un pamphlet politique sur les vendeurs (en chemise brune) de glorieux passé.

C’est d’avantage, une profonde réflexion à la fois personnelle et plus large sur l’oubli, la mémoire, les relations avec les proches.

Une déambulation temporelle.



Un conseil : Laissez-vous emporter par la narration.



> Le temps ne se niche pas dans l’extraordinaire, il se cherche un endroit silencieux et tranquille. C’est dans un après-midi insignifiant que tu découvriras des traces d’un autre temps. Un après-midi durant lequel il ne s’est rien passé d’extraordinaire, rien sinon la vie même…



Bémol



Le bémol ne concerne pas le roman, mais moi !

Je ne connais pas assez l’histoire bulgare du XXᵉ siècle (hormis son appartenance au bloc de l’Est) pour profiter pleinement du roman.



Bonus



La Suisse y tient une place spéciale. La première clinique ouvre à Zurich.



> La vérité, c’est que la Suisse était le pays idéal, me dis-je, à cause du degré zéro de temps. Un pays sans temps peut être très facilement habité par toutes sortes de temps. La Suisse avait réussi à se faufiler, y compris dans le XXᵉ siècle, sans cicatrices particulières qui, sinon, vous maintiennent toujours dans des années définies.



Encore quelques citations



Je ne saurai approcher la délicatesse et la poésie de cet ouvrage.

Alors voici quelques citations :



> J’ai lu quelque part que la fleur de myosotis guérit de la mélancolie ou, pour le dire de manière plus officielle, a un effet antidépresseur. En outre, ses graines peuvent demeurer dans la terre pendant trente ans et germer lorsque les conditions seront favorables. Cette fleur se souvient d’elle-même durant trente ans.



> Cette force d’attraction du passé n’est-elle pas, en fin de compte, une tentative d’atteindre cet endroit stable, aussi loin qu’il soit en arrière, où les choses sont encore entières, où ça sent l’herbe, où l’on regarde de tout près la rose et son labyrinthe.



> Tant qu’on se souvient, on tient le passé à l’écart. C’est comme allumer un feu au milieu d’une forêt nocturne. Tout autour sont accroupis démons et loups, les monstres du passé raccourcissent le cercle mais n’osent pas encore entrer dedans. L’allégorie est simple. Tant que le feu de la mémoire brûle, on est le maître. Mais commence-t-il à s’éteindre, le hurlement va aller grandissant et les monstres viendront plus près. La meute du passé. Moins il y a de mémoire, plus il y a de passé.



L’ouvrage se termine par cette phrase de l’auteur



> Je remercie tous ceux qui s’assiéront, un après-midi, dans l’abritemps de ce livre.



Je ne saurais trouver une meilleure conclusion.
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Le pays du passé



Nous voici quand le retour du passé devient "l'avenir sombre", telle une dystopie à l'envers devenant par la même une uchronie, un «non-temps», non parce qu'il n'existe pas mais parce qu'en fusionnant le passé, présent et futur, ce "tous les temps" devient paradoxalement une absence de temps.



Ce premier attrait rapidement perçu se double très vite d'une épaisseur supplémentaire quand on découvre dès les premières pages que se mêlent dans ce "tous les temps" aussi bien des personnages réels que des personnages fictifs créés par l'auteur lui-même, donnant alors la sensation au lecteur d'un palais des glaces vertigineux où aucune certitude n'est possible et où il est impossible de savoir ce qui est réel ou reflet.



Les temps disloqués et la fiction devenant réelle - la réalité devenant fiction - entraînent une réflexion foisonnante sur le temps, la définition du passé, la vieillesse (faite de "longues manœuvre solitaires, attente" "entre l'horloge et le lit" comme le titre de cet autoportrait peint par Munch" p67), la perte de mémoire, la mort, l'Histoire, savamment teintée d'une parfaite mélancolie nostalgique.



Entre Vienne et Zurich - "une ville aussi calme qu'un cimetière" où "y ont trouvé l'ennui Canetti, Joyce, Dürrenmatt, Frisch et même Thomas Mann"(p33) et où "deux découvertes du XXe siècle liées précisément au temps ont eu lieu ici, justement, en Suisse: la théorie de la relativité d'Einstein et La Montagne magique de Thomas Mann"(p35); entre le 1er septembre 1939 à Londres avec les carnets d'Auden "Uncertain and afraid" à l'invasion de la Pologne, quand le quotidien se transforme en Histoire, ou un autre 1er septembre à New York, on se retrouve auprès de notre narrateur romancier, ce "je" sans nom à rechercher dans les époques et les lieux son personnage Gaustine qu'il a lui-même imaginé - ce dernier se moquant ironiquement des difficultés à être retrouvé par celui qui l'inventa - et avec qui il se retrouve finalement à fonder "la première clinique à produire du passé"(p54).



On suit les reconstitutions par étage de décennies à destination des "patients à la mémoire en train de disparaître, Alzheimer, démences", "pour tous ceux qui vivent uniquement dans le présent de leur passé" (p51) ainsi que les questionnements divers sur l'existence de date de péremption pour le passé (p48) ou de savoir si "le passé n'est pas seulement ce qui nous est arrivé. Parfois, c'est ce qu'on n'a fait qu'inventer" (p55) - la Suisse par exemple étant "le village bulgare idéal" de l'enfance du narrateur "tel qu'il n'avait jamais existé" (p154).



Au-delà de considérations très pragmatiques pour un collectionneur de passé comme le fait "qu'il n'y ait pas de machine à mémoriser les odeurs" (p59), des récits et des réflexions s'enchaînent: sur ceux qui n'ont pas "d'affinités avec l'avenir", l'avenir radieux résonnant "de manière si lointaine et vide" (p71), sur des réclames dans les journaux jaunis qui sont comme une porte d'entrée dans le passé ou encore sur la force d'attraction du passé s'appuyant sur l'Odyssée, jugeant que "la nostalgie est le vent qui gonfle les voiles d'Ulysse", rentré pour le souvenir de la fumée qui s'élève de la cheminée et dont on pourrait imaginer une fin tragique d'être auprès de Pénélope sans plus se souvenir de son nom (p128), témoignant de la vie "pire que les voleurs de grands chemins" qui nous vole peu à peu notre mémoire (p131); ou enfin, sur le fait que les hommes sont "des fabriques de passé", "des machines vivantes de passé" (p132), sur le fait que le passé n'existe qu'au singulier (p146) ou encore sur les questions de savoir si le passé meurt, s'il peut être volé, recyclé…



Après Zurich, d'autres établissements prennent vie ailleurs, en Bulgarie ou dans différents pays, les étages se multiplient, années 1960, années 1940 et 1950…et même années 1970, les pertes de mémoire affectant des personnes de plus en plus jeunes. Vient ensuite l'évocation de la construction d'une "ville entière dans le temps" (p98) afin d'éviter la brutalité douloureuse de n'entrer que temporairement en régime de réminiscence, éviter les ruptures jusqu'à l'échappée d'un homme qui pense que le monde réel est une sorte d'expérimentation du futur, le passé étant devenu son réel. Les cliniques commencent à s'ouvrir aux proches des patients, puis la possibilité d'y rester est proposée afin d'"ouvrir du temps pour tous", comme "ouvrir une fenêtre dans le temps pour que les malades y vivent" (p115). Puis, ils envisagent même leur établissement pouvant aller jusqu'à un Etat entier, à des fins thérapeutiques en créant pour leur patients "un espace synchronisé avec leur temporalité intérieure", un "abritemps" (p51), un droit "au souvenir du bonheur" (p52).



Peu à peu, le passé se transforme "en baleine blanche" que l'on poursuit "avec la passion aveuglante d'Achab" (p134) et "c'est alors que le passé partit à la conquête du monde" (p139), se transmettant "d'homme à homme comme une épidémie", et "insensiblement, les gens en habits traditionnels commencèrent à conquérir les villes" (p140) et un "référendum pour le passé" se met en place en Europe (du verbe re-fero en latin, "qui veut dire "faire revenir en arrière" -"le retour en arrière était engagé par le mot même" p149). Des laitiers reviennent avec leurs bouteilles sur le perron, des meetings s'affrontent une semaine avant le vote, et la Bulgarie se ferme comme un piège qui claque (p247), frontières fermées, perquisitions inattendues, un abonnement à l'Œuvre ouvrière (p247) et la population "commence à s'adapter incroyablement vite" tandis que " les citoyens incrédules qui vivent encore en suivant une inertie démocratique …remplissent peu à peu les maisons d'arrêts" (p249).



"Les Etats heureux se ressemblent tous, les Etats malheureux le sont chacun à sa façon, comme il est écrit" (p254) et effectivement, "aucune nation" ne veut "renoncer à son malheur", "le pétrole de la mélancolie est leur unique ressource inépuisable". "Le bonheur n'entre pas dans les manuels d'Histoire", "le bonheur n'est que pour les abécédaires et manuels de conservation en langue étrangère, et encore, pour débutants", "avec le bonheur, on ne forge pas d'épées, c'est un matériau fragile, cassant" (p255), "on ne peut mobiliser une armée sous les bannières du bonheur"…et voilà que pour la première fois, "le moment était venu de choisir un bonheur". (p256).



Et notre narrateur nous fait alors le compte-rendu et nous explique les résultats des choix des décennies à travers l'Europe, de 1980 pour la France aux années 1970 pour les pays scandinaves, dessinant la nouvelle carte du temps, avant de terminer par une dernière partie s'ouvrant sur "la boîte était ouverte…" (p293) où tel un final de feux d'artifice, le roman enchevêtre réel et fictif, mise en scène et fait historique, boucles de temps et bribes de souvenirs pour s'achever à la dernière page sur l'inéluctable, qui laisse un lecteur comme échoué après un long voyage sur mille plages à mille époques…



En somme, un brillant moment de lecture, au léger parfum délicieux de soufre d'un "Maître et Marguerite" ou d'un livre qu'on ne se souvient pas d'avoir lu mais qu'on avait adoré…
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Le pays du passé

Le passé est-il définitivement derrière nous ? 



Ne serait-il pas possible de le faire revenir ? Juste pour un temps. Pour ramener le souvenirs des jours anciens à ceux qui oublient. Pour contrer la vieillesse et Alzheimer. 



C’est l’idée du fameux Gaustine que rencontre le narrateur : recréer des appartements tout droits sortis des années 60 ou 70. Les années de l’enfance, réminiscences fugaces dans des cerveaux qui ne souviennent plus. 



Mais tout se complique quand cette idée se développe à l’échelle des villes puis des États. 



Surtout quand le narrateur ne sait plus vraiment si Gaustine existe vraiment ou s’il l’a inventé…



Énorme coup de cœur pour ce roman. L’auteur réussit un tour de force incroyable.



Il offre, tout d’abord, une réflexion passionnante sur la notion de passé et de mémoire. Que devient-on lorsque les seules années dont on se souvient sont celles de notre jeunesse ? Que perd-on lorsque l’on vit en regardant en arrière ?



Pourquoi les gens finissent-ils par regretter les années de leur enfance ? Comment faire lorsque la personne qui se souvient le mieux de votre vie est votre ancien bourreau ? 



Autant de thématiques sérieuses et pourtant, ce roman n’est pas sinistre. L’humour et l’ironie sont présentes dans des passages, absolument excellents, notamment celui durant lequel les Etats décident dans quels périodes du passé, ils souhaitent évoluer.



Les pages défilent entre réflexions philosophiques et références culturelles. Les pièces du puzzle s’emboîtent avant de se mélanger à nouveau. 



Pas de facilités, l’auteur semble prendre plaisir à changer les tons du récit pour aller jusqu’à tutoyer la dystopie. Le lecteur peut se perdre parfois à l’image des personnages mais jamais, il ne viendrait à l’idée de poser ce roman magistral. 



Tout est foisonnant, intelligent et divertissant. 



Si vous ne l’aviez pas encore compris, j’ai adoré ce roman et vous n’avez plus qu’une chose à faire : lisez-le !
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Le pays du passé

Quand Alzheimer frappe à la porte des mémoires, le présent s’efface et ne reste que le passé, de plus en plus lointain. Avec mes résidents, je m’adapte. Leur réalité devient la mienne, le temps que la mémoire leur joue à nouveau des tours.



Le mystérieux Gaustine, lui, psychiatre de formation, décide d’aller plus loin et ouvre une clinique d’un genre nouveau : un abritemps. Une pièce à l’intérieur de laquelle la personne malade peut évoluer dans une année heureuse de leur existence. Celle dont ils se souviennent. Ainsi, nul besoin de les confronter à une réalité angoissante qu’ils ne reconnaissent plus. Alors que ces abritemps sont de plus en plus demandés, Gaustine voit son idée prendre une toute autre tournure lorsque les pays d’Europe - et bientôt du monde - décident d’étendre le concept, non pas à l’échelle d’une chambre, mais d’un pays tout entier.



Mais comment cohabiter et avancer ensemble vers un futur commun, lorsque chacun évolue dans son propre espace temps ? Comment penser à l’avenir lorsque chaque pays a décidé de se retrancher dans la décennie la plus glorieuse de son histoire personnelle ?



Gospodinov signe ici un roman aussi ambitieux qu’inventif qui interroge sur la capacité de chaque état - et de chaque individu - à faire certaines concessions dans l’espoir d’avancer vers un but commun et bénéfique pour tous.



Une belle - et terrible - allégorie de l’Europe d’aujourd’hui, enlisée et étouffée, à défaut d’être engagée et solidaire.



Traduction de Marie Vrinat
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Physique de la mélancolie

« Physique de la mélancolie » n'est pas un ouvrage dont il est facile de faire la description : fiction, autobiographie, poésie, illustrations; le classement dans un genre particulier ne serait pas aisé.

« Je » ,« Nous », « Il », le narrateur est « multiple » dès les premières pages du roman.



Peut être que nous pourrions trouver ici le passage du « nous » au « je » : transition qui mène inéluctablement à la mélancolie : le socialisme bulgare s'éteint, les « je » se libèrent.



L'auteur (« minauthor ») classe, fiche, accumule, fait sienne la mémoire du monde, explore l'empathie dans ses moindres recoins : dans le corps de l'Autre, dans le souvenir de l'Autre. Un voyage qui nous fait perdre les limites de l'existence : « sommes nous ? ». Les époques, les âges et les frontières du vivant s'effacent.



Vous pouvez lire le roman de manière classique (page après page) mais vous pouvez aussi le parcourir au gré de vos envies, le feuilleter, vous en imprégner, vous accaparer ici et là des morceaux de vie.



La mémoire nous joue des tours : qu'est ce que le narrateur a réellement vécu ? qu'a-t-il emprunté des souvenirs de l'autre, qui est il vraiment ? Est-il ? La fiction, l'autobiographie, les vies se mêlent et nous même nous nous perdons dans ce joyaux narratif.

« Physique de la mélancolie » est plus qu'un roman, il est un objet littéraire.
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Physique de la mélancolie

« Je suis né à la fin du mois d’août 1913, être humain de sexe masculin. Je ne sais pas la date exacte. On a attendu de voir quelques jours si j’allais survivre et c’est alors seulement qu’on m’a déclaré. […]

Je suis né deux heures avant le lever du soleil, mouche à vin. Je mourrai ce soir après le coucher du soleil.

Je suis né le 1er janvier 1968, être humain de sexe masculin. Je me souviens dans le détail de toute l’année 1968, du début jusqu’à la fin. Je ne me rappelle rien de l’année en cours. Je ne sais même pas son numéro.

J’ai toujours été né. Je me rappelle encore le début de l’Ère de glace et la fin de la Guerre froide. Le spectacle de dinosaures mourants (durant ces deux époques) est l’une des choses les plus insoutenables que j’aie jamais vues.

Je ne suis pas encore né. Je suis à venir. J’ai moins sept mois. Je ne sais pas comment on compte ce temps négatif passé dans le ventre. […]

Je suis né le 6 septembre 1944, être humain de sexe masculin. Temps de guerre. Une semaine plus tard, mon père est parti sur le front. […]

J’ai des souvenirs de moi né comme buisson d’églantier, perdrix, ginkgo biloba, escargot, nuage de juin (ce souvenir est fugace), crocus mauve d’automne au bord du Halensee, cerisier précoce figé par une neige tardive d’avril, comme une neige ayant figé un cerisier leurré…

Je sommes nous. » (extrait du prologue de l’ouvrage).







Il est difficile de présenter un résumé de « Physique de la Mélancolie ». Cet ouvrage croise plusieurs récits mais ils sont relatés par un seul narrateur. Ce dernier est complexe, à la fois unique et multiple, car doté d’une empathie hors du commun, il expliquera d’ailleurs sa capacité à se fondre dans [le corps de] l’Autre pour ressentir les choses.



A l’instar de « L’Alphabet des femmes », « Physique de la Mélancolie » s’ouvre sur une préface (étayée, généreuse et réflexive) de Marie Vrinat-Nikolov. La traductrice partage son point de vue quant à la sensibilité dont il faut faire preuve lors de la traduction d’un roman ; tenir compte des jeux de mots, de l’ambiance, de la poésie, des références… tenter de construire des passerelles entre les cultures tout en ne dénaturant pas la culture d’origine (littéraire, populaire,…).



De fait, cet ouvrage nous ravit de métaphores nouvelles et de descriptions inattendues. Cette alliance magique et mélodieuse de termes, cette formulation souvent atypique, ravissent le lecteur. Ce rythme narratif original ne change pas les habitudes de lecture mais la manière dont le regard est posé sur les choses et les gens offre une familiarité singulière (donnant l’impression que l’on découvre un terrain pourtant connu). On se laisse envelopper par cet univers riche, parfois poétique et il est difficile de rester insensible à la musicalité du langage.



(...)



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Un roman naturel

C'est un roman bulgare; c'est donc un objet rare.C'est aussi un roman construit de manière très originale car le récit tient très peu compte de l'unité temps. C'est encore un bouquin érudit bourré de référence littéraire. Par certains côtés, il fait penser à Queneau. C'est enfin une bonne lecture et un bon souvenir.
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Le pays du passé

Ce livre a obtenu (fort méritoirement) le prix du "The international Booker Prize 2023)

J'ai trouvé ce livre surprenant, déroutant, inquiétant dans le fait qu'il "résonne" dans nos têtes comme un avertissement.

Il serait trop long d'en faire une analyse complète ici mais il s'agit d'un cri d'alarme au sujet des gens et ( des peuples entiers hélas) qui pensent que "c'était mieux avant" qui veulent revenir en arrière et retrouver un passé qu'ils subliment et fantasment. L'auteur nous en montre les signes avant-coureurs ainsi que les conséquences d'un tel retour en arrière

A lire absolument!

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Tous nos corps

Quelle bonne pioche, cette Masse critique ! Que j'aime quand la concision dit tellement de choses ! Tous nos corps, c'est ces histoires qui nous traversent, par les lectures, par les souvenirs, par le regard posé sur ce qui nous entoure. Ça fait sourire, ça surprend, ça interroge, ça fait dire "oh je connais ce sentiment !" ou "ah tiens c'est étrange", ça parle de la Bulgarie - ce pays où les gens "hochent la tête à l'envers" - et ça m'a rendu curieuse de sa littérature (je ne savais rien de cet endroit d'Europe orientale, il faut bien l'avouer...)

Tout ça avec des textes d'une page ou quelques lignes...

Ce livre me rend aussi curieuse des éditions Intervalles.

Une bonne pioche, quoi.
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L'alphabet des femmes

« Voici vingt récits de Bulgarie qui devraient vous donner l’envie de prendre le train jusqu’à ce pays dont on ne sait rien si ce n’est que le cœur des gens y bat à tout rompre pour des raisons toutes semblables aux nôtres. Car c’est bien l’humanité qui passionne Gospodinov ; mais cet enfant terrible de la littérature Bulgare adore changer de point de vue. Ce sont des histoires naturelles qui à la façon d’un kaléidoscope nous découvrent le monde dans les divers mouvements de la vie : la douleur de l’amour (une rencontre de passagers dans un hall de gare), les états d’âme d’un cochon – sacrifié – le jour de Noël, la distorsion d’un regard (l’œil gauche voit dans le passé et le droit dans l’avenir), la conversation entre deux étrangers, l’enfance, bien sûr, bref toutes les inquiétudes et les fous rires d’une vie » (extrait du synopsis éditeur).



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Cet ouvrage s’ouvre sur une préface rédigée par Marie Vrinat – traductrice – qui revient sur le parcours de Guéorgui Gospodinov et présente la démarche ainsi que les objectifs de la traductrice.



« Le parti pris adopté, ici, est de trouver des jeux de mots en français qui permettent d’une part de garder les images et métaphores filées dans lesquelles ils sont enserrés, d’autre part de ne pas s’éloigner trop de la culture étrangère, d’en préserver l’étrangeté et le rythme autant que possible (…) ».



Le résultat permet au lecteur de profiter d’une lecture fluide. Le style littéraire s’appuie sur une ambiance dans laquelle on s’installe facilement, faisant appel à une culture qui nous est familière. Pour autant, les métaphores employées sont totalement atypiques, faisant ainsi souffler un vent nouveau sur la tonalité de ces récits. Il n’y a aucune aspérité sur laquelle on buterait durant la lecture ; le travail de traduction est remarquable.



« Quand le monde matériel nous déçoit, nous écrase de sa banalité et nous ennuie, il nous reste les mots et les histoires qui invitent au rêve, au voyage, à l’imaginaire… » (extrait de la préface rédigée par Marie Vrinat).



Quant au contenu des nouvelles en tant que tel, la variété des histoires renouvelle à chaque fois le contexte, les personnalités en présence, leur façon d’interagir et d’orienter le dénouement de chaque récit vers quelque chose d’unique. Pas de redondances ici, tant sur le fond que sur la forme.



Un petit tour au cœur de l’ouvrage ?



L’Alphabet des femmes est la première nouvelle de ce recueil. Le narrateur, un romancier, est contacté par un ami d’enfance qu’il n’avait pas vu depuis de nombreuses années. Ce dernier sollicite l’auteur en vue d’obtenir de l’aide dans la construction d’un récit qu’il est en train d’écrire. « Toute ma vie, je n’ai eu qu’une passion : les lettres et les femmes ». Son travail d’écriture consiste à affecter le prénom d’une de ses amantes à chaque lettre de l’alphabet. Une quête insensée, un dilemme, une amitié forte seront les trois éléments fondateurs de cette rencontre surprenante.



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Le pays du passé

Au vu des critiques élogieuses, j’en attendais naturellement beaucoup, et c’est toujours dangereux. Une fois de plus, cela s’est soldé par une légère déception. Mais attention, ce que Gospodinov présente ici n’est pas rien. J'ai particulièrement aimé le jeu humoristique avec différents aspects du temps. Gospodinov combine ingénieusement critique sociale et satire absurde. Je pense surtout aux référendums hilarants où chaque pays européen peut choisir sa période préférée pour y retourner. L'auteur fait preuve d'une très bonne connaissance de l'histoire de chaque nation, et surtout d'une empathie particulière pour « l'âme » de chaque pays (cette âme est un concept ambigu avec lequel il joue consciemment).

Gospodinov s’intéresse, à juste titre, au phénomène de mélancolie profondément enraciné dans les actions humaines et dans les relations avec le monde. Il le fait bien plus largement que, par exemple, Krasznahorkai dans La Mélancolie de la Résistance, qui n’avait en tête que le populisme. Gospodinov évoque également le populisme (dans la campagne électorale dans son pays d'origine, la Bulgarie, par exemple), mais il le modifie dans une satire de l'hypocrisie du nationalisme et du communisme. Gospodinov illustre astucieusement que la nostalgie d'un certain passé découle principalement du désir de certitude dans des temps incertains et que le passé est donc à juste titre un abri.

Pour moi, ce qu'il y a de mieux dans ce roman, c'est le jeu que Gospodinov joue avec la temporalité, les modes de se rapporter au temps (le passé, le présent, le futur). Il rejoint ici le mouvement postmoderniste qui affirme que le passé est avant tout une construction du présent, donc le résultat d’un certain avenir. Plus d'informations à ce sujet dans mon compte historique sur Goodreads (https://www.goodreads.com/review/show/5912611889)

En conclusion : un roman absolument méritoire (bien que pas de chef d’œuvre), qui montre plus que toute autre chose comment le passé est une source de soutien à la fois pour l'individu et la communauté, une fausse source de soutien peut-être, ou mieux, plus que probablement une fausse source de soutien, mais de toute façon une réalité qu’on peut pas ignorer.
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Tous nos corps

Ce livre regorge d'histoires ou textes très courts (quelques lignes ou 2 pages au maximum).

Nonobstant ce format qui ne me convient pas, j'ai aimé l' humour dont fait preuve l'auteur (le texte sur la correctrice est jubilatoire) et la beauté de certains passages (Par charité).

Certains textes sont riches des sourires qu'ils suscitent, de souvenirs, d'émotions et de questionnements sur notre société actuelle et ses évolutions (rendent-elles l'Homme plus heureux ou davantage apte à apprécier ce qui l'entoure ?).



"Tous nos corps" est un condensé de richesses dans certains passages, de réflexions pertinentes.

Une finesse dans l'aptitude de l'auteur à voir ce qui est dans le cœur et la tête de l'Homme.

À découvrir !
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Tous nos corps

Bon, pour être direct, le livre a été présenté (dixit l'éditeur) comme « un recueil d'une centaine de micro-fictions environnementales », et en ce sens, c'est une bien grosse déception, et même une très belle farce ! Quelques textes ont bien l'apparence de fictions (surtout sur la seconde moitié), quand à l'aspect « environnemental », voilà un terme abusif et bien trompeur…

Cela dit, si l'on prend ce livre comme une série de micro-réflexions, écrits autour des observations de l'auteur lors de ses pérégrinations ces deux dernières décennies, et qui n'ont pas pour prétention de radicalement nous changer notre perception du monde, c'est plutôt correct, voire parfois même plutôt bon.





Ma sélection de courts textes :

- Tous nos corps

- Jusqu'à la porte

- Lait

- Dîner

- L'ange des livres non lus

Et quelques micro-réflexions : Nouvelles inquiétudes, Terre natale, Août, Dernières illuminations





Livre découvert à l'occasion d'une opération Masse critique.
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